Le docteur Whale est l’une des énigmes les plus profondes de Storybrooke. Si beaucoup de monde connaît le chirurgien talentueux qui siège également au conseil administratif de l’hôpital de la ville, peu connaissent véritablement l’homme sous la veste blanche.

Victor Wilhelm Whale est persuadé d’avoir trente-et-un ans, d’être né à Storybrooke et d’y avoir passé la majeure partie de sa vie. Soi-disant né d’une mère allemande et d’un père américain, il ne parle cependant que l’anglais et n’a gardé du pays de sa mère que son second prénom et un certain intérêt pour quelques auteurs germaniques, mais sans plus. S’il a été élevé par des parents aimants, mais un peu distants, il garde le souvenir confus d’avoir un jour eu un frère mais serait incapable de dire à quel âge ce dernier est décédé, comment, ou même de se souvenir de son prénom. Une enfance assez solitaire pour un gamin studieux, attiré très tôt par les sciences et la recherche, qui a débouché sur des études de médecine à l’université de Chicago dont il est sorti diplômé et major de sa promotion. N’étant guère du genre voyageur, Victor imagine qu’il est retourné à Storybrooke après avoir reçu un appel de sa mère l’informant que l’hôpital de la ville cherchait un interne en chirurgie, et qu’il n’est jamais reparti depuis. Ses deux parents sont, dans ses souvenirs falsifiés par la malédiction, décédés à peu de temps d’intervalle, sa mère d’un cancer du sein et son père d’un accident de voiture. Depuis, Victor vit seul dans un grand appartement en centre-ville et partage son temps entre son travail, ses sorties au bar, et ses rendez-vous galants.

Côté caractère, Victor est un garçon plein de contradictions, bourré de défauts mais doté de qualités non-négligeables. Image-type du jeune actif célibataire, Victor est un bourreau de travail qui passe énormément de temps à l’hôpital et s’investit autant que possible aussi bien dans le bloc opératoire que dans la gestion administrative de l’établissement –même si les conseils ont tendance à l’ennuyer plus qu’autre chose puisque de toute façon, c’est la maire qui décide de tout- et dans la recherche médicale ; il supervise deux laboratoires de recherche en chirurgie et en neurologie. Médecin patient, attentif et appliqué, il connaît très bien son boulot et tout le monde s’accorde pour dire qu’il est digne de confiance. D’ailleurs n’est-ce pas lui qu’on appelle systématiquement en cas de crise ? Avec son sang-froid et son autorité souple, il fait un bon chef de service et trouve toujours la solution aux problèmes posés ; réfléchi et rationnel, il laisse rarement le stress l’envahir et prend soin de ne pas mélanger travail et vie privée. Le Victor de l’hôpital et le Victoir du civil sont presque deux personnes différentes, et malheureusement, le premier semble plus fréquentable que le deuxième. Hors de l’hôpital, Victor est un véritable coureur de jupons qui adopte presque systématiquement une attitude de séduction avec les jolies femmes ; et le pire, c’est qu’il a son petit succès. Beau parleur à qui le mot ‘scrupules’ semble inconnu, il sait très bien faire preuve d’humour, se montrer attentif et à l’écoute pour une jolie paire d’yeux, mais en général ça ne dure hélas pas longtemps. Fuyant les relations sérieuses, il ne reste en général qu’une nuit avec une femme avant de l’oublier, ou parfois de rester en bon termes avec elle (si elle n’a pas essayé de l’assassiner en lui jetant sa chaussure à la figure en comprenant qu’il ne cherchait rien de sérieux). Il passe souvent pour un goujat et un irresponsable et sa réputation en ville n’est pas des plus brillantes. Je-m’en-foutiste et détaché, il ne semble pas y prêter particulièrement attention. Non, décidément, Whale n’a pas l’air d’être une bonne fréquentation et n’a pas l’air motivé pour changer ça. Pourtant, si quelqu’un se donnait la peine de passer outre l’image du séducteur invétéré et égoïste –qu’il est un peu quand même- il serait certainement surpris de découvrir que Victor peut aussi se montrer sympathique et sociable qui prend soin du mieux qu’il peut du peu d’amis qu’il a. Réservé et peu enclin à se confier, Victor a une véritable dimension Docteur Jekyll et Mister Hyde, avec ce côté insouciant, peu sérieux et travailleur qu’il veut bien montrer au monde, et un côté beaucoup plus incertain et sombre qu’il dissimule en permanence et ne laisse s’exposer que chez lui, en face d’un verre de whisky. A la liste de ses nombreux défauts on peut ajouter un penchant à noyer ses soucis dans l’alcool et n’en parle évidemment à personne. D’ailleurs, personne n’est au courant, et mieux vaut que ça reste ainsi.





En réalité, Victor n’est en aucun cas un chirurgien coureur de jupons dans une petite ville perdue du Maine. Exception à Storybrooke, Victor vient d’un monde différent de celui des contes et n’est autre que le célébrissime docteur Frankenstein, du roman éponyme de Mary Shelley. Fils d’une excellente famille, sa mère est décédée alors que Victor n’était qu’un adolescent ; il en était très proche et a mal vécu cette perte qui le laissait seul, lui le mouton noir de la famille, seul avec un père exigeant et étouffant, Alphone, et un frère de deux ans son cadet, Gerhardt. Si Victor s’est toujours très bien entendu avec son petit frère qui l’a toujours admiré, ses relations avec son père était très tendues : en effet, Victor était un garçon d’une grande intelligence qui montrait une préférence marquée pour les sciences au détriment du métier d’armes que son père aurait rêvé de le voir exercer. Mais Victor, malgré la pression d’Alphonse, n’a jamais renoncé à sa passion et à l’âge adulte, a même réussi à convaincre son père de financer ses recherches en biologies en fondant et entretenant un laboratoire dans l’immense résidence d’été familiale où seul le jeune homme, accompagné de son valet Igor, se rendait désormais. Scientifique acharné et surtout idéaliste, le jeune Victor nourrissait d’immenses projets d’une ambition démesurée et ne rêvait de rien de moins que révolutionner les sciences de son temps. Son objectif : trouver un moyen de rendre la vie aux morts. Un projet né du traumatisme de la perte de sa mère ? Peut-être. Mais personne ne s’est jamais posé la question… Victor encore moins qu’un autre.

Dénué de scrupules et de principes, Victor n’a pas hésité à recourir à des méthodes bien peu éthiques pour mener ses recherches à bien. Commençant ses expériences sur des animaux morts, il a très vite ambitionné de les étendre aux êtres humains, et c’est après une violente dispute avec son père qu’il a décidé de passer à la vitesse supérieure. Durant les fêtes de Noël, ce dernier avait annoncé sa décision de cesser de financer les recherches de son fils et de l’envoyer à la guerre à la tête d’un régiment ; un grand honneur selon lui, une catastrophe pour Victor et Gerhardt qui soutenait son aîné quoi qu’il arrive. Rumplestiltskin fut-il attiré par l’ambition dévorante de Victor Frankenstein ? Peut-être ; en tout cas, il lui promit, en échange d’un prix bien entendu, de lui donner l’or nécessaire pour maintenir le laboratoire à flots et poursuivre ses recherches. C’est cette rencontre qui permit à Victor de renoncer à tout principe éthique ou humain ; pour la première fois, Frankenstein se rendit au cimetière militaire de nuit et se mit à déterrer des corps afin de les utiliser pour ses expériences. Pour lui, la fin justifiait les moyens… Jusqu’à ce que Gerhardt, l’ayant suivi une nuit, surprenne son petit manège. Furieux, ce dernier essaya de raisonner son frère, mais les cris alertèrent un agent de surveillance qui ouvrit le feu sur les deux frères. Ce n’est qu’une fois dans le fiacre que Victor s’aperçut avec horreur que Gerhardt avait été touché… Seules quelques minutes furent nécessaires pour que Gerhardt ne meure de ses blessures. Dévasté par la perte de la dernière personne sur terre à croire en lui, Victor disjoncta. Son seul objectif désormais, son obsession, serait de ramener à la vie ce frère tant aimé qui était mort par sa faute.
Et grâce à Rumpelstiltskin et au Chapelier Fou, qui l’emmenèrent dans la Forêt Enchanté jouer un tour à Regina, Victor faillit réussir. Récupérant avec succès un cœur assez solide pour survivre à l’effet de la foudre, il ranima avec succès la dépouille de Gerhardt qui se remit à s’animer. Au comble du bonheur, Victor emmena son frère voir leur père, qui avait toujours blâmé Victor pour son décès et avait rompu tout contact avec lui après avoir découvert les expériences qu’il menait sur le corps de Gerhardt. Après quelques minutes d’émerveillement, Alphonse comprit que cette créature n’était en rien semblable à son cher fils disparu, et accusa avec fureur son aîné d’avoir créé non pas Gerhardt, mais un monstre. Alors qu’Alphonse menaçait de s’en prendre à Victor, Gerhardt, dans un réflexe de défense envers son ‘créateur’, se jeta sur Alphonse et le battit à mort sous les yeux d’un Victor stupéfait incapable de réagir. Si un sentiment de toute-puissance l’étourdit tout d’abord, l’angoisse et l’horreur suivirent vite, et Victor fut forcé d’enfermer Gerhardt pour l’empêcher de faire du mal à qui que ce soit d’autre, ou de se blesser lui-même. Une créature vacillante, bancale, incapable de parler, violente et dotée d’une force phénoménale… Qu’avait-il créé ? Qu’avait-il fait ?

Plusieurs mois s’écoulèrent entre la mort d’Alphonse et la décision de Victor. Après de nombreuses tentatives pour améliorer l’état de Gerhardt, Victor comprit que rien ne pourrait sauver son frère et qu’il avait joué au petit alchimiste, payant de deux morts le prix de son inconscience. Mais une fois encore, Victor échoua : incapable de tuer son frère alors que ce dernier, dans un rare accès de lucidité, tenait le canon du pistolet contre son front alors que la main de son frère tremblait, le suppliait d’en finir avec son calvaire, il enferma de nouveau Gerhardt et partit à la recherche d’un nouveau moyen de sauver son frère. Hélas, la malédiction l’empêcha d’aller jusqu’au bout, et aujourd’hui, Victor ne se souvient plus de l’existence de ce frère dont le souvenir devait encore longtemps le hanter, le poussant aux limites de la science et surtout, de la raison…