C’était Noël et si Galaad avait l’idée de fêter cette journée suivant tout bon religieux, en horreur, pour lui, cela ne divergeait en rien de son quotidien. Il faisait partie d’une discipline qui ne goutait pas le luxe des congés et s’il était vrai que, ce soir, il avait pu terminer plus tôt son service, il n’en restait pas moins que se retrouver derrière les fourneaux était la meilleure excuse qu’il avait pour éviter Mahélia. Le génie avait réclamé des cadeaux qu’il n’avait pas eu à cœur de lui offrir – même s’il lui avait offert un collier. Il fronça les sourcils en se rappelant que la blonde avait ri en recevant son cadeau. Il n’empêchait qu’elle avait porté le collier ce midi, quand il avait émergé de son sommeil. Soit, pour lui, la journée avait été parfaitement normale. A l’exception près qu’il avait croisé un homme qui ressemblait fortement au père Noël et l’ancien chasseur n’aurait pas été étonné d’apprendre que le patron du Pôle Nord existait bel et bien. Après tout, dans un monde qui regorgeait de personnages de contes, rien n’était impossible. Ah, si seulement Galaad n’était pas cette brute insensible, peut-être aurait-il apprécié cette perspective.

Mais il était trop tard pour le changer. Et s’il était vrai que la présence de Mahélia avait réussi à le dérider quelque peu, il n’en restait pas moins l’homme solitaire – et peu aimable - qu’il était. Encore une fois, c’était pour ça qu’il était si bien dans sa cuisine, à ne s’occuper de son monde, sans se faire déranger par la populace. Même si, à quelques occasions, il se devait de se fondre dans la masse. Ou de croiser des gens. Arg. La socialisation. Vite, qu’il retrouve son morceau de domaine et qu’il retrouve une vie paisible, sans croiser de visages pour des semaines et des semaines. En attendant, Galaad était occupé à traverser les rues froides de Storybrooke – il avait parfois cette impression, qu’il n’arriverait jamais à quitter cette ville – pour rentrer chez lui. Il avait, dans un sac plastique, des restants de froid gras, ainsi que les fonds de casseroles du lapin, qui avait constitué le plat du jour. Il n’avait pas la force de se préparer à manger en rentrant, puisqu’il avait tourné autour de ses marmites toute la journée. Autant en profiter. Et puisque c’était un des sujets sur lequel Mahélia ne se plaignait pas, il ne manquait pas une occasion de ne pas l’entendre râler.

C’est sur cette pensée, qui ressemblait à une lueur d’espoir, à ses yeux, qu’il sentit un petit choc, contre son torse. Instinctivement, il attrapait la jeune fille par le coude, pour éviter qu’elle ne tombe. Il fallait dire que rentrer dans la masse que Galaad représentait en faisait perdre l’équilibre à plus d’un. Et il avait horreur de renverser les demoiselles, grâce à sa bonne éducation, surement. Le contact ne dura que quelques secondes et il recula d’un pas. « Pardonnez-moi, je ne regardais pas où j'allais. » Galaad échappa un petit grognement peu appréciatif, retenant un ‘évidemment’ et se contenta de s’assurer de bon état de la demoiselle. « Ca va ? » Il la regarde de haut en bas, pour juger qu’elle n’avait rien et qu’elle ne s’était pas faite mal. Il était vrai qu’il avait évité le pire, en la rattrapant. Il jeta un coup d’œil vers son sac, s’assurant que les boites étaient restées stables.

Galaad détailla d’un coup d’œil la jeune fille, tout d’abord pour s’assurer qu’elle allait bien, ensuite, pour remarquer qu’elle n’était pas habillée pour un hiver fraichement commencée dans le Maine. Lui-même n’était pas particulièrement frileux, ce qui ne l’empêchait pas d’être emballer dans son large manteau d’hiver, et d’avoir placé un bonnet gris sur sa tête, pour garder ses oreilles au chaud. De toute évidence, elle revenait d’une fête. C’était vrai que c’était à la mode, de se regrouper en famille, autour du sapin et d’une bonne buche. Ce qui était loin d’être son style. Déjà, il avait horreur des buches, puisqu’il se devait d’en préparer une quantité phénoménale pour la période des fêtes. Ensuite, il n’avait pas de réelle famille à retrouver. Galaad, solitaire, jusqu’au bout des doigts, avait perdu toute notion d’appartenance à un groupe. La seule personne qui l’attendait, à son appartement, était un génie capricieux qui lui pourrissait de trop la vie, et dont il n’osait pas vraiment mettre un nom sur leur relation. Ca ressemblait à un couple, mais poser cette étiquette sur ce qu’il vivait avec Mahélia ne l’enjouait guère. Pourtant, c’était bien ce à quoi ça ressemblait. Galaad n’était plus réticent à finir plus tot son travail, pour la retrouver. Même s’il avait toujours du mal à la supporter. Ils mangeaient ensemble, elle essayait de faire des activités intéressantes avec lui – ce qui généralement était un échec – et ils dormaient ensemble. L’était bon à marier, le Galaad. Si seulement ça avait été avec quelqu’un d’autre.

« Oui tout va bien merci et vous, rien de cassé ? » Il esquissa un sourire, vérifiant qu’il était toujours la masse de muscle qu’il était. « Rien de cassé. » C’était amusant, qu’une fille aussi chétive puisse considérer qu’il fut bousculé, d’une quelconque manière. Le cuisinier était prêt à partir de cette manière. Il n’avait pas vraiment le goût à la discussion et en sachant qu’une blonde toute particulière l’attendait chez lui, le motivait quelque peu à presser le pas. Heureusement, il avait eu quelques leçons de politesse, ce qui faisait de lui un petit rustre : il prendrait la peine d’écouter et de répondre à la jeune fille. « Réveillon de noël en solitaire ? » Galaad secoua brièvement la tête. « Non. Je travaillais. » Il eut un mouvement de tête, désignant une place, derrière lui. « Je suis cuistot, dans un des restaurants, par là. » Il n’avait pas envie de donner le nom dans l’immédiat, parce qu’il n’était pas en charge du marketing – bien qu’il doutât que Storybrooke ait besoin de ce genre d’emploi, tout le monde se connaissait… - Pour preuve, Galaad savait qu’il avait déjà croisé la jeune fille, en ville. Même s’il ne lui avait jamais adressé la parole. C’était qu’il était pas très loquace, alors bon.

« Que je suis impolie, je ne me suis même pas présentée, je m'appelle Anastasia. » Et si les autres pouvaient l’être à sa place, il ne voyait pas pourquoi il devrait présenter un quelconque effort à faire connaissance. « Galaad. » Il lui tendit sa main, en guise de salutation, avant de ranger celle qui n’était pas frigorifiée dans la poche de son manteau. « Tu allais où comme ça ? » Il pointa sa tenue trop légère pour ce temps, du menton. « Tu rentrais de ton réveillon ? » C’était étrange, une jeune fille, non accompagnée, pour une période aussi festive. Peu étaient les gamines de son âge qui vivaient seuls. Il en connaissait quelques-unes, mais en cette soirée de Noël, qui était assez seul, pour voyager non-accompagné, à son exception, bien entendu ?

Galaad ne put retenir un sourire en coin, en entendant la plainte de la jeune Anastasia. C’était sa manière à lui de compatir à ces gens qu’elle avait fui. Cela lui rappela, de vagues secondes, les rencontres avec ces nobles, qu’il cherchait sans cesse à éviter, quand il habitait encore dans le monde des contes. Le statut de chasseur de créature avait un avantage, qui faisait s’éloigner toutes ces personnes qui trouvait sa tâche trop ingrate pour un membre de leur cercle. Mais la réelle paix, il ne l’avait obtenue qu’en était ici, à Storybrooke, profitant d’un anonymat offert par le sort noir. Depuis, sa vie était beaucoup plus calme – de l’autre, elle était devenue ennuyeuse à mourir, mais il faisait des efforts pour s’en lamenter le moins souvent possible. Le Père Noël, en généreux homme du nord, avait offert une porte qui menait vers leur ancien monde et Galaad, s’il refreinait sa précipitation à retourner là-bas, ne tarderait pas à planifier un voyage dans la Forêt Enchantée. C’était sa terre, et il était hors de question qu’il reste à couler des jours heureux ici.

« L’argent n’apporte pas le bonheur, hm. » Ce qui sonnait comme une question n’en était pas une. Il n’allait pas débattre sur ce fait, qu’il considérait comme acquis, surtout aux yeux d’Anastasia, qui préférait le froid de l’hiver que les discussions pompeuses. D’ailleurs, il la détailla, trembler légèrement, et Galaad, en bon rustre, ne pensa même pas à lui prêter son manteau, ni à l’inviter chez lui. Parce que c’était chez lui, et que, quand bien même toute la ville était inspirée des personnages des contes de fées, il n’était pas un naïf optimiste. Il avait déjà quelqu’un qui l’attendait – si Mahélia ne s’était pas saoulée jusqu’à tomber endormie – et il venait seulement de rencontrer Anastasia. Il ne savait pas exactement quel âge elle avait, mais elle semblait trop jeune pour qu’il l’emmène jusque son appartement. « Enfin, c’est un bon choix de ne pas y retourner, je suppose. » Il fit une pause, sans quitter Anastasia du regard. « Je ne vais pas te retenir plus longtemps, si tu as froid… » Il fit tourner son sachet plastique autour de ses doigts, la matière se resserrant sur sa main. Il n’avait pas eu le luxe de flâner toute la journée et il sentait la fatigue l’envahir – surtout en songeant à sa partenaire qui l’attendait.