Introduction Époque du sujet : Flash-Back Date du sujet : Un an avant la malédiction Ordre de passage des participants : Declan - Aiden

Soir de pleine lune. Declan connaissait les cycles lunaires par cœur depuis que Berach, son frère, était devenu un lycan. Et comme à chaque fois, il se préparait à vivre une soirée des plus mouvementées. Le temps que le lien maître-lycan se crée, Berach était capable de tout casser autour de lui et même d'attaquer. C'est pourquoi Declan se préparait toujours à l'avance pour emmener son frère - qui avait une humeur de chien quelques heures avant la transformation - dans un endroit reculé de la forêt enchantée, où il ne pouvait faire de mal à personne. Berach avait déjà conseillé son frère de l'enchaîner afin qu'il puisse ne pas avoir à le surveiller toute la nuit mais Declan n'avait pas du tout aimé cette idée. Il n'aurait jamais pu laisser Berach seul pour aller dormir tranquillement, non. Declan était le seul à pouvoir contrôler son frère. Il préférait rester près de lui et l'empêcher de faire du mal ou de se faire du mal à lui-même. Et puis, le sorcier n'avait pas confiance aux humains. Il savait qu'un groupe de chasseurs rôdait en cherchant une distraction qui consistait à tuer une bête pour ensuite se pavaner dans tout le royaume. Hors de question que Berach soit la proie de ces abrutis en manque d'action.

La nuit avait donc été très courte pour Declan, qui s'était couché aux aurores, lorsque son frère avait retrouvé son état humain. Le sorcier s'était totalement laissé tomber sur son lit sans prendre le temps de changer de vêtements, sans prendre le temps de se couvrir, rien. Et il s'était aussitôt endormi, ignorant totalement le chant des oiseaux et les autres bruits de la forêt. Une heure passa, puis deux, trois. Ce fut tout. Declan n'aimait pas paresser lorsque ses heures de sommeil étaient décalées. Il savait les soirées de pleine-lune très courtes et se fichait bien de dormir seulement une poignée d'heures par la suite. Declan commença donc à sortir de son lit, faire quelques corvées habituelles et prit un bon petit-déjeuner.

Une journée banale s'annonçait. Berach était sûrement chez lui, à dormir tel un ours en hibernation - il n'avait pas les mêmes habitudes que Declan concernant le sommeil et pouvait dormir jusqu'en début de soirée. Rowan... lui seul savait ce qu'il allait faire. Il était du genre à ne rien dire et à agir comme bon lui semblait. Il vivait au jour le jour. Mallory, elle, devait sûrement s'entretenir un peu avec Rumplestiltskin pour certains sorts. Declan était donc bel et bien seul ce matin et commençait déjà à tourner en rond. Au final, il sortit une feuille et un fusain, décidé à dessiner un peu. C'était une de ses activités favorites qui lui permettait d'oublier certaines pensées qui s'insinuaient dans son esprit sans être invitées. Et les pensées négatives, il en avait des tonnes. Le sorcier soupira longuement en fermant les yeux, essayant de chercher l'inspiration. Seulement voilà, il fut coupé aussitôt dans son élan créatif...

Des coups retentirent à la porte. Declan lâcha un profond soupir, décidé à ne pas aller répondre pour être tranquille. Son fusain près du parchemin, il s'apprêtait donc à retrouver son inspiration lorsqu'une voix se fit entendre. C'était Aiden. Un nouveau soupir s'échappa des poumons de Declan qui se levait pour aller ouvrir la porte. Il lança un bref regard au nouvel arrivant et à son faucon avant de tourner les talons. Laissant la porte ouverte, le sorcier retourna vers la table mais abandonna toute idée de se mettre au dessin. Maintenant qu'Aiden était ici, il n'aurait plus le loisir de partir dans son monde créatif. Il lui fallait être seul pour trouver quoi dessiner. Sans modèle, Declan puisait dans sa mémoire et devait être assez concentré pour imaginer les traits et tenter de les reproduire. Si on lui parlait, comme pour un écrivain, alors la concentration était perturbée et il était impossible de continuer.

Declan ne prit pas le soin de proposer à son invité surprise de s'asseoir ni de prendre une boisson ou quoi que ce soit d'autre. Ce n'était pas dans ses habitudes d'être courtois et poli, même envers ce type qu'il connaissait pourtant depuis un an. « Comment tu as su où je vivais ? » Les salutations étaient faites, en langage Declan. Il rangea rapidement son parchemin et le reste de ses affaires dans une besace qu'il accrocha à un clou au mur. Puis, comme il n'avait plus rien à faire et qu'il ne voulait pas s'asseoir en se roulant les pouces, le sorcier s'occupa un peu en plaçant des objets qui traînaient. Il était aussi curieux de savoir pourquoi Aiden était là, chez lui. « Et pourquoi tu es là au juste ? Tu ne pouvais pas attendre qu'on se croise quelque part pour me parler ? » Declan n'avait pas un ton très convivial. Il ne tenait pas à ce que cet Aiden traîne trop autour de lui. Même s'il avait accepté sa présence dans des lieux extérieurs - et il se demandait encore comment cet homme pouvait bien vouloir lui parler après toutes les tentatives du sorcier pour le dissuader de lui tenir compagnie - Declan ne voulait pas que ces visites surprises deviennent une habitude.

Le caractère de Declan n'était compréhensible de personne. Ses frères et même Mallory ignoraient pourquoi il était ainsi. Le sorcier conservait ses parts de mystères pour lui seul et ne tenait pas à ce que tout le monde sache le pourquoi du comment. C'était sa façon d'être, point. Si Aiden devait parler, alors qu'il le fasse. Declan n'était pas sûr de vouloir de sa présence trop longtemps et s'imaginait déjà comment s'en débarrasser. Pourtant, la présence d'un ami ne lui ferait pas de mal. Il se devait d'être un minimum sociable, quitte à n'avoir qu'un seul camarade. Declan avait sa famille, mais ce n'était pas pareil. Parfois, il avait besoin de se confier sur les sujets familiaux qu'il ne pouvait aborder avec les principaux intéressés.

Un sixième sens ? Amusant. Pourtant, Declan ne souriait pas. Il continuait de s'afférer à droite à gauche sans se préoccuper de son invité. Ce n'est pas parce que ce dernier était aveugle qu'il devait se plier en quatre pour le servir. D'une part, Aiden n'était sûrement pas le genre de type à vouloir qu'on s’apitoie sur son sort - c'est ce que le sorcier avait cru comprendre en tout cas. D'une autre, Declan n'avait pas envie de faire de différence. Ce n'était pas son genre. Aiden avait des moyens pour se déplacer, pour entendre, pour parler alors pourquoi lui tenir la main ? Il le laissa donc faire comme s'il était chez lui, sans trop s'en préoccuper. Par contre, proposer un verre ne lui ferait pas de mal. Aiden s'était donc installé de lui même en lançant une petite remarque à Declan, comme quoi l'emplacement de son logement n'était pas des plus discret. Il se tourna vers son invité et, oh miracle, posa une carafe d'eau et un verre. « Je ne cherche pas à être discret. Mais en temps normal, les gens ont peur de venir ici et ça m'arrange. » Il soupira et se mit à marmonner de manière à être cependant entendu par Aiden. « Toi en revanche, tu ne te gênes pas. »

Declan s'éloigna de la table pour ranger d'autres affaires. Il n'était franchement pas de bonne compagnie et ne savait pas comment se comporter avec un invité. Avec ses frères ou sa soeur, il s'asseyait et discutait au sujet de leur sécurité et de leur famille. Là, avec Aiden, il ne savait pas du tout quoi dire. Il ne se voyait pas s'installer à table, en blaguant comme s'ils s'étaient toujours entendus, comme s'ils avaient toujours eu de grandes discussions. Il tournait alors le dos à son invité en nettoyant un peu sa vaisselle de la veille, les pensées ailleurs. Aiden reprit la parole, entament un sujet de discussion qui le touchait lui et Declan : les loups-garous. Le sorcier fut forcé d'arrêter sa petite activité inutile et leva la tête, un peu figé. Il détestait la chasse aux lycans et maudissait tous ces imbéciles qui, au lieu de s'enfermer convenablement chez eux, tentaient le diable. Declan se tourna alors et rejoignit rapidement la table, sans savoir pour autant. Et en entendant Aiden parler d'ami, le sorcier le reprit bien vite, d'un ton plutôt sec. « Berach est mon frère. Pas un ami. Je n'ai pas d'amis ici. » Il fixait son invité, les mains appuyées sur le haut d'une chaise. « Et si ça n'allait pas, je ne serais pas là à te parler calmement mais plutôt à la recherche des enfoirés qui auraient osé s'en prendre à mon frère. C'est bon, tu as ta réponse ? » Quelle gentillesse, vraiment. Declan aurait pu gagner le prix du meilleur hôte de la forêt. « Tu es venu uniquement pour t'assurer que j'aille bien ? Faire tout ce chemin pour ça, alors qu'on est même pas amis toi et moi, ça rime à quoi ? » Et un second prix est en chemin pour l'année à venir.

Pour rendre visite à Declan, oui, il fallait des raisons. Le sorcier soupira fortement, pour bien se faire entendre. La seule fois où un étranger était entré dans sa maison, le sorcier s'était servi de ses pouvoirs pour le faire déguerpir en vitesse. Il ne se souvenait plus très bien pourquoi l'homme s'était perdu chez lui mais là n'est pas le plus important. Declan considérait son chez-lui comme un havre de paix, une partie de son intimité. Alors, lorsque des personnes non invitées se présentaient, il n'avait pas d'autre choix que d'être agressif, voire violent quand il le fallait. Aiden s'était permis d'entrer dans cet espace sans autorisation, ce qui pouvait lui coûter bien cher. Le fait qu'il n'est pas de raisons précises était encore plus grave pour Declan qui ne voulait pas qu'on le prenne pour une âme en peine, désireuse de se faire des amis. S'il était seul, c'était pour une bonne raison. Pourquoi diable les gens autour de lui ne cessaient de rabâcher qu'il avait besoin de compagnie ? Pourquoi ne le laissait-on pas seul, en paix, avec lui-même ?

Aiden avait bougé de sa place initiale et commençait à balader ses mains un peu partout. Le regard sombre que lui lança Declan lorsque celles-ci furent sur ses bras voulaient tout dire. Le sorcier les dégagea rapidement, comme si le jeune homme en face de lui était porteur d'une maladie contagieuse. Mais il l'écouta tout de même, les sourcils légèrement froncés, les dents serrés. Pour qui se prenait-il ? Un consultant ? Le voilà qu'il le comparait à lui-même en disant qu'ils étaient deux solitaires mais que, contrairement au sorcier, il acceptait la compagnie des autres. Il conseilla également à Declan d'accepter certaines compagnies, de temps en temps. Ce dernier se leva brusquement, dépassant largement le jeune Aiden de sa hauteur. Tant pis s'il ne pouvait pas le voir, le sorcier pensait qu'il pouvait très bien se débrouiller pour le ressentir à sa manière. « Le seul type de compagnie que je m'accorde est purement charnel et ça me suffit amplement. Je te le répète encore une fois, je n'ai pas-besoin-d'un ami » Declan appuya une de ses mains sur la table mais conserva son emplacement. « Pourquoi penses-tu qu'un ami serait si différent, hein ? Tu crois que j'ai besoin de jouer à cache-cache dans les bois ? » Son ton était horriblement sarcastique et il n'hésitait pas à essayer d'être le plus désagréable possible, même si au fond, ça lui faisait mal. Il détestait repousser les personnes qui ne le méritaient pas, mais tant pis. C'était pour leur bien, après tout. « Toi et moi, nous sommes très différents. Si je veux rester seul, c'est mon problème. »

Quelque part, Declan se demandait pourquoi tant de gens se battaient - en quelque sorte - pour qu'il ne soit plus seul. Tout d'abord, il avait rencontré Doll, un lutin qui s'était installé chez lui sans demander la permission et qui avait pris ses marques, puis maintenant Aiden, qui s'invitait à l'improviste. L'un ou l'autre, ils semblaient avoir vu qui était Declan, réellement. Le sorcier n'aurait pu l'expliquer autrement. Lui qui essayait de se faire passer pour un type désagréable et, n'ayons pas peur des mots, chiant, n'arrivait pas à se retrouver seul. Declan avait beau essayé d'user de plusieurs tactiques, certains s'accrochaient à lui sans vouloir le lâcher. Une sorte de lien s'était tissé entre lui et Doll, puis maintenant avec Aiden. Il ne pouvait l'expliquer, mais c'était ainsi. Parfois, on se sent proche d'une personne que l'on vient tout juste de rencontrer sans pouvoir l'expliquer. On peut voir en elle de nombreux défauts, rien n'empêche de l'apprécier malgré tout. C'était peut-être le cas de ce pauvre Aiden, qui voyait en Declan quelque chose d'autre qu'un vieux fou aigri - comme il le disait si bien. Peut-être voyait-il que le sorcier face à lui méritait mieux que la solitude dans laquelle il s'enfermait volontairement.

Declan ne devait chercher aucune logique dans cet élan de bons conseils. Par contre, il pouvait ouvrir les yeux de son invité, lui expliquer pourquoi il s'acharnait autant à rester seul. Avec un peu de chance, Aiden aurait peur de ces révélations et s'en irait de lui-même sans demander son reste. « Si je garde tout pour moi, c'est que j'ai mes raisons. » Le sorcier allait vite se contredire. La colère qui s'était éveillait en lui allait le pousser à se confier, sans qu'il ne puisse maîtriser ses paroles. Mettez un homme à bout et il vous livre une bonne partie de ses secrets. « J'ai déjà eu des amis, j'ai déjà eu une meilleure vie. Tu penses que je me plais réellement à être seul ? » Sa carapace tombait. Tant pis. « Tu penses que j'ai volontairement choisi cette vie ? Je dois rester seul, pour le bien de tous ceux qui m'entourent. » Son esprit avait été manipulé, ses idées transformées. Declan était persuadé d'attirer le malheur. « Au cas où tu aurais raté cette rumeur-ci, je vais te raconter une petite histoire. Ma famille n'est pas vouée au bonheur. Ma soeur a perdu ses fils, son époux. Un de mes frères est devenu lycan. Un autre a perdu sa femme et son fils dans un incendie. Dès que nous frôlons le bonheur, un malheur arrive et emporte tout sur son passage. » Tous ces événements n'étaient pas une fatalité. Declan n'était pas le seul homme à vivre une vie de malheurs et le sorcier devait apprendre à surmonter les obstacles. Seulement voilà, un homme lui avait dit qu'il était responsable, avec sa famille, de tout ce qui leur arrivait. Declan se pensait maudit alors qu'il ne l'était pas. « Si j'accepte ta présence, tu vas devoir accepter le fait que tu risques beaucoup en devenant mon ami. » Et dans un sens, le sorcier se disait que Aiden méritait peut-être mieux qu'un proche porteur de poisse. « Qui sait, tu pourrais te faire dévorer par une créature ou même tuer par des brigands qui te prendraient pour un sorcier uniquement parce que tu me tiens compagnie. » Tant de scénarios improbables auxquels Declan croyait. Voilà ce que son esprit était devenu. Toutes ces pensées cognitives étaient irrationnelles.