Age était trempé. Il n’avait pas prévu de finir ainsi, mouillé jusqu’au dernier de ses os. Non. Tout le monde savait que les chats n’aimaient pas l’eau, et Age, sous sa forme humaine, n’échappait pas à la coutume. Il avait ce liquide en horreur, plus particulièrement quand sa sorcière le forçait à se nettoyer. Derrière les oreilles, entre les oreilles, le nombril et toutes les zones cachés d’un corps d’homme. C’était simple, pour lui, excepté boire, l’or bleu ne servait à rien d’autre. Alors, il n’y avait rien d’étonnant que l’eau cherchait à se venger, d’un jour à l’autre. Pourtant, aujourd’hui, ça avait déjà commencé assez mal, au point où le chat pensait qu’il n’aurait pas moins de chance, encore. Eh bien si. Non seulement n’avait-il trouvé aucune bonne âme pour l’accueillir ce soir, mais quand une voiture était passée en trombe sur une grosse flaque – il avait plu toute la journée – Age découvrit, à son plus grand malheur, que l’eau pouvait voler très haut. Ainsi s’était-il fait asperger de haut en bas.

Age avait froid, en plus. Il tremblait, secoué comme une feuille qui subissait le vent. Il songea à s’arrêter dans une ruelle, se planquer entre des cartons sous sa forme de chat et passer la nuit à se refaire une beauté, et à se réchauffer pauvrement. Ca, c’était avant qu’il n’attrape une odeur familière. Non, ce n’était pas sa sorcière, comme il l’aurait soudainement voulu. C’était autre chose. Un autre animal. Un lapin, plus précisément. Sora. Leur dernière entrevue s’était terminée brusquement, une fois qu’elle avait eu ce qu’elle désirait. Elle était partie, sans laisser la chance à Age de la retenir. D’un autre côté, il n’avait pas de raison de lui demander de rester. Elle avait fait ce qu’il avait demandé. Une boisson. Dont la discussion qui s’était fait autour fut très intéressante. Le chat avait pu mieux deviner les cordes sensibles du lapin, ce qui faisait que sa curiosité n’en était que décuplé. Le lapin restait toujours une énigme, pour lui.

C’était pour cela qu’il se tarauda, un peu, s’il pouvait venir chez elle ou pas. Puis, il y eut une nouvelle brise froide et il chassa ses appréhensions. Il n’avait rien à perdre. Il doutait déjà fortement que Sora l’apprécie un minimum – heureusement, ce n’était pas réciproque – alors, un peu plus ou un peu moins, ça ne ferait pas beaucoup de différence. Age pénétra donc dans le bâtiment, soupirant d’aise au début de chaleur qu’il ressentait. Mais il ne payait toujours pas de mine. Ses vêtements étaient trempés et il continuait de trembler. Le pas pressé, il se rendit jusqu’à l’appartement de Sora, suivant l’odeur plus présente du lapin. Avant d’arriver devant la porte. Ni une, ni deux, il frappa à la porte, attendant, chat de gouttière, qu’on lui ouvre. « Salut. Euh, désolé de t’ennuyer comme ça. Mais tu aurais une serviette ? » Oui, parce qu’il en avait bien besoin, le matou.

La météo était déprimante, il n'y avait pas d'autres moyens de le dire. La pluie tombait sur Storybrooke avec une régularité effrayante et un bon nombre des conversations dans le petit salon de coiffure avait essentiellement tourné autour de ce constat. Comme s'il n'y avait pas de sujets plus importants, comme s'ils n'avaient pas tous une malédiction sur les bras. Mais Sora ne s'en plaignait pas au contraire : comme la plupart de ceux qui venaient se faire couper les cheveux, la coiffeuse avait besoin d'une occupation pour échapper à des réflexions qui ne la mèneraient à rien sinon à la déprime. C'était ça, plus qu'autre chose, qu'elle offrait aux habitants de la petite ville. Un petit havre de paix et de faux-semblants où oublier ses soucis. Les gestes quotidiens et les discussions anodines suffisaient amplement au bonheur de la jeune femme et même le mauvais temps ne semblait pas l'affecter. Sourire radieux, papotages légers, la maudite était dans son environnement de prédilection. Les tâches régulières et les soucis familiers du salon de coiffure calmaient ses nerfs à vif et lui procuraient un sentiment de sécurité. Elle avait eu du mal à retrouver une tel paix d'esprit après sa rencontre mouvementée avec un certain félin, une dizaine de jours plus tôt. Malgré la promesse de ce dernier, elle avait craint de voir son secret révélé mais depuis rien ne c'était passé. Elle avait donc rangé leur petite discussion dans un coin de son esprit réservé aux souvenirs désagréables.

Autant dire qu'elle ne s'attendait pas à voir Age interrompre sa petite soirée. Elle était tout ce qu'il y a de plus installée dans son canapé, un plateau télé constitué d'une pizza et d'un soda sur la table basse et un bon film à la télé. Bref une agréable et reposante fin de journée. Jusqu'à ce que quelques coups soient portés à sa porte. Elle se figea, se demandant un instant qui pouvait bien venir la déranger sans parvenir à déterminer qui était son visiteur. Avec un soupir elle mit le film sur pause et se leva pour ouvrir la porte. Ah ça oui, elle s'attendait à beaucoup de chose mais pas au chat. Et encore moins dans cet état. Trop occupée à l'observer dégouliner sur son paillasson, elle n'enregistra qu'à moitié ce qu'il lui disait. Et peut être que le chat ne lui était pas aussi antipathique qu'elle voulait le faire croire, peut être était-ce la sécurité de son appartement ou peut être que son quotidien storybrookien avait réveillé les instincts de la jeune coiffeuse, toujours est-il qu'elle ne se posa aucune question. Ni sur sa sécurité avec un matou dans le coin, ni sur le fait qu'elle détestait côtoyait quelqu'un qui savait quelle malédiction elle portait. L'asiatique attrapa le poignet du jeune homme et ferma la porte derrière lui, l'entraînant jusque dans la petite salle de bain tout en râlant. « Age ! Mais tu peux pas rester comme ça, tu vas te chopper une pneumonie. Rohlala, qui m'a foutu un chat pareil... Tu n'aurais pas pu rester t'abriter chez Granny ou que sais-je ? Tiens sèche toi, on te trouvera des fringues de rechange quelque part. Et hors de question que tu tombes malade et que je passe ma nuit à l'hopital, tu m'entends ? » Elle abandonne son visiteur dans la pièce après lui avoir balancé deux serviettes, couru fouillé les placards dans sa chambre et en sortit un T-shirt unisexe très grande taille et un caleçon masculin qu'elle utilisait de temps en temps comme pijama. Elle revint et lança ses trouvailles au squatteur. « Enfile ça, tu peux pas rester dans des vêtements trempés. Et hors de question que tu foutes des poils partout dans mon appartement. » Et sur ce elle sortit une dernière fois de la pièce pour laisser Age se changer. En attendant, elle entreprit de lui préparer une tasse de chocolat chaud tout en finissant sa pizza avant qu'elle ne refroidisse.

Age avait froid et il était trempé. Quand la porte s’ouvrit, le peu d’espoir qu’il avait fut prêt à voler en éclat quand il remarqua la dilatation des pupilles du lapin. Pour sûr, elle allait lui claquer la porte au nez. Le chat avant déjà enfoncer sa tête dans ses épaules, pour accueillir le choc sonore. Sauf qu’il n’arriva pas. Il fut d’autant plus étonner de se faire choper brusquement par le poignet et tirer à l’intérieur. Il eut un peu de mal à comprendre. Est-ce que se pointer tremper chez quelqu’un était une solution pour se faire inviter le plus vite possible ? Hum. Il devrait reconsidérer la possibilité de se rouler dans une flaque d’eau, si ça fonctionnait… Mais soit, il n’eut pas vraiment le temps de planifier une nouvelle technique pour grappiller un toit, que Sora le noyait de paroles, qu’il enregistra à peine. Age était occupé à ne pas mettre de l’eau partout, en faisant de grandes enjambées, tout en écoutant l’inquiétude dans la voix du lapin. Était-ce vraiment la même femme avec qui il avait discuté, plus d’une semaine auparavant ? S’il n’était pas gelé, le chat aurait souri. Pour l’heure, il était occupé à tenter de se réchauffer. A savoir que son corps produisait une série de tremblements douloureux.

Il arriva dans la salle de bain et il eut à peine le temps d’admirer la pièce – il fallait dire que le matou était curieux de découvrir le terrier du lapin – qu’il se faisait attaquer par une paire de serviettes, qu’il se mangea en pleine poire. Bon, au moins le message était clair. Il enleva son manteau et son vieux pull, les tapant dans la baignoire pour ne pas transformer la petite salle de bain en piscine, juste avant que la tornade Sora ne revienne, avec des vêtements d’hommes. « Enfile ça, tu peux pas rester dans des vêtements trempés. Et hors de question que tu foutes des poils partout dans mon appartement. » La porte claqua et le chat miaula « je perds pas mes poils ! » plus pour la forme. Encore un peu abasourdi de la chance qu’il avait, il se foutu torse nu pour commencer, et se sécha le plus vigoureusement possible, pour faire partir l’eau et se réchauffer. A un moment, quand ses cheveux furent relativement secs, il s’arrêta, curiosité de chat. Il renifla distraitement la serviette qu’il était en train d’utiliser, reconnaissant le parfum des vêtements de Sora. Ou plutôt de sa lessive. Il resta ainsi quelques secondes avant qu’un nouveau frisson ne le prenne et qu’il ne s’attaque au reste de son corps.

Age constata les vêtements d’homme, se demandant si Sora avait quelqu’un dans sa vie. Elle ne lui en avait pas donné l’impression, mais sinon, pourquoi avait-elle des habits du sexe opposé. Il resta, notamment, perturbé devant le caleçon. Avant de se rappeler qu’il avait froid au cul et que la question se poserait plus tard. Ainsi, le chat, dans des habits tous propres et sec, après avoir tordu ses vêtements trempés, revint dans la pièce principale. Il avait les cheveux plus ébouriffés que d’habitude et il avait encore un peu froid. Ce qui ne durerait plus très longtemps, il espérait. Maintenant qu’il était sec. Presque timidement, ou plutôt occupé à observer tout ce qui se trouvait dans la pièce, il arriva près de Sora. « Merci. » C’était simple. C’était sincère. « J’espère ne pas t’avoir coupé dans de grands projets. » Il pensait que non, en voyant le film qui attendait sagement d’être repris. Il huma un peu l’air, analysant les différentes décorations, avant de se rappeler d’un détail. « Oh. Où est-ce que je peux mettre mes vêtements à sécher ? » Le chat n’avait pas l’intention de rester toute la nuit ici. Une fois que ses affaires seraient à nouveau portables, il partirait. Promis.

Sora observa son invité surprise sortir de sa salle de bain du coin de l'oeil, adossée au plan de travail près du micro-onde. Le chat tremblait toujours un peu et ce n'était pas avec un simple caleçon et un T-shirt qu'il allait se réchauffer. Une petite voix dans sa tête persifla que ce n'était pas ses problèmes et qu'elle ne devrait sans doute pas s'en soucier. Seulement c'était plus facile à dire qu'à faire et elle refusait de mettre le félin à la porte avec le temps qu'il faisait dehors ; elle n'aurait pas la maladie du félin sur le dos. Elle répondit à son remerciement par un petit hochement de tête et eu un petite sourire à sa remarque suivante. « Tu viens d'interrompre une soirée en tête à tête avec Johnny Depp en charmant pirate. » Elle s'efforça de garder un visage impassible et neutre pour un moment, histoire de voir comment le félin prendrait la nouvelle, avant de laisser échapper un éclat de rire. Lequel tomba avec une synchronisation étonnante avec la sonnerie du micro-onde. Elle en sortit donc la tasse de chocolat chaud et la tendit à Age. « Tiens, ça t'aidera à te réchauffer. » Et pour faire bonne mesure et s'assurer que personne n'attraperait la crève ce soir, elle alla jusqu'à se saisir d'un des plaids qui traînaient sur le canapé pour le mettre sur les épaules du jeune homme. Vraiment, la vie à Storybrooke avait fait des merveilles sur son mauvais caractère. Ce devait réellement être le quotidien de coiffeuse amicale qui la radoucissait autant.

« Oh. Où est-ce que je peux mettre mes vêtements à sécher ? » Ah oui, les vêtements. Sora sautilla jusqu'à un drap rouge accroché à un fil tendu entre deux poutres qui faisait la séparation entre son salon et son petit lit douillet, le thème du film ancré dans la tête. Elle ôta les trois pinces à linge qui tenait la pièce de tissu en place et la balança sur le petit monticule de coussins et d'oreillers qui envahissait une bonne partie du matelas. Son lit tenait plus d'une version évoluée d'une cabanes en couvertures et en coussins que du véritable lit d'adulte mais c'était comme ça qu'elle l'aimait. Elle n'avait jamais nié être un grande gamine, de toute façon. « Tu peux les étendre là dessus. » Une chance qu'elle n'avait pas fait de lessive dans la journée et qu'elle n'ait rien mis à étendre. Elle regarda donc le félin mettre ses possessions à sécher. Elle laissa le silence s'étendre pendant plusieurs minutes, réfléchissant un peu dans la drôle de situation dans laquelle elle s'était mis. La dernière fois qu'elle avait adressé un mot au matou, c'était pour lui faire comprendre qu'elle ne voulait plus recroiser sa route et voilà qu'elle l'accueillait comme un vieil ami dès qu'il se montrait à sa porte. Voilà pourquoi elle ne s'était jamais embêtée à trouver des résolutions de nouvel an : tout le monde savait qu'elle ne les tiendrait jamais. « Alors, qu'est-ce qu'il s'est passé ? Ton charme t'a fait défaut ce soir ? » Elle jeta en regard aux parts de pizza restantes. « Tu as eu de quoi manger, au moins ? »

Age ne connaissait pas ce Johnny Depp et il passa au-dessus de la remarque, supposant que le trait d’humour dont semblait faire preuve Sora était propre à ce monde. Tout ce qui concernait la télévision n’intéressait pas le chat, ne comprenant pas le besoin qu’avaient les humains de s’arrêter devant des fabulations. D’autant plus qu’un chocolat chaud se posa devant lui, ce qui détourna totalement l’attention du matou, qui posa ses mains sur la tasse, taisant la douleur de toucher une fabrique trop chaude. Ca lui fit du bien et il commença à ronronner, avant de s’arrêter, se souvenant que ça mettait Sora mal à l’aise. Néanmoins, quand elle lui posa le plaid sur les épaules, les ronronnements reprirent et il ne jugea pas bon de s’arrêter avant quelques secondes. « Si j’avais su que je serais aussi bien accueillis, j’aurais attrapé la première pluie. » Comme quoi, sous les airs distants et froids que le lapin voulait se donner, il y avait tout de même un semblant de douceur. Intéressant.

Après avoir bu une gorgée de sa boisson chaude, il alla chercher ses vêtements qui trainaient dans la baignoire, pour les étendre sagement, jetant, toujours, de temps en temps, des regards curieux sur l’appartement de Sora, fermant même sa bouche sur la remarque qu’il était prêt à faire sur le lit de celle-ci. Ca ressemble vraiment à un terrier. Au risque de se faire mettre dehors. Il ne savait pas si elle n’hésiterait pas une seconde à le foutre à la porte en caleçon, s’il faisait un pas de travers, alors il obéissait sagement, un peu enjoué, même, heureux d’avoir trouvé un abri pour le moment. La pluie tombait toujours et il n’avait aucune envie de retourner dehors pour le moment. Même s’il se doutait bien qu’il devrait quitter le confort de l’abri du lapin le lendemain, ses vêtements ne sécheraient pas en un claquement de doigt, pour ça, il était content, aussi. Oui, profiteur, comme tous ceux de son espèce. « Alors, qu'est-ce qu'il s'est passé ? Ton charme t'a fait défaut ce soir ? » Il terminait d’attacher son boxer, faisant les yeux ronds à Sora. C’était triste, pour lui, les nuits où il était forcé à dormir dehors, ou se dégoter un abri de dernière minute. Son égo de félin n’aimait pas ça, son goût du confort non plus. Mais oui, il y avait des soirées où les échecs se faisaient sentir. Certains plus durement que d’autres. « Les gens n’aiment les chats mouillés. » Il perdait de son charme, avec le poil trempés et puants la misère. D’ailleurs, il y avait un peu de dépit dans sa voix. Si les gens reculaient pour un peu d’eaux, il ne valait pas mieux que lui. « J’aime pas la pluie. » Soupira-t-il, en retournant s’échouer à côté de son chocolat chaud, qu’il but tranquillement, en mode papy chat.

« Tu as eu de quoi manger, au moins ? » Il afficha un sourire brillant, se tournant vers Sora. « Oui, j’ai fait les poubelles du Granny. » Parce qu’il n’y avait rien de plus merveilleux, pour un chat de gouttière, que les poubelles d’un restaurant. Par contre, il ignorait que ce n’était pas bien vu de s’en vanter. « Quoi ? J’étais en chat. » Non, il ne fouillait pas en humain. La première fois, ça lui avait attiré des problèmes avec les forces de l’ordre en présence.

« Si j’avais su que je serais aussi bien accueillis, j’aurais attrapé la première pluie. » Sora leva les yeux au ciel, pourtant pas aussi agacée qu'elle aurait pu l'être. Elle mit ça sur le compte des ronronnements qu'Age avait eu la délicatesse d'interrompre. Etrange de voir à quel point ce son pouvait lui mettre les nerfs en pelote. Etrange aussi de voir que celui qu'elle avait considéré comme un squatteur sans gêne note ce genre de détails. Enfin, elle supposait que c'était tout dans l'intérêt du jeune homme : s'il lui tappait trop sur le système, elle pouvait le mettre à la rue à tout instant. Pas qu'elle le ferait, mais qu'en savait-il ? Il ne la connaissait pas, après tout. « Ne t'y habitues pas. Si je ne t'ai pas laissé dehors dans le froid, c'est juste pour ne pas avoir ta mort sur ma conscience. » Elle délivra la réplique avec le ton le plus sérieux du monde avant de montrer au félin où il pouvait étendre son linge. Lequel ne se fit pas prier pour le faire, jetant tout de même des coups d’œil fréquents à son environnement. Elle s'estimait heureuse d'avoir fait le ménage il n'y a pas longtemps. En revanche, elle ne pouvait rien faire pour arranger le léger bordel : en dehors de son salon de coiffure, elle n'était pas quelqu'un d'ordonné et elle avait une sainte horreur du rangement. Quitte à choisir elle préférait être propre mais bordélique. Et puis elle savait toujours où était ce qu'elle cherchait. A peu près.

Sortant de ces considérations ménagères -elle doutait qu'un chat errant se permettrait de juger de son abris du soir-, Sora s'enquit sur ce qui avait amené Age devant sa porte. Vu le comportement qu'elle avait adopté avec lui la dernière fois, elle pensait bien être une solution de dernier recours. « Les gens n’aiment les chats mouillés. » Elle avait donc vu juste. En tout cas on pouvait difficilement faire explication plus simple et directe. Elle offrit un sourire moqueur au matou, lequel maudissait la pluie, seule responsable de ses malheurs du jour. Il semblait vexé dans son ego et, à ses yeux, ça rendait la situation encore plus comique. « Les chats mouillés puent et salissent tout. » Ce qui n'était pas forcément vrai quand on remarquait à quel point celui-ci avait fait gaffe à ne pas inonder le petit appartement, chose à laquelle la coiffeuse n'avait prêté aucune attention. Au pire, un coup de serpillière aurait suffit à arranger les dégâts. Cependant elle comprenait pourquoi les adultes de Storybrooke ne s'étaient pas empressés de le faire entrer au chaud. Surtout s'il fouillait les poubelles, pour couronner le tout. Sérieusement, il n'avait reçu aucune leçon de bonnes conduites ou quoi ? Sora grimaça en songeant que peu de temps auparavant son invité était occupé à fouiller les déchets. Qu'il soit chat ou humain à ce moment là ne faisait aucune différence pour elle. « A ce niveau là pas de différence entre chats et chiens... Mais je croyais que tu gagnais assez pour t'acheter à manger ? » Et voilà surement la différence la plus grande qui les opposait. Age était un chat et agissait en tant que tel. Sora, malgré la malédiction, était humaine et réfléchissait comme ses semblables. Elle venait d'ailleurs de dénicher un autre problème avec cette méthode de ravitaillement. « Dis moi, ça te suffit ce que tu manges sous ta forme de chat ? Parce que pour fonctionner en tant qu'homme tu dois avoir besoin de plus de nourriture que ça, non ? » Encore une fois, la curiosité emportait le meilleur de l'asiatique.

« Si je ne t'ai pas laissé dehors dans le froid, c'est juste pour ne pas avoir ta mort sur ma conscience. » Le chat eut une expression offusquée, en songeant que Sora le croyait faible au point de mourir sous la pluie. Ce n’était pas parce qu’il avait eu froid qu’il en mourrait. Loin de là. Age avait connu des situations similaires tout au long de sa vie. Si ça ne payait pas de mine, il était débrouillard. Il avait même réussi à se taper l’incruste chez un lapin en dernière minute. Alors non, il n’était pas assez idiot pour se laisser tuer par quelques gouttes d’eau, son orgueil ne le lui permettait pas. Soit, ce n’était pas ce point qu’il voulait éclaircir. « C’est fou comme les humains sont beaucoup plus sympathiques avec l’ombre de la mort qui plane. » Eh oui, une des caractéristiques des Hommes que l’animal ne comprenait pas. Cela faisait longtemps qu’il avait arrêté d’essayer de comprendre ce genre de comportement. C’était ainsi. Point. Age avait d’autres soucis pour qu’il s’intéresse à des attitudes qu’il jugeait insensées. Ne prônaient-ils pas l’entraide et la protection de tous ? Même un chat serait plus empathique qu’eux.

Puis, il y avait les exceptions, comme Sora et sa sorcière. Le lapin avait beau prétendre être indifférente à la condition du chat, elle l’avait tout de même mit à l’abri pour ce soir. Elle était surement pas aussi vilaine qu’elle le disait. D’autant plus qu’elle continuait de s’inquiéter pour lui – même si elle appellerait ça de la curiosité mal placée, Age n’était pas dupe. « Mais je croyais que tu gagnais assez pour t'acheter à manger ? » Son plaid sur les épaules, sa tasse de chocolat chaud entre les mains, il fit une petite moue, comme si la logique était toute trouvée. « Rien ne m’empêche de faire des économies. » Age n’aimait pas l’idée du gaspillage non plus. Tous les trésors que les poubelles recelaient… Il était évident que les habitants de Storybrooke ne connaissaient plus la faim et le besoin de faire des réserves. Etonnant, quand on savait que tous ces gens étaient issus du monde des contes. Ça aussi, il ne cherchait pas à élucider ce mystère. Comme le lui avait fait remarquer Sora, il n’avait pas passé 28 années dans la peau d’un autre. Non, lui il se contentait de vivre dans une apparence qui n’était pas la sienne. C’était un tout autre problème.

Puis vint l’intérêt de la coiffeuse, pour son estomac. Age la regarda les yeux ronds. Est-ce qu’il n’avait jamais songé à ça auparavant ? Si, bien entendu. Cependant, pour lui, ça lui semblait évident. « Bah. » Oui, là il donnait mal le change. Il secoua sa tête, reprenant, un peu mieux. « C’est à cause de la magie, je suppose. » Age déposa sa tasse de chocolat chaud, se relevant. Il avait une idée. « C’est comme quand je me transforme, je garde mes vêtements, et tout ce que j’avais sur moi. Alors qu’en chat, théoriquement, je suis nu. » Il fronça un peu les sourcils. Ça faisait partie des lois de la magie et de ses énigmes. « Regarde. » Age se frotta les mains quelques secondes, prenant une grande inspiration. Il déposa le plaid sur son siège et en quelques secondes, se transforma en une boule de poils noirs, assise sagement sur le sol. Il miaula tranquillement, regardant Sora avec ses grands yeux de chat. Il se gratta brièvement l’oreille – ça lui fit un bien fou- avant de reprendre son apparence d’homme, dans son caleçon et le t-shirt emprunté. « Tu vois. » Et Age sourit, fier de sa démonstration.

Sora avait grandi, c'était un fait. Elle était loin la gamine livrée à elle même qui trouvait ce qu'il lui fallait pour se nourrir dans les poubelles des quartiers riches et préférait de loin économiser pour s'acheter un manteau ou de nouvelles chaussures. Loin aussi l'adolescente qui, même si elle fronçait le nez et y allait de mauvaise grâce, n'hésitait pas à fouiller les ordures pour faire enfin taire son ventre quand elle était à court d'options. Elle aurait donc aisément pu mettre le dégoût qu'une telle activité lui inspirait sur le compte de la fierté. Mais une telle chose ne l'avait jamais stoppé dans le Monde des Contes. Alors pourquoi diable une telle réaction à l'aveux du félin ? Elle devait se rendre à l'évidence. Elle n'avait pas juste grandi, elle avait changé. Sa petite vie confortable à Storybrooke avait laissé des marques plus profondes qu'un simple adoucissement de caractère. Elle n'avait plus la même vision des choses. Ici, elle n'avait jamais eut à faire attention à l'argent. Du moins pas de la façon dont elle le faisait dans son monde d'origine. Si un plat ne convenait pas à ses goûts, elle le jetait purement et simplement. Elle faisait la fine bouche. Et c'était grisant de se dire qu'elle gagnait maintenant assez pour profiter du confort que ce monde avait à offrir. Mais c'était aussi effrayant de s'en rendre compte uniquement parce que les paroles de son réfugié météorologique l'avait forcé à y réfléchir. Soudainement Sora voulu retrouver ses souvenirs de l'année perdue, juste pour comprendre comment elle avait fait pour y survivre sans ses anciennes habitudes de vie. C'était un véritable mystère. Désireuse de ne pas trahir sa remise en question, elle haussa les épaules et répondit à la logique du chat par un simple « Pas faux ».

Sur ce, elle changea vite de sujet, laissant sa curiosité vadrouiller vers un sujet qui l'atteindrait moins. Pourtant dès que les questions eurent quitter sa bouche, elle se rendit compte que ce n'était décidément pas la bonne direction à prendre. Comme quoi, elle ne pouvait réellement pas faire confiance à son mode de pilotage automatique. Comment espérer qu'une question leur rappelant leurs conditions respectives l'atteigne moins ? « Bah. » L’onomatopée sonna un brin trop condescendante à ses oreilles et elle cessa sa mortification intérieure pour s'intéresser à l'explication du chat. Parce que même si elle aurait du éviter le sujet, maintenant qu'il était sur la table autant satisfaire sa soif d'information. « C’est à cause de la magie, je suppose. » Elle haussa un sourcil perplexe, se demandant franchement le rapport entre les deux. Mais sans attendre de réaction, Age enchaînait déjà une comparaison avec le devenir de ses vêtements pendant la transformation. Et une démonstration. A peine avait-elle le temps d'ouvrir la bouche qu'elle se retrouvait avec un mini félin devant elle. Sous ses yeux étonnés, la bestiole se gratta l'oreille avant de redevenir le jeune homme qu'elle connaissait. Les vêtements qu'elle lui avait prêté était toujours sur son dos, exactement comme si rien ne s'était passé. Et ce serait mentir que de dire qu'à ce moment précis, elle n'était pas terriblement jalouse du brun. Elle qui n'avait aucun contrôle sur sa transformation, elle qui ne pouvait pas s'approcher des hommes à cause de cette stupide malédiction, elle qui perdait ses vêtements à chaque "incident" parce qu'elle n'osait pas revenir sur ses pas. Tu m'étonnes qu'il prend les choses aussi bien, songea-t-elle avec une pointe d'amertume.

La maudite aurait du ressentir plus qu'une pointe de cette amertume. Bon Dieu, elle aurait du être furieuse : furieuse qu'il sache, furieuse qu'il vienne chez elle à l'improviste et encore plus furieuse de la chance qu'il avait. Pourtant elle ne l'était pas. A vrai dire elle était un peu impressionnée par cette transformation parfaitement contrôlée et énormément amusée par l'air fier de lui que Age arborait. Elle ne pu pas s'empêcher de sourire. Age était loin d'être maudit. C'était sans aucun doute possible de la magie blanche. « Tu as sans doute raison : si tes vêtements te suivent, ton estomac doit lui aussi s'adapter. En tout cas, c'est foutrement pratique. » Nul doute que ça aurait empêcher un bon nombre des situations pour le moins embarrassantes dans lesquelles elle s'était fourrée. Mais ce n'était vraiment pas ce qui l'intéressait le plus en ce moment. « Et tu contrôle ça ? La transformation, je veux dire. Tu peux passer de l'état de chat à celui d'homme comme ça, en claquant des doigts ? » C'était trop beau pour être vrai, il y avait forcément une restriction ou une bêtise dans le genre. Cependant il avait nettement plus de liberté que la jeune femme, de ça elle était certaine.

Age ne se transformait pas souvent en face des gens. Parce qu’il savait que son secret pouvait être dangereux pour lui-même, si une personne mal intentionnée désirait d’en tirer parti. Il venait de la forêt enchantée, ce n’était pas pour autant que les chèvres gambadaient entre les arc-en-ciel. Loin de là. Le nombre de brute qu’il avait rencontré et qui n’auraient pas hésité une seule seconde à ferrer Age, pour quelques pièces d’or, en vue de sa capacité… Alors, quand il se changeait en animal, devant une personne de confiance – pouvait-il dire ça, de Sora ? Probablement. Elle l’accueillait sans sourciller et elle était comme lui. Ouais. Sora était une personne de confiance – il savourait toujours la surprise de ses comparses. Après tout, ce n’était pas tous les jours qu’un chat se pavanait devant eux avant de reprendre les formes d’un Apollon… ou presque. Age se pavanait, fier au possible, surtout devant l’expression du lapin. « En tout cas, c'est foutrement pratique. » Plus que pratique, c’était salvateur, pour quelques minutes, quelques heures, se retrouver dans la peau de sa naissance, celle qui lui seyait tant, celle qui ne lui donnait pas l’impression de tirer sur ses os, ou de tomber au moindre faux pas. S’il n’avait plus ces problèmes, Age continuait d’avoir cette impression d’un manque cuisant. Les sarcastiques diraient que c’était lié à l’absence de sa queue, il y avait de ça. Mais c’était un euphémisme.

Tout son mode de perception changeait, quand il était homme et il se percevait insensible à de nombreux éléments, quand bien même il avait compris percevoir plus que ce que le spectre d’un homme normalement constitué captait. Age était fait pour être un chat. Pas un homme. Manque de chance… Mais il ne s’abattit pas sur ce détail, prenant les paroles de Sora comme un compliment, ce qui fit qu’il se redressa, encore plus satisfait de sa prestation. « Tu peux passer de l'état de chat à celui d'homme comme ça, en claquant des doigts ? » Age remit son plaid sur ses épaules, s’enroulant confortablement dans le tissu. Sa fourrure lui manquait, quand il faisait froid. « Oui. Enfin. » Il se gratta distraitement le menton. « C’est pas venu tout seul. Au début c’était douloureux. Et un peu maladroit. » Il fut songeur, se remémorant les premiers essais, ou quand il se transformait par accident, pour se retrouver dans une mauvaise situation. « Puis c’est que la nuit. Ma maitresse a tenté de m’expliquer pourquoi, mais j’ai jamais retenu l’explication. » Ce manque d’attention était typique du félin. Savoir que la nuit était son élément était suffisant, que le noir éveillait les sens du prédateur, enfuis dans un nuage de magie.

Il se dirigea jusqu’au canapé, où il s’installa, sagement, dans un coin, tournant sa tête vers Sora, les yeux attentifs, les pupilles dilatées, félin en traque. « Et toi, comment ça fonctionne, tout ça ? » Il mima une forme avec ses mains. C’était un retour d’intérêt. Si Sora s’intéressait à lui, il avait bien le droit de se pencher sur le cas du lapin. Parce qu’il était curieux. Et il voulait voir si elle se refermerait encore. Age n’oserait pas pousser trop loin le sujet, mais la curiosité avait eu le meilleur de lui.

Sora écoutait les explications de Age avec un très grand intérêt, sa curiosité enfin satisfaite. Elle n'irait probablement jamais jusqu'à dire qu'ils étaient semblables mais elle ne pouvait pas non plus s'empêcher de trouver quelques similarités dans leurs histoires respectives. Puis elle n'était pas non plus habituée, la maudite, à ce qu'on lui fasse si facilement confiance. Car, de son point de vue, c'était aussi de ça dont il s'agissait : on ne racontait pas ce genre de choses à tout le monde. Si le félin avait vécu un tant soit peu seul dans le monde des contes, il devait surement avoir compris ça. Crier sur tous les toits ce dont il était capable et se transformer devant une quasi-inconnue était très dangereux pour des êtres comme eux. Elle se sentait intimidée, la jeune fille, que quelqu'un puisse avoir une telle foi en elle. Oh, elle en avait bernée des gens en son temps : avait gagné leur confiance en leur disant ce qu'ils voulaient entendre, avait prêté une oreille compatissante à leurs confidences et s'était empressé de compléter son job en revendant les informations qui intéressaient ses employeurs. Non, Sora n'était pas digne de confiance. Mais le félin, dans toute son innocence, la considérait comme sa semblable. Elle ne se sentait pas le coeur de le décevoir. Pas ce soir, assura-t-elle à la petite voix qui lui susurrait qu'elle finirait par le faire, comme toujours.

« Ça doit te manquer, la vie en tant que chat. » C'était une constatation à voix haute, une réalisation soudaine. Elle n'y avait jamais réfléchi avant, trop occupée à s'inquiéter pour son secret. C'était pourtant évident. Si son sort était d'éviter tout contact avec la gente masculine, celui de Age était de supporter une peau qui n'était pas la sienne toute la journée. Elle ne s'imaginait même pas comment elle aurait pu supporter le fait d'être un lapin tant que le soleil n'était pas couché. Sans dire qu'elle n'aurait surement pas fait long feu avant de finir en civet. Elle s'empara du plat de pizza et alla s'asseoir dans le fauteuil, croquant dans une part. C'était qu'elle n'avait pas encore finit son repas quand le brun avait sonné à sa porte, vous voyez. Elle déposa d'ailleurs l'assiette sur la table basse, la poussant légèrement vers le chat pour lui faire comprendre qu'il était libre de se servir.

« Et toi, comment ça fonctionne, tout ça ? » Elle s'était attendue à la question dès qu'elle avait commis l'erreur d'orienter la conversation sur ce sujet. Elle n'était toujours pas sure de ce qu'elle était prête à révéler. Seulement, elle sentait qu'elle devait s'ouvrir, ne serait-ce qu'un tout petit peu. Après tout, il lui faisait confiance alors elle pouvait peut être s'y essayer aussi. Un peu plus crispée dans son siège, elle prit le temps de prendre quelques bouchées de plus avant de reposer ce qu'il restait de la part. « Je ne le contrôle pas, si c'est ce que tu veux dire. Je serais incapable de me transformer sur commande, même pour sauver ma vie. » Ce qui était une toute autre histoire s'il y avait un homme dans les parages, comme pouvait surement en attester Rachelle. Essayant de forcer un petit peu de bonne humeur dans cette conversation, elle plaqua une grimace amusée sur son visage avant de reprendre la parole. « Et quand ça arrive, mes vêtements à moi ne suivent pas le mouvement. Ce qui peut s'avérer plutôt... délicat. »