Introduction Époque du sujet : Actuelle Date du sujet : au plantage des haricots magiques Ordre de passage des participants : Luyi Song - Gordon

Il était tard dans la petite ville de Storybrooke. La plupart des habitants avaient fini leur journée et étaient rentrés chez eux, rejoindre ceux qu’ils avaient encore dans leur vie, ou simplement se reposer. Luyi lui était seul dans son appartement, comme d’habitude, surtout ces temps-ci ou il avait l’impression que le monde entier était contre lui. Il restait assit sur son lit à méditer, chose inhabituelle, mais sa discussion avec Emma à propos des haricots magiques l’avait fait quelque peu réfléchir. Pour l’heure, il attendait patiemment l’heure de son prochain boulot du jour ; il fallait bien se nourrir et payer le loyer, comme disait Sora la petite coiffeuse de service. Son réveil sonna et le sortit de sa torpeur, lui indiquant par la même qu’il était temps de prendre la route. Il sortit rapidement de sa demeure et grimpa sur son scooter direction l’hôpital de Storybrooke.

La bâtisse était assez glauque de nuit, surtout pour un endroit où les gens vont quand ils ne sont pas biens. Comment diable pouvait-on travailler dans un truc pareil ? Non pas qu’il était sensible à la détresse des autres ou en proie au dégoût, mais devoir s’occuper des gens n’était pas sa première préoccupation. Il gara sa bécane et entra dans le bâtiment en passant par l’arrière. Il avait beaucoup de clés sur lui : des lieux publics ou des maisons privées. Les gens ne faisaient pas très attention à lui, il passait ça et là avec ses outils de travail en toute discrétion, se contentant des politesses.

Après avoir enfilé sa tenue il se mit directement au travail. Il passa rapidement dans les lieux les plus animés de l’hôpital, saluant au passage les quelques employés qui travaillaient de nuit. Il y avait en fait assez de monde à cette heure-ci, si peu qu’on pourrait voir passer le fantôme de quelqu’un au détour d’un couloir blanc. Il passa ensuite dans une section un peu plus sombre, un peu plus… intime. Cette solitude le poussait à prendre son temps, il se surprit même à commencer à fredonner une chanson. Sa tranquillité fut grandement perturbée par un bruit inattendu. « Enlevez-le-moi ! Enlevez-le de ma tête ! » Il sursauta de tout cœur et se retourna vers la porte d’où venait de s’échapper ce cris. Une porte blindée. On se croirait dans un asile ici. Qui eut cru qu’ils gardaient ce genre d’individus bien au chaud enfermé. Curieux, il s’approcha de la porte et y colla l’oreille, entendant juste le bruit sourd coups de poings. Il avait pitié du malheureux, lui-même ne supportant pas l’enfermement. Après s’être assuré qu’il était seul, il s’exclama. « Hey, ça va là-dedans ? C’est quoi ton petit nom ? »

Gordon hurlait de toutes ses forces, sachant pertinemment que ça ne servait à rien. D'une certaine manière, tout semblait tourner en boucle dans sa tête. Pertes de mémoires totales, suivies de moments de doutes, puis de certitudes improbables. Au même titre que tout ce qu'il pouvait vivre perpétuellement, ce moment lui laissait comme une impression de déjà-vu. La même bouillie infâme régulièrement servie par des silhouette qui ne lui adressaient pas un mot, les mêmes blouses blanches accompagnées de leurs cachets et de leurs seringues, ou encore, les mêmes cris qu'il poussait en espérant briser le silence qui lui devenait insupportable. Soudain, une voix se fit entendre.
« Hey, ça va là-dedans ? C’est quoi ton petit nom ? »

Surpris, Gordon sursauta et s'éloigna de la porte. Sa respiration se fit plus forte et intense. Avait-il bien entendu ? Alors qu'il voulait parler, aucun son ne sorti de sa bouche. Bien qu'il aurait aimé parler à quelqu'un, tout ça semblait beaucoup trop beau pour être vrai. Soit il s'agissait d'un piège tendu par les blouses blanches, soit d'une hallucination. Néanmoins, la seconde option lui semblait beaucoup plus réaliste. Une partie de lui, probablement la plus lucide, lui criait de ne pas répondre et d'attendre que ça passe. Pourtant, l'envie se faisait forte. Fermant les yeux, Gordon pensa « Salut, bienvenue dans ma tête. Moi c'est Gordon, et toi ? ». Aucune réponse.

Plutôt vexé, il se rapprocha de la porte de sa cellule puis reprit « Ok, on va faire ça a voix haute si tu y tiens. Moi c'est Gordon, enfin... entre autre, et toi ? ». Sa voix était étonnement calme et posée pour quelqu'un qui venait de hurler quelques secondes plus tôt, mais réel ou non, le simple fait d'avoir quelqu'un à qui parler le rassurait un peu.

Le silence se fit assez long après les paroles de Luyi. L’individu avait cessé de tambouriner sur la porte et de crier, mais ne semblait pas décider à répondre. Le roi des singes attendit patiemment, attentif au moindre bruit, jusqu’à ce qu’enfin une voix se fasse entendre. « Ok, on va faire ça a voix haute si tu y tiens. Moi c'est Gordon, enfin... entre autre, et toi ? » C’était très bizarre. On dirait que ce Gordon avait commencé à parler tout seul dans sa tête, et que, n’obtenant pas de réponse, il s’était décidé à dialoguer à voix haute. Est-ce sa folie était due à la malédiction, ou bien était-il déjà cinglé depuis longtemps ? Peut-être même qu’il n’était pas fou du tout mais que les voix dans sa tête faisaient partie de son passé d’être vivant dans la forêt enchantée ou ailleurs. Si c’était le cas, il n’avait rien à faire ici. De plus, il disait s’appeler Gordon « entre autre ». Sans doute un schizophrène, ou alors il faisait allusion à son autre identité magique. Pauvre créature.

Regarder la porte ne servait à rien. Luyi décida alors de prendre sa pause ici, et s’assit dos contre ce qui le séparait de Gordon. « Moi c’est Louis, ou Luyi, ça dépend ce que t’arrives à prononcer plus facilement. J’ai un autre nom bien sûr, comme tout le monde ici, mais si tu le veux bien je vais le garder pour moi. » C’est vrai quoi, ce n’est pas parce que ce type était enfermé qu’il allait lui déballer sa vie comme ça. Bien que Gordon avait l’air malade, Luyi ne comprenait pas comment on pouvait accepter de garder quelqu’un dans cette cellule, quand bien même le mec était dangereux, Regina, elle ne restait-elle pas en liberté alors qu’elle était la menace numéro 1 ? Malheureusement, ce n’était pas en son pouvoir de négocier la libération de quelqu’un, surtout dans un domaine médical. Que faisait Gordon seul toute la journée dans cette étroite pièce ? N’allait-il pas devenir plus cinglé en restant dans cet état ? Luyi lui-même avait été enfermé pour le calmer et le punir, mais comment aurait-il pu changer dans une cage ? C’est au contact des autres et du monde qu’il avait l’impression d’évoluer.

« C’est pas trop dur de vivre là depuis tout ce temps ? Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez toi pour que tu aies terminé ici ? Enfin… si ça ne te dérange pas de me dévoiler tes petits secrets. » Il était même prêt à lui dévoiler ses propres secrets petit à petit si Gordon se montrait coopératif. Luyi avait appris qu’instaurer de la confiance entre les êtres pouvait être important.

‘Loo-Yille’ étouffa un rire en entendant la prononciation de son nom. On ne lui avait jamais fait celle-là. Mais ce n’étais pas le moment de vexer son interlocuteur sur des questions aussi banales, aussi ne prit-il pas la peine de le corriger. Il resta attentif à ses réponses. « C'est pas si mal ici... si tu oublies la bouffe, les injections, l'obscurité la cage... et tout le reste en fait ». Evidemment. Comment pouvait-on aimer la vie en cellule, médicale qui plus est ? Mais si Gordon était capable de s’exprimer aussi clairement sur ce qu’il aimait et ce qu’il n’aimait pas, c’est qu’il n’était peut-être pas si fou que ça. Ou alors l’intelligence était un trait de caractère obligatoire des personnes cinglées. En entendant son explication plus détaillée de son cas, Luyi se rendit compte qu’en effet, il devait être quelqu’un de bien instable. Ses pertes de mémoire, sa confusion quant à la réalité, le fait d’entendre des voix… ça devait être sacrément perturbant. Surement qu’il avait des sautes d’humeurs aussi, vu que précédemment il criait comme un damné, et que maintenant il parlait le plus calmement possible. Quoique, c’était peut-être justement parce qu’il parlait à quelqu’un d’autre que lui-même qu’il était plus calme.

« Mais assez parlé de moi. Et toi ? Pourquoi y t'ont enfermé ? ». Hm ? Pensait-il vraiment qu’il était enfermé lui aussi ? Et même, est-ce que Gordon avait conscience de l’endroit où il se trouvait, de qui l’entourait, de pourquoi ils étaient ici, et lui-même d’ailleurs ? Est-ce que j’ai la patience de lui faire un topo de la situation… Certes, non. Il allait faire simple, et lui donner uniquement les informations dont il avait besoin pour continuer de vivre. « Gordon, au risque de te décevoir, je ne suis pas enfermé, je suis bel et bien libre. Là, je me contente de nettoyer devant ta cage, mais quand j’aurais fini je m’en irais comme je suis venu. » C’était peut-être un peu cruel ce qu’il venait de dire, Gordon allait sûrement se sentir un peu seul en se rendant compte que la personne avec qui il parlait avait plus de chance que lui. « Je crois pas qu’il y ait beaucoup de personnes dans ton cas. Mais t’en fais pas, un jour cet endroit n’existera plus, et tu pourras retourner chez toi dans la forêt enchantée… si c’est bien de là que tu viens. » Et là les petits démons de Luyi se réveillèrent. Il aimait assez bien de mettre le désordre sur son passage, et l’envie de libérer Gordon le démangeait. Qu’allait-il se passer si un fou se promenait en ville ? Bah, il n’était sûrement pas aussi dangereux qu’il voulait le faire croire. Et puis il y a avait suffisamment de personnes capables de le maitriser à l’extérieur s’il devenait dangereux. En tant que roi des singes, Sun Wukong avait quelques pouvoirs utiles tels qu’une force surhumaine, même si avec peu de magie à Storybrooke il n’était pas aussi puissant qu’il l’aurait voulu. Il pourrait trouver un moyen d’ouvrir la porte à la seule force de ses bras. « Dis moi Gordon… tu n’as pas envie de sortir d’ici ? ».

« Pourquoi ? T'as les clés de ma cage ? Si c'est le cas, je dis pas non » Gordon n’avait pas l’air très convaincu par l’offre de Luyi. Comment pourrait-il le blâmer, lui-même n’aurait pas cru le premier idiot qui se serait présenté à lui pour le faire sortir de sa prison. Mais les faits étaient là, Luyi pouvait faire sortir Gordon de sa cage, même s’il prenait de gros risques en faisant cela. Il fallait quand même qu’il réfléchisse un peu avant d’agir de la sorte. « En fait j’ai pas les clés, mais je peux quand même te faire sortir d’ici, il y a d’autres moyens d’ouvrir une porte. » Gordon allait sûrement croire de moins en moins ce qu’il racontait. Le seul moyen qu’il accepte l’idée d’être à l’extérieur, était qu’il soit effectivement à l’extérieur. Mais vraiment, Luyi ne le sentait pas de le faire tout de suite. « Mais… je vais pas pouvoir t’ouvrir maintenant. Là ma pause va se terminer, je vais devoir bouger sinon ils vont trouver ça louche que je ne travaille pas, et ils vont se ramener ici. » Oui, ça faisait déjà un petit moment qu’ils discutaient. Même s’il n’avait pas l’impression d’avoir appris grand-chose sur Gordon, il en savait suffisamment pour savoir comment s’y prendre avec lui. Enfin, c’est ce qu’il pensait. Luyi comptait donc partir et revenir la semaine suivante, lors de son prochain jour de ménage. Et là il allait certainement ouvrir la porte. De plus, il comptait s’emparer d’un haricot magique, et s’il y parvenait, l’envie d’en faire profiter Gordon pourrait ne pas lui manquer. Un cinglé serait sûrement mieux dans un monde magique que dans un monde logique. Il se dit par contre que sûrement Gordon allait l’oublier d’ici là, ou tout du moins mélanger ses souvenirs. Peut importe. Il ne comptait pas se présenter une deuxième fois, il se contenterait alors de lui dire ce qu’il allait faire, et là peut-être que ses souvenirs se fixeront sur cette information ; le fait de sortir de sa cage. « Gordon, tu vas être sage le temps que je revienne. Je serais de retour dans quelques jours, essayes de ne pas m’oublier d’ici là ! » Autant le prévenir tout de suite. Sur ces paroles, Luyi donna deux coups sur la porte, juste pour signaler son départ. Il reprit ses outils de travail et continua son chemin de nettoyeur. Luyi était amusé à l’idée que même si Gordon parlait de cette discussion avec un médecin, personne ne risquait de le croire. Luyi pouvait donc dormir tranquille, et préparer son plan d’attaque à l’aise.

La semaine passa bien vite, semaine durant laquelle Luyi n’avait pas vraiment réfléchi à ce qu’il allait faire de Gordon. Mais peu importait, il lui avait fait une promesse, alors la tiendrait. Comme à son habitude, il venait faire le ménage aux heures de fermeture. Mais ce n’était pas suffisamment tard pour faire sortir Gordon. Une fois son travail terminé, il s’en alla alors comme si de rien n’était. Ce n’est qu’au beau milieu de la nuit qu’il revint à la charge.

Les créatures magiques comme Luyi avaient la chance d’avoir leur pouvoir en eux, aussi n’avaient-ils pas autant de difficulté que les autres à faire usage de magie. Regina, en sorcière de talent, pouvait se débrouiller pour des sorts habituels ; ce n’était que pour les sorts puissants qu’elle avait besoin de magie supplémentaire. Mais depuis qu’il était ici, Luyi n’avait jamais osé utiliser ses pouvoirs, de peur de ne pouvoir faire marche arrière. Aujourd’hui, il allait tenter le tout pour le tout, et libérer cet homme de sa prison.

Devant la porte de service, Luyi prit une grande inspiration et inséra sa clé. Dans le sac qu’il avait avec lui était caché un pied de biche, qu’il comptait insérer dans les fentes de la porte pour la forcer. Même si la porte était blindée, elle n’était pas construite pour résister à des forces surnaturelles ; en y mettant suffisamment de puissance, il devrait être capable de l’ouvrir. Il n’est pas inquiet de croiser du monde, après tout, l’homme de ménage pouvait se promener partout sans que personne ne trouve ça louche. S’il croisait quelqu’un, il prétexterait simplement avoir perdu quelque chose et le chercher.

En arrivant dans le couloir de Gordon, Luyi jeta un œil en direction de la caméra de surveillance. Tout en prenant soin de rester hors de son champ de vision, il sortit une bille de son sac et la lança de toutes ses forces vers la caméra, tel un coup de fusille. Efficace, et surtout discret. Mais il n’avait maintenant plus beaucoup de temps avant que le gardien ne s’aperçoive qu’une des caméras ne fonctionnait plus. Sans perdre une seconde, il attrapa son pied de biche à pleine main et l’enfonça dans la fente de la porte. La manœuvre lui demanda de déployer beaucoup de sa force, lui rappelant enfin qui il était vraiment. Puis, la porte céda. A l’intérieur, Gordon. Mais c’est sous sa véritable apparence que Luyi, ou plutôt Sun Wukong, entra dans la cellule ; celle d’un grand singe humanoïde de deux mètres de haut. Pour aller plus vite, il assomma Gordon et le porta en sac à patate. Mais avant de quitter les lieux, il arracha un de ses propres poils, le mâcha avant de le recracher, blessa Gordon pour lui prendre une goûte de sang et l’ajouter au poil, pour ainsi créer un clone du fou. Il espérait que cette manœuvre lui permette de vivre libre avant qu’on le recherche.

Sans demander son reste, il détala de l’endroit, mettant au tapis les pauvres personnes qu’il croisait. Et si tous déclareraient ensuite qu’un singe était venu voler un malade (mais lequel ?), personne ne pouvait reconnaitre Luyi Song, l’homme de ménage. A l’extérieur, il ne lui fallut que quelques bons pour rejoindre son appartement. Il déposa Gordon inconscient sur son lit, avant de s’asseoir dans un coin, toujours sous forme de signe, en attendant qu’il se réveille.