Je ne sais pas depuis combien de jours je n'étais pas sorti de ma grande demeure, cela pouvait tout aussi bien être des semaines que je ne l'aurais même pas réalisé. Toujours à ressasser le passé, sans cesse. Cela m'épuisais, physiquement et moralement. J'avais du mal à trouver le sommeil, et quand il était enfin là, c'était pour être perturbé par de violents cauchemars. Je n'y tenais plus. L’isolement me semblait être la meilleure solution. La malédiction avait beau être levée depuis quelques semaines, rien avait changé pour moi. Tout le monde avait retrouvé la mémoire, laissant place à ne nombreuses scènes de retrouvailles dans les rues. Ça m’écœurait. Tout ça parce que j'avais peur, je n'étais qu'un lâche qui n'osait pas retrouver sa petite fille... Pathétique.

Mais aujourd'hui était un jour spécial : c'était l'anniversaire de Grace. Des amis étaient venus chez elle, la maison et le jardin étaient recouverts de ballons et autres décorations. De ma fenêtre, je voyais bien que le lieu respirait la joie, les enfants s'amusaient et les rires fusaient. Grace était rayonnante. C'était trop pour moi, je devais sortir, m'échapper, je ne pouvais pas supporter rester là, mais je ne pouvais rien faire de plus que fuir, encore une fois.

Je sortais de la maison en trombe, claquant la porte derrière moi. Relavant le col de ma redingote sur mon visage pour ne pas être reconnu et partis en direction de la foret, essayant difficilement de ne pas jeter un regard à la maison d'en face. Les yeux rougis, je m'enfonçais dans les bois, sans trop savoir où je me dirigeais, évitant de justesse les arbres sur mon passage. Passé la forêt, des vif rayons de soleil m’éblouirent. Une grande étendue d'eau se trouvait devant moi. Le littoral. Je préférais habituellement éviter cet endroit, il y avait souvent des familles qui se retrouvaient ici à pique-niquer ou quoi que ce soit d'autre. Mais aujourd'hui, l'endroit était désert. Ils étaient sûrement trop occupés après la fin de cette malédiction. Je soupira et m'assis sur une souche, à l'ombre, laissant une bonne distance entre la plage et moi. Je pris ma tête entre mes mains, imbécile!, l'endroit était calme, pleutre!, le vent soufflait et les oiseaux riaient. Pressant mes mains sur mes tempes : Je dois trouver quelque chose, un moyen ! Je m’efforçais de souffler calmement, essayant de ralentir les battements de mon cœur.

Relativement calmé, je me relevai, me dirigeant vers les vagues. J'entendais le crissement du sable sous mes pieds. Le vent frappait mon visage et le bruit des vagues était relaxant. Je trouvais quelque chose d’étonnamment apaisant dans ce endroit, du moins, quand il n'était pas peuplé. Devant les vagues, je fixais l'étendue d'eau. Le soleil qui frappait n'arrivait tout de même pas me faire retirer ma redingote noire et mon foulard. Un petit coquillage attira mon attention, je me penchais pour le ramasser alors qu'un bruit d'eau un peu étrange me surpris, ce n'était définitivement pas le bruit des vagues.