Le temps défilait lentement à Neverland. La nuit, le jour, puis de nouveau la nuit. Les journées se ressemblaient toutes. Wendy avait perdu ses repères depuis bien longtemps. Elle ne savait pas depuis combien de semaines, de mois, ni d’années, elle se trouvait là, enfermée dans cette cage. Ses jambes lui faisaient particulièrement mal à force d’être assise à l’intérieur de ce minuscule espace. Elle avait à peine de la place pour s’allonger. Et c’est ce que Wendy voulait désespérément pouvoir faire. Se coucher et s’endormir à tout jamais pour s’échapper d’ici. Après tout, elle n’était qu’un jouet aux yeux de Peter Pan. Celui qui ne grandissait pas. Celui en qui elle avait cru un jour. A présent, il était son bourreau, son tortionnaire. Il était celui qui avait détruit sa famille, l’avait séparé de ses frères, Michael et John. Il l’avait écrasé et brisé. Elle n’était plus rien. Son corps agissait juste pour assurer sa survie ; son cœur était en miettes et battait simplement parce que c’était son rôle. Elle voulait l’arracher de sa poitrine et le jeter à travers les barreaux qui la retenaient prisonnière. Elle voulait hurler de toutes ses forces pour libérer le chagrin qui l’habitait depuis une éternité. Mais de l’énergie, elle n’en avait plus. Alors, à la place, elle se contentait de fixer le ciel et de compter les étoiles.

Repliée sur elle-même, les jambes collées contre sa poitrine et le menton, sur ses genoux, Wendy fixait le camp des Lost Boys. Pourtant, son esprit était bien ailleurs. Elle pensait à ses deux jeunes frères. Son ventre se tordit comme à chaque fois qu'elle songeait à eux et elle serra les dents pour ne pas pleurer. Tout ce qu’elle souhaitait, c’était s'assurer qu'ils allaient bien. Wendy savait que Peter les faisait chanter. Sa vie, contre du sale boulot. Et malheureusement, John et Michael tenaient à elle : si elle était encore vivante, c’était parce qu’ils se sacrifiaient pour leur soeur perdue. Mais Wendy était prête à se tuer elle-même pour sauver ses frères de l’emprise de Pan.

Le cliquetis d’un cadenas qu’on déverrouille la fit sursauter. Wendy devina sans peine qui venait d’ouvrir sa cage : Peter Pan. Elle replaça une mèche de ses cheveux derrière son oreille et leva timidement les yeux vers lui.
« Qu’est-ce que qu’il se passe ? » demanda-t-elle d'une petite voix.

Wendy n’espérait plus que Peter la libère de cette cage. Seulement quelques fois, elle se demandait pourquoi il s’obstinait à l’enfermer dans un si petit espace alors qu’elle était déjà à l’intérieur d’une prison. Personne ne pouvait quitter Neverland sans l’accord de Peter Pan. Peu importe la volonté que l’on avait de fuir l’île, seul l’opinion de Pan comptait.
Après lui avoir demandé si quelque chose de spécial était arrivé comme à chaque fois qu'il venait lui parler, Wendy baissa les yeux. Le regard sombre de Peter lui donnait toujours froid dans le dos.

« Pour le moment rien de particulier Wendy mais ça ne serait tarder. Les choses se mettent en place ici et le jeu pourra bientôt commencer. Tes frères m'ont d'ailleurs été d'une grande aide pour la mise en place. »

Elle ne fut pas étonnée une seule seconde que Peter venait simplement la libérer pour qu’elle prenne part à la partie de jeu qu’il préparait depuis longtemps. Bien sûr, elle n’était qu’un pion parmi tant d’autres. Elle se mit à tripoter nerveusement sa chemise de nuit salie par la terre. Au mot « frères », elle releva à nouveau les yeux vers Pan. Les questions fusaient dans son esprit : Qu’avaient-ils dû faire ? Qu’avaient-ils dû sacrifier cette fois pour le satisfaire ? Aucunes de ces interrogations, néanmoins, ne vint franchir la barrière de ses lèvres roses. Un sourire se dessina sur le visage de Peter.

« Bientôt nous aurons sur l'île de nouveaux invités et je ne doute pas que tu reconnaitras en notre premier invité des traits qui ne te sont pas étrangers...Un vieil ami à toi nous envoie son fils... ».

Wendy eut un hoquet de surprise. Baelfire. Elle le savait au plus profond d’elle. Cela voulait dire qu’il avait réussi à se sauver de Neverland. Elle lâcha un soupir de soulagement, la main sur sa poitrine, oubliant pendant un court instant la présence de Pan qui affichait son éternel sourire. Puis, Wendy fronça les sourcils. « Son fils ? » demanda-t-elle. « Bae a un fils ? » . Elle réalisa avec horreur que le temps qu'elle avait passé sur l'île surpassait totalement son imagination. Elle mordilla sa lèvre inférieure avant de se traîner hors de la cage. La jeune fille se redressa lentement face à Peter, qui la dépassait de quelques bons centimètres. Ses jambes étaient lourdes et elle tenta de rester droite malgré les fourmis qui lui chatouillaient les membres. Elle inspira profondément avant de demander, ses yeux verts défiant le regard de Peter : « Qu’est-ce que je suis censée faire ? »

Pour seule réponse à sa question, celle qui demandait plus une confirmation qu’une véritable révélation, Peter lui servit un grand sourire. Wendy prit une seconde pour réaliser que Baelfire s’était donc construit une nouvelle famille. Il avait réussi à quitter l’île, sans jamais savoir qu’elle, Michael et John étaient venus le sauver. La famille Darling avait été brisée par ce choix. Elle ne le blâmait pas, au contraire, c’était plus un soulagement de le savoir en vie et libre. Seulement, Wendy se voilait la face en rejetant la seule faute sur Peter Pan. Elle n’avait pas respecté la promesse faite à Baelfire, qui l'avait prévenu contre le côté sombre de la magie, et s’était envolée avec l’Ombre. Cette pensée lui déchirait les restes de son cœur meurtri. Pour sa survie, elle préférait ignorer cette partie-là de l’histoire.

Debout, en face de Peter, Wendy tentait de contenir ses tremblements. Elle frissonnait plus d’inquiétude que de peur. Pan ne l’effrayait pas, ou plus. En cent ans, elle avait appris un minimum à ne plus craindre le garçon dès qu’il venait simplement lui adresser la parole. Elle le fixa intensément, incapable de déceler la moindre petite émotion sur son visage. Peter restait un grand mystère.

« Tu resteras dans ta cage jusqu'au moment venu et là, il conviendra de montrer une nouvelle fois tout l'étendu de tes talents d'actrice... »

Wendy secoua la tête et recula d’un pas. La jeune fille s’était découvert un talent particulier pour la comédie, mais elle était loin d’en être fière. Mentir, elle ne supportait pas ça. Excepté quand elle croyait en la cause, comme cette fois où elle avait caché la présence de Baelfire à ses parents.
« A qui vais-je devoir mentir ? » demanda-t-elle, timidement.
Ce qu’elle devra raconter resteront les mensonges de Pan. Pas les siens. Ses yeux papillonnèrent un peu partout autour d’elle, comme pour chercher une porte de sortie. A chaque fois, qu’elle sortait de sa cage, l’envie de prendre ses jambes à son cou envahissait chaque muscles et chaque nerfs. Malheureusement, c’était une option qu’elle ne pouvait pas se permettre de choisir : la vie de ses frères était en jeu. On n’échappait pas à Peter Pan. Et surtout pas à Neverland, l’endroit où il régnait en maître. Alors, Wendy se contenta de jouer nerveusement avec ses doigts. « Bae…Bae ne croira jamais à tes mensonges.» lâcha-t-elle. Baelfire était loin d'être idiot, c'était certain.

« A l'enfant innocent qu'est le fils de ton ancien ami...Mais ne t'en fais pas Wendy, ça ne devrait pas être difficile, cet enfant est un vrai...Croyant... »

Wendy se mordit la lèvre. Elle serra sa mâchoire tellement fort qu’un goût de fer lui envahit l’intérieur de la bouche. La douleur l’aidait légèrement à mieux réfléchir. Peter lui avait expliqué ce que le vrai croyant signifiait à ses yeux. Ou plutôt ce que son cœur avait de particulier. Pan le convoitait, pour lui, pour obtenir l’immortalité. Au courant de ses horribles plans, Wendy se trouvait dans une position extrêmement délicate. Elle ne voulait pas mentir au fils de Baelfire. Ce serait comme trahir son frère adoptif lui-même. Elle l’avait déjà fait une fois et s’était jurée de ne plus recommencer. Seulement, la jeune fille n’avait pas le choix, et peu importe à quel point elle aimait profondément Bae, John et Michael passeraient toujours en premier. Et ça, Peter l’avait apparemment compris.

« Tu crois ? Tu te trompes Wendy, Baelfire me croira non pas parce qu'il sait qu'il peut avoir confiance en moi mais parce qu'il en sait en qui il ne peut pas... »

Elle ne saisit pas exactement le sens de ses paroles, mais Wendy commençait doucement à enrager. La colère était un sentiment qu’elle détestait ressentir. Une émotion qui assombrissait le cœur et corrompait l’esprit. Elle s’en voulait à elle-même, à bêtise, sa naïveté et à Peter. Tout s’emmêlait dans son crâne, partagée entre la loyauté envers Baelfire et l’amour qu’elle portait à ses frères. Et le fait qu’elle était fatiguée et bouleversée n’aidait en rien. La jeune fille joignit ses mains dans son dos et inspira. « Peter… » commença-t-elle, en levant les yeux vers lui. « John et Michael. Ils sont…toujours en vie ? Est-ce qu’ils vont bien ? »
Elle avait besoin d’être rassurée. Devoir trahir Bae sans rien pouvoir dire, ou faire, lui donnait la nausée. Elle allait aider à détruire la famille de celui qui avait tenté de sauver la sienne. Mais Wendy abandonna bien vite le combat, et, tandis qu'un énorme poids s'écrasait sur sa poitrine, elle annonça sa défaite. « Je ferai tout ce que tu voudras. C’est promis. »

« Bien sûr, pourquoi te mentirais-je. Tant que tu fais ce que je te dis, ils iront bien. Dans le cas contraire... »

Wendy fut légèrement reconnaissante envers Peter de s’être tu avant de placer le nom de ses frères et « mort » dans la même phrase. Elle ne voulait pas l’entendre, ni même l’imaginer. Après tout, elle avait déjà dû faire le deuil de ses parents. La jeune fille était une orpheline, comme la plupart des Lost Boys. John et Michael valait tous les sacrifices à ses yeux. Ils étaient la seule famille qui lui restait.

« A la bonne heure. Je te préviendrais quand le moment sera venu. En attendant, tu vas pouvoir retourner dans ta cage...Mais... »

Wendy, abattue, se prépara à retourner dans sa minuscule prison. Il lui fallait du temps pour réaliser qu’elle allait vraiment trahir Bae une deuxième fois, et que les conséquences allaient être similaires à celles de la première. Durant les quelques secondes de pause de Peter, elle s’agenouilla pour atteindre l’entrée de sa cage. Elle avait besoin de pleurer, de lâcher tout ce qu’elle retenait depuis le début de la conversation avec Pan. Mais elle ne le ferait pas devant lui ; elle ne lui donnerait pas cette satisfaction.

« En signe de ma bonne foi et de ton implication dans le plan, je t'autorise à te dégourdir les jambes quelques heures. Felix t'accompagnera pour te laver et marcher un peu. Ensuite tu reviendras et tu attendras mes ordres. »

Wendy s'immobilisa et ravala ses larmes. Il lui tendit, alors, la main et elle la fixa une demi-seconde avant de glisser sa paume dans la sienne, en tentant d’ignorer le sourire enjôleur qu’il lui adressait. Wendy les connaissait bien, ces sourires. Il fut un temps où elle se laissait facilement berner, malgré le fait de savoir quel genre de personne était Peter Pan. Elle se releva en prenant appui sur le bras du garçon, et le lâcha assez vite, comme si elle risquait de se brûler au contact de sa peau. Elle avait toujours trouvé Peter charmant en apparence. Seulement, elle cachait un sombre personnage, égoïste et malveillant. Du moins, c’était comme ça qu’elle le voyait.
Elle tourna le dos à Peter pour essuyer rageusement une larme qui s’était échappé de son œil droit avant de murmurer un « merci » presque inaudible. Elle le remerciait simplement par politesse. Exactement comme le lui avait appris ses parents. Wendy cherchait par tous les moyens de leur rendre hommage.
Felix l’effrayait un peu plus que Pan. Sa manière d'être, sa cicatrice et son regard lui donnait toujours froid dans le dos. Savoir qu’il allait l’accompagner durant les quelques heures à venir ne lui plaisait aucunement. Néanmoins, elle allait pouvoir se détendre les jambes, et se laver. Dans sa situation, cela valait bien la peine d'affronter tous les Felix du monde.