Show me your magic I'll tell you who you are ♣ Cale

WITH MY HEART AND MY HEAD
I AM A MAGICIAN, IT'S IN MY SKIN
LET ME RELEASE MY POWERS

Le petit bar où je me représentai était assez petit, de style vieillot. Les couleurs étaient sombres, du noir, du blanc, du gris. Et, étrangement, il y avait toujours assez peu de monde lors de mes spectacles. Ce n'était pas faute d'y mettre du coeur : je donnais tout ce que j'avais comme dons. Hélas, il était évident que j'étais mauvais pour les tours de magie. Pourquoi continuais-je, alors, quand je faisais sortir un lapin en peluche de mon haut-de-forme ? Parce que la magie faisait partie de moi, qu'elle était intrinsèque à ce que j'étais. C'était comme vouloir s'arracher une main, parce qu'elle ne nous plaît pas - grotesque et ridicule. La magie était ma tête, mon coeur, elle brûlait en moi comme des braises ardentes, ne demandant qu'à être nourrie et libérée. Je sentais de moins en moins son appel, à Storybrook, car Zelena me tenait sous son joug. Mais la magie était là, comme une voix dans ma tête. Je n'étais jamais seul - j'avais avec moi mes regrets, mon passé, les émotions que je traînais comme des valises lourdes remplies de cailloux.

Je souris aux divers spectateurs du soir, donnais un coup de ma baguette magique et fis apparaître un bouquet de fleurs - fanées. Les pétales tombèrent lorsque je posais les plantes sur la table, et mon visage se crispa un instant sous les rires vaguement étouffés du public. J'aurais voulu leur montrer, à tous : j'étais le Grand, le Fantastique Magicien d'Oz. J'aurais voulu faire apparaître des poissons dans leurs verres, les faire voyager dans les airs, faire de la vraie magie. J'étais rendu à créer une ersatz de pouvoir sans avoir le droit d'utiliser les miens. Il m'avait été fortement déconseillé sous peine de finir de nouveau en peluche ailée d'utiliser mes pouvoirs. Je devais rester incognito. Je détestais recevoir des ordres, mais je n'avais pas le choix. J'eus un petit soupir, et m'inclinais. Ce serait tout pour ce soir. J'étais las de n'être qu'un guignol en haut-de-forme. Ce n'était pas ce que j'avais voulu ; mes désirs avaient été tout autres, plus purs, plus honnêtes. J'étais fatigué de jouer la comédie, d'autant plus que j'étais mauvais acteur.

« Toto, apporte moi ma valise » glissais-je au petit yorkshire qui me suivait calmement, docile et obéissant. L'animal cligna de ses yeux noirs vers moi puis trottina jusqu'à ma mallette dont il prit l'anse entre ses crocs et la traîna jusqu'à moi. J'y rangeais ma baguette et mes divers objets de pacotille. Je me donnais l'impression de n'être qu'une marionnette, de n'être même plus vivant par moment - comme si j'étais aussi artificiel que mes tours. C'était une horreur à vivre, et je me demandais si ce que je menais était mieux que ce que j'avais vécu sous la forme d'un serviteur de Zelena.

Alors que je remettais mon haut-de-forme, ma main s'emparant de ma canne qui ne me quittait pas, je sentis avec bonheur l'attachement magique qui me liait à ces objets. Ils avaient été empreints de mes pouvoirs autrefois, reliques sorcières emplies de pouvoir. J'aimais les avoir avec moi, autant par habitude que parce qu'elle m'apportait ce qui me manquait - la magie. Sans eux, j'étais quasiment dénué de tout don. Mais avec, je redevenais un peu moi-même, comme un ombre qui reprendrait forme après avoir été effacée. Je m'accroupis un instant pour tapoter la tête de mon fidèle compagnon - faute d'une jolie demoiselle à scier en deux, j'avais un chien utile. J'étirais mes épaules, inspirais puis descendis le petit escalier de quelques marches. J'allais rentrer dans ma loge, me servir un verre d'alcool fort et méditer sur le sens de la vie. Quelle fabuleuse soirée en perspective !

« Le repas t'es offert, comme toujours, Oswald » m'indiqua le vieux tenancier - je ne sais si mes tours lui plaisaient ou si je lui faisais de la peine, mais il avait été adorable avec moi depuis le premier soir. Il avait été enchanté que je vienne me représenter chez lui. Pauvre ère. Il avait rapidement déchanté devant mon absence cruelle de talent, mais il s'évertuait à m'encourager. Si j'avais dans cette ville au moins une personne que je pouvais qualifier d'ami, c'était bien le vieux Rodolph. Toto se glissa derrière le comptoir pour aller manger dans sa gamelle ; moi, je savais que je serais servi dans ma loge. « Merci Rodolph. Sers moi un brandy également, je te prie. » J'allais passer la soirée à boire et à regarder dans le miroir le reflet terne qui se réfléchirait. Je n'avais qu'une hâte, m'éloigner du regard curieux des gens. Encore maintenant, je ne comprenais pas qu'on puisse encore s'intéresser à mes tours - j'entendis de petits rires étouffés alors que je jouais avec ma canne, attendant Rodolph. Je voulais lui épargner de descendre dans ma loge, mais mon impatience virait à l'énervement. J'étais soupe au lait, et je n'aimais pas qu'on critique mes tours - si ils savaient, tous autant qu'ils étaient ! Mes deux mains appuyées sur le pommeau d'argent de ma canne, je fis tourner cette derrière contre le sol, le regard rivé au parquet. J'étais immobile, debout près d'un petit escalier qui menait à une série de petites pièces dont l'une avait été réhabilitée comme ma loge. Je devais rester maître de moi-même ; ne pas laisser échapper la moindre bribe de magie. Qui sait qui pouvait être à l'affût ?

Cale ne s’était jamais arrêté dans les bars de la ville. Il préférait l’ambiance familière et accueillantes des tavernes de la forêt enchantée, plutôt que la démarche commerciale que les gérants préféraient donner à leurs lieux, ici-même. D’autant plus que, suivant une loi des plus absurdes qu’il soit, il fallait être âgé de 21 ans pour avoir droit à une goutte d’alcool. Autant dire que faire les yeux doux aux serveuses ne l’avait pas beaucoup aidé. Ainsi, puisqu’il ne pouvait pas profiter d’un verre à Storybrooke, Cale préférait, normalement, les éviter. Alors, pourquoi se trouvait-il dans ce bar, à siroter sa malheureuse menthe-à-l’eau ? C’était pour ennuyer ce cher Oswald, le magicien le plus pathétique que Cale avait rencontré. Autant dire qu’il en avait vu, durant la longue vie de l’étoile qu’il avait dévorée. Mais celui-ci, en plus d’être une catastrophe dans ses tours de passe-passe, avait une magie si faible, qu’il était presque passé à côté de lui. Chasser les autres sorciers était sa seule occupation à Storybrooke, en attendant de retrouver sa génitrice. Et Oswald en était un, aussi fort celui-ci tentait-il de le cacher. Cale n’avait qu’à le pousser à bout, pour bien s’amuser. C’était ce qu’il avait l’intention de faire.

Autant dire que la première partie de son plan fut une véritable torture personnelle. Voir les prouesses de ce brave Oswald, une fois, était déjà pénible, mais une deuxième fois, Cale avait eu tout le temps nécessaire de préparer trois plans de suicide. Heureusement, le massacra toucha à sa fin et le sorcier ne lâcha pas le magicien de pacotille du regard, pour voir jusqu’où celui-ci se rendait. Il avait déjà tenté de forcer Oswald à se servir de sa magie en provoquant un accident mineur. Sans y parvenir. Aujourd’hui, il avait décidé de le mettre à bout. Et heureusement pour le vieillard, Cale savait être un gros chieur. Abandonnant sa boisson sur le comptoir, évitant le yorkshire le plus malheureux du monde, il s’approcha, sourire pervers sur ses lèvres, d’Oswald. « Ils se sont trompés sur la porte. J’ai cru que c’était un spectacle de mauvaise magie, pas un one-man show ironique. » Il s’arrêta devant sa proie, s’emparant du haut de forme démodé, qui ajoutait du ridicule au personnage du magicien. « Mais j’ai bien aimé le coup des fleurs fanées. La prochaine fois, n’oublies pas de les arroser. » Il adressa un clin d’œil complice à Oswald, faisant sortir un lapin en peluche du chapeau, mimant une expression étonnée.

Ce qui agaçait au plus haut point le sorcier, c’était que son compère se réduise à ce genre de représentation. D’ailleurs, il ne tarderait pas à lui faire partager le fond de sa pensée. Y a que la vérité qui blesse, paraissait-il. Plaçant le chapeau sur sa propre tête, il enfuit ses mains dans les poches de son jeans. « Tu comptes salir la scène encore longtemps, et faire honte à ton essence ? »

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LET ME RELEASE MY POWERS

Je fermais les yeux un instant, inspirant calmement pour réfréner mon envie de m'enfuir de là. Si je sortais d'ici, je risquais de faire une bêtise qui ne nuirait pas seulement à moi mais à Zéléna. Et donc, doublement à moi. Je jouais avec ma canne, passant la pulpe de mes pouces sur le pommeau d'argent, contact frais et métallique. Je relevais soudain les yeux sous la verve mauvaise et venimeuse d'un jeune blanc-bec. Je haussais les sourcils, nullement surpris cependant. Combien de fois m'avait-on déjà dit de remballer et de retourner d'où je venais ? On m'avait traité de lâche, d'idiot, d'imbécile, et de bien pire. Le jeune homme prit mon chapeau et je sentis tout mon être se tendre. Je n'appréciais pas qu'on touche à mes affaires, d'autant plus à ce haut-de-forme et à ma canne. Mes paupières se plissèrent et j'eus un grognement en récupérant mon chapeau et en le posant près de moi. J'en retirais la poussière d'un chiquenaude agacée ; voir un gamin comme lui, plein d'arrogance, me donnait d'autant plus envie de montrer ce dont j'étais capable. Je détestais qu'on me rabaisse ainsi, et même si il avait raison dans le fond, je refusais de me laisser traîner dans la poussière. J'étais Oz, que diable ! Le Grand Oz le Magnifique ! Ma voix, calme, avait des accents tranchants, alors que je faisais tranquillement tourner ma canne dans mes doigts.

« Hé bien, jeune homme, vous semblez bien venimeux. Que savez-vous exactement de la magie pour venir m'en parler ainsi ? »

J'avais pris des accents sombres, des intonations ténébreuses, comme je le faisais autrefois dans mon château d'émeraude, et je me tus en me raclant la gorge. Je ne devais laisser aucune trace, aucun indice. Mais ma magie, au contact de ma canne et devant tant de hargne, semblait déraper sur moi comme des étincelles invisibles. Je sentis ma colère affluer, puis comme la marée, partir en laissant de simples traces humides dans mon esprit alterné. Il ne servait à rien que je m'énerve contre ce jeune homme ; il n'avait de tout façon pas exactement tord, après tout.

« La magie fait partie de chacun d'entre nous, et j'ai décidé de ne pas la laisser s'en aller. » J'avais dis ça, le regard pensif, une de mes mains caressant ma moustache et mon bouc. Je songeais au fait que je ne pouvais être plus franc, même si il ne pouvait comprendre le sous-entendu. Je vis du coin de l'oeil Rodolph s'approcher, avec mon plateau dans les bras. Une assiette couverte d'une cloche, et mon verre de brandy. Je n'osais m'en emparer, sous le regard du jeune homme. Mais de toute façon, il avait déjà un piètre avis de moi, alors ... Je pris le plateau des mains du vieil homme. « Merci Rodolph, tu peux nous laisser. N'oublie pas de récompenser Toto. »

J'avais choisi d'ignorer le gamin en attendant que le vieil homme s'éloigne, puis je me tournais vers lui, le plateau dans les mains, ma canne accroché à ma ceinture.

« A moins que vous ne soyez prêt à me suivre jusque dans ma loge pour continuer à me cracher votre venin au visage, peut-être devriez-vous apprendre à utiliser au mieux votre temps. Et ne parlez pas lorsque vous ne savez pas. »

Ma voix s'était finie sèchement. Oups. Je grimaçais un sourire et m'approchais de la porte dans l'intention de descendre l'escalier et d'aller me boire cul sec ce Brandy qui me faisait de plus en plus envie. Mais mon coeur s'était serré - faisais-je donc tant honte que cela aux magiciens ? Et si ... Et si je décidais d'utiliser ma magie ? Et si je décidais de redevenir ce que j'étais, autrefois, au Pays d'Oz ? Non. Non, je ne pouvais pas - j'étais pieds et poings liés. Une vague de colère me transperça tout entier, laissant mon aura magique pulser un instant, avant que je ne la retienne comme une nuage de fumée. Non, pas encore. Pourtant, durant cette simple seconde, je le sentis. Et je me tournais d'un bloc vers le gamin - non, ce n'était pas possible.

« Toi ? » fis-je d'une voix basse.

J'avais senti son aura magique. Il était un être foncièrement lié à la magie, à la sorcellerie. Qui était-il ? Pourquoi était-il là ? Etait-ce une coïncidence qu'il s'intéresse à moi ? Les poils de mes bras se hérissèrent sous le flot de questions qui m'envahit, alors que mon regard sombre parcourait le jeune homme d'un air soudain bien plus intéressé.

Spoiler:

Ses joutes semblaient avoir fait mouche, quand Cale constata la coloration des joues du mauvais magicien. Un large sourire se déposa sur ses lèvres, satisfait de son effet et de la misère qu’il faisait subir à Oswald. Le sorcier avait un comportement cruel, certes. Il estimait que c’était nécessaire, pour un incapable du genre, qui se prétendait magicien, alors que tout ce qu’il faisait n’était qu’une piètre comédie. Cale avait même du mal à comprendre comment des gens pouvaient l’engager. Tous les hommes, ici présent, avaient connu la magie, d’une manière ou d’une autre. Comment pouvaient-ils se satisfaire d’une prestation aussi pauvre ? Entre deux remarques d’Oswald, le gérant lui apporta même un repas. Quand le vieux Rodolph fut parti, Cale ne put retenir un rire étonné. « Quoi, tu reçois même à manger ? » Il se retourna vers le vieil homme qui s’en allait, qui gratifia tout de même l’innocent Cale d’un regard réprobateur. « Non, il est même pas aveugle pour ne pas se rendre compte de ton talent. » Il prit une moue dubitative, tandis qu’il imaginait les solutions qui expliqueraient la raison de ce paiement pour l’usurpateur d’Oswald. « Et ne parlez pas lorsque vous ne savez pas. » Cale, sortit de sa réflexion, prit un faux air outré, le mauvais magicien lui échappait. Tout en tentant de le retenir, il glissa ces paroles « Eh bien si tu m’expliquais, je parlerai juste ! » Beau trait d’esprit. Vraiment.

Pourtant, ce n’était pas les paroles qui les sortiraient de cette impasse relationnelle. Loin de là. Cale comptait sur la faute humaine, celle qui reposait en chacun d’eux. C’était pour ça qu’il poussait, poussait Oswald, jusqu’à ce qu’il trébuche, comme il venait de le faire. Pour de simples spectateurs, il n’y eut qu’une seconde de flottement. Cale, lui, ressentit ce flux lui chatouiller l’aura, reconnaissant la présence de la magie qu’il avait toujours soupçonnée. L’expression d’Oswald, d’autant plus, ne trompa pas. Cale haussa les épaules, feignant l’innocence, avant que son sourire ne revienne, plus mauvais que jamais. Il s’approcha, dangereux, du magicien démasqué. « Ahlala, c’est que tu peux être lent à la détente. Il n’y a pas que ton spectacle, qui est lamentable. » Oh, il ne fallait pas s’attendre à ce qu’il se comporte comme un ange, à présent. La personnalité d’Oswald l’agaçait encore et maintenant que ses soupçons étaient enfin confirmés, le véritable jeu pouvait commencer.

Cale s’enfonça dans le couloir, adressant un geste de la main à Oswald, de le suivre. Le dévoreur d’étoile n’aurait aucun mal à trouver la loge du faux artiste. « Maintenant que tu as compris, tu vas me dire pourquoi tu te contentes d’une couverture aussi minable ? » Car Cale ne doutait pas, Oswald était capable de beaucoup mieux que ce vulgaire trou à rat.

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Insolence glacée. Elle jaillit sur moi comme une pluie désagréable. Je déteste qu'on titille ainsi mon égo. Je tente tant bien que mal de refluer les émotions que fait naître ce gamin. Qui est-il pour parler de cela ? C'est l'interrogation qui point en moi. Immobilité. Surprise & consternation. Vision entre les voiles. Qu'est-ce que ce c'était que cela ? Mon regard noir comme l'encre toise le jeune homme. Paralysie hasardeuse d'un esprit confus. Un pas, puis deux. Intimité approximative, Dangereux, au point qu'une alarme me fait vaciller. Mes longs cils ne cillent pas. Ses paroles vrillent en moi comme des becs pointus.

Ondulations discrètes de magie. Moi, lui. Tout cela semble se mêler. Qui. Qui est-il. Ce n'est plus seulement son caractère qui m'interpelle, mais tout son être. Son essence est magique. Je le laisse s'éloigner, soulagé d'une pression invisible. Mes pas le suivent, presque félin alors que nous sommes seuls. Le plateau dans mes mains va se poser sur un meuble dans ma loge, après que j'y sois entré. Douiller et élégant. Des malles poussiéreuses sont installées dans un coin, certaines couvertes de tapis anciens. Je cligne des paupières, comme pour chasser un mauvais rêve, puis me tourne d'un bloc vers l'impertinent.

« Peu importe qui tu es ou qui je suis. Qu'est-ce qui t'amènes ici, à m'insulter, offensant, outrageant ? » je grince, d'un ton calme démenti par mes sourcils froncés. Affront destiné à ma personne. J'aurais dû le repousser, ne pas le faire entrer. Ici, il est chez moi. Je me sens presque souillé, comme si quelqu'un venait de s'essuyer les pieds sur mon lit. Je pousse un léger grognement et détourne le visage. Je pose ma canne et mon haut-de-forme près de moi. Je sens les émanations magiques qui en émanent. Le sent-il lui aussi ? Sans le regarder, je reprend la parole, doucement.

« Je ne suis pas satisfait de ce que je fais. Mais je n'ai aucun droit de faire mieux. Mieux vaut cela que rien du tout. »
Le timbre de ma voix est tranquille, presque nostalgique. Mes prunelles noires transpercent encore le garçon. Pourquoi m'attendre à de la compréhension d'un rustre pareil ? Il a envahit mon territoire. Aucunes manières.

Je joue un instant avec une babiole de bois et de verre, ronde, tenant parfaitement au creux de ma main. Objets hétéroclites à la saveur magique. Souvenirs d'un temps où j'étais maître de mon palais d'émeraude. Où je n'étais pas juste un pantin tenu par des ficelles. Résurgences d'antan, douloureuses comme une lacération vive et brûlante. Je me sens las. Las et fatigué de tout cela. Mais je me dois de continuer. Pour elle. Zelena lui fera du mal si je n'obéis pas. Ma chère et tendre soeur. Blasé. Je soupire un peu et me force à me tenir droit devant le jeune homme. Je ne tiens pas à lui dire qui je suis - moins de gens savent, plus ma couverture sera solide. Ma couverture de magicien de pacotille. Qui irait croire qu'un tel raté peut faire apparaître n'importe quoi ? Pathétique. Oui, pathétique et grotesque. Pour elle. Mon regard affligé scrute l'inconnu aux ascendances inconnues.

Cale embrassa la loge d’un seul regard, haussant un sourcil au sommet de son scepticisme. Minable. Rien d’étonnant, cela restait dans la lignée de la production sur scène du magicien et de l’ensemble du bar. Il ne saisissait pas, sorcier impudent qu’il était, comment un homme pouvait se satisfaire d’un tel taudis. Il retint la remarque, se disant qu’il ne serait pas bon d’asticoter trop vite Oswald. Et puis, la loge n’était qu’un détail, par rapport au secret d’envergure qu’il avait enfin découvert. Ce qui semblait agacer considérablement le piètre prestidigitateur. Cale sourit face à l’énervement, se posant contre un des meubles, jouant avec ce qui reposait sur celui-ci, négligemment. « Peu importe qui tu es ou qui je suis. Qu'est-ce qui t'amènes ici, à m'insulter, offensant, outrageant ? » Il plissa un peu des yeux, se retournant vers l’homme. Faisait-il de la poésie quand il était de mauvaise humeur ? Et il espérait vraiment que Cale le considère comme un grand sorcier, après ça ? Cale soupira, passant une main dans ses cheveux, qu’il replaça correctement en arrière. « Je suis un dénicheur de non-talent. » Dit-il avec son plus beau sourire, n’offrant pas la réponse qu’Oswald attendait. Parce que là n’était pas le noyau du problème et que, qu’importe ce que le jeune sorcier dirait, cela ne plairait toujours pas au magicien.

« Je ne suis pas satisfait de ce que je fais. Mais je n'ai aucun droit de faire mieux. Mieux vaut cela que rien du tout. » Aucun droit ? Qu’est-ce qui pouvait lui faire penser cela ? La formulation attira l’attention de Cale, qui croisa les bras sur sa poitrine, observant, silencieux, un instant, l’homme qui se tenait assis & dépité, en face de lui. Ainsi, ce n’était guère par choix que le magicien se produisait de manière plus que médiocre sur scène. Il y avait autre chose. Un mince sourire, renard, se posa sur les lèvres de Cale. Avait-il trouvé la perle rare qui occuperait son intellect un certain temps ? Il l’espérait. Ossy était si mauvais qu’il devait y avoir anguille sous roche. Et sa dernière parole confirmait les soupçons du mangeur d’étoile. Qui ne le lâcherait pas de sitôt. « Oh non, crois-moi, mieux vaut ne rien faire que de subir ta prestation de ce soir. » Et oui, il ne fermait jamais les yeux sur une occasion de tarauder Oswald. Cale voulait encore le voir s’énerver, et révéler une partie de cette aura si alléchante. Puis, comme si aucune parole blessante n’avait été prononcée de sa part, il s’approcha, à nouveau, d’Oswald, se penchant au-dessus de l’homme, installé sur son siège. « Mais qui t’en empêche ? Qui ne te donne pas le droit ? » Perçant, son regard vif se fixa sur le magicien de pacotille, l’intérêt brillant, n’inspirant surement rien de bon à l’amateur de haut de forme. « Et ne tournes pas autour du pot, ou je te délierais la langue. » Oh oui, qu’il résiste, cela faisait longtemps, qu’il n’avait pas envouté un autre sorcier.