Il n'y a pas beaucoup de témoignages sur les farfadets. A vrai dire, la plupart de ceux qui ont osé dire en avoir vu un ont été pris pour des fous. D'après les légendes, ce sont des êtres secrets qui vivent dans la Forêt Enchantée et qui sont capables de s'y déplacer si silencieusement, et de s'y fondre si parfaitement, qu'ils sont irrepérables. Alors comment de simples hommes auraient-ils pu en voir ? Et bien moi je vais vous le dire ! Grâce au principal vice de cette race : jouer des sales tours. Croiser un farfadet n'est pas une chose souhaitable. On en ressort souvent sans sa dignité, et sans sa bourse ! Ça, c'est à cause de leur second vice. Ces êtres sont incroyablement avares. On raconte que chacun d'eux possède un trésor qu'il cache au cœur de la Forêt. Beaucoup d'hommes ont cherché ces soi-disant "amas d'or", mais on ne mets jamais la main sur l'or d'un farfadet ! C'est pourquoi la légende est toujours restée... une légende.

« Une légende, ça oui ça me correspond parfaitement ! » interrompit une voix taquine à l'autre bout de la pièce.

Le jeune homme à peine majeur à qui elle appartenait se tenait dans l'encadrement de la porte de la taverne et arborait un sourire amusé. Tous les individus rassemblés autour de la table, et qui buvaient auparavant les paroles d'un autre jeune, se tournèrent brusquement vers l'arrivant. Il régnait jusque-là une atmosphère bon enfant, emplie de rires parfois moqueurs, et la présence de l'arrivant y ajouta de légers murmures. Le jeune homme s'avança, détachant le lacet qui maintenait sa cape fermée. Il laissa tomber cette-dernière au sol dans un geste théâtral, et sauta soudainement sur une table inoccupée sur laquelle il s'assit en tailleur, s'attirant un regard méprisant de l'aubergiste à qui il ne prêta aucune attention. Il était plutôt maigre et visiblement très agile, en plus d'être incroyablement beau (NDA : si, si, Chris Mintz-Plasse, bitch), et, grattant sa barbe naissante, il gratifia l'autre jeune homme d'un regard joueur.


« T'arrives juste au bon moment, Andrew ! s'exclama soudain son interlocuteur d'un ton triomphal, pour attirer de nouveau les yeux des autres individus vers lui.
- Pourquoi ? ricana le dénommé Andrew. T'allais justement démontrer que les goblins des bois existent et que j'en suis un, c'est ça ? T'as une idée de combien ça peut paraître idiot ?
- Justement c'est ce qu'un farfadet dirait ! s'écria l'autre, piqué au vif.
- Oh oui, et ça prouve que j'en suis un, évidemment ! ... Mais dis-moi un peu, puisque je ne suis pas censé quitter la Forêt, pour quelle obscure raison suis-je ici ? »

L'interpellé ne répondit pas. Il baissa la tête, visiblement troublé par l'intervention de celui qu'il mettait en cause. Mais il n'était pas troublé, non. Il était en colère. Il bouillait de l'intérieur parce qu'il était vraiment certain qu'Andrew n'était pas humain, mais qu'il n'avait aucun moyen de le prouver. Si seulement il pouvait avoir le même pouvoir persuasif que ce foutu farfadet que tout le monde croyait sur parole et adorait depuis son arrivée... Et si seulement ce type pouvait cesser de se dresser en travers de sa route avec sa tête à claques. (NDA : Eh !)

« T'as perdu ta langue ? s'enquit le propriétaire de la tête en question. Bon ! C'est pas que tu m'ennuies, mais qui me paie un verre ? J'ai pas un rond ! »

Tandis que le dénommé Andrew prenait ses aises et que tous les hommes présents l'entouraient en riant très fort, son unique opposant sortit rapidement de la taverne, laissant la porte claquer derrière lui. Il était en rage. Il n'avait même pas pu aller jusqu'au bout de son explication... Il n'avait pu parler que quelques minutes, et l'être magique était arrivé vraiment très vite. Comment avait-il pu savoir ce qui se tramait ? Encore une habilité de sa race ? Mais elle ne lui avait rien dit à ce propos... Il marcha dans la rue sans direction précise, en proie à un discours intérieur si prenant qu'il parcourût le village dans un sens puis dans l'autre sans même s'en rendre compte. Au moment où il le réalisa et décida de se diriger vers chez lui, il sentit une main se poser sur son épaule et se retourna vivement.

« T'en sais des choses, fit Andy d'un ton plus du tout amusé.
- Qu'est-ce que tu veux ?! s'écria l'autre jeune homme en se dégageant promptement de son emprise.
- C'est toi, hein ?...
- ... Qu'est-ce que tu...
- Où est-elle ?! » gronda le brun.

En quelques instants seulement Andrew avait projeté l'homme au sol, et le regard taquin qu'il avait eu à la taverne ne semblait déjà plus qu'un lointain souvenir. On lisait de la haine dans ses yeux, mais aussi du désespoir. Quelqu'un d'extérieur à la scène n'aurait pas compris la question d'Andrew, mais son adversaire avait tout de suite grimacé. C'était pour elle qu'Andrew était là ! Immédiatement cela avait fait tilt dans la tête de l'opposant... Il était un homme mort. Saisi violemment par le cou, il bafouilla en guise de défense :

« E-Elle n'est plus i-ici !
- Ne me prends pas pour un idiot ! grogna à nouveau Andy. C'est grâce à elle que tu sais toutes ces choses sur les farfadets, alors dit-moi ce que tu as fais d'elle !
- J-Je l'ai vendue !
- PARDON ?! »

Andrew lâcha l'homme d'un coup et celui-ci retomba au sol, sonné. Non non non non non, il mentait. Il fallait qu'elle soit là ! Il ne pouvait pas l'avoir encore perdue de vue... C'était LUI qui la lui avait prise, il s'était donné tellement de mal pour trouver le coupable, et maintenant qu'il l'avait entre les mains, elle n'était plus là ? Il n'avait jamais imaginé que ce-dernier puisse la vendre. Elle continuait de lui échapper. Il ne pouvait décemment pas continuer à la chercher en mettant tout le reste de côté ! Mais il n'avait déjà plus de vie, plus rien d'autre qu'elle en tête depuis qu'on la lui avait enlevée.
Esplen.

Objectivement, Esplen n'était pas la plus intelligente ni la plus jolie des femelles farfadet, elle était même plutôt quelconque. Il y avait des dizaines de filles comme elle, et encore d'autres dizaines qu'il aurait pu considérer comme "mieux", mais Andy avait su dès qu'il l'avait vue qu'elle était parfaite pour lui. Après la première fois où ils s'étaient parlés, il n'avait pas dormi pendant deux jours ! (Ce qui, même pour un être magique, est foutrement long). Leur premier échange s'était déroulé peu après qu'elle se soit installée de l'autre côté de la rivière près de laquelle il habitait. Ils pêchèrent ensemble souvent, il apprit beaucoup de choses sur elle, et très étrangement il parla très peu de lui. Elle venait d'une autre forêt, mais elle ne lui raconta pas pourquoi elle en était partie. Comme tous les farfadets, elle était proche de la nature mais elle aimait par dessus tout les reptiles. Elle avait aussi une collection de papillons séchés qu'il trouvait très niaise mais qu'il aida à compléter dès qu'il avait besoin d'une excuse pour aller la voir. Elle riait à ses blagues. Il n'avait pas mis longtemps à se rendre compte qu'elle était son véritable amour. Evidemment, ça n'avait pas été aussi simple que ça ! Il avait mis quatre mois à seulement décider de lui déclarer sa flamme, deux autres à imaginer comment, et trois à oser le faire. Ces neuf mois de réflexion étaient les neuf mois qui les séparaient du Schieweschlawe, la fête célébrant l'équinoxe de printemps organisée chaque année. Au cours d'une soirée, les farfadets de tous les horizons se réunissaient, chantaient, dansaient autour des feux qu'ils faisaient eux-même et qui – aidés d'un peu de magie – prenaient des couleurs variées. C'est dans cette ambiance heureuse et romantique qu'il l'embrassa pour la première fois. L'année suivante, à cette même fête du printemps, il la demanda en mariage et elle accepta. Eh oui, ils étaient fait l'un pour l'autre, ne l'oublions pas.

Jusque là tout marchait comme sur des roulettes pour Andrew. Du plus loin qu'il se souvienne il avait toujours vécu seul (depuis le jour de sa naissance, en fait, car c'est le propre des farfadets), et ne s'en était jamais plaint. Mais ça, c'était parce qu'il ne savait pas ce que ça faisait de vivre avec son âme sœur ! A présent qu'Esplen était entrée dans sa vie, il était heureux comme il ne l'avait jamais été.

Jusqu'à ce que sa fiancée disparaisse. Ou plutôt, qu'on la lui prenne. Un jour, il était rentré à la hutte qu'ils partageaient, et elle n'était simplement plus là. Il avait crût qu'elle était simplement sortie, mais très vite il avait trouvé des traces de lutte. Il y avait aussi des signes du passage d'un ou plusieurs Hommes.