Introduction Époque du sujet : Flash-Back Date du sujet : Veille de la malédiction Ordre de passage des participants : Brennan, Finn © GIF

Seconde guerre des ogres. Brennan se sentait bien loin de l'époque où 'Fin et lui s'étaient rendus dans la forêt pour mettre la main sur le voleur de bétail, qui s'était avéré être deux ogres mystérieusement échoués sur le royaume de Rysom. Deux années s'étaient écoulées, beaucoup de choses avaient changés. Premièrement, leur père était mort suite à la première bataille contre les ogres. Deuxièmement, Rohan avait pris le pouvoir sur le royaume et menait une vie d'enfer à ses deux frères adoptifs, qu'il pouvait malmener autant que possible maintenant qu'il était le roi. Et enfin, cette seconde guerre contre les ogres qui, selon les dires, serait bien plus dangereuse que la première. Brennan se souvenait encore combien il avait eu peur pour Aodhfin. Malgré ce qui avait pu se passer avec son ami quelques années plus tôt, le jeune prince ne lui en tenait pas rigueur. C'était comme si rien ne s'était passé. Ils étaient amis et il était toujours là pour lui, même s'il ne pouvait apaiser une certaine souffrance.

Une souffrance qui rongeait Brennan petit à petit. Plusieurs fois, le prince s'était réveillé en pleine nuit, après d'horribles cauchemars. Il y voyait Aodhfin mourir, dans différentes conditions. Il ne voulait pas le perdre et cette guerre ne faisait qu'accroître sa peur. Alors, ce soir là, à la veille de la bataille, le jeune homme ne se sentit pas vraiment d'humeur à manger ni même à s'amuser. Beaucoup de ses amis profitaient de leur dernière soirée avant la guerre, pas lui. Il était sorti de table très tôt, alors que Rohan s'amusait à collecter des demoiselles qui allaient occuper sa chambre.

Dans ses appartement, Brennan faisait les cent pas. Il buvait un verre de vin, son premier de la soirée, en se torturant l'esprit. Aodhfin y prenait une place beaucoup trop importante. Depuis ce baiser, rien n'était plus pareil. Brennan avait beau faire comme si de rien était, cet évènement l'avait marqué. Il faisait bonne figure devant 'Fin mais rêvait parfois de lui rendre son baiser. Lorsque ces moments arrivaient, le jeune prince allait se défouler en s'entraînant à jouter ou à tirer avec son arc sur des cibles. Au mieux, il trouvait un partenaire de combat ou une demoiselle capable d'apaiser ses pensées étranges. Enfin, cette dernière activité n'était jamais satisfaisante. Qu'importe la personne qui partageait ses nuits, il en revenait à penser à 'Fin. C'est donc tout naturellement qu'il se décida à rejoindre les appartements de son ami, sans réellement savoir ce qu'il était en train de faire. Il n'avait pas assez bu pour se dire que l'alcool le poussait à se rendre auprès de Aodhfin mais qu'importe. Peut-être qu'il allait mourir le lendemain. Pessimiste le Brennan.« 'Fin... tu dors ? » Le jeune prince était debout, dans le noir. Il n'osait pas avancer davantage dans la pièce et ne savait pas vraiment ce qu'il pourrait prétexter par rapport à sa présence ici, à une heure tardive.

La première guerre des ogres étaient tout juste derrière eux et la seconde était à présent à leur porte. En représailles face à la perte de nombre des leurs lors de la première guerre, les ogres avaient pris pour cible le royaume et cette fois-ci l'issue de la guerre n'était pas certaine. Leur père était passé de vie à trépas et Rohan avait pris sa place, faisant de leurs existences un enfer au quotidien à présent qu'il était sur le trône et que plus personne ne pouvait l'empêcher donc de faire ce que bon lui semblait envers ses frères adoptifs. La première guerre avait été soudaine, laissant les hommes dépassés face à de tels opposants et il s'en était fallu de peu pour que 'Fin n'y laisse sa peau d'ailleurs. Mais ils étaient sortis victorieux et se pensaient donc à l'abri. Ils ne pouvaient pas plus avoir tort. Aodhfin lui avait prévenu Rohan, les ogres chercheraient tôt ou tard à se venger mais le jeune roi ne l'entendait pas de cette oreille et avait pris le parti d'ignorer son aîné. Et voilà où l'on était donc à présent. Demain aurait lieu la grande bataille qui devrait mettre un terme à cette guerre et ne verrait qu'un gagnant, les ogres ou les hommes. Et à vrai dire, Aodhfin n'était pas certains que cette fois encore le sort serait avec eux -même s'il ignorait que la première victoire ne devait rien au hasard puisque Rohan avait conclut un marché avec un ténébreux pour que cesse les combats-. Il n'aimait pas penser de cette façon, mais il pouvait s'empêcher de penser que quelque chose d'affreux arriverait bientôt.

Mais il était de tradition de faire un banquet avant chaque grande bataille et Rohan ne raterait pas cette nouvelle occasion de galvaniser ses troupes et de dilapider la fortune du royaume en mets rares et autres gâteries alors qu'une bonne partie du peuple mourrait de faim. Aodhfin ne voulait pas de responsabilités mais tout de même, il osait penser qu'il serait un meilleur roi que cet petit prétentieux. Il avait été tenu d'assister au repas mais le coeur n'y était pas. Il avait à peine toucher à son plat et avait fini par quitter sa place prématurément prétextant vouloir se reposer afin d'être d'attaque pour la bataille qui les attendaient. Rohan ne remarqua même pas son départ, bien trop occuper à festoyer. Lui ne risquait rien, il resterait dans son palais, bien au chaud pendant que ses hommes protégeraient de leurs vies son petit cul qui ne méritait que d'être botter à coups de pieds bien sentit mais ça c'était une autre histoire. 'Fin avait donc regagner ses appartements sans demander son reste. Une fois la porte refermée derrière lui, il retira sa veste et la déposa sur son lit, avançant vers la fenêtre un peu plus loin, s'adossant au mur, les bras croisés, contemplant le paysage offert à lui depuis sa position. Il songeait à ce qu'il adviendrait du royaume s'ils perdaient, s'ils ne parvenaient pas à défaire une nouvelle fois l'offensive des ogres. Mourir ne lui faisait pas peur, tout le monde mourrait tôt ou tard après tout. Il préférait partir en se battant que dans son sommeil ou parce qu'il serait trop vieux pour supporter sa propre carcasse. Non, ce qui lui faisait peur c'était l'idée de laisser Brennan seul.

Deux ans avaient passés depuis qu'ils étaient revenus de cette journée de traque où ils étaient censés retrouvé un voleur de bétail et que ce voleur s'était avéré être les deux ogres qu'ils avaient abattus par la suite et qui avait entraîné la première guerre. Deux ans qu'il avait commis l'erreur la plus monumental de sa vie. Celle de l'embrasser sous le coup d'un trop plein d'émotions. Certes, en apparence cela n'avait rien changé entre eux mais ça n'était qu'une illusion. 'Fin avait redoublé les bêtises depuis et les conquêtes aussi avant de se lasser, assez rapidement en voyant que ça ne faisait que rendre la chose plus triste qu'à l'origine. Il inspirait profondément mais doucement, son regard perdu dans la forêt, au loin. Oui, s'il devait mourir demain, il le ferait avec des regrets dans l'âme mais c'est que son temps serait venu. Il redressa la tête lorsqu'il entendit sa porte bouger sur ses gonds. Il était dans la quasi pénombre, il n'avait pas voulu laisser allumées toutes les bougies, il ne comptait pas lire ce soir ou revoir les cartes qu'il avait tant de fois inspecter. On ne pouvait donc pas le voir. Il reconnu bien entendu la voix de Brennan et ferma les yeux une seconde en fixant le sol avant de reprendre contenance. « Non. Je ne crois pas que je parviendrais à fermer l'oeil mais ça ne doit pas en être de même pour toi. Tu sais comment tu es quand tu n'as pas assez dormi » Habituellement il aurait lancé cette phrase sur un ton bien plus moqueur mais encore une fois, ce soir, le cœur n'y était pas. « Qu'y a-t-il ? » demanda-t-il alors tout simplement, s'avançant d'un pas vers le faisceau de lumière que dégageait la seule bougie de la pièce, prenant une autre pour la rallumer, histoire qu'ils ne restent pas dans le noir s'ils devaient parler.

Lorsqu'il était enfant et qu'il ne parvenait pas à dormir ou qu'il faisait un cauchemar, Brennan se rendait dans la chambre de 'Fin pour s'enfouir sous les couvertures et se sentait aussitôt rassuré. Ce soir, il revenait encore mais n'avait pas exactement les mêmes idées en tête. Il y avait toute une foule de sentiments aussi étranges qu'effrayants qui se bousculaient dans son esprit et qui le faisait frissonner. Il n'était pas sûr d'oser rester dans les appartements d'Aodhfin plus d'un quart d'heure mais pourtant, il ne voulait déjà plus partir. Son ami ne dormait pas et ajouta même qu'il ne parvenait pas à fermer l’œil. 'Fin en déduit rapidement que Brennan était dans le même cas que lui, ce par quoi le jeune prince inclina la tête. Non, il ne parvenait pas à trouver le sommeil. L'attaque des deux trolls aurait pu être très dangereuse, tout comme la première guerre qui avait éclaté dans le royaume. Désormais, une nouvelle bataille menaçait et Brennan ne savait pas s'ils s'en tireraient encore, malgré leurs nombreux entraînements pour parvenir à se défendre. Il ne voulait pas que les derniers instants passaient avec 'Fin soient un silence gêné et un sourire amical. Il y avait bien plus qu'il désirait, sans oser se l'avouer véritablement.

'Fin le connaissait tellement bien qu'il savait que Brennan n'était pas en très grande forme s'il ne parvenait pas à dormir. Le jeune prince aurait pu sourire, voire rire à cette remarque, mais il ne le fit pas. Ils étaient tous deux bien trop sérieux et l'atmosphère ne prêtait pas à la plaisanterie. Finalement, Aodhfin demanda ce qu'il y avait. Brennan fit quelques pas et prit place sur le lit, s'asseyant en soupirant fortement. Il était tellement torturé par son esprit qu'il aurait voulu cogner dans quelque chose. Par curiosité, il avait demandé à une jeune femme avec qui il avait passé un peu de compagnie ce qu'elle pensait de deux hommes ensemble. Celle-ci lui avait dit que c'était assez mal vu et que seuls les eunuques se permettaient de telles vivre de telles relations, ou les pervers. « Tu as bien deviné, je n'arrive pas à dormir. Je n'arrive pas non plus à calmer ce qu'il se passe là-dedans. » Il tapa sa tempe avec son index, pour faire comprendre que son esprit n'était pas apaisé. « J'ai peur, aussi. Père est mort durant la première guerre et...je ne sais pas si je supporterais de te perdre. » Il n'y avait aucun sous-entendu dans cette déclaration. Brennan était très proche de 'Fin, ce n'était pas un secret. « Les ogres sont de plus en plus forts, de plus en plus nombreux... qui sait ce qu'il va arriver. » Il tortillait ses doigts et fixait ses mains. Cette malheureuse époque l'empêchait d'être libre et de pouvoir faire un pas de plus vers 'Fin. Il ne pensait pas que ce soit de l'amour pur et véritable, juste une envie qu'il désirait assouvir. « Je ne veux pas mourir non plus... »

L'entraînement était une chose, faire la guerre une autre. S'entraîner pouvait vous maintenir en forme, vous préparer à vous battre mais ça ne vous entraînait jamais totalement à la rudesse du combat car même en imaginant les pires parades, les pires mouvements, rien ne pouvait vous assurer que lors d'un combat, la chance ne soit pas décider à tout bonnement vous abandonner. Si à force de se battre il avait appris une chose, c'était celle-ci. Rien n'était jamais joué d'avance. Et le fait de n'y rien pouvoir changer le frustrait horriblement. Pas parce qu'il ne voulait pas mourir, il savait qu'un jour ou l'autre son tempérament causerait sa perte mais il ne serait plus là pour veiller sur Brennan comme il lui en avait fait la promesse des années auparavant et si lui déjà savait s'attirer des problèmes, il parvenait à s'en sortir, il ne pouvait pas hélas en dire autant pour son ami. Même si ce mot là ne convenait plus tout à fait pour décrire ce qu'il était à ses yeux mais passons à autre chose. Nous ne sommes pas là pour parler sémantique après tout.

A passer le plus clair de leurs temps ensemble, bien entendu qu'Aodhfin savait tout -ou presque- de Brennan. Ce qui le faisait réagir, ce qui le faisait rire, ce qu'il n'aimait pas... Même s'il avait l'impression d'avoir finalement perdu sa capacité à lui en lui comme dans un livre ouvert après ce qui c'était passé entre eux il y a deux ans en arrière. Mais il ne disait rien, parce que c'était sans doute ce qu'il convenait de faire car ce n'était pas non, la chose la plus facile à faire. De lutter contre ses propres sentiments, c'était même une torture mais il s'y était fait avec le temps. En tout cas, en apparence. Il ne s'attendait pas à voir Brennan lui rendre visite ce soir mais il se doutait qu'il était dans un état d'esprit similaire au sien car après tout, ils se ressemblaient trop pour qu'il en soit autrement. Surtout que Brennan était plus souvent sujet à se poser des questions de lui. Il lui demandait donc ce qui n'allait pas puisque visiblement il était venu le voir pour parler. Il le regarda s'asseoir sur son lit alors qu'il finissait de rallumer les autres bougies. Il s'assit sur le rebord de la table et croisa les bras, l'écoutant parler. Un sourire triste passa sur son visage quand il lui dit qu'il n'arrivait pas à trouver le calme dans son esprit. Le contraire l'aurait surpris de toute manière. Brennan pensait parfois bien trop selon lui mais c'était son truc. Son regard fixa le sol alors, quand il évoque la disparition de leur père dans un premier temps, puis le fait d'avoir peur de le perdre, lui aussi. Lui aussi avait peur de partir, peur de rester et que Brennan ne meurt. « Tant que je vivrais, je ne laisserais rien t'arriver. Tu le sais bien. Alors ne te fais pas autant de soucis. Les ogres sont nombreux et plus forts, mais nous sommes plus intelligents. Je ne dis pas que ça sera facile mais baissez les bras avant même de livrer bataille ça n'est pas acceptable. » énonça-t-il d'une voix profonde et plus grave qu'il ne l'aurait pensé.

Mais il le pensait. Certes, l'issue de la bataille était incertaine mais ça ne devait pas être une raison suffisante pour abandonner sans se battre. Mais certains ne partageaient sans doute pas son avis et fuiraient demain aux premières lueurs du jour. Il les comprenaient mais ne pardonneraient pas pour autant leur lâcheté si par chance, le royaume sortirait vainqueur de cette guerre. « Tu te poses bien trop de questions. Retournes profiter du banquet avant que notre chère frère n'ai ait assez de s’empiffrer. Tu n'as rien mangé, tu auras besoin de toutes tes forces demain. » Oui, quoi qu'il arrive il ne pouvait s'empêcher de s'occuper de lui, il le faisait depuis trop longtemps pour parvenir à ne plus le faire malgré le fait qu'il soit depuis longtemps en mesure de prendre soin de lui-même tout seul. Il ne voulait pas vraiment qu'il reparte à présent qu'il était ici mais comment pouvait-il se douter de ce qui se tramait réellement dans l'esprit de son ami puisque voilà deux ans qu'ils faisaient comme si de rien n'était ? Comment pouvait-il deviner qu'il n'était pas venu sans une arrière pensée dans ses appartements à la veille de la bataille ? Il fixait toujours le sol devant lui, détourner son regard vers lui n'aiderait pas à prendre la distance nécessaire que la situation imposait. Tout allait peut-être se terminer le lendemain et l'on ne parlait pas ici que de l'issue de cette guerre bien entendu...

Actuellement, Brennan ne savait pas exactement ce qu'il voulait. Rester auprès de 'Fin tel un ami ou passer la nuit avec lui comme une femme le ferait. Il ne se considérait pas comme une femme, loin de là. Cependant, il se sentait attiré par Aodhfin comme ses nombreuses conquêtes l'avaient été par le passé. Cet acte n'était pas bien vu, mais Brennan était-il un exemple de sagesse ? Non. Il avait de nombreuses fois enfreins des règles qu'on lui imposait. Pourquoi celle-ci était difficile à contourner ? Brennan n'avait qu'à répondre au baiser que lui avait donné son ami deux ans auparavant. Il n'avait qu'à être celui qu'il avait toujours été, la tête brulée qui se fichait bien des règles, qui faisait ce que bon lui semblait. Seulement, ce pas n'était pas si simple à franchir. Beaucoup trop de conséquences pouvaient apparaître suite à cet acte qu'il désirait ardemment. Premièrement, cette relation pouvait très mal se passer. Peut-être que l'amitié était le seul lien indestructible dont pouvait profiter Brennan à l'encontre de son ami. Un amour n'était jamais simple à gérer, bien que le prince n'ait pas beaucoup d'expériences dans le domaine. Il n'était jamais tombé amoureux et ne savait même pas à quoi pouvait bien ressemblait un tel sentiment, ce qu'il impliquait. Mais il avait vu comment les femmes agissaient lorsqu'elles étaient avec un homme. Ce ne pouvait pas être bien différent d'une relation avec un autre homme. Ensuite, justement, vivre une telle histoire avec une personne du même sexe que lui. À quoi cette relation mènerait ? Était-elle saine ? Brennan ne se sentait pas différent de d'habitude. Seulement, son éducation c'était faite dans un domaine où on ne parle que d'hommes et de femmes.Comment ne pas se poser des questions sur ce sujet ? Et enfin, Brennan n'était pas sûr d'être amoureux de son ami. Il ne voulait pas le faire souffrir mais voulait partager beaucoup plus que des parties de rires avec lui, beaucoup plus que des accolades amicales.

'Fin essayait de le rassurer pour le lendemain, mais Brennan continuait de craindre le pire. Il savait que son ami serait là pour le protéger, mais qu'en adviendrait-il s'il venait à disparaître ? C'était sa motivation à vouloir enfreindre la règle des sentiments. À quoi bon vivre dans la peur ? Pourquoi ne pas profiter de ce qu'il avait de plus cher en ce monde, qu'importe les conséquences ? Brennan n'était pas un ange. Depuis quand se souciait-il de l'impact que pouvait avoir ses envies ? Il sortit de ses préoccupations lorsque 'Fin lui conseilla de retourner au banquet. « Je n'ai absolument pas faim. Et je n'ai pas envie de voir Rohan avant demain matin. » Il soupira fortement et se leva, hésitant à ce qu'il ferait ensuite. Quitter la pièce ? Peut-être. Il n'en avait cependant pas l'intention ni l'envie. 'Fin n'était à quelques centimètres de lui. Brennan n'avait qu'à faire un pas, un seul et tout oublier de ses craintes et des normalités. Si cette nuit était la dernière qu'il pouvait passer en la compagnie de son ami, il ne devait pas la gâcher. Tant pis si 'Fin était passé à autre chose. S'il lui donnait un bon coup de poing en pleine face, Brennan pourrait certainement se reprendre.

Il avança près de 'Fin, le cœur menaçant de lâcher à tout instant. Puis, lentement, il glissa ses mains autour de lui dans une étreinte, comme au bon vieux temps. Il voulait juste le serrer dans ses bras, sentir sa présence. Sa tête se logea dans le creux de son épaule et il ferma les yeux quelques instants. « Je veux rester avec toi. » Et il le serra fort, pensant n'être qu'amical avec 'Fin. Pourtant, ses lèvres, qui n'étaient à quelques centimètres de son cou, entrèrent en contact avec sa peau. Il déposait de très légers baisers, presque douloureux. Il luttait à l'intérieur, essayant de se retenir d'être plus qu'un ami avec 'Fin mais ce fut peine perdu. Ses mains caressaient son dos, son corps se pressa contre le sien. Il ne voulait plus partir ni être le Brennan qu'il avait été deux ans auparavant, celui qui fuyait un tel instant de pur bonheur.

Il n'y avait pas que Brennan qui se posait des questions, il ne fallait pas croire. Aodhfin avait longtemps douté sur ses propres sentiments, sur les raisons qui faisaient qu'il semblait vouloir plus de Brennan que sa simple amitié. Lui aussi n'avait pas vraiment grandit dans un univers où ce genre de choses était un sujet de conversation autorisé. Et même s'il n'avait pas regretté ce baiser, aussi court fut-il il regrettait les conséquences que ce dernier avait eut sur eux. Sur leur amitié, même si en apparence rien n'avait véritablement changé. Mais il n'avait pas pu se contenir ce soir là, tout simplement. Quelque chose en lui avait fait fondre la barrière de glace qu'il s'était forgé pour contenir ses drôles de pensées, libérant tel un barrage, toute la pression accumulée jusque là en une seconde. Car lui aussi craignait que tout change entre eux si d'aventure ils partageant plus qu'une simple amitié, aussi forte et complice fut-ce-t-elle jusqu'à présent. Il savait bien ce que Brennan pouvait ressentir, plus que quiconque bien entendu mais il n'en parlait pas et garder tout en lui pour des raisons évidentes car s'il venait à en parler à qui que ce soit, il risquait gros. Même s'il restait pourtant persuadé que ça en valait largement le détour en fin de compte mais on a pas toujours ce qu'on voulait dans la vie pas vrai ? Puis ce n'était pas comme si c'était de l'amour n'est-ce pas ? Ou justement, se pouvait-il que ça soit ça ? Il n'en savait rien lui non plus. Les aventures d'un soir s'étaient accumulée dans sa vie sans qu'il ne se soucie jamais de rien d'autre que de passer le temps en agréable compagnie. Non, l'un comme l'autre aurait la vie bien plus simples s'ils ne ressentaient pas toutes ces choses que la morale de ce temps réprouvait.

Mais certaines questions se faisaient plus présentes à présent de par la menace qui pesait au-dessus de leur tête à la veille de la grande bataille qui les attendaient pour déterminer l'issue de cette guerre qui avait déjà fait bien trop de victimes. L'avenir était incertain, pour eux comme pour tous les hommes de la garde d'ailleurs, ce qui permettait sûrement de remettre certaines choses en perspective en effet... Comme le fait de braver les conventions parce qu'on risquait de passer à côté de certaines choses si l'autre venait à mourir le lendemain. Mais 'Fin ne voulait pas que Brennan parte d'ores et déjà défaitiste pour la bataille et il lui conseilla de profiter de sa soirée pour aller manger un peu avant que leur cher frère ne tienne plus debout et décide de terminer le banquet. S'il voulait avoir une chance de s'en sortir, il lui faudrait prendre des forces. Mais sa réponse le fit tout de même un peu sourire, décroisant ses bras pour venir appuyer ses mains de par et d'autre de ses jambes, prenant appui sur la table alors qu'il reculait un peu plus sur cette dernière pour s'y asseoir quasiment. « Sur ce point, je ne peux pas te faire de reproche. Moi aussi je me portes mieux quand il n'est pas dans mon champ de vision. » lança-t-il en riant doucement. Non, plus il se tenait éloigné de lui, mieux il se portait. Pas étonnant qu'il en soi de même pour Brennan alors. Vu la relation plus que tendue qui sévissait entre ces trois là depuis la disparition de leur père.

'Fin n'était pas passé à autre chose depuis, comment aurait-il pu le faire alors qu'il le côtoyait chaque jour ? Comment oublier quelqu'un qui partageait votre quotidien ? Non, il faisait bonne figure devant lui et tous les autres, tout simplement. Voilà pourquoi il ne bougea pas outre mesure lorsqu'il se rapprocha pour venir l'étreindre comme il le faisait souvent pour chercher un peu de réconfort auprès de lui par le passé. Il lui tapota doucement le dos pour cette même raison. « Je suis là. » dit-il tout simplement, le serrant lui aussi dans ses bras mais arrêta presque aussitôt quand il sentit qu'il déposait de légers baisers dans son cou. Il voulait rester avec lui... Bien. Mais qu'est-ce qui lui prenait d'un coup ? Etait-il en train de rêver éveillé ou... Brennan venait de... Oui, de l'embrasser dans le cou. Que devait-il faire alors ? Car après tout, rien ne laissait penser que ça n'était rien de plus que ce que c'était. Bon ok, c'était un signe mais il ne voulait surtout pas l'interpréter de travers. « Tu...Tu es sûr que tout va bien ? » demanda-t-il alors. Il aurait voulu tout simplement reprendre là où ils en étaient restés il y a de ça deux ans auparavant mais il voulait tout simplement l'entendre de sa bouche. Et non réagir avec impulsion comme ce fameux soir. Il avait besoin de savoir avant de pouvoir agir. Si c'était ce que Brennan voulait bien sûr...

Brennan semblait habité par un tout autre personnage. Il avait laissé de coté ses craintes et répondait volontiers à ses envies, sans chercher à réfléchir plus qu'il ne l'avait fait durant deux années entières. Au départ, son accolade n'était qu'amicale. C'était un moyen comme un autre de chercher du réconfort auprès de quelqu'un qui compte beaucoup, qui vous rassure. Les bras de 'Fin avaient ce pouvoir. Depuis l'enfance, Brennan se sentait apaisé par une étreinte, une simple main posée sur l'épaule. La présence d'Aodhfin lui était indispensable, surtout en ces temps où la guerre faisait rage. Pourquoi rester aussi sage alors que son esprit voulait le pousser à se rebeller ? Pourquoi ne pas faire ce que les autres ne faisaient pas ? Il lui avait été interdit de monter dans les arbres lorsqu'il était jeune. Avait-il obéit ? Non. Interdit de parler ou de rire en cours d'écriture, interdit de s'amuser en plein entraînement, interdit de sortir en dehors du château, interdit de se rendre seul dans la forêt... la liste était longue et le jeune prince ne pouvait pas se féliciter d'avoir respecté ces règles. Pourquoi devait-il donc s'empêcher d'aller vers Aodhfin et briser la règle d'une relation intime ? Ce soir, il avait envie de vivre cette expérience, qu'importe ce qui était dit au sujet des relations entre hommes. Peut-être était-il un pervers. Tant pis, alors. Au moins, il aurait essayé. Mais ne disait-on pas du mal des menteurs alors que certains mensonges étaient indispensables pour protéger certaines personnes de la vérité ? Et si cette perversion était vue par des gens qui avaient peur de l'inconnu ? Ne disait-on pas que certaines croyances étaient l’œuvre de l'homme qui désirait préserver un certain équilibre dans ce monde ?

Brennan franchit donc ce pas si difficile et se retrouva à embrasser le cou de 'Fin, son ami depuis toujours. Un ami qui l'avait embrassé, deux ans plus tôt et qu'il n'avait pas pu apaiser comme il l'aurait souhaité. Un ami qui était beaucoup plus, malgré le déni dans lequel vivait Brennan. Pour l'instant, il se disait vouloir partager ce type de moments avec Aodhfin sans y mêler de sentiments d'amour, un peu comme lorsqu'il profiter des jeunes femmes le temps d'une nuit. Conserver l'amitié qu'il entretenait depuis tout ce temps avec son ami lui était plus important qu'entamer une relation d'amour sérieuse. Son comportement soudain alerta Aodhfin qui lui demanda aussitôt s'il allait bien. Brennan ne pouvait pas aller mieux, même si une part au fond de lui avait peur de ce qu'il était en train de faire. « Rien ne va... » murmura t-il en continuant ses baisers dans le cou de 'Fin, peu envieux d'arrêter là. Il ne voulait surtout pas rompre ce moment, de peur de ne plus avoir le courage d'avancer. « Demain, une guerre va éclater, nous serons envoyés en première ligne. » Le baiser remonta jusqu'à la joue de 'Fin, puis, il établit un contact visuel avec son ami. La réponse était devant ses yeux, il le voulait pour lui seul ce soir.

Il est certain que l'un comme l'autre n'avaient jamais été des exemples à suivre en matière d’obéissance et de respect des règles. Aodhfin avait grandit sur un bateau, il y avait certes un code à respecter et des tâches à accomplir mais il n'en restait pas moins un enfant alors assez tôt, il avait appris à contourner les règles à sa façon. Et il s'en sortait toujours alors pourquoi aurait-il commencer à suivre les ordres qu'on lui donnait quand ces derniers l'embêtait car l'empêchait de s'amuser au passage ? Et quand son chemin avait croisé celui de Brennan, autant dire que plus jamais il n'avait eut l'envie de rester sage à présent qu'il avait un ami de son âge avec qui faire toutes les bêtises possibles et inimaginables. Même lorsqu'ils étaient devenus princes rien n'avait pu les faire s'assagir. Ils faisaient tout ensemble ou quasiment en tout cas depuis le début, difficile donc de pouvoir comprendre pour les autres leur complicité si spéciale. Et si 'Fin parvenait à rester optimiste face à n'importe quelle situation, c'était parce qu'il savait qu'il aurait toujours Brennan à ses côtés. Ils avaient besoin l'un de l'autre, certes souvent pour des raisons différentes mais il était indéniable qu'ils partageaient un lien à part. Un lien qui allait peut-être prendre un autre tournant sous peu d'ailleurs. Et pas n'importe lequel en plus.

Mentir... Ne pas dire la vérité ou l'occulter en partie pour protéger quelqu'un... Oui, cette notion parlait à 'Fin, plus qu'on ne pouvait pas le penser bien sûr puisqu'il avait passé les deux dernières années à le faire. A faire comme s'il ne ressentait rien de plus pour Brennan que ce que tout le monde savait déjà. Ça n'avait pas été simple tous les jours mais il ne pouvait pas faire autrement car il savait qu'il ne supporterait pas d'être loin de lui même si rester là le faisait parfois souffrir. Alors oui, il avait été surpris de son comportement qui était passé de typiquement amical à quelque chose de bien moins amical justement. Il avait l'habitude de le réconforter en le prenant dans ses bras ou en lui faisant ressentir sa présence à ses côtés ça ne l'avait donc pas surpris plus que ça, vu le contexte dans lequel ils se trouvait en ce moment, de le voir venir chercher une franche accolade mais celle-ci à présent le faisait se poser pas mal de questions. Il avait de nombreuses fois espérer qu'un tel moment arrive enfin mais depuis le temps il avait finit par se faire une raison. Et voilà que Brennan déposait des baisers dans son cou, quasiment collé à lui à présent, il y avait de quoi se poser des questions alors. D'ailleurs il ne se gêna pas pour le faire. Il devait savoir, histoire d'être fixé sur le fait qu'il se faisait ou non des idées sur ses réelles intentions.

Quand il lui répondit, il sentit son cœur raté un battement. Oui, demain peut-être, tout s'arrêterait. Ils seraient en première ligne pour affronter les ogres et autant dire que tout optimiste soit-il en apparence, lui aussi avait peur. « Je sais... » répondit-il d'un voix presque lointaine. Il releva son regard vers le sien quand il remonta vers sa joue avec ses baisers, cherchant une réponse dans ses yeux qui semblait encore lui échapper malgré les signes pourtant explicites qu'il lui envoyait à présent. Ce qui suivit anéantit les derniers doutes qu'il pouvait encore avoir sur la question.

Tout ce que voulait Brennan à présent, c'était Aodhfin. Il priait intérieurement pour que personne ne fasse irruption à ce moment et surtout pas Rohan. Qui sait la réaction qu'aurait ce dernier en les voyant aussi intimement rapprochés ? Leur "frère" serait capable de les faire brûler sur un bucher, même si aucun lien de sang ne liés Brennan et 'Fin. Rohan serait bien le genre d'homme capable de les tuer sans appel. Ils n'étaient pas ses frères et n'avait rien à leur devoir. Il s'était accommodé d'eux à cause de son père qui les avait recueilli. Rohan n'avait rien demandé pour être à la charge de ces deux jeunes hommes mais les gardait près de lui, pour leur utilité aux combats. S'ils venaient à mourir, il serait le dernier à pleurer. Brennan se fichait bien de ce que pouvait penser Rohan en réalité, si ce n'est qu'il espérait ne pas le voir faire irruption ici ce soir. Avec un peu de chance, leur cher frère aurait un peu de compagnie lui aussi et serait trop occupé pour venir les déranger.

Brennan prit le visage d'Aodhfin dans le sien et semblait bien plus protecteur de cette façon qu'il ne l'était dans d'autres situations. Il semblait gérer l'instant, dominer la situation. Il voulait apaiser 'Fin comme il aurait dû le faire deux ans auparavant. C'était son rôle, ce soir. 'Fin ne semblait pas être opposé à ce qu'ils passent une soirée mémorable, comme il le disait si bien avant de l'embrasser. Ce baiser répondit à toutes les questions intérieures de Brennan et lui permit de les oublier par la même occasion. Il resserra son étreinte, ne pouvant être plus proche de 'Fin que ce qu'il ne l'était déjà. Puis, il se recula, un air mutin sur le visage en tirant 'Fin vers lui par les vêtements. Brennan n'était plus le même. Une confiance s'était emparée de lui et elle se voyait clairement sur son visage, sur ses gestes, sur ce petit sourire en coin. Il aurait pu être intimidé par le moment mais sincèrement, il ne l'était pas. Ce n'était pas sa première fois et être face à un homme ne semblait pas faire une si grande différence.

Oui, mieux valait espérer pour eux que personne n'entre à cet instant et surtout pas leur cher frère adoptif. Sa réaction, Aodhfin pouvait la supposer assez aisément, plutôt bien même et sans trop se tromper. Il aurait été capable de les faire arrêter et juger sans la moindre hésitation, l'occasion étant trop belle pour ne pas la saisir, celle d'enfin se débarrasser d'eux pour de bon, lui qui avait toujours du composer avec leur présence depuis que le Roi les avait recueillit il y a de ça bien des années à présent. Même si ça lui retirerait par la même occasion ses jouets préférés puisqu'en tant qu'héritier légitime c'était à lui que revenait le pouvoir et donc le loisir d'ordonner à ses frères sans que ces derniers ne puissent refuser d'exécuter ses ordres. Rohan était peut-être un petit prétentieux imbu de lui-même mais il était suffisamment intelligent pour avoir reconnu leur talent au combat, ça on ne pouvait pas lui enlever. Même si 'Fin suspectait qu'à chacun de leur retour, une part de lui était déçu de ne pas les savoir morts. Alors s'il venait à apprendre ce qui se tramait ici, aucun doute qu'il ne chercherait pas à comprendre -parce qu'il s'en ficherait déjà- et qu'il ferait en sorte d'en finir avec eux sans même sourciller. Alors non, que ce soit lui ou n'importe qui d'autre, il fallait espérer que personne ne vienne dans ses appartements à cet instant précis et pour les suivants. Mais il était plus que certain que personne ne viendrait les déranger, car comme eux, la plupart devaient bien être occupés de leur côté par une telle soirée où tout était bon pour oublier le plus possible la journée qui les attendrait le lendemain.

C'était en effet un autre Brennan qu'il avait devant lui à présent, plus sûr de lui, plus à l'aise avec ses propres envies et ça n'était pas lui qui allait s'en plaindre, vous vous en doutez bien. Depuis le temps qu'il avait espérait qu'un jour de telles choses arrivent entre eux, il n'allait pas faire marche arrière à présent que c'était Brennan qui prenait les devants. Alors oui, si demain devait être leur fin, autant rendre cette soirée mémorable avait-il dit avant de retourner son baiser à Brennan. Non, ils ne pouvaient pas être plus proches qu'ils ne l'étaient là puisqu'ils étaient littéralement collés l'un à l'autre, chacun attirant l'autre vers lui comme si sa vie en dépendait. Mais alors Brennan rompit le contact affichant un air qu'il lui avait déjà vu par le passé mais pas dans un tel contexte, le tirant par sa tunique avec visiblement une idée en tête. Et pas n'importe laquelle, ça il le devinait déjà et il était ravi de le voir être si confiant à présent, ce qui laissait présager que cette fois-ci, il savait ce qu'il désirait. Lui, en l'occurrence.