Wendy avait terriblement mal à la tête. Son sommeil léger était entrecoupé, depuis deux nuits, de phase de réveil aléatoire et sans raison particulière. Impuissante, elle restait allongée, les yeux rivés sur son plafond blanc, ressassant des sentiments contradictoires ; tandis que les ombres de la nuit s'installaient sur les murs, et enlaçaient le petit oiseau insomniaque, roulé en boule dans son petit nid. En rentrant, deux jours auparavant, elle avait affiché un visage sombre, qui lui avait valu des questions de la part de ses frères, toujours si inquiets pour elle que cela en devenait véritablement étouffant. Sa conscience n'arrêtait pas de lui rappeler l'identité du garçon qui l'avait embrassé près du puits, à qui elle avait avoué des sentiments qu'elle n'avait jamais soupçonné avoir -elle n’avait pas besoin de deux autres moralisateurs.. C’était étrange comme le voir dans la forêt, vivant et vulnérable, l’avait chamboulé. D’ailleurs, elle désirait avant tout connaître l’origine de ces émotions. Elle avait à peine eu le temps de creuser sous sa carapace, comment avait-elle pu s’accrocher aussi vite ? Wendy ignorait si elle-même pourrait supporter une telle relation avec son ancien bourreau ? Sa raison lui rappelait constamment qu’il l'avait privé de sa famille pendant cent ans, que ses parents était morts sans savoir ce qui était arrivé à leurs trois pauvres enfants. Quatre, avec Baelfire. C’était totalement malsain, et elle le savait. Cependant, elle n’avait aucune envie de revenir en arrière. Un paradoxe qui s’amusait à la torturer.

Assise à côté de la fenêtre dans la salle de classe, comme à son habitude, l’anglaise griffonnait distraitement sur sa feuille, massant sa tempe de l’autre. Ses dessins ne ressemblaient à rien, visages aux traits disproportionnés et formes abstraites apparaissaient ici et là, recouvrant les quelques notes que Wendy avait eu le courage de prendre au début du cours. La voix du professeur se perdait au milieu du flot de pensées qui emplissaient son crâne douloureux. Son cœur et sa conscience se contredisaient constamment dans son esprit. Un pas en avant, un pas en arrière. C’était pathétique.

Elle leva les yeux vers le ciel bleu de printemps en mordillant son stylo, priant que les minutes passent un peu plus vite. Bientôt, elle serait dehors avec Cale traînant dans le centre-ville à l’air frais. Elle le connaissait depuis seulement très peu de temps mais elle se sentait déjà assez proche de lui. Il arrivait à la faire sourire aisément et c’était agréable de voir que tous les garçons de cet âge ne se comportaient pas comme les garçons perdus. L’oiseau le savait déjà, bien sûr, mais cela restait rassurant. De plus, elle avait appris que Cale était à la recherche de sa génitrice, qui n'était autre qu'une oracle que Wendy affectionnait particulièrement. Elle avait encore du mal à réaliser que Mnémis ait eu un fils, voire même à l'imaginer. La jeune femme était bien des choses mais sûrement pas une mère.

La sonnerie retentit et Wendy rangea ses affaires d'un geste las. Elle quitta la salle de classe en saluant son professeur d’un léger sourire, son sac bien installé sur son l’épaule. A peine avait-elle posé un pied hors de la pièce, qu’un bras l’attrapa et l’attira vers l’extérieur. « Prête ? Parce que je le suis. J’attends que ça. » L’oiseau se mit à rire en écho à Cale, qu’elle avait reconnu rien qu’à sa poigne et son empressement. Son mal de tête se fit discret. « Cale, du calme ! » Elle dégagea doucement son bras, et repoussa une de ses mèches blondes derrière son oreille. « Bonjour, Wendy comment vas-tu ? » lâcha-t-elle d’un ton ironique. « Oh mais très bien et toi, Cale ? » répondit-elle dans la foulée. « Moi aussi, merci ! Qu’est-ce que ça me fait plaisir de te voir ! » Elle tira la langue vers Cale en ne cachant pas son sourire malicieux. « J’imagine que je n’ai pas le temps de passer à mon casier, pas vrai ? »