Enfin. Ce fut un écho qui résonna dans tout son être quand Mnémis ouvrit ses yeux sur la pénombre de son appartement. Le jour était finalement arrivé, celui où elle quittait Storybrooke pour retourner dans le monde qui l’avait vu naitre, celui duquel elle tirait son pouvoir, celui où elle appartenait. L’attente avait été longue. Il avait été difficile, surtout, de ne pas se jeter sur les haricots dès que ceux-ci furent disponibles. Mais l’oracle avait laissé le temps passer, observant les premiers groupes d’aventuriers passer le pont entre les mondes pour récupérer leurs terres – et se faire massacrer, par la même occasion. Ses pouvoirs s’étaient encore affaiblis. C’était d’autant plus frustrant. Elle ne savait pas ce qu’il se passerait une fois qu’elle serait de retour dans le monde des contes. Elle espérait que tous ses dons soient rendus, d’un claquement de doigt. Ça ne se passerait pas comme ça. Il y avait des sacrifices qui devaient être faits, des actes qui devraient être posés. Elle songea à tout ceci tandis qu’elle prenait ce qu’elle savait être sa dernière douche avant un long moment. Ah, les luxes d’une vie sédentaire allaient lui manquer. Ca n’était rien en comparaison de ce qui l’attendait dans la Forêt Enchantée. La vie à Storybrooke avait été sur le point de devenir ennuyeuse. Heureusement, tout ceci prendrait fin dans quelques heures.

A voir Mnémis de loin, personne n’aurait cru qu’elle s’apprêtait à retourner chez elle. Il n’y avait aucune excitation extérieure, aucune agitation. Elle avait même passé une nuit réparatrice, d’une traite. Il ne fallait cependant pas se tromper : elle était intenable, dans sa tête. Les voix ricochaient de tous les coins dans son cerveau, notant l’impatience de l’oracle, à l’exception de la voix de Rachelle, qui ne s’était jamais retrouvé dans cet univers, même si d’après elle ça serait amusant. Ce qui venant de son ancien avatar ne réservait pas que de bonnes surprises. Ca, Mnémis y était préparée. C’était même une des raisons principales pour laquelle elle avait fait appel à Sora. Ce que l’ancienne criminelle avait pour but ne pouvait pas être fait seul. Et le lapin était l’animal tout indiqué pour être son compagnon de voyage. Mnémis finit par fermer la porte de son appartement, glissant ses clés dans sa boite aux lettres, là où personne n’irait les chercher. Est-ce qu’elle avait l’intention de revenir ? C’était possible, pas obligatoire. Dans cette optique éventuelle, elle avait pris plus qu’un simple haricot magique. Mais ceux-ci n’étaient pas pour son usage personnel. Dans le monde des contes, ceux-ci avaient une certaine valeur, qui s’avérerait plus que salvatrice à quelques occasions. Elle avait bien l’intention de s’en servir…

Elle se balada dans les rues encore endormies de la ville, profitant de la matinée pour voyager tranquillement, sans subir les questions des éventuels curieux. Car il y avait toujours bien un badaud pour souhaiter bonne chance aux colons qui partaient du sol maudis de Storybrooke. Mnémis ne voulait pas attirer l’attention. Ce qu’elle allait faire, pour les jours à venir, pourrait éventuellement considérer comme des actes de hautes trahisons par certains. Soit. Elle arriva en quelques minutes devant le logement de Sora, dans lequel elle entra, jusqu’à arriver à la porte d’entrée de la coiffeuse. Sur laquelle elle donna des coups puissants, ne craignant pas de réveiller tout le bâtiment si nécessaire. « Debout mon lapin, je t’ai apporté des carottes comme tu aimes. » ou pas, mais il fallait bien faire bonne figure. Sur ce, elle continua de marteler la porte jusqu’à ce qu’elle s’ouvre.

Il était tôt. Genre, vraiment tôt. Et Sora n'était vraiment pas du matin. C'était d'ailleurs quelque chose que la plupart des clients de chez Granny avait appris sur elle : on ne lui adressait pas la parole avant qu'elle n'ait pris un bon café et ait eu le temps de se mettre quelque chose sous la dent. Ou en tout cas, c'était le cas pour la petite coiffeuse inoffensive. Effectivement, les choses étaient un peu différente pour la Sora d'origine. Après tout, elle avait vécu en tant que vagabonde se promenant seule sur les routes de la Forêt Enchantée. Elle était habituée à se réveiller à n'importe quelle heure si une quelconque nécessité se faisait sentir. Aussi ce n'était pas tellement surprenant qu'elle soit debout. Parce qu'elle avait justement une sacrée grosse, de nécessité, aujourd'hui. Pas que ça l'ait empêché de dormir, bien loin de là. Elle n'avait jamais de sommeil plus réparateur que celui qui précédait un nouveau départ. D'autant plus que cela faisait une foutue semaine qu'elle était dans tous ses états en prévision de ce moment. Sept longues journées pendant lesquelles ça avait été un joli bordel de pensées et d'émotions contradictoire à l'intérieur de sa jolie cervelle. Et le bilan n'était pas vraiment optimiste. D'une part, elle avait la charmante conviction que leur plan était foireux. Elle en avait pour preuve qu'il n'en avait justement aucun, de plan. Tout ce qu'elle savait c'est qu'elle accompagnait Mnémis pour une randonnée au monde des contes avec une bague invraisemblablement importante -vraiment, qu'est ce qui pouvait rendre l'oracle aussi sérieuse ?- pour joindre les ogres dans une folle farandole. Merveilleux n'est-ce pas ? Mais d'autre part Mnémis lui avait fait miroiter la jolie image d'une fée à sauver, solution à tous ses problèmes livrée sur un plateau en argent. Et même si tout en elle criait que les risques qu'elle prenait n'en valait pas la peine, qu'elle avait été heureuse de ses années d'errance malgré la malédiction, elle ne pouvait pas refuser. Dans le cas contraire, elle savait qu'elle passerait le reste de son existence à se demander comme aurait pu être sa vie si, après tout, le plan de son employeuse avait marché comme sur des roulettes.

Ceci expliquant cela, on retrouvait donc notre amie à une heure indue du matin, fouillant dans son sac pour vérifier qu'elle n'oubliait rien et que tout était à sa place. Elle lâche bien évidemment une malédiction contre ce sale arnaqueur de Rumplestilskin qui l'avait obligée à racheter son propre sac de voyage dans le processus. Encore heureuse que ce détestable voleur n'ait pas fait toute une histoire pour lui céder la bague. D'ailleurs, elle ne pouvait pas vraiment nier que le rôle du bijoux -qui n'avait pas quitté sa place au bout d'une chaîne placée autour de son cou depuis qu'elle avait mis la main dessus- dans leur aventure l'intriguait au plus haut point. Seulement elle savait mieux que de poser des questions à tout va. D'une, Mnémis ne lui répondrait probablement pas. De deux, elle n'était pas sure que s'il réussissait à obtenir une explication cette dernière ne le satisfasse. Alors elle préférait laisser sa curiosité de côté. De toute façon, si elle se laissait bien volontiers guider par ce trait de caractère dans sa vie de tous les jours, elle avait depuis longtemps appris à le tenir éloigné de ce genre de petit boulot. Elle remplissait sa part du marché, obtenait sa récompense et ne demandait pas à en savoir plus, merci bien. Le moins elle en savait, le mieux elle se portait. Une fois sure de ne rien oublier et de ne rien prendre de superflu, Sora s'accorda le temps de profiter une dernière fois de tout le confort que pouvait offrir une salle de bain moderne. Dieu seul savait quand elle aurait l'occasion d'en revoir une. Elle était en train d'enfiler des vêtements pratiques et confortables quand on toqua à sa porte. Finissant d'attacher ses cheveux en un chignon fonctionnel -oui, ce n'était pas la coiffure qui lui allait le mieux mais, bordel, il ne serait pas dit qu'elle laisserait ses cheveux voler au vent au risque de lui masquer la vue ou de se coincer dans ces satanées branches-, elle s'empressa d'ouvrir la porte avant que l'oracle ne réveille toute la rue. Niveau discrétion, Mnémis avait déjà fait mieux. « J'espère vraiment que tu as pensé à renouveler ton stock de blague parce que sinon on va s'ennuyer à mourir sur le chemin... » Rien que pour ce genre de désagrément qui allait de paire avec le caractère unique de son employeuse elle aurait du décliner l'offre. Pourtant elles étaient toutes les deux là et Sora balança son sac sur ses épaules, fixant aussi une dague toute neuve à sa ceinture. Enfin, elle passa la chaîne au bout de laquelle pendait la bague par dessus sa tête et la tendit à l'oracle. « Et voilà le bijoux, intact comme promis. Qu'en est-il de ce garde du corps dont on avait discuté ? »

« J'espère vraiment que tu as pensé à renouveler ton stock de blague parce que sinon on va s'ennuyer à mourir sur le chemin... » Mnémis fit la moue, déçue de constater qu’elle n’avait pas réveillé le lapin. Parce que c’était une des raisons pour laquelle elle s’était levée d’aussi bonne heure : de surprendre Sora. Bah, elle aurait de nombreuses autres occasions pour taquiner son animal de compagnie préféré. « Nan, tu sais bien, j’aime te voir exaspérée par mon manque d’imagination. » Elle lui accorda par la suite un grand sourire, tandis qu’elle reculait. Si Sora était déjà prête, il n’était nullement nécessaire que ces demoiselles passent leur temps à rester sur place. C’était une longue journée qui les attendait, tous comme les jours à venir. Il était temps de dire adieu à Storybrooke et au confort embêtant que cette ville les avait gratifié pendant presque trente ans. « Et voilà le bijoux, intact comme promis. Qu'en est-il de ce garde du corps dont on avait discuté ? » Ses yeux bleus suivirent le bras pour tomber sur l’anneau que gardait Sora. Mission accomplie. Une lueur étrange passa dans son regard, reconnaissant l’objet. Bien. Rumplestiltskin ne s’était pas moqué d’elle. Néanmoins, elle ne le prit pas, évitant parfaitement de le toucher. Mon précieuuux. « Garde le avec toi pour le moment. » L’anneau, simple, en argent, ne présentait aucun danger, pour personne. A l’exception de l’oracle, qui savait parfaitement de quoi il en retournerait si elle le touchait.

Mnémis passa une main dans ses cheveux, détaillant de la tête au pied l’ancienne coiffeuse. Elle fera l’affaire. Et plus encore. « Santa est passé du côté obscure de la force, il nous aurait poignardé dans le dos dès que possible, moi la première. » Il y avait un peu de regret dans la voix de l’oracle, tandis qu’une émanation de son pouvoir ricanait dans un recoin de son crâne. Ce n’était pas le temps de s’attarder sur les personnes qui ne les accompagneraient pas (bien que Mnémis rêvait de faire un tour sur le fameux traineau du Père Noêl. A défaut, elle aura au moins sauté sur les jambes de celui-ci…). « Tu n’as pas à douter de tes capacités. Et puis, un ogre – ou deux – ne te fera pas de mal. Tu es bien trop maigre pour leur servir de repas. » Elle rigola un peu. Si elle ne pouvait plus plaisanter sur la malédiction de Sora, Mnémis se ferait une joie de plaisanter sur ce qui les attendait. Surtout que la pauvre créature qui l’accompagnait n’avait aucune idée du futur. Mais promis, elle ne ferait pas d’insinuation trop douteuse : la brune ne voulait pas que son unique allié se fasse la malle par crainte de ce qui arriverait. Ainsi, se contenta-t-elle d’adresser un clin d’œil joueur à Sora avant de se tourner vers le couloir. « Viens. Le soleil ne va pas tarder à se lever là-bas. » Pour le lapin, cela ne pouvait rien dire, à l’exception des connaissances de base pour la survie en milieu hostile comme le monde des contes. Mnémis, elle, savait qu’elle avait des étapes à respecter si elle voulait éviter les problèmes qu’elle ne pouvait pas gérer.

Ça y était. Une soudaine pointe d’excitation, plus précipitée que les autres, lui saisit l’estomac et Mnémis enfonça sa main dans la poche de sa veste. Elle ne se saisit pas de son paquet de cigarette – elle avait fumé sa dernière hier soir. Mais d’un sachet discret en toile, où résidait des haricots blancs, contenant plus de magie que Mnémis ne pourrait jamais en avoir. Elle s’en empara d’un, tandis qu’elle évitait de montrer les autres à Sora – ce qu’elle ignorait ne pouvait pas lui faire de mal. « N’oublies rien, parce qu’on ne reviendra pas en arrière. » Jamais. Dis adieu à ton chez-toi. Ce n’était pas chez elle. C’était un monde qui l’affaiblissait à petit feu et dont l’oracle avait besoin de quitter. Heureusement, bientôt, elle retrouverait sa vrai maison, cette forêt qui l’avait vu naitre, là où elle n’était pas une étrangeté, mais qu’un élément banal. Mnémis se tourna vers sa partenaire. « A toi l’honneur. » tout en lui proposant le haricot, paume ouverte.

« Nan, tu sais bien, j’aime te voir exaspérée par mon manque d’imagination. » Sans blague. Sora retint de justesse un soupir à l'idée qu'elle ne savait pas pour combien de temps elle escorterait sa compagne. Elle était certaine que tout ceux qui avaient déjà eu affaire à l'oracle était parfaitement conscient qu'elle prenait un malin plaisir à exaspérer les autres. Cela faisait tout simplement partie de sa personnalité : elle adorait jouer avec votre petite cervelle. Etonnamment, ce n'était pas une chose qui avait changé avec la malédiction. Ce qui en revanche avait changé était la capacité de Sora à faire avec, capacité qui s'était nettement amoindrie. Peut être que le fait de ne plus côtoyer Mnémis aussi souvent que dans le monde des contes jouait. Ou c'était simplement qu'elle détestait avoir été si prévisible et si facile à convaincre. Elle avait l'impression de foncer droit dans le panneau sans aucune chance de pouvoir faire demi-tour. Agacée par le tour que prenaient ses propres pensées, la coiffeuse préféra écourtée la conversation en en revenant à la question de la bague. Et comme si elle n'était pas déjà assez intriguée, la voyante ne fit pas le moindre geste vers le bijou qu'elle avait pourtant tant tenu à retrouver. De plus en plus étrange. Sora accueillit pourtant la décision finale avec un haussement d'épaule et renfila la chaîne aussitôt. Peut être aurait-elle des réponses à ses questions plus tôt qu'elle ne le souhaitait réellement, des réponses qui ne seraient pas forcément à son goût.

Et comme pour justifier cette dernière idée, son employeuse lui annonça sans détours que le père noël ne serait pas de la partie. Et plus que de décevoir son âme d'enfant qui s'enthousiasmait à l'idée de voyager avec cet être de légende, la nouvelle ajouta à sa certitude que tout ceci était une mauvaise idée. D'une, elles n'avaient pas de garde du corps. De deux, elles voyageaient sans être masculin dans leur équipe ce qui voulait dire qu'elle n'aurait pas moyen de déclencher une salvatrice transformation. Et ce n'était ni ses couteaux de lancer ni l'arbalète dans son sac de voyage qui suffisaient à la rassurer. Elles auraient à faire à des ogres, bordel ! Si elle avait eu quelques doutes sur la santé mentale de Mnémis auparavant, aujourd'hui elle n'en avait plus aucun. Avoir de tels pouvoirs causaient apparemment certains dégâts non négligeables. Rien d'autre ne pouvait expliquer que toute cette petite histoire la fasse rire. Devant le peu de sérieux dont elle faisait preuve, l'asiatique ne put s'empêcher de râler. « Au moins on sait ce qu'il en est de l'étendue des pouvoirs de ton charme légendaire... » Mais l'aventure continuait malgré l'imprévu et Mnémis ne tarda pas à se retrouver avec un des haricots magiques dans le creux de la main. Sora ne louperait d'ailleurs pas de questionner l'oracle pour savoir comment elle s'y était prise pour en obtenir un.

La maudite jeta un coup d'oeil autour d'elle, embrassant son appartement du regard une dernière fois. Elle ne savait pas encore si elle reviendrait ici ou resterait dans la Forêt Enchantée, tout cela en supposant qu'elle ne meurt pas à cause des idées stupides de sa partenaire. Le sac sur le dos, la bague autour du cou et la dague à sa ceinture ; elle avait tout le nécessaire. Plus question d'aller chasser les fantômes avec Peter ou mettre en place des enquêtes farfelues avec Charlie. Plus de journées passées à couper les cheveux tout en parlant de tout et de rien et en se prenant amicalement la tête avec son assistante. Tout ça avait disparu avec la fin de la malédiction mais c'était seulement maintenant qu'elle le ressentait vraiment. Elle se savait prise au piège -rien de plus qu'un pion dans le jeu de la voyante- mais il n'y avait aucun moyen pour qu'elle laisse passer cette chance unique de mettre un terme à la malédiction. Elle prit une grande inspiration, se saisit de l'haricot et le lança, ouvrant par là un portail vers leur monde d'origine. C'était d'ailleurs la première fois qu'elle voyait à quoi pouvait ressembler une telle chose : un tourbillon vert de magie pure. Murmurant une dernière prière à tous les dieux, Sora ferma les yeux et sauta.

Etrangement, la chute ne fut pas aussi longue qu'elle le croyait et son corps fit rapidement plus ample connaissance avec un sol un peu trop dur et une racine vicieuse. Un grognement plus tard et elle était debout, à l’affût du moindre bruit trahissant la présence d'un ogre. Elle laissa passer un peu de temps avant de se détendre et se tourna finalement vers Mnémis. « Bon retour à la Forêt Enchantée. Maintenant fais moi plaisir et dis moi que tes pouvoirs sont revenus ; je détesterait vivre toute cette aventure sans eux... »

« Au moins on sait ce qu'il en est de l'étendue des pouvoirs de ton charme légendaire... » Mnémis haussa un sourcil joueur, laissant entendre à Sora qu’elle était prête à relever le défi de répondre à cette provocation. Cependant, elle doutait que le lapin ait assez de patience pour rester de glace à la réplique de la brune. Ce n’était pas une question de charme, mais plutôt d’un sort trop puissant pour que même la fameux maitre de Noël soit incapable de le vaincre. Mnémis n’était pas déçue du sort qui était advenu au Père Noël. Au moins, celui-ci avait la prétention de pouvoir devenir plus intéressant pour les adultes qu’il ne l’avait jamais été. Ce qu’elle regrettait, seulement, c’était qu’elle n’aurait plus l’occasion de le taquiner comme elle aimait tant le faire – surtout qu’il était un bon coup. Chaque individu avait sa manière de réagir à ses provocations et Sora faisait partie de ceux que l’oracle préférait. Dommage pour le lapin, qui devait, de ce fait, subir les pires assauts des voix capricieuses et de Mnémis, qui ne manquait pas de ressource, contrairement à ce que la coiffeuse affirmait. Eh oui, elle garderait le secret quant aux haricots magiques. Un bon oracle ne dévoilait jamais ses sources, n’est-ce pas ? « Pas de remarque de dernière minute ? » Le sourire de Mnémis ne vit jamais le jour sur ses lèvres, alors qu’elle observait le vortex magique s’ouvrir devant elles. C’était la première fois qu’elle changeait de manière consciente de dimension et une excitation nouvelle monta dans ses veines, ainsi qu’une toute petite appréhension. Tu sais ce qui t’attends derrière. Et Mnémis, normalement, ne devrait pas avoir peur. Il n’y avait rien de fondamentalement dangereux qui les attendait dans l’immédiat. Mais voilà, c’était la même expectative qu’attendait un enfant quand il s’apprêtait à vivre une incroyable aventure. Et quelle aventure ce serait.

Mnémis inspira un grand coup, ferma elle aussi les yeux et se laissa tomber… Pour arriver immédiatement à retrouver le sol familier du monde des contes. Couillonne. Elle roula des yeux à la remarque cynique et observa le lapin qui s’était pris les pieds dans une racine, avant de s’intéresser un peu plus à son environnement. Les lieux avaient changé, un peu. Les arbres avaient poussé, des débris, d’un passage d’orge, jonchait le sol et détaillait un chemin entre les fourrés. Ça avait changé, un peu, mais ça restait sa maison. « Arrête d’être tendue comme ça, il n’y a rien de bien dangereux à des kilomètres. » Merci GPS Mnémis, avec toi, les trajets sont toujours plus sûrs et il n’y a jamais de mauvaise surprise ~ Elle s’agenouilla, commençant à enlever ses chaussures. « Bon retour à la Forêt Enchantée. Maintenant fais-moi plaisir et dis-moi que tes pouvoirs sont revenus ; je détesterais vivre toute cette aventure sans eux... » Elle leva les yeux vers le lapins, assaillie d’éclats dans sa tête.Epouse-la ! Tandis qu’elle terminait de défaire la fin de ses lacets, elle ria un peu « Tu ne devrais pas dire ça en face de moi, tu viens de recevoir trois demandes en mariage. » Et autre incitation à faire des choses que Sora refuserait catégoriquement. Elle enleva finalement ses chaussures, enfonçant immédiatement ses pieds dans la terre humide du monde des contes. C’était ainsi que l’oracle se déplaçait, quand la forêt avait été son abri. C’était ainsi qu’elle foulerait le monde qui l’avait vu naitre. « Quant à mes pouvoirs, ne sois pas si impatiente. Je ne suis plus toute jeune, ce genre de chose prend du temps. » Mais au ton léger de l’oracle, il était évident que ce n’était pas aussi grave qu’elle le prétendait.

Et elle prit quelques secondes pour s’arrêter. Pour écouter, simplement, le flux de ces voix qui vivaient avec elle, en elle. Elle testa les limites de son don, qui s’étaient manifestées de plus en plus régulièrement avec la date du départ s’approchant. Elle réussit à tirer une ligne droite, sur les trois jours qui les attendaient. Au bout du chemin. Il y avait ce qui l’attendait, elle le voyait clairement. Quant aux ogres, ils résonnaient toujours de manière floue avec son don. C’était, néanmoins, différent. Ça ne grinçait plus dans ses oreilles comme ça avait commencé quelques semaines auparavant, ça ne resterait plus qu’un sifflement lointain. « Ça fera l’affaire. » Mnémis eut un sourire, apaisée. Après tout, elle venait de rentrer chez elle. « Allez, souris un peu, on ne va pas tarder à se jeter dans la gueule du loup. »

Rien de dangereux, c'était vite dit. Il faudrait déjà qu'elles se mettent d'accord sur la notion de danger, nos deux aventurières. Mnémis avait l'air bien trop détendue quand elle parlait de brigands et d'ogres pour que Sora soit totalement détendue. Les brigands, s'ils n'étaient pas en trop grand nombre, elle pouvait encore gérer. Encore qu'elle n'était pas habituée à sauver les fesses de quelqu'un d'autre que de sa petite personne... Mais les ogres, c'était une toute autre question. Elle n'en avait encore jamais croisée et s'en portait très bien. Elle essayait de se rassurer en se rappelant que l'oracle n'avait jamais parlé de se battre avec eux avant de se rendre compte que cette précision était peut être plus dérangeante que rassurante. Sérieusement, elle n'avait aucune idée de la façon dont sa partenaire évaluait les risques mais elle devait se fier à ses décisions et ça avait le don de lui mettre les nerds en pelote. Alors oui, elle serait plus que contente que ses pouvoirs mystiques lui reviennent le plus vite possible. Parce qu'il n'y avait pas moyen qu'elle oublie aussi simplement que Storybrooke avait en quelque sorte brûlé la batterie de Mnémis. Ce genre d'informations, elle les gardait gravées dans sa cervelle. Et le fait qu'elle se mette à rire tout en enlevant ses chaussures alors même que l'asiatique n'avait rien dit de spécial ne faisait rien pour aider cette dernière à se détendre. Que quelqu'un lui rappelle pourquoi diable elle avait signé pour cette mission suicide.

Et pourtant, le naturel commençait à revenir. Malgré sa mauvaise humeur et son stress, Sora ne pouvait tout simplement pas retenir un large sourire face à la remarque de Mnémis. « Seulement trois ? Tu me vois déçue, très chère. » Et encore plus déçue, à vrai dire, de la réponse à sa question. Il semblerait bien que son employeuse aurait besoin d'un peu de temps pour recharger les batteries, ce qui n'était pas pour le grand plaisir de la coiffeuse. Mais évidemment, les choses seraient alors beaucoup trop simple. Et on ne peut plus ennuyeuses. Sans prêter attention à la part d'elle qui s'était nourrie toute son adolescence de folles aventures aux quatre coins de la Forêt Enchantée, elle fouilla dans son sac le temps d'en sortir l'arbalète démontable et les flèches. Elle passa sac et carquois sur son dos, monta l'arbalète et l'arma. Là, elle pouvait se détendre. Bien sur, elle n'avait pas voulu la porter à Storybrooke, comme elle ne savait pas d'où elles partiraient. Elle aurait été bien embêtée de devoir laisser tomber la couverture de l'inoffensive coiffeuse. D'autant plus qu'une part d'elle était cette inoffensive étrangère, si éloignée que cela puisse être de son soi d'avant la malédiction. Qu'à cela ne tienne, ici l'adolescente qui ne se souciait de rien ne leur serait d'aucune aide.

Et aussi bizarre que cela paraissait, ce simple constat suffit à ramener la jeune maudite au premier plan. Et si sa façon de voir les choses n'étaient pas encore la même qu'auparavant, elle était déjà différent de celle qu'elle avait à Storybrooke. Et quelque part ça la rassurait : elle n'avait pas tant perdu qu'elle le craignait, elle pouvait revenir à son ancienne vie. Et autre part ça l'effrayait : elle avait aimé son insouciance, elle avait adoré sa vie là-bas. Comme quoi cette sorte de dédoublement de la personnalité ne serait pas si facile à effacer. C'est donc avec un sourire un peu grimacé mais tout de même amusé qu'elle répondit à l'oracle. « Et quelle merveilleuse perspective, n'est-ce pas ? Alors, où est-ce qu'on va le trouver, ce fameux loup ? » Parce qu'elle espérait que le peut de pouvoirs qu'avait la voyante suffisait à leur donner la voix. Elle n'avait pas vraiment envie d'errer dans les bois en attendant docilement que quelqu'un vienne leur chercher des noises. Merci, mais jouer les proies ou les demoiselles en détresse, ce n'était son genre dans aucun des deux mondes. Alors elle était là, armée et prête à en découdre, attendant seulement que Mnémis leur donne une direction ou un destination pour se mettre en route. Le plus vite elle sauvait cette fée, le mieux ce serait.

Si Mnémis était des plus heureusse – et soulagée- de retrouver sa si cher Forêt Enchantée, il en était tout autre de Sora, qui se tendait de plus en plus au fil des minutes passées dans ce monde. Il fallait qu’elle se détende, sinon l’oracle ne tarderait pas à lui faire des remarques sardoniques sur l’état du lapin. Tant mieux pour celle-ci, puisqu’elle s’était plaint du manque d’imagination pour les remarques de la brune. Elles avaient quelques jours de marche à tuer, avant d’arriver à destination. Il faudrait voir si Sora se retiendrait de lancer un carreau d’arbalète entre les deux yeux de sa compagne de voyage. Challenge accepted. Comme quoi, il y avait des voix qui s’en donnerait à cœur joie de titiller Sora jusqu’à ce qu’elle craque, un peu, pas trop. Mnémis avait tout de même besoin d’un compagnon de fortune, ou d’infortune, pour encore un petit bout de temps. Ce serait dommage qu’elle se retrouve seule pour aller dire bonjour aux ogres. Au fond d’elle, elle était persuadée que Sora était aussi impatiente qu’elle d’arriver devant ces villes créatures (ou pas). « Et quelle merveilleuse perspective, n'est-ce pas ? Alors, où est-ce qu'on va le trouver, ce fameux loup ? » Mnémis sourit, finissant de balancer ses chaussures dans un coin, ça ferait le plaisir d’un maraudeur dans pas longtemps. Le fameux loup, qui n’était pas Red, où était-il ? A l’est. Oui, ça, l’ancienne criminelle en était parfaitement consciente. Tout droit, jusqu’à ce que ses chevilles lui fasse souffrir et que la douleur soit passée. Mnémis tourna sa tête dans la direction qui serait leur cap. « Tu as la mémoire courte ma parole. A l’est il sera. » Qui avait-il au bout du chemin ? La forêt. Un frisson, pur, sombre, remonta l’échine de l’oracle. Elle tourna vivement la tête, réagissant à ce que venait de lui dire l’émanation de son pouvoir.

C’était mauvais signe. La forêt de l’infini. Quelle autre place plus avantageuse que celle-ci pour une armée d’ogre qui se retrouvait à affronter une résistance qu’ils n’avaient plus connu depuis 28 ans ? Mnémis passa une main dans ses cheveux, l’expression soudainement agacée. La forêt de l’infini, Mnémis n’aurait aucune difficulté pour s’en sortir. La difficulté résidait à retrouver les ogres, planqués dans cette forêt. Eh oui, il y avait des lieux qui restaient insondables, même pour un oracle. « Il sera bien caché. Et tu ne vas pas aimer où on se dirige. » Elle laissa planer un bref silence, songeant à garder le silence ou non, sur leur véritable destination. Sora finirait bien par l’apprendre. Elle n’aime pas quand tu gardes tes secrets. « Comme tout le monde. » se murmura-t-elle à elle-même et aux dix-sept voix qui connaissaient déjà l’issu de cette conversation et qui ricanèrent du soudain désarroi de leur hôte. Soit. Il fallait bien affronter le grand méchant loup. La tanière où il se terrait ne devait en rien refroidir les ardeurs des deux jeunes femmes. « La forêt de l’infini, tu en as déjà entendu parler il me semble. » Qui ne l’avait pas, dans cette forêt enchantée – à l’exception du prince charmant quand il y mit ses pieds pour la première fois. C’était un lieu de perdition où personne n’était supposé ressortir, s’il ne connaissait pas les secrets de ces bois.

Mnémis, jugeant qu’elles avaient assez trainé, se mit en marche, vers l’est, comme annoncé précédemment. « Ne fais pas cette tête, si tu restes avec moi une fois à l’intérieur – et tu le feras – nous n’aurons aucun souci pour en sortir vivantes. Par contre, ça sera une partie de cache-cache avec les og-» Il y a une solution. Depuis qu’elle ne pouvait plus prévoir des jours à l’avance ce qui se passerait dans le futur, son pouvoir s’amusait toujours à la surprendre à meilleur moment, pour ajouter à l’effet dramatique de la chose, comme si ça ne suffisait pas. Ainsi, Mnémis s’était arrêtée brusquement de parler, écoutant ce que lui révélait les sons dans sa tête.

« A l’est il sera. » Sérieusement, elle se prenait maintenant pour une Yoda du monde des contes ? La maudite l'aurait bien fait remarqué mais, pour une fois, Sora ne pouvait pas vraiment contredire l'oracle : elle avait eu la mémoire courte. Mnémis lui avait pourtant bien dit qu'elles prendraient la route en direction de l'est le jour même où elle était venue l'embarquer dans ce plan foireux. Avant la malédiction, jamais elle n'aurait oublié une information aussi cruciale. A vrai dire, cruciales ou pas, avant elle n'oubliait jamais la moindre petite chose en rapport avec une de ses missions. Sa vie à Storybrooke avait fait d'elle une irrécupérable tête en l'air et il lui faudrait vraiment veillée à remédier à cela. Donc l'est se sera. « Autant pour moi, j'avais presque renoncé à nos trois jours de folle randonnée. » Trois jours. Soixante-douze fichues heures. Il pouvait s'en passer des choses pendant un si long laps de temps. Honnêtement, Sora espérait qu'il s'en passerait. Autrement, ça voulait dire qu'elle serait coincée avec sa partenaire. Et, plus embêtant, qu'il n'y aurait rien d'autre pour distraire sa partenaire. Et Dieu savait que la jeune fille n'avait pas la patience nécessaire pour supporter l'agaçante femme et ses jeux d'esprit aussi longtemps. Décidément, le premier challenge de cette quête semblait bien de ne pas loger un carreau d'arbalète dans la tête de l'oracle. La maudite ne promettait rien sinon de faire de son mieux. Finalement, les brigands ne lui semblaient plus une aussi dérangeante perspective qu'avant. Elle avait la pertinente et désagréable sensation qu'avant le lendemain elle souhaiterait en croiser sur le chemin...

En parlant de chemin, elle s'apprêtait à demander si une direction un peu plus précise que l'est -ce qui est plutôt vague quand on y pense- serait possible à fournir quand Mnémis reprit la parole. Et bien, on pouvait dire qu'elle avait le don pour inspirer la joie et la bonne humeur chez son prochain. De toute évidence, son don ou quoique ce soit qui faisait d'elle une oracle lui avait révélé leur destination finale et ça ne semblait pas l'enchanter plus que ce n'était sensé faire plaisir à Sora. La forêt de l'infini. Charmant. Vraiment, quelle meilleure endroit pour une randonnée ? Quand elle disait que tout ceci relevait plus de la mission suicide qu'autre chose... Bon, elle ne pouvait nier que l'idée l'enthousiasmait autant qu'elle la faisait grimacer. Apparemment, elle retrouvait petit à petit son goût des missions risquées, voire impossible. Et sérieusement, elle ne savait pas encore si c'était une bonne chose ou pas. Avant qu'elle n'ait le temps de trancher, Mnémis se mit en marche et elle lui emboîta le pas de façon automatique. Comme ça lui avait traversé l'esprit, la compagnie d'une oracle semblait rendre leur destination moins menaçante, ou du moins c'est ce que prétendait l'oracle concernée. De toute façon, et malgré qu'elle aurait plutôt eut tendance à faire l'exact opposé si elle n'était pas en mission, Sora ne comptait pas le moins du monde s'éloigner de son employeuse. Elle ne connaissait pas l'âge exactement de Mnémis -ce sont des choses qui ne se demande pas, voyons- mais elle savait qu'elle avait dépassé celui d'humains ordinaires et jugeait que cette forte longévité trahissait un talent pour s'échapper de situations plutôt complexes. Un talent dont elle comptait bien profiter un petit peu.

Bizarrement, elles ne firent pas plus de quelques pas avant de stopper. L'oracle s'était interrompue en plein monologue sur le fait que ce ne sera pas une partie de plaisir, figée. Curieuse, Sora se demanda ce qui avait bien pu causer ce comportement singulier, même pour une oracle déjantée. Mnémis avait les yeux dans le vague, ce ne pouvait donc pas être quelque chose de propre à son environnement. Oh, pitié, faites que ce soit une superbe révélation ! Une du genre : en fait tout ce dont vous avez besoin vous attend prés d'une salle de bal avec un buffet génial. « Tu es avec moi, Mnémis ? Allez, dis moi que tes dons t'ont révélé quelque chose de cool, ça nous changerait un peu... »

« Autant pour moi, j'avais presque renoncé à nos trois jours de folle randonnée. » Trois fabuleux jours qui n’attendaient que d’être vécus pour offrir tout leur plein potentiel de charme. Mnémis n’attendait seulement que ceux-ci passent, tout en les voulant lent à souhait. Car, après ce court répit, où elle ferait tout pour récupérer au mieux ses pouvoirs, les évènements ne feraient que s’enchainer par la suite. Ca, elle ne l’avait pas entendu, mais elle le devinait dans ses tripes. C’était ainsi que les folles aventures fonctionnaient dans le monde des contes, et la Forêt Enchantée ne se ferait pas priée pour offrir son lot de mauvaises surprises aux deux femmes. « Oh non voyons, je n'échangerais ça pour rien au monde. Toi, moi, la nature… » de quoi faire une folle randonnée, en effet. Mais ce n’était pas le sujet principal de cette discussion, car la destination était beaucoup importante que le temps que cela prendrait pour s’y rendre. La forêt de l’infini et le piège qu’elle représentait à elle toute seule. Mnémis n’aurait aucun problème pour s’en sortir, ça non. Mais, dans les confins de ces bois, c’était bien la seule chose qu’elle serait capable de trouver. Tout ce qui était dans cette forêt était introuvable. Il y a une solution. C’était une voix qui le lui dit. C’était ceci qui l’avait fait s’arrêter dans sa phrase, même dans sa marche. Car plus rien ne comptait vraiment, autour d’elle, pour l’arracher à ce que lui montrait son don, dévoilant les méandres d’un futur écrit, qu’elle n’avait pas encore eut le temps d’étudier.

D’autres voix se mêlèrent à l’écho, pour se transformer en une véritable discussion, discutant des détails, qui, des jours auparavant, auraient étés presque impossibles à saisir pour l’oracle si elle était restée à Storybrooke. La magie du monde des contes était toujours là et elle grappillait une place dans le sang de Mnémis, donnant un nouveau souffle, pour le moment relativement faible, à ses pouvoirs. Tout reviendrait à la normale. Ce n’était qu’une question de temps et de patience. Heureusement, c’était bien une des seules choses que l’oracle possédait. « Tu es avec moi, Mnémis ? Allez, dis moi que tes dons t'ont révélé quelque chose de cool, ça nous changerait un peu... » Ce qui n’était pas le cas pour tous les lapins des environs. La voix de Sora la ramena à la réalité et la brune cligna à plusieurs reprises des yeux, se reconnectant avec ce monde, ou plutôt, avec le présent. « quelque chose de cool ? » Oui, il lui fallait encore quelques secondes pour se recentrer parfaitement, bien que l’ironie n’avait pas manquées dans sa réplique. Mnémis se massa un peu la tempe, avant de reprendre sa marche : il n’y avait pas de temps à perdre. « Eh bien, ça va nous changer un peu, oui. » Par contre, il restait à voir, d’après Sora, si c’était une bonne chose ou une mauvaise chose.

Aux yeux de l’oracle, il n’y avait aucun doute : ça serait amusant. Pour l’ancienne coiffeuse, rien n’était moins sûre, puisque depuis qu’elle s’était vue dotée de la personnalité gracieusement offerte par Regina, une petite réticence ne cessait de pointer le bout de son nez, avec laquelle Mnémis trouvait bon de taquiner Sora dès que l’occasion se présentait. « J’espère que tu es prête à casser du briguant. Tu n’auras qu’à voir ça comme un échauffement avant les ogres. » Sur ses mots, elle lui offrit son plus beau sourire comme si elle venait de lui annoncer une bonne nouvelle. « Ils ont un objet qui nous sera utile. Mais ils nous ne le donneront pas de bon cœur. Et comme je doute que tu veuilles écarter les cuisses. » Ces malfrats possédaient un artéfact, une amulette, pour être précise –puisque Mnémis ne le sera jamais- qui leur permettra de se rendre jusqu’aux vilains ogres, sans trop se perdre. Eventuellement.

C'était surement que Sora voyait l'oracle aussi... déconnectée. Elle ne voyait pas vraiment quel autre mot elle pourrait utiliser pour décrire le phénomène. Et sérieusement, ça n'avait rien de rassurant. Elle avait beau savoir qu'il y avait quelques petits problèmes avec les dons de son aînées, elle ne savait pas du tout en quoi cela consistait. Et elle espérait que ce genre de déconnexion ne se reproduirait pas : ce serait vraiment ennuyeux de se retrouver dans cette situation en face des ogres, par exemple. La maudite se voyait mal les tirer toutes les deux du pétrin alors que son employeuse discutait tranquillement avec tout un tas de voix. Aussi, elle se trouva bien rassurée quand il lui suffit de l'interpeller pour la ramener à la réalité. Jusque là, tout allait bien. Il fallait juste voir si les nouvelles informations en provenance d'elle-ne-savait-exactement-où se révéleraient pour une fois de bonne augure ou si ça ne faisait qu'annoncer des problèmes supplémentaires. Questions que l'oracle trancha plutôt vite. Encore que, Sora avait encore à s'habituer à ce que la femme définissait comme "cool". Parce que si ça impliquait d'autres ogres ou un détour vers une destination toute aussi réjouissante que la forêt infinie, l'asiatique ne trouvait définitivement pas ça "cool". Elle attendit donc que Mnémis développe sa réponse, une moue mi-curieuse mi-inquiète sur le visage.

Et, finalement, elle fut exaucée. Des brigands, elle aurait ! Et quel plaisir d'apprendre qu'il y aurait un brin de distraction -utile, en plus- sur le chemin. Elle qui avait craint pour sa santé mentale, elle avait maintenant quelque chose à quoi se raccrocher pour supporter l'agaçante oracle. Ce fut donc avec joie qu'elle rendit son sourire à l'oracle. « Les brigands, ça reste dans mes cordes chef ! » Evidemment, il fallait toujours qu'elle ajoute une petite remarque, n'est-ce pas ? Comme quoi, elles n'en avaient clairement pas fini avec les blagues et allusions idiotes à son petit problème. Oui, "écarter les cuisses", comme elle l'avait si joliment formulé, n'était pas vraiment une option. Ne l'avait jamais été, à vrai dire. Sora devait faire sans toutes ses conneries sur les charmes féminins. Et, à vrai dire, elle s'en tirait plutôt bien. Du moins avant la malédiction, maintenant... Et bien, elles allaient voir de quoi elle restait capable maintenant. « Ecarter les cuisses... Ca manque de style comme méthode, tu ne trouves pas ? Plus important. A quoi va nous servir cet objet ? » Car il fallait bien qu'elle demande. Ce n'était pas comme si Mnémis allait lui expliquer spontanément. Ce n'était d'ailleurs pas comme si elle était sure d'avoir une réponse. Elle ne savait même pas exactement pourquoi l'oracle l'avait embarquée dans cette aventure et, si elle le devait vraiment, elle suivrait le mouvement. Cependant elle préférerait ne pas le faire en aveugle. Elle avait presque oubliée à quelle point son aînée aimait s'entourer de secrets. Et après on venait lui dire à elle, la petite coiffeuse, qu'elle était mystérieuse ? Quelle bonne blague.