Cora et moi nous jaugions depuis l’instant où nos regards s’étaient croisés. Si j’avais eu des doutes quant à la fumée qui s’était dissipée à son arrivée, j’avais néanmoins jouée l’imbécile, et l’inconnue m’avait fort bien accompagnée dans cette voie. Nous aurions pu rester des heures à nous cacher nos véritables identités et potentiels, mais j’avais finalement commis une gaffe qui me poussait à faire preuve d’un peu d’audace. La dragonne qui dormait en moi n’aurait sans doute fait qu’une bouchée de la délicieuse Cora, mais sous forme humaine et considérant le peu d’informations que je possédais sur le monde en ruines autour de moi, je ne pouvais guère me permettre d’être arrogante. Je détestais être réduite à jouer la petite humaine chétive et à faire des pieds des mains pour obtenir des informations auprès d’une femme qui se révélait être une véritable tombe. Je n’avais guère de choix si je voulais avancer, et les paroles de Cora finirent par me décider : « Votre vue est excellente, dites moi. » L’ironie qui perçait dans son timbre était loin de l’image de pauvre femme perdue qu’elle s’évertuait à arborer. Je n’avais rien à perdre en cessant ce jeu de dupe stupide et infantile, je pouvais même gagner quelques informations dans la bataille.

« Quelle perspicacité, ma chère. En effet, je pourrais nous sortir d'ici en quelques instants.. mais.. » Son regard s’était assombri et piqué d’une lueur bien moins terne et bienveillante que celle qui y trônait jusque-là. J’arquai un sourcil, curieuse d’entendre l’excuse de mon indiscernable compagne. « N'y a t-il pas quelque chose que vous me cachez ? Après tout, il n'est pas commun d'avoir une vue aussi perçante que la vôtre. Avouons donc nos plus sombres secrets, très chère. » Un éclat de rire glacial passa la barrière de ses lèvres. Si ses prédispositions pour la magie venait d’être découvertes, elle ne semblait pas décontenancée le moins du monde. La femme qui se dressait face à moi était désormais fière et arrogante. Face à son expression curieuse et satisfaite, mon visage restait de marbre. Contrairement à l’humaine, je ne me pavanais pas avec un panel d’expressions faciales. Les seules que j’arrivais réellement à décrocher se dessinaient à l’occasion de jeux divers, jamais lorsque j’étais sérieuse. Mon visage était une véritable porte de prison, rien n’entrait ni ne sortait sans mon consentement. Et en l’occurrence, j’avais tout sauf envie de jouer. Les faux-semblants n’étaient pas encore devenus parfaitement désuets dans notre échange, mais je les réservais pour les paroles, afin de distiller les révélations au compte-goutte. Je préférais tirer un trait sur les moues et mimiques qui déformaient mon visage, trop parfait à l’état naturel pour être perverti sans raison valable par ce flots d’expressions humaines.

« Cora, Cora, Cora. » Je doutais que la sorcière apprécie que l’on s’adresse ainsi à elle, avec tant de condescendance et un ton réservé aux enfants les plus désespérants. Mais qu’était-elle pour une semi dragonne de mon acabit, si ce n’était une gamine capricieuse qui manipulait des forces dont elle ne mesurait pas l’ampleur ? « Qui pensez-vous être pour mériter mes plus sombres secrets ? » Seul mon regard était encore habité par une quelconque forme d’activité, et malgré l’immobilité relative de mes lèvres, mes prunelles sombres brillaient d’un éclat brûlant. « Pensez-vous que mon jeu jusque-là était pure lubie ? Et que j’attendais la première sorcière venue pour me révéler ? » Mes lèvres s’étirèrent, finement, en ce qui se rapprochait le plus d’un sourire sur mes lèvres, tandis que mes yeux luisaient de malice. « Vous possédez peut-être la magie, très chère, mais je suis la magie. » Il n’y avait aucun trace d’arrogance dans mon ton, bien que mes déclarations s’y assimileraient sans doute dans l’esprit de mon interlocutrice. A mon sens, je ne faisais qu’exposer la réalité. Cora n’avait rien d’exceptionnel à mes yeux, et sa magie ne m’intéressait guère en elle-même, ce que je souhaitais c’était des réponses, que n’importe quel humain pourrait me fournir, Cora n’était pas exactement à mes yeux une exception à laquelle m’accrocher. Pour le devenir, il fallait qu’elle se mouille davantage. « Vos talents de sorcière dérisoires ne m’intéressent nullement, et je n’ai aucune envie de connaître vos sombres secrets. » Je ne cherchais pas à être blessante, d’ailleurs ma voix ne trahissait aucun sentiment, elle était d’un égal monocorde sans la moindre part d’âme. « Je veux savoir ce qu’il se passe ici. »

Je ne connaissais rien de Cora et, dans mon arrogance de dragonne, je ne voulais rien savoir d’elle. Ma curiosité passagère à son sujet s’était envolée, mais rien ne permettait de prétendre que ce fut pour toujours. Tout ce que je souhaitais en l’occurrence, c’était obtenir des réponses, claires, concises, qui m’aideraient à avancer. Si la sorcière me les fournissait, je consentirais sans doute à lui révéler quelque petites choses. Si elle s’échinait à résister et souhaitait avoir le dernier mot, elle apprendrait ce qu’il en coûte d’indisposer un dragon, eut-il une part humaine, et encore plus si cette partie de lui était une femme.

Alors que Denitsa et moi marchions tranquillement vers un lieu encore inconnu, la discussion commençait à s'animer. Après quelques échanges tout à fait normaux sur ce que nous recherchions en particulier, Denitsa commença à émettre quelques doutes à mon propos. Et je devais avouer que ce sentiment était réciproque ; je ne savais pas ce que ma compagne de route me cachait, mais quelque chose me disait que cela allait m'intéresser. Toute cette animation débuta lorsque Denitsa commit une erreur. En effet, elle disait voir ce que les pancartes indiquaient, alors que nous étions à une bien trop grande distance pour les lire. Mes soupçons se confirmèrent alors que la jeune femme tentait tant bien que mal de se justifier pour cet acte. Seulement, se sentant vulnérable, Denitsa en vint immédiatement à ce qu'elle avait vu : la magie. Après un échange assez tendu, la discussion reprit, Denitsa semblait vouloir obtenir des réponses, et elle allait en obtenir.. mais cela ne risquait pas de lui plaire.

« Cora, Cora, Cora » me lança t-elle. Le ton qu'elle utilisa à ce moment là ne me plut pas du tout. Je sentais une légère pointe d'arrogance, ou de supériorité. Mon regard s'intensifia, et devint légèrement plus perçant. Je sentais que cette discussion risquait de prendre une toute autre dimension, mais malgré cela, je ne craignais rien de ma chère interlocutrice, qui semblait bien plus faible que moi. Pourtant, je ne savais pas ce qu'elle me cachait, et je souhaitais le savoir avant de me lancer dans quelque chose pouvant se retourner contre moi à tout moment. Même si je n'avais absolument pas peur, j'éprouvais une certaine méfiance quant à la jeune femme.. « Qui pensez-vous être pour mériter mes plus sombres secrets ? » me demanda t-elle sur un ton normal, sans aucune arrogance. Cette question déclencha en moi un léger rire, mais aussi une forme de colère intense. Denitsa ne savait pas à qui elle s'adressait, et je comptais bien le lui faire voir. « Pensez-vous que mon jeu jusque-là était pure lubie ? Et que j’attendais la première sorcière venue pour me révéler ? » Un sourire se dessina sur son visage, et ses traits me parurent malicieux, mesquins. Mon regard ne se détacha pas du sien, et ses prunelles sombres semblaient me dévisager avec insistance. Le fait qu'elle me qualifie de « première sorcière venue » me déplut fortement, mais déclencha au fond de moi une hilarité insoupçonnable. « Vous possédez peut-être la magie, très chère, mais je suis la magie. » Cette affirmation me fit réfléchir. Alors comme ça, Denitsa disait être la magie. Ce qui me parut complètement évasif. Je ne voyais pas ce qu'elle souhaitait dire par là, mais je comptais bien essayer d'en savoir plus. Je ne pris toutefois pas un regard interrogateur, ne montrant alors aucun signe de surprise ou d'ignorance.

« Vos talents de sorcière dérisoires ne m’intéressent nullement, et je n’ai aucune envie de connaître vos sombres secrets. » Cette fois-ci, je ne pus retenir un second rire perçant. Son utilisation du mot « dérisoire » en était certainement la cause, et malgré son manque de sentiment ou d'émotion lorsqu'elle avait prononcé cette phrase, je ne pus m'empêcher de me sentir offusquée par cette qualification des plus abaissantes. « Je veux savoir ce qu’il se passe ici. » me lança t-elle. Alors, mon regard reprit son aspect initial, et mes lèvres se refermèrent doucement. Un sourire se dessina sur le coin de ma bouche, un sourire narquois qui prouvait que j'allais, en effet, lui répondre. Mais pas forcément d'une bonne manière.. J'étais restée silencieuse durant toute la durée de ses remarques, mais cette fois-ci, je ne pus m'empêcher de répliquer. C'était à moi de parler, et je ne comptais pas gâcher mon temps de parole..

« On dirait que vous ne vous doutez aucunement de la personne que je suis. » Le ton de ma voix restait neutre pour le moment, tandis que je dévisageais longuement Denitsa, faisant fi des convenances. Apparemment, la jeune femme n'avait aucune idée de mon identité, si ce n'est mon nom. « Voilà qui est étrangement intéressant.. » Je maintins mon regard, croisant mes mains, montrant une certaine sérénité. Je ne comptais pas m'emporter aussi facilement, et même si un éclat d'orgueil tranchait parfois ma voix, je ne pouvais m'empêcher de continuer. « Et si je vous avouais que ces vingt-huit dernières années avaient un rapport avec moi ? Et si j'en savais bien plus que vous ne l'imaginiez ? » Désormais, ma voix se fit plus claire, montrant que j'étais dans mon élément, que j'étais sure de moi, et prête à attiser la curiosité de mon interlocutrice. Je laissais un temps avant de reprendre la parole, histoire de jauger les réactions de la jeune femme. Je continuais de la regarder, un sourire sur le coin des lèvres, mes yeux fixés dans les siens. « Vous voulez apparemment des réponses. Eh bien, c'est une malédiction qui s'est abattue sur notre monde. » Je réfléchis un instant, puis décida de lui avouer la vérité. Après tout, je n'en avais que faire, et cette réalité ne pouvait en rien me faire du tort. De plus, j'étais prête à tout pour savoir ce que Denitsa me cachait. « Cette fameuse malédiction a envoyé les habitants de ce monde, dans un monde dénué de magie. Un endroit où l'on perd toute notion de notre ancienne vie. Plus aucun souvenir du monde dans lequel nous vivons ne nous est laissé. » Cette fois, ma voix s'éleva légèrement, sentant que mon interlocutrice allait être ravie d'entendre mon discours. « Et cette malédiction fut lancée par nulle autre que la Reine de ce monde. Qui est, accessoirement, ma fille. Et c'est avec mes pouvoirs.. dérisoires, comme vous le dites en toute ignorance, que j'ai su protégé une partie de ce monde de cette malédiction. C'est pourquoi nous avons été gelés durant vingt-huit ans. » Je regardais mon interlocutrice avec un air de défi, je souhaitais désormais évaluer sa réaction, et savoir comment allait-elle prendre ces révélations pour le moins.. obscures. Je comptais bien faire en sorte qu'elle prenne la mesure de mes pouvoirs, et qu'elle revienne sur son jugement à mon égard..

Le bon point pour la sorcière était qu’elle avait réussi à garder le silence durant toute mon intervention. Malgré les rictus qui étaient passés sur ses traits, sans jamais s’installer, elle avait su tenir sa langue. Ce n’était pas donné à tous les humains. Et maintenant que je lui accordais le droit de parole, elle avait intérêt à répondre très exactement à mes attentes. Une partie de moi avait l’arrogance de croire que cette humaine saurait reconnaître sa place, mais l’autre doutait qu’une sorcière puisse posséder la moindre modestie. Le cas Maléfique prouvait assez bien mon propos. « On dirait que vous ne vous doutez aucunement de la personne que je suis. » De toute évidence. Je me gardai bien de commenter le ridicule de son constat. Cora avait su se montrer respectueuse et me laisser parler, j’avais dans l’intention de lui accorder le même égard. Je restai donc de marbre, un éclat curieux au coin de l’œil. « Voilà qui est étrangement intéressant… » Son attitude eut le don de me faire grincer des dents. C’était surement très intéressant, je n’en doutais pas un seconde, seulement, si elle n’avait pas l’intention de me cracher directement sa véritable identité, je ne voyais pas l’intérêt de faire durer le suspense. Espérait-elle piquer ma curiosité ? Il en fallait plus pour titiller un dragon, mais je condamnais à nouveau ce commentaire dans un recoin de mon esprit. « Et si je vous avouais que ces vingt-huit dernières années avaient un rapport avec moi ? Et si j'en savais bien plus que vous ne l'imaginiez ? » Elle semblait bien décidée à attirer mon attention et si je me contentai d’arquer un sourcil interrogateur, j’étais parfaitement acquise à son manège. Mon visage était toujours aussi froid et égal, mais mes prunelles s’assombrissaient d’impatience.

Et Cora ne semblait pas bouder son plaisir. Elle laissa de longues secondes s’égrener, rongeant le calme qui m’habitait, mettant à mal ma superbe. Un affreux petit sourire s’était immiscé sur ses lèvres lorsqu’elle brisa un silence qui m’avait paru durer une éternité : « Vous voulez apparemment des réponses. Eh bien, c'est une malédiction qui s'est abattue sur notre monde. » Mes sourcils se froncèrent subtilement, tandis que mon regard se fit plus intéressé. Sans doute souhaitait-elle constater mon impatience avant de s’exprimer clairement. Et si j’étais résolument impassible depuis que les masques étaient tombés, j’apprécierais d’avoir une réponse avant la nuit, aussi décidai-je de satisfaire la sorcière : « Parfait, je suis toute ouïe, crachez donc le morceau Cora. » Si mes mots étaient assez neutres, j’avais à dessein laissé ma voix trahir une excitation acquise à la cause de la sorcière. Ça dû réussir à lui donner la sensation d’avoir le dernier mot car, enfin, après une attente insoutenable, la femme lâcha : « Cette fameuse malédiction a envoyé les habitants de ce monde, dans un monde dénué de magie. Un endroit où l'on perd toute notion de notre ancienne vie. Plus aucun souvenir du monde dans lequel nous vivons ne nous est laissé. »

Plus aucun coup de pouce n’était nécessaire pour que je me trahisse. J’écarquillai les yeux sous la révélation de Cora, avalant péniblement ma salive tout en tâchant d’assimiler les informations qu’elle venait de me donner. Il existait un monde sans magie quelque part ? Comment cela se pouvait-il ? Et de quels pouvoirs parlaient-on pour permettre à une sorcière – fût-elle la reine que je connaissais, de transporter ceux de mon monde dans un autre ? Ma conscience glissa à peine sur les souvenirs prétendument retirés aux personnes touchées par la malédiction, car déjà Cora ajoutait : «  Et cette malédiction fut lancée par nulle autre que la Reine de ce monde. Qui est, accessoirement, ma fille. Et c'est avec mes pouvoirs...dérisoires, comme vous le dites en toute ignorance, que j'ai su protégé une partie de ce monde de cette malédiction. C'est pourquoi nous avons été gelés durant vingt-huit ans. » Attendait-elle que je … la remercie ? Mes lèvres se crispèrent, tandis que je laissai mes yeux survoler les environs, sans vraiment les voir. Un gel de 28 ans, ça je l’avais bien compris. Mais je ne mesurais que maintenant son importance. Ce que je pensais être une plaie étendue sur notre monde n’était en fait qu’un ricochet navrant, l'effet secondaire et non désiré d'une malédiction bien plus vaste. Et cette atténuation était le fait de la femme qui était face à moi. Je déglutis, perdant une large part de mon orgueil. Qu’était-il possible de répliquer à ça ? J’étais trop intelligente pour ne pas comprendre l’étendue de la malédiction qui avait touché notre monde, et pour ne pas voir ce que je devais à Cora: être toujours là, bien accrochée à ma mémoire, et à mon identité. Qu’en était-il de mon voleur ? Des révélations de la sorcière, je ne pouvais m’empêcher de glisser sur son existence. Avait-il atterri dans cet autre monde sans magie et été ainsi dépouillé de sa mémoire ? Comment diable lui mettre la main dessus dans ces conditions? Etait-il seulement possible que je retrouve le trésor qu’il m’avait subtilisé?

« Si ce que vous dites est vrai, l’homme que je recherche peut se trouver dans cet autre monde, et ignorer tout de son existence passée dans notre monde ? » Je tâchai de mettre les choses au clair, mais ce n’était que l’introduction de mes craintes. Que le voleur puisse être ailleurs me rendrait la tâche plus ardue, c’était certain, mais rien ne pouvait m’empêcher de lui mettre la main dessus, pas même la plus sombre des malédictions. Le fait qu’il puisse ne plus se souvenir de moi me dérangeait, car alors il ne saurait pas à quoi et à qui il devrait la fin de ses jours. Mais autre chose me perturbait, dans ce monde sans magie. « Et quand vous parlez d’un monde sans magie … » J’hésitai, puis songeant à l’information capitale que venait de me servir Cora, je décidai de me jeter à l’eau : « Qu’adviendrait-il d’une créature magique qui se risquerait là-bas ? Quel serait le sort d’une femme-dragon ? » Autrement dit, mon sort.

Après un long silence de ma part, voilà que j'avais décidé de parler. Denitsa semblait légèrement hautaine à mon égard, et notre discussion devenait un peu plus tendue. Je devais d'ailleurs avouer que ceci me plaisait tout particulièrement. Je n'aimais pas vraiment les discussions trop plates, avec seulement quelques banalités. Denitsa voulait des réponses, et j'étais prête à en donner. Lorsque je parlais, toujours très calmement, j'ai senti une petite pointe de surprise en Denitsa. Elle ne devait certainement pas s'imaginer tout cela à propos de moi. Et c'est seulement lorsque j'ai avoué que j'étais la sorcière qui avait protégé notre monde, que mon interlocutrice a semblé prendre conscience de mes pouvoirs. Un sourire s'est dessiné sur mon visage, comme si je ne pouvais pas le contrôler. Je sentais donc que Denitsa s'intéressait beaucoup à ce que je venais de dire, concernant la malédiction, qui a envoyé tous les habitants de ce monde à Storybrooke.

« Si ce que vous dites est vrai, l’homme que je recherche peut se trouver dans cet autre monde, et ignorer tout de son existence passée dans notre monde ? » Je la regardais droit dans les yeux, hochant doucement la tête. Mes lèvres froides, et rouges comme le sang s'entrouvrirent un instant.« En effet, c'est totalement envisageable.. J'en ai bien peur. » Malgré notre petite altercation, j'arrivais à garder mon calme et ma voix se voulait plutôt.. neutre. Denitsa me regardait, elle semblait réfléchir à quelque chose. Peut-être allait-elle enfin me dire ce qu'elle avait de si particulier. Je sentais bien qu'il y'avait quelque chose, mais j'étais totalement incapable de savoir quoi. Ce qui m'agaçait énormément bien sur. Ne pas savoir quelque chose m'irritait toujours beaucoup. « Et quand vous parlez d’un monde sans magie … » Sa phrase n'étant pas terminée, je restais silencieuse afin d'écouter ce qu'elle comptait ajouter.

« Qu’adviendrait-il d’une créature magique qui se risquerait là-bas ? Quel serait le sort d’une femme-dragon ? » Je la regardais sans répondre. Pendant quelques instants, les idées se bousculèrent dans ma tête. Mon regard s'intensifia, tandis que je continuais de réfléchir. Une femme-dragon. Je supposais bien évidemment, que mon interlocutrice avait quelque chose à voir avec cela. Si Denitsa me demandait cela, il y'avait une raison. Alors, je pris l'ampleur de ce qu'elle venait de me demander. Ceci me rappela étrangement Maléfique, une.. "amie" de ma fille. Pourtant, je ne ressentais pas la même chose qu'avec elle. C'est alors que je compris. Maléfique était une sorcière, ayant la capacité de se transformer. En dragon, bien sur, mais elle pouvait aussi posséder d'autres formes. Denitsa, elle, en utilisant le terme de femme-dragon semblait sous-entendre qu'elle ne pouvait se transformer qu'en cette créature, et non en une autre. Un léger sourire se dessina sur le coin de ma bouche. Un de ces sourires qui vous font comprendre que votre cas intéresse beaucoup la personne en face de vous.. Je savais bien que Denitsa avait quelque chose de particulier. Et je risquais fort d'avoir besoin d'un don aussi puissant. « Eh bien.. une femme-dragon.. » Ma voix s'interrompit une seconde, comme si je souhaitais me reprendre. « Vous resterez alors seulement humaine. Dénuée de toute autre forme surnaturelle. »

Je continuais de la regarder, sachant pertinemment, à présent, qu'elle était cette fameuse femme-dragon qu'elle venait de mentionner. Pour autant, je ne ressentais aucune peur. Je ressentais plutôt un grand intérêt pour mon interlocutrice. Son don risquait de m'être très utile, et à présent, je comptais bien la mettre dans ma poche. La tâche risquait de ne pas être aisée, mais après tout, était-elle réellement au courant de ma pure méchanceté ? Qui pouvait savoir que mon coeur était enfermé dans un coffre, gardé dans un lieu totalement secret ? « Sans être trop indiscrète.. pourquoi souhaitez-vous tant retrouver cet homme ? » Je me doutais bien qu'il y'avait une histoire compliquée derrière tout cela. Denitsa risquait d'ailleurs de ne rien m'avouer, après tout, nous ne nous connaissions que depuis quelques minutes. Je ne lui avais d'ailleurs pas encore fait part de mon souhait d'aller à Storybrooke. Je comptais garder cela pour plus-tard, voire même, ne pas le lui dire. Après tout, était-elle obligée de tout savoir sur moi ?

Les révélations de Cora étaient particulièrement déroutantes. Je tentais de les démêler, et si mon esprit supérieur m’aida à y voir plus clair relativement vite, certaines interrogations demeuraient. Ma surprise était certaine, mais je ne perdais pas de temps à douter ou à remettre en cause ce que la femme m’annonçait. Partant du postulat qu’elle me disait la vérité, il me sembla essentiel de gratter la surface. Son sourire satisfait ne m’importa pas. Que mon intérêt et ma curiosité puisse redorer son égo ne me dérangeait nullement, car il y avait plus important à faire que de rabattre le caquet à une femme trop hautaine. D’autant que, si ses révélations étaient exactes, Cora n’était définitivement pas n’importe qui. Je gardais cette information en tête, alors que je laissai finalement échapper les questions qui me taraudaient. Mettre mon identité en péril ne m’inquiétait soudainement plus. Il y avait pire que de se livrer à une sorcière. Si je ne pouvais pas mettre la main sur Klaus, mon bien et ma vengeance seraient perdus à jamais. Et ça je ne pouvais pas l’admettre.

« En effet, c'est totalement envisageable.. J'en ai bien peur. » La voix claire de Cora résonna, vibrant contre mes tympans et me martelant le crâne. Klaus ne pouvait pas s’en sortir si facilement. Je ne pouvais pas être le premier dragon à abandonner un fragment de son trésor entre les mains d’un criminel. Le dépit m’accabla, saccadant ma respiration en même temps qu’il me noua la gorge. Mes mains devaient se refermer sur la nuque chaude et détestable de ce nuisible. Mes griffes devaient lacérer sa chair, tandis que mes yeux enregistreraient pour le prochain siècle le spectacle de sa souffrance et que mes oreilles crépiteraient de plaisir sous ses lamentations. C’était ainsi que ça devait se passer ! « Eh bien.. une femme-dragon.. » Je réalisai le sourire fin de Cora, et ça me sembla insupportable. Mes mâchoires se crispèrent. L’oiseau de mauvais augure semblait ravi de son effet. Elle ne pouvait pas comprendre la rage sourde qui commençait à courir dans mes veines. Elle n’imaginait pas les répercussions de ses paroles. « Vous resterez alors seulement humaine. Dénuée de toute autre forme surnaturelle. » Autrement dit, si par des efforts considérables, je parvenais à trouver une voie vers ce monde, je serais dépouillée de ma force et de mes capacités surnaturelles. La franchise de Cora était mordante. Il y avait fort à parier, qu’en plus de perdre les attributs de ma forme de dragon, je serais également privée de mes particularités sous forme humaine. Comment, dans ce cas, ôter la misérable existence de Klaus ? Et s’il ne se souvenait pas de ses méfaits, et qu’il avait tout oublié de moi … Où serait l’intérêt de lui faire expier ses torts ?

« Sans être trop indiscrète.. pourquoi souhaitez-vous tant retrouver cet homme ? » Ma langue claqua contre mon palais. Le silence accueillit un certain temps ses propos. Je n’arrivais pas à me contraindre à lui en révéler trop. Pourtant, je n’avais plus rien à perdre. Le but de ma quête n’était pas à ma portée. Tout ce temps, à lui courir après, pour rien. Je m’étais fourvoyée, et j’aurais pu continuer à le faire si Cora ne m’était pas tombée entre les doigts. Je ne pouvais pas mettre son intervention sur le compte du hasard. Contrairement à cet autre monde où la malédiction avait transposé un certain nombre de créatures, notre monde était de pure magie. Il restait peu de place à la chance et au hasard. Il s’agissait d’ailleurs de concepts humains que j’avais du mal à assimiler. Cora ne devait pas avoir atterri devant moi uniquement pour me couper tout espoir. Retrouvant un calme très superficiel, je me redressai férocement, plantant des prunelles décidées sur ma vis-à-vis. « Il m’a volé un bien très précieux, après s’être joué de moi. » Je me gardais d’en préciser davantage. Cora n’avait pas à savoir que cet homme dont je voulais obtenir le dernier souffle avait réussi la prouesse ultime de charmer un dragon. « Je ne peux pas le laisser profiter de sa nouvelle vie impunément. Je dois le détruire. » Mon regard s’intensifia, les flammes dansant au fond de mes prunelles. « Il doit payer, et une vie d’ignorance n’est pas suffisant pour racheter les méfaits qu’il a commis. » J’approchai d’un pas modéré, ne lâchant plus Cora de mes yeux vifs et acérés. « Je dois aller dans ce monde sans magie. » Redressant le menton, je considérais la sorcière avec un soudain intérêt, le sourire au bord des lèvres. « Une sorcière de votre trempe doit être capable de trouver un chemin, et également de rendre la magie à ces pauvres gens. »

Le silence plana à nouveau, me laissant le temps de contempler la femme qui me faisait face, et de faire preuve de toute la superbe dont une femme dragon pouvait être pourvue. La contradiction fut que, malgré ma supériorité affichée, je ne me risquai pas à exiger, et en étais finalement réduite à quémander l’aide de Cora. « Le capitaine que vous cherchez peut vous emmener jusqu’à un navire capable de réaliser le voyage jusqu’au monde de la malédiction, n’est-ce pas ? » Je cessai de faire preuve de hauteur, un sourire serein aux lèvres, je lançai finalement : « Je peux vous aider, si vous m’acceptez à vos côtés, Cora. »

Depuis ma rencontre avec Denitsa, quelque chose me gênait.. mais je ne savais pas quoi. Alors, par n'importe quels moyens, j'ai essayé de le savoir, sans aucun succès. Mais à présent, j'étais consciente d'être en compagnie d'une femme-dragon, une chose que je ne connaissais pas. Même si cela pouvait me paraître familier grâce à Maléfique, je sentais que ceci était bien différent. Ma compère sorcière pouvait prendre la forme de n'importe quelle créature. Pas Denitsa. Je devais donc redoubler de vigilance, car je ne savais pas de quoi une créature telle que mon interlocutrice était capable. Toutefois, je n'avais aucunement peur, étant certaine de mes pouvoirs. Je regardais la jeune femme longuement, jaugeant ses réactions lors de mes révélations. Je voulais absolument tout savoir sur elle, mais je devais être discrète, et faire en sorte qu'elle me fasse confiance. Denitsa cherchait un homme, et je voulais savoir pourquoi. C'est d'ailleurs pour cette raison que j'ai été forcée de lui demander.. « Il m’a volé un bien très précieux, après s’être joué de moi. » Je continuais d'écouter mon interlocutrice, tout en recevant ses propos. Ceci m'étonna fortement. Comment une femme qui se vantait de ses capacités hors normes pouvait-elle s'être fait duper par un homme ? Toutefois, je ne préférais pas en demander plus, car je sentais la prochaine phrase venir..

« Je ne peux pas le laisser profiter de sa nouvelle vie impunément. Je dois le détruire. » En effet, désormais, Denitsa savait que cet homme pouvait être à Storybrooke, ce monde dénué de magie, dont je ne connaissais rien, mis à part le nom. Je savais également qu'il y'avait tous les anciens habitants de notre monde, comme Regina, Rumpelstltskin, ou encore Blanche.. tous. Ceci déclencha en moi une sorte de rage ; je ne pouvais les laisser vivre tranquilles, les laisser mener leur existence futile, baignée dans l'inconscience. Toutefois, ces événements me plaisaient beaucoup. Car malgré le fait que je ne puisse plus diriger la vie de ma fille, Rumpelstiltskin était probablement sans aucun pouvoir, et donc, vulnérable. Alors, je pourrais enfin m'emparer de ses pouvoirs. Une chose que je convoitais depuis bien longtemps. Seulement, seule moi, et personne d'autre ne s'en doutait. Mais ceci avait un prix, comme toute magie.. pour cela, je devrais le tuer avec sa dague. Chose que je n'étais pas encore totalement prête à faire. « Il doit payer, et une vie d’ignorance n’est pas suffisant pour racheter les méfaits qu’il a commis. » Ce que disait Denitsa me semblait très intéressant. J'avais une femme avide de vengeance en face de moi, et ceci pouvait fortement me servir. Tout le monde le savait, une femme en colère était capable de tout, et encore plus lorsqu'elle était désireuse d'obtenir quelque chose. Denitsa me regardait avec intensité, montrant son intérêt. Je soutenais son regard, tout en essayant de comprendre ce qu'elle souhaitait ; même si cela n'était pas difficile à comprendre.. elle voulait sa revanche. « Je dois aller dans ce monde sans magie. » Je retins un léger rire. Un de ces rire voulant dire que la chose demandée était impossible.. ou en tout cas, difficile à obtenir. Et même, un rire signifiait que j'avais la solution. Je lui fis un petit sourire, tandis qu'elle continua de parler. « Une sorcière de votre trempe doit être capable de trouver un chemin, et également de rendre la magie à ces pauvres gens. » Ces " pauvres gens". Ceci me fit sourire, puisque dans ce monde, se trouvaient Blanche, son prince, Rumpelstiltskin, et tant d'autres.. ceci n'était donc pas très approprié pour les qualifier. Au contraire. Je continuais de la regarder silencieusement, écoutant tout ce qu'elle avait à dire.. ou à demander. « Le capitaine que vous cherchez peut vous emmener jusqu’à un navire capable de réaliser le voyage jusqu’au monde de la malédiction, n’est-ce pas ? Je peux vous aider, si vous m’acceptez à vos côtés, Cora. »

Cette fois-ci, je ne pouvais plus rester silencieuse. En effet, j'étais capable de nous emmener dans ce monde. De plus, je remarquais que mon interlocutrice considérait enfin mes pouvoirs comme il se devait. Un bon point. « En effet, je suis capable d'aller dans ce monde. Seulement, si la magie n'est pas présente là-bas, la nôtre sera également absente. Ainsi, il n'y aura aucun moyen de la faire reven... » Ma bouche se ferma aussitôt, avant la fin de ma phrase. Mes pensées se perdirent, et je me mis à réfléchir rapidement. Certes, Rumpelstiltskin n'avait plus aucun pouvoir.. mais la malédiction était censée être déjouée vingt-huit ans plus-tard, grâce à la sauveuse. Ainsi, les habitants de Storybrooke retrouveraient leur mémoire.. et.. leur pouvoir ? De plus, Rumpelstiltskin était surement capable de trouver une solution à cela. Surtout si je lui demandais par mes propres moyens.. « Finalement, il y'a bien un moyen de faire revenir la magie. Mais ceci ne tient qu'à moi, et à.. quelqu'un d'autre. Le capitaine que je recherche, ce cher Crochet, peut nous emmener dans ce monde. Son navire est enchanté. Nous devons le retrouver. » Je me fichais totalement de ce que la jeune femme pouvait penser au moment même où je lui parlais. Je devais trouver Crochet. Je devais voyager à Storybrooke. Je devais trouver un moyen de rendre la magie à ce monde. Tout ceci n'était qu'une question de temps, et j'étais la seule personne capable de le faire. Cette fois, j'en étais certaine. Ce cher Ténébreux n'allait pas me barrer la route à nouveau, et risquait d'avoir quelques explications à me donner..

Ce que je proposais à Cora n’était ni plus ni moins qu’un pacte. Je ne savais pas grand-chose de cette malédiction qui s’était abattue sur nos terres, ni des moyens de la combattre, en rejoignant le cas échéant l’autre monde où la Reine avait transféré une partie des habitants de notre monde. L’aide que je proposais à Cora ne serait donc pas formelle. Je doutais qu’elle ait besoin d’autres informations, elle semblait être la femme la mieux renseignée quant à la malédiction de sa propre fille. Je songeais à nouveau que ça ne pouvait pas être le fruit du hasard que nous nous soyons précisément rencontrées au beau milieu de la forêt enchantée, pourtant si vaste. Si l’arrogance s’était envolée de mes traits, ils n’en restaient pas moins déterminés. Il ne faisait aucun doute que je pouvais être une alliée précieuse pour la sorcière. Qui pouvait rêver mieux qu’avoir une femme dragon à ses côtés dans un monde où les ogres pullulaient et où les dangers se multipliaient comme la peste? Ne serait-ce que pour redorer son ego, la présence d’une créature de ma puissance à ses côtés ne pouvait être qu’inestimable. Parfaitement consciente de ma valeur, je ne voyais plus l’utilité de prendre la moindre pincette.

« En effet, je suis capable d'aller dans ce monde. Seulement, si la magie n'est pas présente là-bas, la nôtre sera également absente. Ainsi, il n'y aura aucun moyen de la faire reven... » Les mots suivants moururent dans sa gorge, avant qu’elle n’ait le loisir de les prononcer, me faisant arquer un sourcil dubitatif. Aussi supérieur que soit mon esprit, je ne pouvais pas encore lire dans les pensées des humains, comme le faisait certains dragons. J’ignorais si mon état de semi-humaine m’empêcherait à tout jamais d’atteindre ce stade de conscience, mais je préférais ne pas le croire. Quoiqu’il en soit, étant en partie comme eux, et bien que cela me répugnât, j’étais plus à même de les comprendre que mes homologues entièrement dragons. Du moins le pensais-je, même si j’étais bien incapable de saisir tout un pan de leurs considérations émotionnelles, trop arrogante pour m’abaisser à celles-ci. « Finalement, il y'a bien un moyen de faire revenir la magie. Mais ceci ne tient qu'à moi, et à.. quelqu'un d'autre. Le capitaine que je recherche, ce cher Crochet, peut nous emmener dans ce monde. Son navire est enchanté. Nous devons le retrouver. »

Ces quelques mots parvinrent à me soulever la poitrine. Cora estimait qu’il y avait une chance de rejoindre Storybrooke et de garder nos capacités magiques, et je n’avais d’autre choix que de la croire. Me départir du meilleur de ma personne était trop inconcevable pour que je m’y résolve. Autre élément important qui ressortait des paroles de la sorcière : Nous. Ainsi Cora acceptait que nous fassions cause commune, du moins tant que nous y trouverions chacune notre intérêt bien sûr. Un sourire vaporeux élargit mes lèvres, et je soufflai dans un murmure à peine audible : « Qu’il en soit ainsi. » Notre accord réciproquement profitable était conclu. Sans perdre un instant, je me mis en marche, lançant d’une voix plus forte et déterminée à l’adresse de Cora : « Allons retrouver ce Crochet. » Je ne pris pas la peine d’observer si elle me suivait, arrivant déjà au niveau des panneaux de direction. Mes sens étaient plus développés que la moyenne. Retrouver un maudit capitaine serait un jeu d’enfant. Il suffisait que Cora me procure le moyen de prendre connaissance de son odeur. Mon odorat sur-développé couplé à ses sorts de localisation nous mènerait vers un succès rapide. Je ne doutais pas une seule seconde de la puissance de notre alliance, et personne ne serait avisé d’en douter désormais.