Sven était presque sur un petit nuage de bonheur. Tout se passait pour le mieux avec Harley et oui, il en était le premier étonné. Parfois, le ton de l’un ou de l’autre montait, mais ils avaient tous les deux prouvés leur valeur pour des réconciliations musclées et mouvementées. Malgré ces sursauts dans leur quotidien, le couple avait trouvé son rythme, devenant bientôt un sujet commun dans les ragots de Storybrooke – Sven avait par ailleurs été très clair sur ce sujet : il ne souffrirait aucune remarque sur sa relation. Arrivait donc une tranquillité ennuyeuse aux yeux de la lycéenne, et un train de vie que l’ébéniste appréciait plus que ce qu’il n’aurait dû. Il était heureux et alors qu’il vaquait dans un des rayonnages du magasin de bricolage pour de la cire à bois, la malédiction fut levée, emportant avec elle le souffle de cette magie trompeuse.

Sven en lâcha son panier bleu, le contenu se déversant sur le sol, sans qu’il ne lui apporte aucune attention. Son ancienne vie lui revenait. Son identité de soldat, ces massacres qu’il avait menés, ces ordres auxquels il avait obéi. Sa Reine. Regina. Dans geste aussi parfait que précis, par un automatisme qui n’avait plus été pratiqué depuis ces 28 dernières années, mais qui était encore bien présent dans ses veines, comme l’instinct d’un animal qui ne l’abandonne jamais, Marcus tourna sa tête vers la maison de Regina. Sven n’aurait jamais su où elle était. Mais la figure bonhomme du charpentier s’effritait quelque peu face à la brutalité de l’homme bien sombre qu’il était devenu. Il quitta le magasin, le pas assuré, ne prêtait que peu d’attention à ce qui se passait autour de lui, à ces habitants de la Forêt Enchantée qui retrouvaient la véritable identité. Lui, il ne prendrait pas le temps de s’attarder sur l’émerveillement de perdre le masque qu’il avait porté pendant presque trois décennies. Il avait bien plus important en tête. Il devait retrouver Regina. Et il savait parfaitement où elle se trouvait.

Il ne lui fallut guère longtemps pour se trouver devant la large demeure blanche dans laquelle il s’était rendu à quelques rares occasions. Tandis qu’il parcourait l’allée, il étudia le caractère joyeux dont lui avait affublé la Reine par sa Malédiction. Il ne pouvait s’empêcher de trouver étrange l’écart qu’elle avait mis entre son plus fidèle garde, alors qu’elle avait gardé à portée de main le Chasseur et le Miroir. L’interrogation n’était pas au moment. Il constata avec un certain soulagement qu’il était le premier arrivé sur les lieux. Prenant à peine en considération l’idée de s’annoncer, de sonner à la porte, il l’ouvrit, se faufilant avant d’attirer l’attention des passants. Il serait puni plus tard. Sven avait le pressentiment que le temps lui était compté, que la situation était délicate.

Il n’eut pas de difficulté à l’analyser, depuis l’arrivée d’Emma Swan, le pouvoir de Regina avait été mis à mal, jusqu’à ce que le sort se brise, jusqu’à ce que la force de la Reine ne vole en éclat, Reine qu’il trouva dans la cuisine. Il fallut moins d’une demi-seconde pour que Sven se retrouve le genou au sol, dans une révérence parfaite, malgré les années. Son genou lui tira un peu, preuve du manque de pratique, mais il n’en dit rien, attendant l’autorisation de se relever quand elle viendrait. « Ma Reine. » Car le chien revenait au maitre, qu’importe la distance, les années, la magie, les malédictions. La loyauté de Marcus ne pouvait être testée, ni mise à l’épreuve. Il était l’un des premiers fidèles de la Reine, il serait l’un des derniers, aussi. « Que puis-je faire pour vous servir ? » Aussi déplaisant que cela l'était, dans ce cas-ci, le soldat ne pouvait pas prévoir les besoins de la Reine. Elle était seule à avoir toutes les cartes en main. Seule, face aux autres, car Marcus n’était qu’une chair à canon, qu’un soldat sans la moindre importance. Et ô combien il aimait ce statut retrouvé.

Marcus savait qu’il y avait quelque chose qui clochait, une fébrilité dans l’air, différente de celle liée à la malédiction. Il arrivait à le dire rien qu’en pénétrant dans la demeure de la Reine, bien qu’il ne sut l’identifier. En analysant la situation de plus près, le logique voulait que le camp de madame le maire soit qualifié de perdant. La malédiction que Regina avait pris tant de soin à installer et à lancer, bien qu’elle eut tenu plus de 28 ans, venait de disparaitre. Le grand projet de vengeance était terminé, défait par la fille de la pire ennemie dans la Souveraine. Les dés étaient à nouveau lancés et il fallait profiter de ce court instant de calme – avant que la tempête ne gronde – pour se réorganiser, avant que les bienfaiteurs aux yeux des étrangers à ce mal qui rongeait la Reine depuis maintenant bien des années, n’arrivent, pour réclamer leur dû. Nul doute que 28 années avaient un certains poids. Ainsi, les gardes noirs et leur leader étaient vaincus. Marcus n’aimait pas cette idée. Rien n’était encore perdu. La Reine pouvait toujours avoir ce qu’elle voulait. Et comme elle l’avait déjà prouvé par le passé, elle ne renoncerait à rien, n’est-ce pas ?

L’analyse du soldat tenait la route. Normalement. Mais quand il entendit son nom prononcé par Regina, un pincement assaillis son cœur et il songea que, peut-être, les choses n’étaient plus tout à fait les mêmes. Il releva les yeux du sol, observant sans gêne Regina – un acte qu’il n’aurait jamais fait par le passé, mais qui s’approchait relativement du comportement de Sven… soit, il s’occuperait de ce souci d’identité plus tard. Marcus observa ce qu’il avait rarement vu chez la Reine et ce fut à cet instant qu’il comprit la gêne et le malaise qui régnait dans la luxurieuse demeure : Regina pleurait. Il serra les poings dans son dos, fronçant les sourcils, dévoilant ainsi son inquiétude pour la Reine. Néanmoins, il ne fit aucun mouvement, bien qu’il ait voulu se relever et rassurer la Reine d’une quelconque manière. Il n’eut pas à attendre longtemps avant que Regina ne s’approche de lui, l’autorisant à se relever, ce qu’il fit.

A présent, la dominant de quelques centimètres, il l’observa attentivement, observant les taches fraiches de ses larmes, qu’elle avait essuyées, mais qui avait rendu ses yeux rouges. Sa position de Reine Maléfique paraissait bien loin, à l’instant. Marcus ne voyait que la femme brisée qu’elle prétendait dissimuler derrière sa magie et son orgueil. Le soldat ne savait pas vraiment quel comportement adopté. La part d’ébéniste en lui aurait pris la Reine dans ses bras, mais il préférait se tuer que de faire preuve d’un geste aussi déplacé. Si les rangs avaient été balayés avec la malédiction, il y avait toujours des actes qu’il ne se permettrait jamais de commettre. Cela semblait échapper à Regina, qui posa une dernière question. Marcus, automatiquement, baissa la tête, un sourire désolé sur le visage, regardant le sol, plutôt que sa Reine. Bien entendu qu’il était revenu. Bien entendu qu’il ne l’avait pas oublié. Il était le garde de la Reine. Rien d’autre. Il n’avait que vers elle vers qui revenir.

Quelque chose, un sentiment inadéquat, s’insurgea en lui, alors qu’une pensée d’Harley effleura son esprit. La fille de Trémaine était le cadet de ses soucis, bien qu’il se devrait d’enquêter sur elle. Après tout, elle n’était pas venue vers lui. Il la savait dans le salon avant que la malédiction ne se dissipe pour de bon. Et même s’il n’avait pas pris la peine de vérifier la présence de la jeune adulte, il savait qu’elle n’était plus dans sa maison. Soit, c’était le cadet de ses soucis. Il chassa sa réflexion d’un battement de cils, osant un pas en avant vers Regina, relevant les yeux, qu’il posa sur la Reine. « Comment pourrais-je ? Vous êtes ma Reine, la seule envers laquelle ma loyauté est dirigée. » Cependant, ça ne semblait pas être le cas des autres gardes. Ceux-ci avaient dû voir l’occasion de cette malédiction pour couper tout lien envers Regina. Marcus n’appréciait nullement ce genre de comportement. Il avait du mal à comprendre. Il avait juré fidélité à la Reine, comme tous les autres. Alors, pourquoi était-il le seul devant la Reine ?

Marcus se racla brièvement la gorge, se préparant à avancer un sujet qui ne lui plaisait pas particulièrement, mais qu’il se devait d’énoncer devant la Reine. D’autant plus qu’il n’était pas très à l’aise en tant que soutient de la Reine. Ce n’était qu’un soldat, il n’était en rien une personne digne de confiance pour reposer ses doutes. Il n’était qu’un outil, et ce, même après 28 ans à croupir sous le joug d’un sortilège qui aurait pu l’écarter à jamais de cette vie de servitude. Marcus n’avait qu’une parole, et il ne tenait. « Je suis désolé de vous pressé, majesté… mais quels sont vos intentions ? » Aucun des deux n’était assez sot pour croire que Regina s’en tirerait indemne. La situation était des plus délicates et le soldat avait besoin des indications de son leader. Car comme un outil, il ne pouvait prendre les décisions par lui-même. Sinon, la ville n’aurait pas tardé à devenir un bain de sang, recouvert par ces traitres à la couronne qui se battait pour une cause qui semblait de plus en plus gagnée au fil des minutes qui s’écoulaient. Eh oui, c’était décidemment une bonne chose que le soldat sans cœur Marcus décide de suivre les directives de quelqu’un d’autre que celles que lui dictait son cœur bien sombre… aux couleurs de sa Reine.

L’instant était particulier, s’immisçant dans une proximité que Marcus n’avait jamais partagée avec la Reine, elle qui d’ordinaire laissait ces éclats de faiblesses à ses proches. Avant la malédiction, elle aurait tourné ses doutes vers Henry Senior, son père. Père qu’elle avait elle-même tuée. Maintenant, qui lui restait-il, de proche ? Marcus n’était qu’un soldat, qui n’avait la prétention d’être humain que parce qu’il respirait et qu’il était doté d’un semblant de conscience. Aux yeux de la Reine, normalement, il n’était rien d’autre. Ainsi, qu’elle se tourne vers lui dans un moment de fébrilité était inédit. L’ancien ébéniste ne songea pas que c’était, éventuellement, parce qu’elle n’avait plus personne vers qui se tourner. Ses amis étaient tombés, ses proches, disparus. Il ne lui restait, plus qu’Henry, qui devait très certainement se trouver à l’hôpital avec sa mère biologique. Marcus serra la mâchoire. Emma Swan. La raison de tout ceci. La Reine n’avait qu’à en donner l’ordre et il irait lui-même enfoncé son épée dans le ventre du Cygne. La blonde ne verrait rien venir, jusqu’à ce que le noir de la mort la rattrape.

Cependant, ce ne fut pas le nom de la fille de Blanche-Neige que la Vilaine Reine prononça, mais bien du propriétaire de la ville. Gold. Une autre vermine parmi tant d’autres. Rumplestiltskin. Le Nain Tracassin. Le maitre marionnettiste, manipulant les pantins que tous étaient à ses yeux de serpent. Marcus ne ressentis aucune surprise, si ce n’est la constatation sardonique que c’était celui qui avait susurré l’idée de ce sort à la Reine, lui seul qui s’était réjoui d’un tel changement. Le Ténébreux était bien connu, dans le monde des contes, pour s’adonner à des mascarades dont le but réel était connu de lui seul. Marcus ne s’occupa guère plus l’esprit à chercher une raison au comportement de l’antiquaire de la ville. Le Sven qui était en lui ressentait une certaine complicité avec le vieil homme. C’était passé. Le charpentier un peu niais était parti, disparu dans les limbes du soldat noir qu’il avait été par la passé, et qu’à présent, il était redevenu, sans l’ombre d’une difficulté. A force de suivre la Reine, dans le moindre de ses désirs, pour le plus simple de ses ordres, l’homme bon qu’il avait été un jour avait fini par s’évaporer.

Etes-vous avec moi Marcus ? Il se courba en avant, présentant une révérence qu’il connaissait par cœur, qui dévoilait parfaitement le fond de sa pensée. Il échappa un murmure « toujours, votre Majesté. » son sourire fin et cruel reflétait à la perfection les intentions de sa maitresse qu’il suivait aveuglément. L’ambre de son regard se ficha dans celui de la souveraine, laissant une seconde de flottement, avant qu’il ne prenne les devants dans une spontanéité qu’il ne se connaissait pas – décidément, il devrait travailler sur ces sursauts de comportement non désiré. Marcus se détourna de sa Reine, se dirigeant vers la porte d’entrée, qu’il avait franchi peu de temps auparavant. Gold étaient un homme malin, il n’était pas à prendre à la légère. Dans un monde sans magie, il n’était qu’un homme comme les autres, fait de chair et de sang. De chair et de sang, tout simplement. L’avantage que leur conférait la chute de la malédiction ne tarderait pas, ils ne devaient pas trainer.

C’était limpide dans l’esprit du soldat, ainsi pressa-t-il le pas vers la sortie. Mais avant qu’il n’eut passé le seuil de la porte, un nuage de fumée mauve s’abattit sur le début de la rue, se répandant bientôt sur toute la ville, la recouvrant entièrement. Marcus eut à peine le temps de se retourner vers Regina. Il ferma ses bras autour des épaules de la souveraine, la recouvrant de son large torse, la protégeant de son propre corps, réflexe resté intacte de la garder en sécurité. Quand la tempête fut passée, que le nuage se dissipa, une odeur familière régnait dans l’air. « De la magie. » Gold avait été plus rapide qu’eux. La mâchoire de Marcus se serra, alors qu’il lâchait la Reine. Il se recula de quelques pas, détaillant sa maitresse un instant. Dans un temps ancien, Marcus n’aurait pas su trouver les mots. Mais il n’était plus tout à fait le même. « Votre magie est-elle revenue ? » Les mots lui échappèrent et au froncement de ses sourcils, il n’apprécia pas son manque personnel de contrôle.

Marcus reconnaissait cette sensation, bien qu’il n’ait jamais pratiqué la magie. Il avait vécu assez longtemps aux compagnies d’une des plus puissantes sorcières pour en être capable. La magie n’avait jamais été présente à Storybrooke, un détail qui n’avait pas compris, en connaissant les penchants de sa Reine pour ceci. Il ne s’en offusqua pas, supposant aisément que les plans de Regina méritaient une part de mystère, même à l’ancien chef de la garde. Si la magie était revenue, cela voulait dire que les pires ennemis retrouvaient eux-aussi tous leurs moyens. Que ce soit la Fée Bleue, ou Rumplestiltskin, l’investigateur de cette malédiction, celui-là même qui avait proposé le sort à la Vilaine Reine. Il y avait un élément dans cette histoire que Marcus n’arrivait pas à définir et cela la dérangeait. Le soldat se recula de sa souveraine, qu’il avait protégé, bien que cela ne fut pas vraiment nécessaire. Soit. Elle ne s’offusqua pas à sa question qui avait franchi ses lèvres sans qu’il n’y pense, et fut soulagé. Il reconnut la position de la Reine. Oh, il n’y avait rien de très révélateur, ni aucune gestuelle superflue. Il y avait juste une tension et une posture des épaules appliquées. Elle s’apprêtait à utiliser ses pouvoirs.

Rien ne vint et le garde fronça les sourcils. Je crains d'avoir été une nouvelle fois dupée par Rumplestiltskin... Marcus serra les poings. Eh bien, ce n’était pas la première fois que le Nain Tracassin leur jouait des tours. C’en était agaçant et Marcus ne pouvait qu’attendre l’instant où il planterait sa dague dans le cœur de Rumple, même si cela s’avérerait inefficace. Il aurait au moins le privilège de se faire plaisir et de remettre en place le Ténébreux. Car, avec un peu de chance, si la Reine n’arrivait pas à se servir de sa magie, il en serait peut-être le cas pour le sorcier à écailles. Marcus releva la tête en entendant la voix de sa souveraine, constatant qu’ils étaient arrivés à la même conclusion. Le temps pressait, car qui savait quel serait le prochain tour de magie que planifierait Rumple ? Celui-ci avait des longueurs d’avances depuis bien trop longtemps et il se jouait de tous ceux qui avaient un jour fait figure d’alliés. Marcus hocha la tête, approuvant par là la proposition de sa maitresse – bien que son avis n’aurait aucun poids dans la balance, n’est-ce pas ?

« Dans ce cas, ne perdons pas de temps. » Marcus, la mine sévère, eut un sourire qui ne lui ressemblait pas. Un sourire à la Sven, qu’il ne remarqua pas. Il retourna sur ses pas, plus calmement que la première fois, une certaine méfiance, quant à ce qui les attendait une fois face aux Ténébreux. Marcus ne savait pas trop par où commencer, mais il opta pour la boutique d’antiquité, puisqu’elle était connue pour être le repère préféré de Rumple, d’autant plus que, à la lumière de sa mémoire retrouvée, Marcus constatait que bon nombre d’objets qui étaient en sa possession étaient des objets qui venaient du monde des contes. Cependant, une fois encore, il n’eut pas l’occasion d’aller très loin. Cette fois-ci, il était bien sortit de la maison et s’était même engagé dans l’allée, quand il reconnut des bruits aux loin, qui contrastaient avec le clame précédent. Il se retourna vers la Reine, soucieux. Au loin, il avait aperçu des habitants de la ville. Des habitants mécontents. En temps normal, il n’aurait pas hésité à leur trancher la gorge les uns après les autres. Marcus n’avait pas son épée, et le nombre ne jouait pas en sa faveur non plus. Néanmoins, ce n’était pas à lui de prendre des décisions. Il songea un instant à la fuite, mais savait la Reine trop fière pour se laisser aller à un acte aussi indigne.

« Que voulez-vous faire, ma Reine ? Devons-nous leur rappeler la crainte d’usage ? » Il se retourna vers les villageois, reconnaissant des amis de l’ébéniste dans le groupe. Il n’eut aucun élan de compassion, tandis qu’un sourire carnassier passa sur ses lèvres un bref instant, qui disparut bien vite. « Ou devons-nous nous occuper de Rumplestilskin en premier lieu ? » Il constata le petit groupe qui s’approchait à grands pas. Il fut forcé de constater. « Malheureusement, je ne pourrais pas me charger d’eux sans garantir votre sécurité. J’en suis désolé. » Et vraiment, vraiment, le soldat l’était, de ne pas pouvoir offrir un bain de sang à la Reine Maléfique ainsi que la tête de son ennemi juré.