Sale gosse et lutin malin [PV Peter]

Introduction

Époque du sujet : Actuelle.
Date du sujet : 9 Mai.
Ordre de passage des participants : Emily - Peter.

La journée avait été longue, pour Emily. Pour une raison qu’elle ne s’expliquait pas, ses supérieurs semblaient avoir décidé d’être particulièrement enquiquinants ce jour-là, et elle avait croisé Desmund Hamilton plus souvent qu’elle ne l’aurait souhaité alors que Mara avait été occupée ailleurs toute la journée, les empêchant de se voir ne serait-ce que le temps d’une pause café. Le docteur Whale s’était éclipsé on ne savait où une bonne partie de l’après-midi et les patients eux-mêmes avaient l’air d’avoir été plus exigeants que d’habitude. Evidemment, Emily s’était pliée à toutes ces contraintes avec sa bonne volonté habituelle, mais à la fin de la journée, elle l’avouait volontiers, elle était cassée en deux. Elle était rentrée chez elle sans faire de détour par chez Granny, s’était assurée que sa mère allait bien –elle l’avait trouvée endormie sur son canapé, ces siestes de plus en plus fréquentes commençant à inquiéter sa fille- et était montée chez elle s’affaler sur son lit. La perspective de la soirée était des plus simples : se mettre en pyjama, et se caler devant un, deux ou trois films pour bien s’abrutir le cerveau avant d’aller dormir. Programme tout à fait acceptable selon elle, surtout que Mara était de service cette nuit. Elle serait donc toute seule. Qu’elle croyait.

Elle était en train de se préparer pour aller prendre une douche quand son portable se mit à sonner. Elle haussa un sourcil étonné en reconnaissant le numéro de Caitlyn, la colocataire de Peter Simms, et décrocha.

« Allô Emily ? Je suis vraiment désolée de vous déranger à une heure aussi tardive, mais j’aurais besoin de votre aide… »
« Qu’est-ce que je peux faire pour vous, Caitlyn ? » répondit Emily non sans noter le ton très fatigué de la voix de son interlocutrice.
« C’est Peter… Il est particulièrement ingérable ce soir, je n’en peux plus… »
« Combien de bouteilles ? » l’interrompit aussitôt Emily en soupirant.
« La dernière fois que j’ai vérifié, deux. »

Laissant échapper un nouveau soupir, Emily se pinça l’arête du nez et, l’espace d’un instant, hésita à prétexter une mauvaise grippe pour passer son tour. Mais son côté serviable reprit rapidement le dessus, et elle assura à Caitlyn qu’elle serait là d’ici une demi-heure, le temps de se rhabiller et de venir. Après avoir raccroché au soulagement notable de la colocataire en question, elle prit quand même le temps de se doucher et passa jean, t-shirt, gilet et bottes avant de ressortir. Attachant ses cheveux en queue de cheval alors qu’elle remontait la rue, elle songea que ce week-end elle aurait bien mérité ses grasses-matinées.

En arrivant devant chez Peter, elle sonna à la porte et entendit aussitôt des éclats de voix d’homme et de femme, et devina que la situation était effectivement bien tendue. Peu après, le battant s’ouvrit sur une Caitlyn visiblement excédée.

« Il ne s’est pas calmé ? » demanda Emily en jetant un coup d’œil à l’intérieur.
« Pensez-vous… Je ne lui ai pas dit que vous veniez d’ailleurs –cet imbécile ne m’en a même pas laissé le temps, trop occupé à me crier dessus. »
« Allez, laissez-le moi, prenez votre soirée et allez au cinéma, ou manger chez Granny. Je m’occupe de l’ado rebelle. »

C’est avec un soulagement palpable que Caitlyn s’exécuta, et sortit sans bruit en remerciant silencieusement sa sauveuse. En haut, Peter continuait à s’énerver et bougonner dans le vide, pendant qu’Emily posait son sac et retirait son manteau. Enfin, elle suivit la voix de Peter et traversa la maison jusqu’à le trouver avachi dans un canapé, une bouteille à la main. Croisant les bras et s’appuyant contre le mur, elle lança d’un ton dubitatif :

« Alors, qu’est-ce qu’il se passe encore ici pour que ta colocataire m’appelle en catastrophe ? Est-ce qu’un jour tu vas enfin te comporter en être humain normal, avec elle ? Je m’étonne qu’elle ne t’ait pas laissé tomber, depuis le temps qu’elle te supporte. Tu devrais lui en être reconnaissante au lieu de lui crier dessus. »

Non, elle ne faisait pas dans la dentelle, mais Peter n’était pas exactement dans un état qui appelait à l’indulgence. Du moins pas pour le moment.

Il l'avait vu. Il en était certain. Le fantôme était là, près de lui. Il l'observait, le suivait partout. Le manoir n'était plus très sûr depuis quelques temps. Pourquoi le propriétaire de la ville lui avait-il proposé ce manoir ? Était-il construit au dessus d'un ancien cimetière indien ? Peter avait déjà entendu parler d'une histoire semblable. Dans un film d'horreur. Cette idée lui donnait la chair de poule. D'ailleurs, il avait faim. Il voulait un poulet frit. « CAITLYN ! Commande-moi du poulet frit ! » Avait-il hurlé, une main sur sa bouteille de bière entamée depuis une bonne dizaine de minutes. Sans tarder, Caitlyn apparut dans la chambre en soupirant. Elle essayait tant bien que mal de dissuader Peter de commander un poulet à une heure pareille, mais Monsieur avait faim. Il n'avait même pas la force de lever ses petites fesses de son fauteuil pour prendre le téléphone et se faire livrer son repas par un des employés de chez Granny's. Et puis, qu'allait-il faire d'un poulet frit une fois qu'il serait arrivé puisqu'il venait tout juste de sortir d'un repas copieux ? À coup sûr, il le mangerait un peu et le laisserait ensuite traîné dans un coin. Ce n'était pas la première fois que Peter demandait une commande à n'importe quelle heure de la journée, mais à chaque fois, il ne terminait rien. Et pour cause ! Il était souvent totalement éméché ou complètement saoul pour comprendre ce qu'il voulait réellement. Des envies de femmes enceintes, voilà à quoi il en était réduit en se plongeant dans l'alcool !

« CAITLYN ! Le fantôme est encore apparu ! » La pauvre colocataire du magicien arriva sur les lieux, une nouvelle fois, et trouva Peter recroquevillé dans son fauteuil, les genoux très serrés contre sa poitrine, les pieds tournés vers l'intérieur, sous son peignoir. Deux bouteilles traînaient sur le sol, parmi de vieux bouquins et quelques magazines de sciences occultes. « Il était là ! Il m'a regardé droit dans les yeux ! Je l'ai vu ! Il était là ! » Caitlyn posa son regard sur le miroir que pointait Peter du doigt, mais il n'y avait rien. Juste leurs reflets, à tout les deux.

« CAITLYN ! J'ai besoin d'un massage ! » S'en était trop. La colocataire de Peter devait avoir un sacré courage pour oser vivre encore ici. Mais ce soir, elle n'en pouvait plus. Elle avait donc appelé une amie du magicien à la rescousse. Peter l'avait vu faire et lui demanda rapidement si elle venait de commander le poulet, ce à quoi Caitlyn répondit qu'il n'avait pas besoin d'un repas express après s'être enfilé presque tout le plat de gratin. S'en suivit alors des haussements de tons plus ou moins exagérés. La jeune femme se défendait tendis que Peter pestait sans être totalement rationnel.

La sonnette retentit et il n'en fallut pas plus à Caitlyn pour quitter la pièce. Seul, Peter s'en prit alors aux divers miroirs de sa chambre, en essayant de faire venir le fantôme pour une confrontation entre deux. Puis, fixant son reflet au visage cramoisi, le magicien prit peur et partit rapidement dans le salon, non sans prendre une bouteille d'alcool au passage pour ensuite se vautrer dans un canapé. « Qu'il vienne s'il ose ! Qu'il vienne et qu'il se batte ! » Une longue gorgée d'alcool plus tard, les yeux de Peter se posèrent sur la fine silhouette d'Emily Puck qui croisait les bras, comme si elle s'apprêtait à le sermonner. Ce qu'elle fit. Peter afficha alors un regard d'enfant boudeur et serra la bouteille contre sa poitrine, comme s'il s'agissait d'une peluche. Sa bouche était entre-ouverte, en attendant patiemment que l'invitée ait fini de parler pour protester, avec une voix de gamin capricieux et faussement innocent. « Mais, c'est elle qui a commencé ! » En fait, non. C'était lui. Mais peu importe. « Ah mais, elle t'a fait venir ici ! Elle t'a fait venir sans m'en parler. CAITLYYYYN !!!! » Il hurlait, comme un dégénéré. Sa bouteille se renversait à moitié sur lui mais il n'en avait que faire. « Elle n'aurait pas dû t'appeler ! C'est elle qui n'a pas voulu commander mon poulet frit ! Et le fantôme ! Il était là, encore ! » Si la présence de l'alcool n'était pas aussi évidente, on aurait pu prendre le magicien pour un déséquilibré. Il était surexcité et effrayé à la fois. Ses yeux étaient exorbités comme s'il avait vu un être démoniaque s'emparer de ses miroirs.

Emily n’était pas, à la base, la personne la plus patiente du monde même s’il lui arrivait de faire des exceptions ; notamment pour Peter lorsqu’il était dans un état à peu près acceptable… Ce qui n’était pas le cas aujourd’hui. Non seulement ce n’était pas un bon jour pour chercher des noises à l’infirmière, mais en plus c’était la première fois que Caitlyn se sentait tellement dépassée qu’elle devait appeler quelqu’un à la rescousse. Emily avait craint le pire en arrivant… Et elle ne s’était pas trompée de beaucoup. Du moins à en juger par les cris à l’étage et maintenant la vision assez ridicule que Peter offrait de lui-même. Pour un peu il lui aurait rappelé ces alcooliques hystériques qu’on leur amenait parfois aux urgences le vendredi ou le samedi soir, à qui il fallait administrer une piqûre de calmant avant de les envoyer décuver dans une chambre quelconque. Des patients qu’Emily ne tenait pas en très haute estime, autant l’avouer. Et malheureusement pour lui, Peter était en train de rejoindre leurs rangs à vitesse grand V. Si Emily ne disait pas non à un verre ou deux de temps en temps –ses soirées avec Aiden ou au Rabbit Hole en étaient la preuve-, elle ne buvait jamais en solitaire… Et encore moins en quantités pareilles. Bras croisés sur la poitrine, elle dévisageait Peter sans douceur et attendit sa réaction à ses derniers propos.

Il parut rester interdit un instant, puis eu cette réplique qui acheva de convaincre Emily que la suite n’allait pas exactement être une partie de plaisir : « Mais, c'est elle qui a commencé ! ». La blondinette arqua un sourcil dubitatif. Elle avait assez d’expérience de l’énergumène pour savoir qu’il y avait neuf chances sur dix qu’il mente. « Ah mais, elle t'a fait venir ici ! Elle t'a fait venir sans m'en parler. CAITLYYYYN !!!! » « Arrête de crier comme un demeuré, elle est partie ! » s’exclama Emily en refermant la porte derrière elle, persuadée que les voisins devaient déjà lever les yeux au ciel, d’autant plus s’il était dans cet état depuis effectivement un bon moment. S’approchant pour lui retirer sa bouteille des mains, elle eut un sursaut de recul alors qu’il levait soudain les bras comme un possédé en continuant à pousser de hauts cris. L’espace d’un court, très court instant, elle crut qu’il allait la frapper sans le vouloir. « Elle n'aurait pas dû t'appeler ! C'est elle qui n'a pas voulu commander mon poulet frit ! Et le fantôme ! Il était là, encore ! »

Le teint cramoisi de Peter, sa voix qui s’écorchait dans les aigus et ses yeux brûlants de délire la convainquirent qu’il fallait qu’elle fasse rapidement quelque chose. En l’absence de seringue hypodermique, la solution s’imposa d’elle-même : elle profita d’un bref instant où il avait baissé les bras et regardait autour de lui comme s’il cherchait le fantôme pour s’approcher, lui arracher la bouteille des mains, et de sa main libre, lui administrer une gifle retentissante. Un lourd silence s’abattit dans la pièce, alors qu’elle scrutait son visage pour vérifier qu’il avait digéré l’attaque soudaine et surtout n’allait pas répliquer ; de toute façon si c’était le cas, elle était prête à recommencer sans problème. En attendant, même si elle se dressait de toute sa –petite- hauteur, elle ne faisait pas forcément la maline.

« Ca y est, tu t’es calmé ? » finit-elle par demander d’une voix moins assurée que ce qu’elle n’aurait voulu. Gentille et pacifiste de nature, elle n’était pas habituée à lever la main sur qui que ce soit… et encore moins sur un ami, aussi invivable soit-il en cet instant précis. « S’il te plaît Peter, ne me force pas à recommencer, je n’en ai aucune envie et toi non plus. » se contenta-t-elle de souffler en lui tournant le dos pour aller poser la bouteille aux trois-quarts vide sur la petite table du salon. Puis elle jeta un œil aux miroirs qui avaient l’air de provoquer une telle avalanche de colère et, ne remarquant rien de bizarre dedans, en conclut que c’était bien l’alcool qui lui avait fait perdre la boule. « On peut parler normalement maintenant, ou tu vas te remettre à hurler comme un dément en accusant Caitlyn ou moi-même de tous tes maux ? » Non, elle n'était pas contente. Et ça se voyait.

Peter était agacé. Sa colocataire était partie ? Il devait arrêter de crier ? Il n'entendit même pas les mots qu'Emily avait prononcé. Tout ce qui l'intéressait, c'était de pester contre Caitlyn qui n'avait pas commandé son poulet, ou contre le fantôme qui se faisait un plaisir de jouer avec ses nerfs. Et il commençait légèrement à devenir hystérique. Il y avait bien plus d'alcool sur le sol que dans la bouteille que le magicien tenait, en faisant de grands gestes brusques. Emily avait d'ailleurs eu un mouvement de recul, mais est-ce que Peter le remarqua ? Pas du tout ! Il continuait son petit numéro de déséquilibré en pointant son index sur le miroir, persuadé que le fantôme était là, à l'observer et à rire de la réaction qu'elle causait chez lui.

Paf ! Peter avait reçu une gifle bien méritée, qui lui remit soudainement les idées en place. Enfin, presque, mais passons. La bouteille d'alcool lui avait été arrachée des mains, ce à quoi il aurait pu râler une fois de plus, mais au final, il ne s'en soucia pas. Il était bien trop occupé à porter une de ses mains de libre sur sa joue pour calmer les fourmillements et la sensation de brûlure qu'il ressentait. Et ça faisait mal. Très très mal. Il ne put d'ailleurs retenir un "Aouch" bien appuyé en fixant Emily, totalement pris au dépourvu. C'était bien la première fois que la jeune femme le giflait et elle ne semblait pas vouloir retenter l'expérience. Et il eut raison de croire à ce pressentiment. Emily ne voulait pas le frapper à nouveau.

Peter poussa un profond soupir et se dirigea vers un seau à champagne, où il glissa sa main pour récupérer des glaçons, qu'il plaça directement sur sa joue. Emily espérait qu'il se soit calmer pour parler tranquillement de tout ce qu'il s'était passé avant son arrivée. Épuisé par toutes ces histoires et par l'alcool, Peter se laissa tomber sur son fauteuil en affichant une moue de petit chaton triste. « On peut parler. Qu'est-ce que tu veux savoir ? Je t'ai tout dit. Le poulet, le fantôme... » Les glaçons dans la main de Peter commençaient à fondre, mais il s'en fichait. Il laissait le tout contre sa joue, comme s'il avait reçu un coup de poing - pauvre petite chose - et gémissait à la manière d'un petit garçon capricieux. « Pourquoi elle t'a fait venir ici ? Elle en a marre de moi ? Qu'elle s'en aille, je n'ai pas besoin d'elle. Si elle veut partir, elle n'a qu'à se trouver un autre colocataire, ou un appartement. Je n'ai besoin de personne. »

La paume de sa main la picotait un peu. Il fallait dire qu’elle n’y était pas allée de main morte –c’était le cas de le dire- lorsqu’elle avait giflé Peter, presque dans un réflexe de survie. Habituellement non-violente même si pas tout à fait toujours sage, gifler quelqu’un était une sensation qui lui était pratiquement inconnue, le dernier en date étant une espèce de goujat qui lui avait fait des avances un peu trop insistantes lors d’une soirée au Rabbit Hole. Mais ça n’était pas pareil. Peter était son ami. Même si elle se savait dans son droit, c’était loin d’être agréable. Raidie, elle dévisageait Peter qui semblait réaliser très lentement ce qu’il venait de se passer, puisque ce n’est qu’après quelques secondes qu’il porta la main à sa joue avec son fameux ‘aouch’ tellement reconnaissable. Emily le regarda s’éloigner vers le seau à champagne et prendre une poignée de glaçons à pleine main –elle avait vraiment giflé si fort ?- pour se l’appliquer sur la joue. Elle n’était pas très fière, mais au moins, ça avait l’air d’avoir marché. Elle le suivit donc à pas mesurés vers le canapé, alors qu’il se laissait tomber dans son fauteuil fétiche avec un air de chien battu qui adoucit la jeune femme.

« On peut parler. Qu'est-ce que tu veux savoir ? Je t'ai tout dit. Le poulet, le fantôme... » marmonna-t-il avec sa bouille de ‘je-sais-que-je-suis-coupable-mais-je-ne-le-dirai-pas’ que jamais Emily n’avouerait trouver adorable. C’aurait été lui accorder la victoire, et elle avait toujours eu un côté mauvaise perdante. Même si elle n’en pensait pas moins. L’alcoolisme notoire de Peter avait beau lui porter sur les nerfs, elle lui vouait une sorte d’adoration candide inexplicable, un trait reconnaissable chez cette demoiselle incapable de voir le mal bien longtemps chez ses proches et capable d’occulter complètement leurs défauts par pure fidélité. Ou de les transformer en qualités… A quelques exceptions près.
Prenant place sur le canapé, elle remarqua que de l’eau commençait à goutter de la main de Peter sans qu’il ne semble vraiment s’en rendre compte, tâchant le fauteuil. Ayant retrouvé sa patience, elle fouilla dans sa poche pour en tirer un mouchoir en tissu qu’elle déplia alors que Peter continuait à bougonner comme un gosse :

« Pourquoi elle t'a fait venir ici ? Elle en a marre de moi ? Qu'elle s'en aille, je n'ai pas besoin d'elle. Si elle veut partir, elle n'a qu'à se trouver un autre colocataire, ou un appartement. Je n'ai besoin de personne. »

Emily s’interrompit brièvement pour lever ses yeux gris vers Peter, l’air pas dupe du tout. Puis, avec un demi-sourire, elle se leva pour aller s’asseoir sur l’accoudoir du fauteuil et, doucement, prit les glaçons de la main de Peter pour les emballer dans le mouchoir et prendre le relai pour tamponner la joue à peine rouge du grand blessé. Une vraie drama queen, mais Emily lui pardonnait facilement, puisque son numéro l’amusait, maintenant que la crise semblait passée.

« Mais non, Caitlyn ne veut pas partir. Et ce n’est pas de toi qu’elle en a marre, c’est de tes colères alors qu’elle n’a rien fait de mal. Essaye de la comprendre un peu, tu es pire qu’un gosse de cinq ans parfois ! » lui expliqua-t-elle en pressant le mouchoir de glaçons sur sa joue, reprenant pour quelques minutes son job d’infirmière attentive. Elle ne releva d’ailleurs pas le ‘je n’ai besoin de personne’, sachant très bien que Peter se vexerait beaucoup si elle lui affirmait le contraire. Elle savait très bien que Peter était incapable de vivre tout seul et refusait de l’admettre ; d’où la présence de Caitlyn, et d’où le refus de cette dernière de le laisser tout seul même quand elle craquait. Et d’où sa présence à elle ce soir, alors que la colocataire ne s’absentait probablement que la soirée. Ca tombait bien : s’occuper des autres était quelque chose qu’Emily savait plutôt bien faire. Surtout les grands gamins comme Peter. « Ca va mieux ? J’ai essayé de ne pas te gifler trop fort, mais tu m’as fait peur aussi, avec tes grands cris et tes mouvements brusques… Tu me pardonnes ? » lui demanda-t-elle en lui passant une main affectueuse dans les cheveux. Elle connaissait la réponse à l’avance, mais hé, il fallait bien qu’elle se fasse pardonner aussi, pauvre petit Peter martyrisé…

Peter laissa faire son amie qui récupérait les glaçons dans sa main alors que ses doigts étaient engourdis par le froid. Mais ce n'était pas grave. Le magicien ne sentait rien de plus que les picotements contre sa joue. Enfin, c'est ce qu'il voulait bien faire croire, car en réalité, il ne sentait plus rien du tout. Seulement voilà, Peter était le genre de personne à attirer l'attention sur lui pour qu'on s'en occupe. Le grand boudeur avait besoin de se sentir aimé, peut-être parce qu'il n'avait jamais été vraiment chouchouté en étant un petit garçon. Être le fils adoptif de deux parents très fortunés qui ne s'occupe pas de vous laisse quelques séquelles psychologiques. En étant devenu un adulte, Peter avait changé de caractère, passant du petit garçon curieux et adorable à un homme détestable et paranoïaque.

Emilie avait un sacré courage pour venir prendre le relais de la pauvre Caithlyn, qui devait prendre un grand bol d'air frais à l'heure actuelle. Et puis, elle avait raison. Parfois - la majorité du temps - il pouvait être pire qu'un enfant de cinq ans. Mais à cette réflexion, le magicien fronça les sourcils et plissa le menton, encore plus boudeur qu'auparavant. « Non. C'est faux, » se plaignait-il en soupirant, sans en ajouter davantage, alors que son amie reprenait la parole. S'il lui en voulait ? Pas du tout. Comment en vouloir à Emily ? Avec sa bouille d'ange et son air enfantin. Peter l'aimait bien. Elle était comme une grande sœur idéale, une maman idéale. Oui, parce que là, elle s'occupait de lui comme s'il était un petit garçon puni qui avait fini sa petite crise de colère. Emily savait s'y prendre dans ces cas-là, il n'y avait pas à dire. « Je te pardonne. Mais je t'assure, Emy, je vois des choses étranges ici. Même quand je ne bois pas. » Peter lança un regard vers le miroir qui lui faisait face et se leva de son fauteuil, laissant Emily seule avec son mouchoir rempli de glaçon pour aller recouvrir l'objet qui lui faisait horreur avec son peignoir en soie. Tant pis s'il était désormais qu'en pantalon, Peter n'était pas du genre complexé. Il retourna d'ailleurs prendre sa place initiale et laissa un profond soupir passer ses lèvres. « Ou alors, je deviens vraiment dingue. Mais je suis déjà aller voir Archie, qui me dit que je n'ai pas de symptômes qui pourraient laisser croire que je souffre de quelconque maladie psychologique. À part peut-être la dépression, d'après lui. Mais là encore, je n'ai pas assez l'air dépressif pour que ce soit alarmant. Je pense que la ville entière me prend pour un mythomane qui aime dire que sa maison est hanté, mais c'est faux. Je vois vraiment cette forme dans le miroir... » Un nouveau soupir, une nouvelle moue triste. Peter était désemparé. Voir quelque chose que personne d'autre ne pouvait voir le rendait dingue. Il criait sur tout le monde et passait son temps à boire, pour combler sa solitude. Mais il n'avait pas tord. Quelque chose passait bien dans son miroir, de temps en temps...

Sujet: Re: Sale gosse et lutin malin [PV Peter]