Ah ! Je n’étais pas le seul à qui les tours de magie de la dame ont fait peur. Oui j’admets avoir eu peur et alors ? Je ne suis pas un grand courageux, ce n’est pas une nouveauté et ça n’était pas près de changer. En tout cas, Marcus avait aussi été…Bon, je vais être sympa avec lui, disons surpris par les portes qui se ferment toutes seules. Si bien qu’il en avait dégainé son épée. Je me suis un peu éloigné de lui sur mon siège. Je n’ai jamais aimé les armes, on peut se blesser bien trop facilement avec et en plus c’est moche, esthétiquement parlant. Sérieux, c’est moche. C’est un pauvre bout de ferraille avec un manche parfois lui valant quelque chose d’un point de vue esthétique et puis basta. Pas de quoi en faire tout un char. Enfin passons. Je finis par me perdre dans mes propres pensés à force de paniquer. Je fus d’ailleurs un peu tressaillant quand je voulus désigner l’épée puis le fourreau, sans un mot, dans une sorte de prière silencieuse qu’il range cette chose. J’ai beau savoir que c’est l’ordre de la reine qui a fait rengainer son épée à ce type, je me sentis mieux de savoir qu’il ne risquait plus de me découper sans le vouloir en rondelles.

Mon soulagement fut cependant de courte durée, la Reine revenait à la charge sur mon cas. J’aurais dû m’y attendre, vu ce que je venais de dire. Si elle avait un minimum de neurones corrects et des connaissances en magie, alors forcément elle comprendrait que je n’étais pas aussi ignorant du sujet que je le laissais paraître. Bon, au demeurant je ne « cachais » pas que j’avais appris à faire de la magie, mais je ne le criais pas sur les toits, d’autant plus que ça n’était pas trop le genre de sujets que mes patients abordaient lors de mes visites. J’étais à la limite de la crise cardiaque quand elle énonça clairement qu’elle voulait s’associer avec moi pour ressusciter quelqu’un. Ca, bizarrement je m’en doutais. Qu’elle croit une seconde que j’accepterais ne m’avait même pas effleuré l’esprit. Cela eu le don de me calmer d’un coup. Non pas que je retombe dans un domaine que je connais mieux, mais tout simplement une presque rage froide et vicieuse qui s’insinuait doucement dans mon sang pour remonter jusqu’à mon cerveau et ma bouche. Les étincelles qu’elle agitait sous mon nez ne servaient qu’à alimenter encore plus mon dégoût naissant pour la magie et illuminaient mes arcades sourcilières fortement froncée en une expression de refus clair et net. D’un geste de main, un vent venu de nulle part vint éteindre les flammèches de la reine et je pris la parole.

"Premièrement, je n’ai jamais dit que je n’avais jamais pratiqué la magie. Deuxièmement, vous pouvez oublier toute idée de collaboration. J’utilise la nature et ce qu’elle offre pour soigner des gens. Des gens malades mais bien vivants. Ce que vous me demandez est contre-nature et, par conséquent, contre les principes même d’un guérisseur. Je suis désolé pour votre perte, mais vous devrez trouver quelqu’un d’autre pour votre…Affaire."

J’aurais voulu dire quelque chose de bien plus méchant, comme « abomination », mais ça aurait peut-être été un poil trop. Déjà que là, je craignais pour ma vie avec ce refus, alors si en plus j’avais osé insulter ce qu’elle tentait de faire…Là je pense que je serais déjà mort en fait à l’heure qu’il est. La peur reprenait la place de la rage qui m’avait envahie, et je me sentis d’un coup moins assuré. Cependant il était trop tard pour reculer maintenant…

La tension, le soldat la sentait, alors que la Reine exposait son plan ainsi que sa véritable nature. La Magie. Si elle était courante dans le monde des contes, elle n’en restait pas moins crainte par une bonne partie de la population de la Forêt Enchantée, ce qui était le cas de Marcus. Ses parents lui avaient racontés ces histoires, pour que les enfants ne quittent pas leurs lits une fois la nuit tombée. Si la raison s’était ajoutée à la peur infantile, le soldat n’envisagerait jamais de se tourner contre son Altesse. Ce qui n’était pas le cas de l’ignare de guérisseur, qui osait se rebeller contre la demande de la veuve. Marcus fronça les sourcils, sa main retournant immédiatement sur la garde de son épée, prêt à dégainer au moindre ordre de la Reine et de faire payer l’impudence de cet Allistair Bows.

L’ordre ne vint pas. La colère de la Reine, si. Il l’observa, se lever de son siège, et faire apparaitre une dague dans un nuage violet. Marcus cligna plusieurs fois des yeux, jusqu’à ce qu’il comprenne que ce n’était pas une illusion, voyant les reflets de la lumière se réfracter sur la lame brillante de l’arme que tenait la Reine. Cruauté. Menace. Le soldat ne comprit pas pourquoi, mais un sourire se plaça discrètement sur ses lèvres, retrouvant la sensation qu’il ressentait, dans un combat difficile. Sauf qu’il ne luttait ni pour la sauvegarde de l’honneur de la bannière royale qu’il défendait, ni pour sa vie. Non, il n’était qu’un simple spectateur du mensonge que la Reine avait dissimulé. De cette froideur calculée qu’elle maniait à la perfection, et qui jurait avec la figure de femme aimante que tous lui connaissaient.

Ca l’horripila, Marcus, quand il se rendit compte de son propre comportement, se mettant une claque mentale, alors que ses yeux d’ambre ne quittèrent pas la scène qui se jouait entre les deux fauteuils. Au moins son Altesse ne manquait pas de cran. Il se posa la question, depuis quand ce manège tournait-il, pour qu’une toute autre personnalité soit revêtue aussi facilement de la part de Regina. Il ne dit le fond de sa pensée, jugeant qu’il interromprait une séance d’intimidation particulière. La dague disparut, quelques mots furent échangés, sur le titre de guérisseur et ses déclinaisons et interprétation possible. A l’injonction de la Reine à son égard, Marcus s’approcha, une main dans le dos, attendant les instructions. Voulait-elle qu’il se retire, le test étant terminé ?

Il se trompait, bien entendu. Depuis le début Marcus se trompait sur la figure de la veuve et de ses intentions. Il suivit la Reine dans une autre pièce, qu’il connaissait. Là, une porte donnait sur une salle circulaire. Une salle qu’il ne connaissait pas, puisqu’il n’y avait jamais été invité. Il y avait de nombreuses pièces cachées dans le château, des passages secrets et d’autres dispositifs pour permettre la plus grande discrétion pour les secrets de chacun. Le regard de Marcus tomba sur le cercueil de verre, au centre de la pièce. Sans songer une seule seconde que la Reine faisait dans la nécrophilie, le soldat comprit. Il ne s’agissait pas du Roi. Il n’avait jamais s’agis du Roi. Le corps de feu le Souverain reposait dans une crypte de la plus grande splendeur. Il n’était pas caché dans les appartements de sa femme.

Marcus s’approcha un peu plus du défunt, le détaillant, le visage cerné. Il tentait de se remettre de cette découverte et des autres, qui certainement, suivraient. Qui pouvait bien être cet homme, pour reposer dans un lieu des plus privés de la Reine. Quelqu’un de cher aux yeux de Regina, certainement. Mais il ne savait pas qui il était. Les mots lui brulèrent les lèvres. « Qui est-ce, ma Reine ? » Il avait conscience qu’il n’avait pas obtenu le droit de parole. Il avait l’impression que ça n’avait plus vraiment d’importance, dans les revirements de situation qu’enchainait la Vilaine Reine en devenir. Marcus passait, test sur test, mettant toujours plus en branle sa fidélité, sans qu’elle ne cède, cependant. Il ne savait plus qui il servait, mais avait besoin de savoir, d’apprendre à connaitre cette nouvelle Reine qui s’était jouée de tout un Royaume pendant si longtemps.

Je pense qu'il serait sain de dire que non, elle ne me laissait plus le choix à présent. Ce qui l'embêtait un peu. Non seulement tenter de ramener un mort à la vie était quelque chose de fondamentalement contraire aux valeurs des guérisseurs, mais en plus l'usage de la magie était devenu quelque chose de dangereux pour moi. Et quelque part pour elle. D'accord, elle semblait avoir bien plus de pouvoir que moi (ce qui n'était pas difficile en même temps), mais une fois que j'aurais regoûté à l'usage de la magie par moi-même, dieu seul sait ce qui pourrait arriver. D'autant plus que cela signifierait une grande chance de voir arriver le Ténébreux pour me rappeler notre dernière rencontre et ça je ne la souhaitais pas du tout. Qui sait ce que la découverte de ce que tentait de faire la reine provoquerait comme réaction chez lui? Vous me direz, peut-être qu'il connaissait déjà Regina...Ça ne m'étonnerait pas, ils sont tous les deux aussi flippant - même si le ténébreux gagne de loin cette catégorie - et en plus de cela sa façon d'utiliser la magie n'est pas sans me rappeler celle de cet homme. D'ailleurs je me demande si elle a déjà essayé de faire appel à lui, où si, comme moi, elle a peur de ce qui pourrait ressortir d'un tel marché...? Peut-être. Ça ne serait pas étonnant et je serais le premier à approuver de ne PAS faire appel à lui.

Si je la prenais pour une amatrice...? Je ne dirais pas ça, non, j'ai simplement eu l'espoir fou qu'elle ne sache rien et que je puisse m'en aller sans avoir besoin d'approcher de près ou de loin un corps mort. Manque de chance elle s'était renseignée. Or, lorsque l'on fait partie de la royauté, il n'est pas difficile d'obtenir les informations que l'on veut. Encore faut-il que les informations soient vraies. Elle savait que j'avais touché à la magie, mais est-ce qu'elle savait réellement le niveau que j'avais? Parce qu'à ce rythme là elle irait plus vite toute seule. Quoi que c'était pour mes talents de guérisseur qu'elle m'avait fait venir. Elle pensait quoi? Que j'allais jouer les embaumeurs avec une pommade magique et dans trois jours il se relèvera de sa tombe? Sérieusement...oui, la peur me rend caustique pardonnez-moi. Je ne dis rien durant une partie du trajet, mais je me permis une question alors qu'on s'avançait dans les appartements de la reine.

"Avez-vous tentez de contacter le Ténébreux? Lui aura probablement plus de connaissances qui pourrait vois être utiles."

Je n'espérais pas qu'elle me laisse tranquille aussi facilement mais si elle avait déjà fait appel à lui et qu'elle continuait à tenter de ramener cet homme à la vie, alors je n'avais vraiment aucun moyen de m'échapper autrement qu'en essayant et en ratant lamentablement , sans faire le moindre dégât sur le corps du défunt ça serait mieux pour ma peau.

"Qui est-ce, ma Reine ?"

Ça, c'était la question à un million mon cher Marcus! Nan car ça ne pouvait pas être le roi...Ou alors il avait sacrément rajeuni et embelli dans la mort. J'avais commencé à tourner autour du cercueil, les mains sagement derrière le dos, je ne touchais à rien et ne disait plus rien pour le moment, laissant ma curiosité l'emporter sur ma raison, alors que mon cerveau tentait de déchiffrer cette magie que je sentais grésiller dans l'air. Me rendant compte que je retombait dans mes anciens travers, je fermai une seconde les yeux avant de me relever, posant les yeux une nouvelle fois sur la reine.

"Et en quoi pensez-vous que je puisse vous aidez au juste? Parce que, sans vouloir remuer le couteau dans la plaie, il est mort. Je ne suis pas franchement spécialisé dans ce domaine-là"

Je dois avoir des pulsions suicidaires en fait.