Le monde qui m’entourait était une grande scène sur laquelle j’évoluais avec aisance. Storybrooke pouvait paraître calme en apparence, trop tranquille pour je m’adapte réellement à cette vie de misère. Et pourtant, Storybrooke était mon terrain de jeu privilégié et favori. Pour avoir fait une tournée dans tous les Etats-Unis, je savais que ce territoire était incomparable aux autres. Il n’y avait pas d’endroit où je me sente plus en sécurité, et pas d’habitants que j’aie plus envie de voir souffrir et de manipuler. Il n’y avait nulle part ailleurs cette douce atmosphère, comme un calme avant la tempête qui couvait et n’allait plus tarder. Aucune autre ville n’avait une telle attention de ma part. Il n’y avait pas d’autres maisons que je voulais voir réduite en cendres, pas d’autres américains que je souhaite voir brûler. Storybrooke était le catalyseur de ma colère, la cible de mes pires intentions, le repère de ma déchéance fatale. Et si je faisais bonne figure, sous les traits d’une star apparemment pleine de douceur et de retenue, cette ville était loin de se douter de mon potentiel de destruction.

« Mademoiselle Colton ? » La voix doucereuse coupa court à mes rêves de grandeur. L’assistante entra dans mon bureau au premier étage du studio que je possédais en plein centre-ville. C’était une nouvelle, et elle ne paraissait pas avoir inventé l’eau chaude, mais je ne l’avais pas vraiment choisi pour son cv. Une fois à mes côtés, elle se pencha pour poser un dossier devant moi, et mit un certain temps pour l’ouvrir et me mettre sous les yeux le papier qu’elle entendait me faire signer. Un sourire fin étira mes lèvres, tandis que mes yeux avaient trouvé un bien meilleur alibi que le formulaire que l’assistante prenait désormais le temps de me présenter. Ses explications trainant en longueur, j’attrapais délicatement sa main entre mes serres. Je l’obligeais à se redresser, plongeant mon regard azur dans ses prunelles ingénues. Il n’y avait rien de plus doux que d’étendre son influence sur un esprit neuf et naïf.

« Eclaircis tes pensées, ma colombe, et reviens me voir quand tu seras capable de me dire pour quoi et où je signe en moins de trois mots.» Mon sourire était aimable, malgré mes intentions douteuses. Je reculai mon siège pour me lever, ne lâchant à aucun moment la main de la brebis égarée prise à mon piège. Je lui fis quitter le bureau, et je l’accompagnais jusqu’au rez-de-chaussée. Je la laissai en lui prouvant qu’il était tout à fait possible de réaliser le travail que j’exigeais d’elle : « Heaven Club, promo.» J’avais plus qu’une simple promotion à faire, en réalité, mais cet oiseau innocent n’avait pas besoin de savoir dans quel monde sordide baignait son employeuse. J’aurais sans doute pu me rendre à pied jusqu’au club de ce cher Lawrence, mais je ne méritais pas d’être intitulée « star », si je n’embrassais pas convenablement le quotidien de ce monde de strass et de paillettes. Aussi m’installais-je au volant de mon bolide, une magnifique audi r8 rouge, qui ne pourrait jamais réellement prouver sa valeur motrice dans une ville aussi insignifiante que l’était Storybrooke. Néanmoins, il n’était pas rare que je traverse la ville en trombe ou que je ne sillonne la forêt qui bordait la ville pour le plaisir de la conduite, pour entendre le moteur de mon bijou ronronner, et sentir mon cœur s’emballer.

Je ne pus néanmoins guère griller plus de quelques feux rouges avant de me garer sur le parking du Heaven club. Ma portière claqua dans un son mat, avant que je ne fasse claquer mes talons surdimensionnés jusqu’à l’entrée du club. Pénétrer ce haut lieu de la débauche et de la sensualité ne me posa pas le moindre problème, mais je ne m’attardai pas dans la salle principale, il était trop tôt pour que les choses sérieuses commencent, et j’avais fort à faire avant. J’obliquai vers le bureau de Curtis, et frappai quelques coups à la porte avant d’entrer, sans attendre d’y avoir été invitée. Sitôt mon regard se posa sur le séduisant détenteur du club le plus inspirant de la ville, mes lèvres s’étirèrent et mon ton se voulu agréable : « Salut, mon ange. Je suis un peu en avance, mais j’aurais voulu bénéficier des conseils du maître avant ma prestation.» Mes lèvres se firent conspiratrices, et l’ensemble de mon visage ne tarda pas à les imiter, tandis que j’approchais de Curtis pour l’attraper par le bras, et l’obliger à se lever de son siège pour m’accueillir comme il se devait.

L’homme que j’avais face à moi savait comment accueillir les femmes. Il ne s’était pas fait prier pour se lever, et son bras maintenait déjà ma taille comme s’il entendait me capturer comme ses grues habituelles. Un sourire fin étira mes lèvres lorsque ses lèvres se posèrent sur ma nuque, lâchant un frisson sordide le long de ma colonne. Je n’étais pas facile à séduire d’ordinaire, et je me vantais d’être la prédatrice, celle qui choisissait ses cibles et non l’inverse. Mais Curtis avait un effet pervers sur moi, et sa peau me brûlait trop les yeux pour que je ne mêle pas mes doigts au bucher. Il eut néanmoins la bonne idée de relâcher son étau, me rendant à nouveau libre de mes mouvements, tandis que je tentai de garder les prunelles solidement rivées sur ses lèvres. « C'est parfait ! Tu me sauves ! Et tu m'appelles le maître au passage...Sky, je ne pouvais rêver mieux que de te voir arriver maintenant. » Ses paroles lui valurent le plus satisfait de mes rictus. J’aimais assez que l’on me caresse ainsi dans le sens du poil. J’avais conscience, bien évidemment, que Curtis ne pouvait pas rêver mieux que ma présence. Je n’étais pas n’importe qui et le propriétaire du Heaven club le savait très bien. Mes prunelles glissèrent brièvement sur le verre que me servait déjà mon comparse, et j’aurais eu quelques précisions à lui faire, s’il ne m’avait pas devancé avec efficacité : « Je serais ravi de t'aider mais, je ne suis pas convaincu que tu aies besoin de conseils! Sans oublier que pour satisfaire un mec, il suffit souvent pas grand-chose. Te fatigue pas trop non plus ! » Mes lèvres se pincèrent légèrement. Je décidais néanmoins de m’accrocher au compliment timide qui se noyait dans les propos du brun.

Effectivement, je n’avais guère besoin de conseil. On taxait souvent mes prestations d’avoir davantage leur place dans le club de Curtis que sur les scènes que j’irradiais de ma présence. Ces reproches incessants m’avait finalement convaincue de ce coup de poing marketing que je m’apprêtais à réaliser. J’allais faire taire toutes ces langues de vipères en leur montrant ce qui avait réellement sa place dans un strip club, et à quel point mes prestations étaient soft en comparaison du spectacle que j’allais réaliser à moi seule. Si le numéro que je m’apprêtais à exécuter n’était à l’origine qu’un secret de polichinelle, la rumeur s’était rapidement rependue telle une trainée de poudre, mettant le club de mon cher ami sous le feu des projecteurs. Je n’insinuais pas que Curtis avait besoin de ma pub un seul instant, mais mon intention avait créé un véritable buzz à Storybrooke, les mères de famille condamnant mon initiative, tandis que les pères trouveraient le moyen de prétexter un diner d’affaire pour me voir évoluer, plus sensuelle que jamais.

« Sky, j'en peux plus. Je peux même pas penser à parler de tout ça avec toi...Je suis complètement en manque ! J'arrive pas à penser à autre chose qu'a l'idée de te garder rien que pour moi ce soir. » La déclaration de Curtis eut le mérite de me détourner de mon œuvre d’autocongratulation, et de laisser un sourire amusé poindre sur mes lèvres. Il s’était avancé vers moi, et nos corps n’étaient plus séparés que par une barrière invisible et le rempart de nos vêtements. Je n’étais pas encore en tenue de scène, l’épaisseur du haut et du pull qui recouvrait mon buste me paraissait être une vraie torture, et il n’était même pas question de parler de la jupe légère que je portais, qui avait l’audace de recouvrir sérieusement la moitié de mes cuisses. J’attrapais Curtis par le col, tirant dessus pour rapprocher nos visages. Mes lèvres frôlaient presque les siennes, et mes prunelles caressaient la peau parfaite de son visage ainsi que ses iris tentateurs. « Est-ce ainsi que tu parles aux femmes ?» Les traits immobiles, Curtis ne pouvait douter de mon sérieux que parce qu’il tranchait férocement avec ma vision de l’acte auquel il faisait référence. Mon souffle joua sensiblement avec sa fébrilité, tandis que mes lèvres se trouvaient à une distance de plus en plus dérisoire des siennes. « Quelle chance d’avoir une nymphomane face à toi.» Et je le plaquai violemment contre le bureau, me fichant bien de blesser son postérieur, ou de renverser la moindre goutte de whisky par le mouvement des verres.



« Tu as dix minutes, chéri, utilise les efficacement !»