Une petite fille se baladait dans la forêt, son panier au bras. Elle savait où aller -après tout, elle connaissait ce coin des bois comme sa poche- et le remplissait méthodiquement des champignons qu'elle trouvait. Cette tâche répétitive ne suffisait pas à la tenir occupée et ses pensées étaient toutes tournées bien loin de la petite forêt. Cela faisait des mois qu'elle attendait. Sagement, elle s'était contentée de soutirer la promesse d'un retour rapide à son père avant qu'il ne la confie aux voisins, des gens charmants au demeurant. Pourtant il n'était pas revenu pour le thé. Ni les jours et les semaines suivantes. Désormais elle avait perdue le compte du temps passé à espérer le voir rentrer en souriant cependant elle savait qu'il se chiffrait en mois. Et Merlin savait qu'elle aurait tout donné pour l'avoir près d'elle et se débarrasser enfin de l’inquiétude qui la rongeait aussi lentement que surement. Inquiétude que les regards emplis de pitié que ses voisins lui jetaient ne faisaient rien pour calmer, au contraire. Ils le pensaient mort. Comme tout le monde. Mais elle, elle savait qu'il était vivant quelque part. Seulement quelque chose de mauvais l'empêchait de la retrouver.

Avec un soupir elle mit les derniers champignons dans le panier et emprunta le chemin du retour. Regardant autour d'elle, elle se rappela toute ces fois où ils avaient joué ensemble à cache-cache, aux champignons qu'elle l'aidait après à trouver. Aux tourtes qu'il en faisait et dont elle raffolait et au marché où ils allaient les vendre pour une misère. Par suite, elle repensa à cette satanée peluche de lapin blanc. Si seulement elle avait tenu sa langue à ce moment là, si seulement elle ne lui avait pas demandé de lui acheter... Tout aurait été différent, elle en était persuadée. Elle avait vu son visage se fermer quand la vieille dame lui avait annoncé qu'elle ne le céderai pas à moins du prix fixé. Elle était loin d'être idiote, elle savait ce qu'il avait pensé. Trop pauvre. Il avait voulu gagner des sous parce qu'il ne pouvait pas acheter une peluche à sa fille. Comme si elle avait besoin d'une peluche ! Elle en avait déjà plusieurs à la maison. Un papa, en revanche, elle n'en avait qu'un. Sur que c'était ce qui l'avait poussé à accepter ce travail que la reine lui avait proposé. Voilà. Elle avait perdu son père à cause d'une foutue peluche et de cette fichue reine.

Grace en était là de ses réflexions quand elle fut dépassé par un groupe d'oiseaux affolés volant à tir d'ailes et deux lapins galopant comme si ils avaient vu le grand méchant loup. Interloquée, elle se retourna. Elle eut juste le temps de voir le nuage de fumée violette avant qu'il ne l'enveloppe.