where all friendship began ▬ Félix

Introduction

Époque du sujet : flash-back
Date du sujet : bien des années avant que la malédiction ne soit là
Ordre de passage des participants : cemy - félix (miou?)

Cemy regarda autour d’elle, détaillant la végétation dense autour d’elle. Elle ne connaissait pas ce lieu. Les arbres ne ressemblaient pas à ceux de la Forêt Enchantée, ni les autres plantes qui poussaient de manière invasives devant elle. Cemy, en gros, était perdu, n’ayant aucune idée d’où elle se trouvait. Peut-être qu’accepter de suivre cette ombre n’avait pas été une bonne idée – certainement, ça ne l’était pas. Mais, l’ombre, avait été faite de magie, une essence presque identique que celle de la tisseuse d’ombre. Ce qui avait été suffisant pour elle, pour qu’elle accepte de se laisser prendre dans les bras de cette figure d’ombre et de la faire voyager au-delà de son monde. Eventuellement, Cemy avait fini par s’endormir durant le trajet. Elle s’était alors réveillée dans un lieu qu’elle ne connaissait pas, sans personne autour d’elle. Elle jugea son erreur quand elle sentit quelque chose de particulier sous ses pieds : le mensonge. Il grouillait sur ce qu’elle découvrirait bientôt être une île. Mais ce n’était pas le même mensonge que celui qu’elle offrait aux hommes. Celui-ci était sombre et Cemy n’aimait vraiment, vraiment pas ce qu’elle ressentait sous ses pieds.

Ce qui avait fait que sa curiosité légendaire avait été piquée, et comme elle ne voyait aucun danger directement autour d’elle, Cemy décida d’explorer un peu les environs. La sensation dérangeante de ces mensonges s’estompa et elle s’enfonça un peu plus dans la jungle, découvrant finalement quelques traces de pas, la rassurant ainsi sur ceux qui habitaient cette île. Elle n’était donc pas seule, bien qu’elle n’avait toujours pas rencontré d’autres personnes qu’elle – elle devait aussi découvrir si les gens pouvaient la voir ou pas. Et il n’y avait toujours pas de trace de l’ombre, qui décidemment se faisait bien malicieuse en la plantant là. Elle qui pensait qu’elle allait jouer avec ce dernier, elle s’était faite embobiner royalement. Si Zéhéra l’apprenait, il la sermonnerait encore sur combien elle était naïve et qu’un jour, ça finirait par lui attirer des problèmes… Et si ce jour était arrivé ? Cemy se figea à cette pensée, prenant peur que ça soit le cas. Cela faisait déjà plusieurs heures qu’elle tournait en rond et la fatigue commençait à prendre le dessus sur elle. Ainsi, elle se retrouva à retenir ses petites larmes de désespoirs. Qu’est-ce qu’il adviendrait d’elle, si elle ne trouvait personne ? Pire, si elle restait bloquée sur cette île. Cemy était liée au monde des contes. Et si elle pouvait s’absenter de sa terre natale pour un certain temps, si elle restait bloquée ici, le mensonge pourrait s’amener à s’éteindre ? Et qu’est-ce qui se passait si elle se faisait attraper par cette aura noir qui grouillait sous la surface de la terre ?

Le flot de toutes ces pensées eurent finalement raison de son enthousiasme et Cemy finit par se retrouver recroquevillée sur le sol, ne pouvant plus retenir ses larmes très longtemps. D’autant plus qu’elle entendait des pas s’approcher. Et si c’était quelqu’un de méchant, qui lui voulait du mal ? Oh, elle aurait tellement voulu que Sanna soit là, pour la rassurer et la défendre au besoin – quand le moment se faisait sentir, la vérité se trouvait toujours un sursaut de courage pour défendre le mensonge. Mais ici, Cemy était seule et apeurée. Pauvre petite…

Marchant lentement à travers la jungle, Felix observait chaque recoins devant lesquels il passait, très attentif au moindre mouvement qu'il remarquait. Pan l'avait alerté sur la présence d'un intrus sur l'île et il se devait de lui ramener à temps au campement. Pour les détails, Felix ne savait rien. Il ne savait pas s'il recherchait une jeune fille, un jeune garçon ou un adulte. Alors, tous les bruits qu'il entendait l'amener à fouiller minutieusement les alentours pour accomplir sa mission au plus vite. Et il tourna en rond ainsi durant de longues minutes avant de tomber sur une silhouette qui se déplaçait rapidement à travers la jungle. D'un pas pressé, le Lost One traversa un chemin et coupa le chemin de ce qui n'était au final qu'un garçon du campement de Pan. « Qu'est-ce que tu fais ici tout seul ? Tu t'es perdu ? » L'enfant, inquiet, secoua la tête sans s'arrêter alors que Felix soupirait, las de devoir jouer à la nourrice avec les garçons perdus qui n'écoutaient pas les règles. « Tu ne tentais pas de t'échapper au moins ? » À nouveau, l'enfant secoua la tête, au bord des larmes. « Les autres ont voulu jouer à se cacher et je me suis perdu... S'il te plait, ne sois pas fâcher après moi, je n'essayais pas de m'échapper... » Felix observa attentivement le garçon en espérant qu'il ne se mette pas à pleurer devant lui. « Retourne rapidement auprès des autres. Continue tout droit derrière toi et ne prend aucun autre chemin que celui d'en face. Est-ce bien clair ? » L'enfant hocha la tête et tourna les talons pour suivre l'ordre de Felix qui retrouva sa priorité : trouver l'étranger qui avait échoué sur l'île.

Après avoir fouiller une bonne partie de l'île, Felix se dirigea vers la cascade, persuadé que si quelqu'un était perdu, il se rendrait immédiatement vers le lieu le plus rassurant de la jungle. Cependant, il n'eut pas à se rendre jusqu'au point d'eau pour trouver la personne qu'il cherchait. S'arrêtant net dans sa marche, Felix posa son regard sur une silhouette qu'il apercevait à travers les fougères. Lentement, le Lost One se dirigea vers les bruits de pleurs de la jeune femme et posa son bâton contre son épaule en observant la scène. Ce n'était pas la première fois qu'il voyait quelqu'un pleurer en ces lieux, ni la dernière. Pire encore, un rictus se dessina sur ses lèvres. Il savait que Pan n'avait pas pour habitude de garder les filles sur son île et connaissait le sort qui attendait celle qui était recroquevillé à ses pieds. « Pourquoi pleures-tu ? » C'est d'une voix douce que le Lost One s'exprima, dans l'unique but de gagner la confiance de cette inconnue qu'il ne devait pas effrayer. S'il devait la ramener auprès de Pan, autant le faire d'une manière tout à fait convenable.

Elle avait peur le mensonge, elle tremblait, de haut en bas, de bas en haut, sentant ses petits muscles s’agiter sous la peau, jusqu’à avoir le dos douloureux, roulée en boule sur le sol boueux de Neverland. Elle aurait dû se lever, parce que sa robe allait se tacher. Mais cette pensée ne fut pas assez forte pour la sortir de sa torpeur, alors qu’à l’affut entre ses sanglots, elle reconnaissait des bruits de pas. Cemy, cependant, n’avait aucune idée de qui il pouvait bien s’agir, sur cette terre inconnue, là où un mensonge malsain, noir, vicieux, courait sous la surface. Elle se dit qu’elle devait faire quelque chose, ravaler ses larmes, se cacher, et prier fort, très très fort, que Zéhéra la trouve. Mais elle n’y arrivait pas, et il était déjà trop tard, car elle vit les pieds s’approcher d’elle, jusqu’à s’arrêter à côté de son corps allongé. Elle calma tant bien que mal ses pleurs, les larmes glissant silencieusement de ses yeux bleus. Elle le détailla d’un coup d’œil et songea immédiatement que c’était une mauvaise idée. Il faisait peur, avec son gros bâton sur son épaule et ses cheveux en batailles. En plus, elle avait cru apercevoir une cicatrice sur son visage. Elle n’en était pas sûre, mais elle n’osait pas regarder à nouveau. Cemy avait peur, et elle l’assumait, ou presque.

« Pourquoi pleures-tu ? » Cemy leva les yeux à la voix calme du garçon, mais ce fut une mauvaise idée, parce qu’elle sursauta. Il avait bien une cicatrice sur le visage. Et son sourire ne présageait rien de bon, foi de mensonge. Mais au moins, il ne lui avait pas sauté dessus comme une bête sauvage. Est-ce que ça voulait dire qu’il était gentil ? L’oncle de Cemy était aussi balafré, mais il avait un cœur d’or, c’était peut-être la même chose avec ce jeune garçon ? Oh, elle l’espérait vraiment, parce qu’elle ne voulait pas finir en quatre-heures pour un cannibale affamé. Oh non ! Il n’était pas cannibale tout de même ? Elle osa un nouveau coup d’œil et jura qu’il pouvait l’être. Elle frissonna de peur, encore. Mais il fallait qu’elle réponde, de risque que le blond ne s’impatiente. Et elle ne voulait pas attirer les foudres de ce jeune curieux. Certainement pas ! Il y avait un peu de chances pour qu’il soit gentil. Et si jamais il était fourbe, il aurait un moins un nom à donner aux restes de Cemy. Elle se redressa un peu, essuya d’une main les nouvelles larmes, qu’elle retint, tant bien que mal. « Je. » Elle renifla. « Je me suis perdue. » Elle laissa un court silence, tandis qu’elle avalait sa salive et cherchait à calmer son souffle erratique. « Je voulais jouer avec l’ombre, parce qu’elle est comme moi… Mais une fois arrivée ici, elle m’a abandonnée. » Des nouvelles larmes coulèrent sur ses belles joues et il lui fallut le plus grand effort du monde pour ne pas se rouler en boule à nouveau.

Elle leva ses yeux humides vers le jeune garçon, sans sourciller cette fois-ci. « Je pensais qu’elle jouait à cache-cache, mais c’est difficile d’attraper une ombre. » Eh oui, c’était un raisonnement logique pour la créature magique qu’elle était, plus habituée à échanger avec ses semblables qu’avec de simples humains. Cette aventure, à ces débuts, quand l’ombre avait commencé à tourbillonner autour d’elle, lui avait semblé être une bonne idée. Maintenant, elle comprenait le poids de son erreur. Cemy était trop candide, dommage pour elle, elle tirerait des leçons de cette histoire. « Je m’appelle Cemy. Et toi, tu es ? Tu habites ici ? »

Lorsque la jeune fille leva les yeux, Felix comprit qu'il l'effrayait. Ce n'était pas la première fois qu'il laissait une telle impression. Son visage pâle, sa cicatrice, son regard sombre derrière sa capuche... plusieurs éléments ne jouaient pas en sa faveur. Mais Felix appréciait la crainte et l'angoisse qu'il faisait naître chez les individus qui se perdaient sur l'île. Sans cette peur, il ne serait pas le bras droit de Pan. Les autres perdus étaient plutôt banals. Pas lui. Lui était différent et cette différence permettait à Felix d'aider Pan à protéger Neverland des étrangers indésirables. Lui n'avait pas besoin de brandir une épée ou un arc. Sa simple présence, son regard et sa voix lui permettait de faire comprendre qu'il ne fallait pas se fier aux apparences. Les enfants de cette île, en particulier le chef, n'étaient pas ce qu'ils semblaient être. Ils n'étaient pas des anges, s'entraînaient au combat et ne laissait que peu d'adultes vivants. S'ils les mangeaient ? Absolument pas. Ce serait répugnant, même. Heureusement, Felix n'entendait pas les pensées de la jeune fille qui ouvrit les lèvres pour laisser échapper un "Je" à peine audible.

« Je me suis perdue. » Felix eut un sourire, assez lugubre. S'il aurait connu les idées de cette demoiselle, il se serait certainement amusé à lui faire peur, histoire de jouer un peu. Mais pour l'heure, le Lost One devait faire comme si de rien était. Comme s'il était un simple garçon capable de l'aider. Un innocent, peut-être pas aussi crédible qu'il ne l'aurait voulu. À croire que Felix avait des difficultés pour se montrer gentil. « Je voulais jouer avec l’ombre, parce qu’elle est comme moi… Mais une fois arrivée ici, elle m’a abandonnée. » Au départ, Felix avait eu envie de rire. Jouer avec l'ombre, quelle naïveté. Puis, la fin de phrase lui fit froncer les sourcils. Comme elle ? C'était impossible. La jeune fille n'avait rien avoir avec l'ombre. Elle était solide, non translucide, ses yeux ne brillaient pas, elle n'était pas sombre. Que voulait-elle dire par là, au juste ? « Je pensais qu’elle jouait à cache-cache, mais c’est difficile d’attraper une ombre. » Totalement perdu, Felix n'osait plus jouer, plus sourire. Il secouait la tête, les sourcils toujours froncés, incapable de penser correctement.

« Je m’appelle Cemy. Et toi, tu es ? Tu habites ici ? » Surpris, le Lost One ne répondit pas à ces questions. À la place, il en avait pour elle et ne la laisserait pas en paix tant qu'elle n'aurait pas répondu. Peut-être que Pan était au courant de ce qu'elle était, mais pas lui. Avant de l'emmener au campement, Felix se permit cette faveur. Il voulait en savoir plus. « Je ne comprends pas. Tu dis être comme l'ombre. De quoi parles-tu ? » Réalisant que sa phrase pouvait porter à confusion, si Cemy n'était pas au courant que le garçon connaissait l'ombre, Felix reprit la parole. « Je connais l'ombre, bien-sûr, mais toi. Qui es-tu ? »

Était-ce vraiment si inespéré de tomber sur des personnes gentilles dans une forêt aux allures lugubres ? Après tout, Cemy ne demandait pas grand-chose. Au début, elle avait cru pouvoir s’amuser avec l’ombre, qui l’avait lâchement abandonné, pour qu’elle finisse nez-à-nez avec un garçon qui avait des airs de sauvages. Autant dire que c’était parfaitement normal que le mensonge se mette à pleurer. Ce garçon blond n’avait rien de rassurant, avec ses cheveux en pétard – qui n’avaient pas connu un vrai nettoyage depuis longtemps – et cette vilaine cicatrice qui lui barrait le visage. D’autant plus que cet inconnu ne semblait pas vouloir rassurer Cemy, avec son expression effrayante et ce qui trainait dans le fond de son regard. Oh ! Qu’elle espérait qu’elle ne finirait pas dans l’assiette de ce garçon. Cemy avait encore beaucoup de projets pour son futur. Elle ne pouvait pas se permettre de fini comme repas pour un cannibale affamé. Elle était tellement effrayée que ses idées ne soient le reflet de la réalité, que la tisseuse ne remarqua pas le changement d’expression chez le blond, qui prit des traits plus humains tandis qu’il s’arrêtait sur un détail des propos de Cemy. « Je ne comprends pas. Tu dis être comme l'ombre. De quoi parles-tu ? » Les yeux toujours humides, elle leva les yeux vers son possible sauveur (ou possible cannibale), reflétant la même curiosité que son vis-à-vis. N’était-ce pas évident ? « Je connais l'ombre, bien-sûr, mais toi. Qui es-tu ? » Elle pencha la tête sur le côté, séchant ses larmes, à présent que le sujet de sa peur principal était écarté de sa conscience décidément vite détournée.

Elle se redressa un peu plus, s’asseyant plus ou moins correctement. Cemy le détailla un peu, commençant à s’habituer à la balafre qui lui coupait le visage en deux. « Je m’appelle Cemy. » Eh oui, mademoiselle le mensonge pensait qu’il n’avait pas compris son nom, après-tout, elle ne connaissait personne qui s’appelait de la même manière qu’elle. « Je suis comme l’ombre parce que je ne suis pas humaine. » Était-ce si difficile de s’en rendre compte ? C’était possible. Cemy, elle-même, songeait qu’elle ressemblait fortement aux hommes. Normalement, le mensonge aurait dû être réticente d’annoncer une telle chose. Mais, de un, elle ne pouvait pas mentir. De deux, perdue dans un lieu tel que cette île, elle jugeait plus avantageux de se faire des amis que des ennemis. Surtout avec un potentiel mangeur de chair. « Si tu connais l’ombre, tu pourrais m’amener à elle ? » Ses yeux brillèrent d’un soudain espoir. « Si elle ne veut pas jouer avec moi, j’aimerai beaucoup rentrer chez moi… J’ai peur ici, je ne connais personne et je pense que je me suis perdue. » Et à ces souvenirs pénibles, Cemy se remit à pleurer de plus belles, laissant les gouttes salées glisser le long de son visage.

« Je m’appelle Cemy. » Felix pencha légèrement la tête sur le coté, comme pour faire comprendre à la jeune fille qu'il avait très bien entendu son nom la première fois et qu'elle ne répondait pas vraiment à sa question. Mais lui non plus n'avait pas répondu. Il n'avait pas donné son nom et ne faisait que noyer l'inconnue dans diverses interrogations. « Je suis comme l’ombre parce que je ne suis pas humaine. » Ah ! Voilà qui était intéressant. Felix leva le menton et eut un fin sourire satisfait. Une fille qui n'avait rien d'humain pouvait être n'importe quoi. Une créature, une sirène, un esprit ou même l'ombre elle-même, bien que cette dernière option soit peu probable. Le Lost One aurait bien voulu en savoir plus, poser de nouvelles questions, mais l'inconnue fut plus rapide et continua sur sa lancée. « Si tu connais l’ombre, tu pourrais m’amener à elle ? » Felix fit une drôle de tête. Jamais personne ne demandait à rencontrer l'ombre, sauf les enfants qui vivaient dans le monde sans magie et qui attendaient impatiemment de rejoindre le pays imaginaire. Que répondre à cette demande ? Peter devait sûrement en être informé en premier, car Felix ne pouvait pas tout décider. Second ou non, l'ombre était contrôlée par Pan uniquement. Felix laissa un soupir lui échapper et il haussa les épaules. « Si elle ne veut pas jouer avec moi, j’aimerai beaucoup rentrer chez moi… J’ai peur ici, je ne connais personne et je pense que je me suis perdue. » Jouer avec l'ombre ? Rentrer chez elle ? Perdue ? Felix ne put retenir un léger rire avant de reprendre son sérieux. « Si tu te sens perdue, alors, tu es ici chez toi. Tous les enfants qui vivent sur cette île sont des perdus. Par contre, aucune fille n'est autorisée à rester sur les lieux. Notre chef préfère la présence des garçons pour pouvoir s'amuser. » Et pour ne pas avoir une "maman" capable de faire un bon lavage de cerveau à toutes les bonnes têtes de Neverland.

« Toi, tu n'es pas humaine. Peut-être que tu pourrais rester. Si tu le souhaites. Mais tu devras rentrer chez toi tôt ou tard. L'ombre ne s'amuse pas avec nous. Elle ne fait que veiller sur l'île, répondre aux demandes de notre chef, amener de nouveaux perdus par ici. » Le jeune homme commença à tourner les talons, invitant Cemy à le suivre avant de reprendre le cours de la discussion. « Je m'appelle Felix et je suis le second de Pan, le chef de l'île. Je peux t'emmener voir l'ombre, mais il va falloir que tu me dises comment tu es arrivée ici. Dans les moindres détails. » En continuant sa marche, Felix passa près d'un ruisseau où il s'arrêta pour nettoyer ses mains recouvertes de terre séchée. Rien de plus désagréable, même s'il avait l'habitude de ne pas être entièrement propre, puisqu'il était un enfant perdu et que les enfants perdus peuvent rester plusieurs jours sans faire aucune corvée.

Le mensonge se sentait moins seule, maintenant qu’elle était en compagnie du blond-cheveux-en-batailles. Et elle commençait à se dire qu’il n’allait peut-être pas la manger, puisqu’il ne l’avait toujours pas assommée, ni découpée en morceau. Ce qui était bon signe, bien qu’elle n’écartait pas totalement la possibilité de se faire dévorée dans un futur proche. Elle sècha ses larmes, une fois encore, commençant à avoir les yeux fatigués de tant d’émotions. Cemy n’était pas faite pour les sensations fortes. Elle aimait sa petite vie bien agencée, à sautiller de mensonges en mensonges, invisible de tous. La solitude n’était pas un problème, car elle se savait en sécurité, quand personne ne la voyait. C’était une des raisons pour laquelle elle n’était pas à l’aise sur cette île, d’autant plus qu’elle ne lui inspirait pas confiance. Il y avait décidemment quelque chose qui clochait ici. Et elle ne voulait absolument pas savoir de quoi il en retournait. Mais pour le moment, elle n’avait aucune solution pour retourner dans son monde à elle. « Si tu te sens perdue, alors, tu es ici chez toi. » Elle frissonna à l’idée, ne se sentant absolument pas chez elle ici. « Tous les enfants qui vivent sur cette île sont des perdus. Par contre, aucune fille n'est autorisée à rester sur les lieux. Notre chef préfère la présence des garçons pour pouvoir s'amuser. » Ah ça, pour être perdue, elle l’était bien. Par contre, elle n’était plus une petite fille, bien qu’elle continuait à se comporter comme tel. « Je ne suis pas une fille ! » Ah, voilà qu’un semblant de courage naissait dans le fond de sa voix. « Je suis une adulte depuis près de deux cents ans. » Bon, ça n’entrait pas tout à fait dans la classification des êtres humains, mais puisque Cemy avait gagné le droit de tisser seule, sans l’aide de sa mère, elle était, dans son peuple, une adulte comme les autres.

« L'ombre ne s'amuse pas avec nous. Elle ne fait que veiller sur l'île, répondre aux demandes de notre chef, amener de nouveaux perdus par ici. » Un détail la dérangeait tout de même. Pourquoi est-ce qu’ils voulaient se perdre, ces enfants ? Ne pas savoir où aller, ne pas savoir où se trouver n’était pas amusant. Il n’y avait rien de moins rassurant. Cemy, cependant, hocha la tête, faisant mine qu’elle comprenait ce que lui disait le balafré, bien qu’elle ne saisissait pas le fondement de ses paroles. Elle n’eut pas vraiment le temps de lui poser la question, puisque le garçon reprenait déjà. « Je m'appelle Felix et je suis le second de Pan, le chef de l'île. Je peux t'emmener voir l'ombre, mais il va falloir que tu me dises comment tu es arrivée ici. Dans les moindres détails. » Cemy se leva précipitamment, suivant Felix du mieux qu’elle le pouvait, manquant de tomber en se prenant les pieds dans une racine, mais dans un fracas peu commun, elle réussit à se reprendre et à continuer comme si de rien n’était. « Vraiment, tu peux m’amener à elle ? J’espère qu’elle voudra bien me ramener. » Songea-t-elle, l’expression très inquiète. Mais elle s’égarerait, Felix, puisque c’était son nom –quel drôle de nom d’ailleurs ! – lui avait demandé quelque chose. Et elle ne pouvait pas ne pas répondre. « Je me promenais. C’est elle qui est venue vers moi. »

Cemy s’arrêta dans son explication quelques secondes, se penchant sur le bord de la rivière et nettoyant son visage de toutes ces larmes et de la terre qui recouvrait aussi ses joues. Elle secoua la tête, chassant les derniers restants de l’eau. « On a un peu discuté, puis elle m’a proposé de voir où elle habitait. C’était la première fois que je la voyais. Et je pensais qu’on pouvait être amis… Alors, j’ai accepté. » Crédule, Cemy ? Absolument pas. Elle n’avait juste aucune raison de se méfier d’un être magique qui venait poliment lui demander comment elle allait. Bon, imaginer l’ombre faire la conversation avec le mensonge était quelque chose. Mais puisque l’ombre comprenait beaucoup de mensonges en elle, il n’y avait rien d’extraordinaire – aux yeux de Cemy – dans cette situation. Elle n’avait pas encore tout à fait conscience que ce qu’elle disait pouvait paraitre absurde aux yeux de Felix. « Après, je me suis endormie pendant le voyage et je me suis réveillée ici. Je pensais que l’ombre jouait à cache-cache, mais je ne l’ai pas trouvé. » Dépitée et déçue de ce qui lui était arrivé, elle releva la tête subitement, s’approchant de Felix, un intérêt soudain dans les yeux. « Si l’ombre ne s’amuse pas avec vous, moi je veux bien m’amuser avec toi. Qu’en dis-tu ? » Bah oui, elle était venue ici pour jouer, après tout.

« Je ne suis pas une fille ! » Felix parut amusé. Pas une fille ? Il était peut-être perdu sur une île loin de tout, mais il savait encore reconnaître la différence entre un garçon et une fille. Cemy n'avait rien d'un garçon. « Je suis une adulte depuis près de deux cents ans. » Ah. C'est donc là où elle voulait en venir ? Felix leva le menton, le temps d'acquiescer l'information, puis plissa les yeux, comme s'il analysait une nouvelle fois la jeune femme devant lui. Il était vrai qu'elle n'avait rien d'une enfant. Mais pour une adulte de deux-cent ans, elle était très bien conservée. Aussi bien que Felix, Pan et tous les garçons perdus de cette île. « Bien. Donc. Tu es une femme. Mais les femmes ne sont pas non plus acceptées ici. Tout comme les adultes. » Felix soupira. Il pouvait bien faire une exception pour cette... dame. Elle n'était pas humaine, elle l'avait dit. Pan ne verrait pas d'un mauvais œil sa présence ici. Du moins, Felix l'espérait.

L'enfant perdu avait donc proposé à Cemy de rencontrer l'ombre à condition qu'elle lui donne quelques détails de ce qui l'amenait ici. L'adulte non-humaine se prit dans une racine avant de répondre tel un enfant qui a la possibilité d'acheter tout un stand de jouets. « Vraiment, tu peux m’amener à elle ? J’espère qu’elle voudra bien me ramener. Je me promenais. C’est elle qui est venue vers moi. » La ramener ? Felix se disait que cette rencontre allait être bien rapide. Cependant, il ne prononça pas son avis et écouta attentivement l'histoire de Cemy en traversant la jungle pour se rendre auprès de l'ombre. « On a un peu discuté, puis elle m’a proposé de voir où elle habitait. C’était la première fois que je la voyais. Et je pensais qu’on pouvait être amis… Alors, j’ai accepté. » Ami avec l'ombre. Même Pan ne semblait pas vraiment ami avec elle. L'ombre avait plutôt l'air d'une esclave aux yeux de Felix alors que la réalité était tout autre. Pan était l'esclave de l'ombre et du temps qu'elle lui avait imposé pour être un enfant. « Après, je me suis endormie pendant le voyage et je me suis réveillée ici. Je pensais que l’ombre jouait à cache-cache, mais je ne l’ai pas trouvé. » Felix fut un peu surpris de voir Cemy s'approcher de lui et il eut le réflexe de reculer légèrement son visage. « Si l’ombre ne s’amuse pas avec vous, moi je veux bien m’amuser avec toi. Qu’en dis-tu ? »

S'amuser avec lui ? Felix arqua un sourcil, totalement déboussolé. Que devait-il répondre à une telle demande ? S'amuser comment ? Il n'était pas vraiment du genre à s'amuser, contrairement aux autres enfants de l'île. Peut-être était-il un peu trop...vieux pour les jeux. « Je... Non. Je ne joue pas. Je ne suis pas ici pour m'amuser, tu sais. Je suis le second du chef de l'île. Si tu veux t'amuser, il y a plein d'enfants qui n'attendent que ça. » Felix paraissait un peu troublé. Il était vrai que jamais encore on lui avait proposé de s'amuser ici, à part les fois où les plus jeunes enfants de l'île lui demandaient de faire le monstre, ce qu'il faisait très bien sans se forcer avec ses cicatrices et son air grognon. « Tu voulais voir l'ombre. Elle est ici. » Felix avait entendu les feuilles des arbres frémir au passage de la créature au dessus d'eux.

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