In one drop of water [Andrew/William]

Sa prise sur les poignets de William était loin d’être le genre à vouloir le garder prisonnier à tout prix, mais ça en avait toutes les apparences. Au moins, Matthew pouvait être sûr que le jeune homme ne tenterait pas d’éviter ses questions. Comme si c’était le genre. Le brun serait plutôt du genre à répondre en plaçant le plus d’inuendos possible que de fuir de potentielles questions. Il faut dire aussi que leurs questions ne s’aventuraient pas – encore – dans les domaines vraiment privés. Ca restait dans leur jeu de séduction, de flirts et de découverte de l’autre et de soi-même. C’était en tout cas la position du noble. On pouvait le dire, il était encore novice à ce genre de choses. Pour le moment, il se laissait purement guider par le mimétisme de ce que faisait l’autre homme dans ses bras et par ses envies, ne sachant pas exactement ce qu’il faisait bien, ce qu’il devait améliorer et ce qu’il devait définitivement oublier. Pour le moment il devait être sur une bonne voie aux vues des réactions de William. Mais après, personne n’est jamais sûr de rien.

La réponse à sa question le laissa un peu sur sa faim. Il ne s’attendait à rien de précis, et surtout, rien qui ne dépasse le physique vu qu’ils ne s’étaient jamais rencontrés avant le mariage, mais…Sans trop savoir pourquoi il restait sur sa faim. Il ne dit rien cependant, profitant allègrement du baiser que lui offrit le plus jeune avant qu’un gémissement presque plaintif au mouvement de hanche contre les siennes alors que ses mains se resserrèrent une fraction de seconde sur les poignets de William. C’était une friction à la fois délicieuse et horriblement insuffisante. Matthew fut tenté de lui rendre la pareille histoire de lui faire goûter de sa propre médecine mais il piqua sa curiosité, lui faisant hausser un sourcil amusé. Un autre secret hein ? Il ouvrit des yeux surpris. Comment pouvait-il dire cela alors que c’était lui-même qui avait fait la proposition de se retrouver ici, aujourd’hui. Pensait-il que Matthew avait accepté sur un coup de tête pour finalement se dégonfler ? C’est vrai que, quelque part, ça n’aurait pas été étonnant. Pas mal de ses condisciples donnaient des engagements avant de se trouver des excuses pour ne plus les respecter. Cependant, avec le jeune homme il allait de surprise en surprise un sourire purement joyeux s’inscrit sur ses lèvres alors qu’il répétait les mots prononcés par le noble trois jours plus tôt. A croire que ça avait vraiment marqué l’esprit de William cette conversation. Ca ne pouvait que plaire à Matthew de se dire que ses propos avaient marqués l’esprit d’au moins une personne. Pas n’importe qui avec ça, l’homme qui lui avait fait de l’œil toute la soirée du mariage de son frère et qui se trouvait présentement coincé sous lui.

Chose qui ne semblait pas le déranger plus que cela vu le baiser à couper le souffle que le noble reçut de sa part. Le Aylward finit par s’allonger un peu plus sur son captif dans l’intervalle de ce baiser, comme il l’aurait fait bien avant s’il n’avait pas voulu tant jouer. Matthew eut un sourire. De la torture ? "Utilises ton imagination" fut ce qu’il lui susurra à l’oreille. Puis il alla déposer de légers baisers sur le visage et le cou de William. Il émit un son qui confirmait qu’il écoutait ce que lui disait l’autre. Il eut un peu de mal à voir où il voulait en venir…Jusqu’à sa dernière question. Là, le noble s’arrêta et rouvrit les yeux – qu’il ne se souvenait pas exactement avoir fermé pour tout dire – et resta immobile un instant, alors que ce qu’il venait d’être dit s’insinuait dans son cerveau. Une horrible réalisation s’empara de lui. Rien à voir avec William, du moins, pas directement ; lui semblait très amusé par cet état de fait. Matthew, beaucoup moins. Ce qu’il faisait était exactement ce que ses condisciples nobles faisaient avec les gens comme le serveur sous lui : Croire qu’il ou elle leur appartenait alors qu’il n’en n’était rien. Il relâcha, doucement, les poignets du jeune homme pour les poser sur l’herbe juste à côté avant de relever le visage. Le sourire de l’autre était joueur et cela lui rappela une chose qu’il lui avait dite : « Ce ne serait pas la première fois que l'on tente un acte de rébellion en m'utilisant. ». En l’utilisant. Etait-ce ce qu’il pensait à cet instant ? Il se décala sur le côté, restant proche de William sans pour autant être sur lui. Il ne voulait pas d’un tel rapport de dominance entre eux. Il s’appuya sur son avant-bras pour pouvoir continuer d’observer l’autre homme et annonça, une note amère dans la voix.

"Rien du tout. Je….ne considère pas que tu m’appartiens. Je ne sais même pas pourquoi j’ai dit ça en fait." Il laissa sa main tracer le visage de William, pour laisser son pouce terminer par tracer la lèvre inférieure "Peut-être parce que, quelque part, j’aimerais bien que ça soit vrai. Et que je ne sois pas le seul à détenir." Un regard peut-être trop lourd de sens vers le jeune homme et il eut un rire court "Désolé, c’est mon côté trop fleur bleue qui remonte."

Ce que dit William ne sembla pas enchanter Matthew qui abandonna son poste pour s'allonger sur le coté, dans l'herbe. Le jeune Orpwood resta un peu sur le dos, laissant échapper un fin soupir. Ne plus sentir le corps de l'aristocrate contre le sien lui donna soudainement une impression de manque. Mais il l'avait cherché. Matthew lui avait dit être jaloux et aussitôt, William en avait conclu qu'il appartenait à l'autre. Il ne faisait même pas le rapprochement avec leurs discussions précédentes, au sujet des hommes qui utilisaient le serveur pour se rebeller contre certaines convenances. Le jeune homme avait encore beaucoup à apprendre de Matthew et ce dernier ne tarda pas à répondre à ses accusations, aussi innocentes fussent-elles. Il ne le considérait pas comme lui appartenant et semblait regretter d'avoir parlé de sa jalousie. Pourtant, il fallait l'avouer, William s'était senti plutôt flatté par ces mots. Savoir Matthew jaloux était assez révélateur. Ce sentiment, sans être poussé à l’excès, prouvait qu'une part de lui ne voulait pas perdre ce qu'il avait réussi à gagner - à savoir, l'intérêt du serveur pour sa personne. Inévitablement, un lien s'était déjà tissé entre les deux hommes. Sans parler de grand amour - puisqu'il était encore trop tôt - William sentait que cette relation avait un certain pouvoir, une certaine force. Il n'arrivait pas à se l'expliquer mais voulait bien creuser un peu plus. Il savait d'ors et déjà que Matthew était une raison suffisante pour se lancer dans une histoire, qu'importe son dénouement.

La main qui caressa sa joue lui fit fermer les yeux un bref instant. Il rouvrit les paupières que lorsque le pouce de Matthew vînt frôler sa lèvre inférieure. Et ce que l'aristocrate était en train de lui dire ne pouvait que lui plaire. William aurait pu être effrayé par cette révélation mais ce ne fut étrangement pas le cas. Lui qui avait l'habitude de fuir les relations sérieuses se sentait soudainement dans le besoin d'en vivre une, avec cet homme. « Je crois que tu déteins sur moi. » Il eut un fin sourire, sincère et paisible. Puis, le désir du jeu reprit bien vite le dessus. William ne voulait pas se montrer trop tendre, de peur que sa carapace ne soit pas assez résistante face aux beaux yeux de Matthew. Il entreprit donc de se rapprocher un peu pour embrasser son aîné avec douceur, voire avec une petite touche de malice puisqu'il ne faisait que frôler les lèvres de l'autre. « Pourquoi tu reviens sur tes paroles ? Te savoir jaloux est assez plaisant, je dois dire. » Sur ces mots, William se recula de quelques centimètres, laissant son regard se perdre dans celui de Matthew. « Et si j'avais envie de t'appartenir ? » Il se rapprocha doucement, décidant d'entrer dans le même terrain de jeu que son aîné quelques minutes auparavant en lui mordillant les lèvres avec douceur. « Au moins pour quelques temps... » Nul ne pouvait dire ce que leur réservait l'avenir après tout. « Jusqu'à ce que tu en aies marre de moi. » William se détacha à contre-cœur des lèvres de Matthew et se redressa entièrement en passant une main dans ses cheveux pour les remettre en place - si on pouvait dire qu'ils l'étaient à la base.

Le jeune Orpwood ne comptait pas partir. Il voulait se dégourdir les jambes et s'amuser encore, profiter de la journée, de la présence de Matthew - s'il était tenté de le suivre. Il commença donc à marcher, laissant sa main caresser le tronc du sol pleureur alors qu'il le contournait. William avait très envie de faire une partie de cache-cache, qui n'aurait absolument rien à voir avec celle à laquelle les enfants jouaient. Celle-ci serait bien plus amusante, bien plus attrayante. Le jeune Orpwood ne tarda donc pas à disparaître derrière le sol pleureur pour s'éclipser. D'autres arbres se trouvaient autour d'eux et William se demandait derrière lequel il pourrait bien se cacher. Son choix se porta sur celui qui avait un tronc assez large pour s'y adosser dans une position confortable. Il ne restait plus qu'à espérer que Matthew ait compris que le jeune homme n'avait pas pris la fuite. William n'aurait pas l'air malin, planqué ici sans avoir de poursuivant à ses trousses. Il souriait déjà en imaginant Matthew passer d'arbres en arbres dans l'espoir de le voir. C'était un jeu assez excitant, entre la peur et le désir d'être trouvé.

Un haussement de sourcil. Comment ça, déteindre sur lui ? A propose de quoi surtout ? Il n’eut pas sa réponse tout de suite, William ayant décidé de le laisser attendre avec un nouveau baiser, un qui n’avait rien à voir avec ceux échangés précédemment. A peine là, tout en étant aussi électrisant que tut contact avec le jeune homme. Etait-ce la nouveauté de tout cela qui rendait cette expérience encore plus vibrante pour Matthew ? En tout cas, si le jeune homme à côté de lui n’avait pas pris la parole, Matthew aurait chassé ces lèvres jusqu’à les attraper à nouveau. Lui qui avait pourtant déjà trouvé compagnie avec quelques femmes (assez peu nombreuses il l’admettait avec une certaine gêne face à ses frères), aucune n’avait réussi à élire ce désir de s’emparer des lèvres de l’autre avec autant d’avidité et de tendresse mêlées. Actuellement, le jeune aristocrate ne voulait pas quitter William et redoutait déjà la fin de cette journée. Pourtant il serait le bon fils de famille, qui arrête les jeux quand on lui dit qu’il est l’heure et laissera le serveur/voleur retourner à sa vie dont il ne savait rien. D’autant plus que sa question le laissa sans voix un instant. Puis un sourire se peignit sur ses lèvres alors que ses yeux quittaient ceux de William à cause d’un léger embarras si typique des gens de son rang face à leurs désirs. Certains désirs devaient être gardés contenus, jamais lâchés au grand jour parce que les convenances l’exigeaient.

"Ca serait bien la première f…"

Il ne termina pas sa phrase tant la nouvelle question le pris de court. S’il avait de lui appartenir ? Alors là, il ferait de Matthew un homme très heureux le temps que ça durerait. Parce qu’il se doutait bien que ça ne serait pas éternel comme situation. William avait sa propre vie, probablement ses propres obligations ; lui devrait se marier un jour, comme tous ses frères. Cette inévitabilité avait toujours tendance à lui miner le moral mais pas aujourd’hui. Pas ici, pas avec lui. Ici et maintenant, cette vision du futur lui donnait plus envie de trouver à tout prix une solution pour y échapper et passer plus de temps avec William, encore et toujours. Profiter encore de ses traits, de ses lèvres et de ses mains. Ces lèvres qui torturaient si délicieusement les siennes en cet instant, s’arrêtant, une nouvelle fois, bien trop vite au goût de Matthew. Il était à deux doigt de simplement laisser échapper un grognement venu de loin et de simplement reprendre les lèvres de l’autre et ne plus les lâcher jusqu’à ce que l’air lui manque. Cependant, en plus de continuer à le torturer avec des contacts bien trop brefs, le jeune homme continuait de dire des choses qui touchaient à chaque fois une corde chez le noble. " Jusqu'à ce que tu en aies marre de moi." Comme il avait envie de lui dire "Jamais, jamais. Avec toi encore et toujours", mais quelle valeur ces mots pourraient-ils avoir ici ? L’un comme l’autre se doutait bien qu’il y avait un temps maximum pour profiter de tout cela ; que ce soit de quelques heures, jours voire semaines…Mais il y aurait forcément une fin, c’était dans l’ordre des choses. Alors plutôt que des mots, il donna un baiser au goût à la fois de désespoir et d’un espoir auquel il n’était pas sûr de pouvoir croire malgré son envie irrationnel d’y croire dur comme fer.

Puis William se leva. Matthew s’assit, l’observant disparaître derrière le tronc du saule. Au départ, il ne bougea pas, s’attendant simplement à ce qu’il fasse le tour du tronc pour réapparaître de l’autre côté. Que nenni. Ne le voyant pas réapparaître, il fronça les sourcils avant de se lever à son tour, cherchant son rendez-vous du jour là où, logiquement, il aurait dû le trouver mais toujours rien. Il ne serait pas parti tout de même ? Pas comme ça, sans même le prévenir. Non, il ne pouvait pas l’envisager. Il ne voulait pas l’envisager. Il parcourut plusieurs arbres avant de percevoir des mouvements sur sa droite et il prit très vite à droite, apercevant enfin la silhouette de William non loin. Quelques enjambées au pas de course et le voilà qui attrapait le bras du jeune homme pour le tirer tout contre lui, l’emprisonnant de ses bras autour de la taille fine du brun. Son torse épousant le dos de l’autre. Il ne l’embrassa pas malgré son envie, il ne toucha pas sa peau de ses lèvres. Il les laissa à quelques centimètres de cette dernière, son souffle passant et repassant sur le cou du serveur alors qu’il lui disait, d’une voix assombrie par la peur de son départ.

"Ne me fais plus jamais une peur pareille…"

Et il resserra sa prise sur la taille de l’autre, comme pour se mouler le plus possible à l’autre.

Pour William, cette relation pourrait très vite prendre des allures de vacances. Après tout, s'ils continuaient à se donner rendez-vous ainsi, en cachette, c'était bien parti pour. Il retrouverait Matthew, profiterait du temps passé en sa compagnie pour ensuite le quitter et repenser à sa journée une fois seul. Oui, c'était assez comparable à de belles vacances passées dans un lieu que l'on ne veut plus quitter. William était conscient que cette histoire ne mènerait à rien, seulement, il ne voulait pas la fuir. Ce serait stupide. Se priver de l'autre uniquement parce qu'il ne lui était pas destiné ? Il ne le pourrait pas. Maintenant qu'il avait goûté à ses lèvres, à sa présence, il était trop tard pour reculer. Cet homme l'avait envoûté d'une façon dont-il ne pouvait l'expliquer. Aussitôt était-il parti se cacher derrière un arbre que la présence de Matthew lui manquait déjà. William avait pourtant le sourire et se repasser déjà leurs petits moments dans sa tête. Le premier baiser, puis les suivants, les caresses futiles, les désirs ressentis. Voilà que le jeune Orpwood avait l'air d'une jeune fille en fleur qui rencontrait son premier amour. Il secoua la tête pour lui-même mais ne chassa pas son sourire, attendant sagement que Matthew ne le trouve.

Joueur, William en eut marre d'attendre et se déplaça une nouvelle fois mais fut soudainement retenu par une main qui tirait son bras. Sachant qu'il s'agissait de l'aristocrate et non d'un type qui passait par là, le jeune Orpwood se laissa faire, les yeux brillants de malices. Matthew passa rapidement ses bras autour de la taille du jeune homme, comme pour le prendre au piège contre son corps et ne plus le laisser filer. William ferma les yeux un instant alors que sa peau frissonnait au contact du souffle chaud qui se promener sur son cou. Il eut un fin sourire, se sentant soudainement serein malgré les paroles et le ton de voix de Matthew. Il avait eu peur. William lui avait fait peur. Le jeune Orpwood pouvait sentir les bras de l'aristocrate resserrer sa prise, ce qui était loin d'être déplaisant. Jamais encore un homme ne l'avait pris contre lui de la sorte, avec ce sentiment de crainte qui animait Matthew. Ce dernier devait bien être le seul à montrer autant d'intérêt pour William, qui se sentait rassuré et aimé entre ces bras. « Tu as vraiment eu peur que je m'en aille ? » Le jeune Orpwood recula légèrement sa tête en arrière, pour poser son regard sur Matthew, le rassurer. « Sans te dire au revoir ? » Là, il déposa un tendre baiser sur ces lèvres qui lui avait tant manqué, aussi court fut le temps qu'il en avait été séparé. « Je n'aurais jamais osé... »

William se sentait bien sous la protection des bras de Matthew mais il se tourna lentement, laissant son corps tout contre celui de l'aristocrate alors qu'il glissait doucement ses mains dans la nuque de son aîné. « Tu sais, je vais devoir partir bientôt. » Comprenant que sa phrase pouvait avoir plusieurs sens, il se reprit bien vite, ne souhaitant nullement inquiéter Matthew plus qu'il ne l'avait été. « Rentrer chez moi., retrouver mon frère. » Peut-être que l'aristocrate n'avait pas eu cette information-là au sujet de William et ce dernier se fit la remarque qu'il était loin de tout savoir sur l'homme en face de lui. Il avait tant de questions à lui poser, tant d'histoires à lui raconter. Quelques heures, c'était bien trop court. William aurait aimé avoir plus de temps.

« Et puis, je ne serais pas parti sans t'avoir donné ce que j'ai apporté pour toi. » Le jeune homme eut un nouveau sourire avant de capturer les lèvres de Matthew qu'il n'était pas décidé à lâcher. Il ne savait pas pour combien de temps encore il pourrait en profiter et le serra doucement dans ses bras sans interrompre leur baiser. Ses mains glissèrent doucement sur le torse de l'aristocrate alors qu'il détachait doucement ses lèvres des siennes pour reprendre son souffle. Il posa les yeux sur le gilet que portait Matthew et passa ses mains dessus. « Ce gilet te va comme un gant. Tu devrais le porter plus souvent. » Et il disait cela comme s'ils avaient passé plus de deux jours ensemble. Un nouveau baiser, volé, sur la pointe des pieds, puis il laissa son regard percer les yeux de Matthew, qu'il trouvait de plus en plus beau. Sa main vînt se loger contre la joue de l'aristocrate, puis dans ses cheveux qu'il aimait tant. « Tu n'as pas pu finir ta phrase, lorsque nous étions encore près du saule. » William posa son front contre celui de Matthew et se mit à murmurer une phrase. « Je veux savoir... »

La question lui semblait si dérisoire. Bien sûr qu’il avait eu peur qu’il s’en aille. Matthew ne savait rien ou presque sur cet homme, dans ses bras, qu’il serrait contre lui comme s’il s’agissait d’un bien des plus précieux qui s’envolerait s’il avait le malheur de le laisser s’échapper. La question lui semblait dérisoire tout en apportant une réalisation qui secoua intérieurement le noble alors qu’il laissait l’autre l’embrasser ; comment pouvait-il se sentir aussi dépendant de la présence de l’autre ? Aussi vite ? Aussi subitement ? Comment tout cela était arrivé ? C’est comme si une vie s’était déroulée en quelques heures seulement. Ca allait tellement vite qu’il en aurait la tête qui tourne s’il n’était pas si grisé par les sensations qu’il vivait en ce moment-même, refusant de penser à la vie qu’il allait devoir reprendre quand ils se sépareraient. Il aurait pu tenter de répondre aux interrogations de William, mais il ne le fit pas, préférant profiter de la sensation de ce corps contre lui. Non, il n’avait pas que des intentions belles et poétiques quant à ce jeune homme. Pas du tout. C’était bien l’une des choses qui le troublait le plus quant à toute cette histoire. Si son père avait vent ne serait-ce que du quatre de la moitié de ce qu’il pensait…Matthew ne donnait pas cher de sa pauvre carcasse.

Il reprit vite ses esprits et fit disparaître ces pensées aussi vite qu’elles étaient apparues quand William bougea entre ses bras, lui faisant de nouveau face. Oui, c’était bien mieux de pouvoir observer de face ses yeux, sa bouche, les traits de son visage. Pourtant ses yeux se fermèrent presque d’eux-mêmes en sentant les mains du brun dans sa nuque, ses propres mains restant dans le dos de l’homme contre lui, s’assurant qu’il ne fuyait pas. Matthew fut cependant forcé de rouvrir les yeux. Partir ? Comment ça partir ? Il se sentait tellement loin du monde réel actuellement. Comme si rien d’autre qu’eux et cet endroit n’existait dans leurs vies. Comme il serait doux de vivre dans un tel monde…Puis l’explication vint. Le ramenant sur terre par la même occasion. Un frère. Oui…Il connaissait ça, l’attention de frères sur ses faits et gestes. Aujourd’hui il avait réussi à échapper à leurs regards et leurs questions, mais ce soir serait une toute autre musique. Une période d’isolement dans son bureau serait de rigueur s’il voulait pouvoir affronter son père et ses frères sans en laisser trop paraître. Avec un peu de chance il pourrait faire passer ça sur la rencontre d’une gentille fille lors du dernier mariage en date. Mais non, il ne pourrait pas soutenir un tel mensonge, pas alors que ses pensées grouilleraient du visage de William, de ses yeux, de son sourire…De ces baisers.

Sentant que la fin de cette rencontre approchait bien trop tôt, Matthew se perdit une nouvelle fois dans leur baiser, donnant autant qu’il recevait, faisant reculer le jeune homme jusqu’à le coincer contre un arbre voisin. Il devrait le laisser partir, il le devrait, pour le bien de tous, parce qu’ils n’étaient de toute façon pas destinés à être ensemble selon toutes les conventions, les règles et même les lois. Pourtant c’était bien la dernière chose qu’il souhaitait faire. Ses yeux suivirent le mouvement des mains de William et sa respiration rata un mouvement. Il n’eut même pas le temps de tenter une réponse qu’il lui volait déjà un nouveau baiser, lui arrachant un soupir presque frustré après les baisers appuyés qu’ils avaient pu échanger jusqu’ici. Son cerveau avait de toute façon de plus en plus de mal à faire certaines connexions. Comme cette histoire de phrase pas terminée. Matthew fronça les sourcils tentant de comprendre…Quand ça lui revint. Oh. Bah, ce n’est pas très gr…Un murmure. Voilà tout ce qu’il fallut au noble pour céder. Un murmure de cette voix de velours et le voilà prêt à tout. Fou, non ?

"Je disais juste que ça serait bien la première fois que ma jalousie plaît…" Sans un mot de plus, il pressa un peu plus William contre l’arbre, refusant de le laisser partir "Restes, s’il te plaît." Une plainte, un vœu, tout. C’était tout ce que Matthew voulait ; que l’autre reste avec lui. Une envie égoïste, alors que ses mains cherchaient un endroit sur ce corps où elles pourraient s’accrocher comme à une bouée de survie "Je t’en supplie." Et il lui donna un nouveau baiser. Ardent, puissant, un qui devait dissuader William de repartir.

Comment un baiser pouvait-il être différent d'un autre ? L'intensité était parfois semblable, tout comme la durée ou la façon de faire. Alors, pourquoi semblaient-ils tous si uniques ? William ne pourrait jamais réellement répondre à cette question, puisque c'était la première fois qu'il embrassait autant quelqu'un en si peu de temps. D'habitude, il se contentait de deux ou trois baisers et en venait au principal. Avec Matthew, le principal pouvait attendre. Étonnant, d'ailleurs, pour le jeune Orpwood. Mais cette rencontre en elle-même était étonnante. Matthew était étonnant. Plus les minutes passaient et plus William se sentait bien en sa compagnie. Il n'avait pas du tout envie que la journée ne se termine. Il voulait rester ici, encore longtemps, jusqu'au lendemain s'il le fallait. S'il avait vécu seul, oui, il l'aurait sûrement fait. Mais Elwyn allait s'inquiéter. La famille de Matthew allait s'inquiéter. Et il ne fallait alarmer personne, pour le bien de la relation qui prenait peu à peu ses marques. Ce serait dommage que l'histoire prenne fin à son commencement.

William aimait être dans les bras de Matthew, surtout lorsque ce dernier semblait prendre le contrôle. Le jeune Orpwood était tellement habitué à mener la danse qu'il n'avait jamais eu l'occasion de profiter des décisions d'un autre. C'était agréable, nouveau et tellement apaisant. Il y prenait goût, dangereusement. Devenir aussi additif d'une personne en l'espace de quelques heures, était-ce possible ? La magie du moment opérait bel et bien en tout cas et William n'allait pas s'en plaindre. Pourquoi le ferait-il ? Il était heureux, c'était le principal. Il allait en profiter le temps que la relation durerait. Pour une fois qu'un homme prenait des décisions pour lui, pour une fois qu'on lui montrait à quel point il était humain, pour une fois qu'on portait une toute autre attention à son égard... William ne pouvait que ce sentir pousser des ailes. C'était totalement absurde, digne d'un bon roman à l'eau de rose et pourtant... Rien n'était encore écrit, mais le début était prometteur pour l'avenir, surtout si Matthew continuait à surprendre le jeune Orpwood, agréablement.

Leur baiser était d'ailleurs tellement intense que William ne sentit pas ses jambes reculer, ni l'aristocrate avancer. Il ne remarqua que le changement de position lorsque son dos s'écrasa doucement contre un arbre. Ce nouvel emplacement était d'ailleurs des plus confortable et William en profita pour attraper les extrémités du gilet de Matthew pour l'approcher un peu plus, lui offrant un nouveau baiser qui eut le don de couper son propre souffle. Là, il murmura une question, fixant les lèvres de l'aristocrate qu'il avait envie de reprendre en sa possession. Matthew lui répondit avec franchise, pressant un peu plus son corps contre celui du voleur. William dut d'ailleurs déplacer ses mains, dans le dos de son aîné, pour profiter du nouveau contact.

Matthew le suppliait de rester, lui offrant un autre baiser qui déstabilisa le jeune Orpwood. Une de ses mains glissa dans les cheveux de l'aristocrate avec force alors qu'il agrippait quelques mèches entre ses doigts. Ce baiser... William dut se faire violence pour y mettre fin, détournant son visage de celui de Matthew pour pouvoir respirer. « Tu sais que je vais devoir partir quand même... » Son regard se posa sur les yeux de l'aristocrate dont-il voulait capter l'attention. « Je n'ai encore jamais vu quelqu'un vouloir de ma présence plus d'une heure. » William donna à Matthew un nouveau baiser, qu'il termina en laissant glisser ses dents avec douceur sur la lèvre inférieure de son aîné. « Soit tu es fou, soit... » Le jeune Orpwood n'osa pas compléter. Il préférait l'entendre de la bouche de l'aristocrate.

« Tiens, » William glissa une main jusqu'à sa poche pour en retirer une lettre, qu'il montra à Matthew. « Tu pourras la lire une fois que tu seras chez toi. Comme ça, je serais toujours là... en quelque sorte. » Cette lettre. Peut-être une idée stupide. William avait beaucoup d'idées absurdes de toute façon. « On pourrait prendre des nouvelles de l'autre de cette façon si jamais on ne peut pas se retrouver, comme aujourd'hui. » Les lèvres du jeune Orpwood retrouvèrent celles de Matthew rapidement. La sensation du corps de l'autre contre le sien l'avait manqué, si bien qu'il rapprochait au maximum l'aristocrate à l'aide d'une main dans son dos. « Je vais vraiment devoir partir. » Les derniers mots sonnaient comme une plainte. William devait essayer de rester fort mais il ne put s'empêcher d'embrasser Matthew dans le cou, en caressant ses cheveux d'une main.

Le temps est une chose capricieuse et sournoise. Quand on était dans une situation dont on voulait échapper le plus vite possible, les secondes s’égrenaient avec une lenteur digne de la pire torture. Et quand on aurait voulu qu’il s’arrête, ou passe le plus lentement possible du moins, il passait plus vite qu’un cheval au galop. Ce qui eut pour don de rendre un peu morose Matthew. Il ne voulait pas partir ou laisser partir William par ailleurs. Il était parfaitement bien là, tout contre le voleur, ses mains posées sur les flancs de l’autre, sentant les mains du jeune homme contre son torse, jouant avec les rebords de son gilet, avant de se déplacer sur son dos puis dans ses cheveux. Matthew laissa échapper un soupir de pur bien-être, inclinant un peu la tête pour sentir un peu plus ces mains contre son crâne. Des mains et des bras qu’il ne voudrait jamais quitter. Un tel besoin était quelque chose d’étranger encore au noble qui ne savait pas pourquoi il avait tant besoin de se sentir entouré de la présence de William. Il ne le connaissait pas bon sang ! Ou presque pas. C’était illogique, irrationnel…Oui, comme il avait pu le dire lui-même à son interlocuteur quelques jours plus tôt. Le Aylward se faisait rattraper par ses propres mots.

L’annonce fit lâcher un grognement à Matthew qui n’avait qu’une envie, plonger son visage dans ce cou pâle et fin dans l’espoir d’y disparaître et rester aussi longtemps que possible avec lui. Sauf que William avait d’autres idées en tête, comme de jouer avec sa lèvre inférieure. Chose que le jeune noble laissa faire et dont il profita le temps que ça dura. Il devait profiter, les minutes ensembles leur étaient comptées pour aujourd’hui. La phrase en suspend u voleur le laissa à la fois perplexe et outré. Non pas par la question en elle-même, mais par ce qu’elle suivait.

"Ce sont tous des imbéciles." Avait-il besoin d’expliciter plus ? Matthew n’était pas sûr de la dénomination qu’il devait utiliser pour caractériser ce qu’ils construisaient ici, mais une chose était sûre : tous ceux qui avaient pu rencontrer William avant lui n’avait pas su voir le trésor qu’ils détenaient entre leurs bras. D’ailleurs le sous-entendu des "autres" ne le laissa pas de marbre et il resserra une seconde sa prise "Je t’ai pourtant dis que j’avais tendance à être jaloux"

Se serait-il trahi ici ? En parlant de nouveau de sa jalousie, clairement dirigée vers ceux qui avaient pu profiter de William comme lui le faisait aujourd’hui, alors que le jeune homme n’avait pas précisé de quel type de personnes il parlait. Possiblement, mais pour le moment son esprit était occupé par la lettre qu’il tenait à présent dans sa main. Sa curiosité naturelle le poussait à vouloir ouvrir tout de suite la lettre, alors qu’il devrait faire comme on le lui disait, attendre qu’il soit chez lui et la lire quand il aurait besoin de sentir la présence du voleur près de lui. Des fois, il était bien idiot. Les lettres, bien sûr. Quand on vous disait que William lui faisait perdre la tête…Matthew eut un sourire rassuré, comme si maintenant, l’idée de la séparation était bien moins effrayante qu’avant. Ca ne voulait pas dire un adieu, juste un au revoir. Ça ne voulait cependant pas dire que ça rendait les au revoir plus simples. Chaque nouveau baiser était une épreuve de plus contre cette séparation. Alors si en plus l’homme dans ses bras laissait ses lèvres jouer dans son cou, comment le noble était-il supposé vouloir le laisser partir ? Là il n’avait qu’une envie, se blottir le plus possible contre lui et ronronner de pur plaisir. D’autant plus que l’autre ne semblait pas plus volontaire pour partir que lui. A grand peine, Matthew s’extirpa de la prise de William (et réciproquement) pour l’observer des pieds à la tête tentant de mémoriser le plus possible de cet homme qu’il n’arrivait déjà plus à se sortir de l’esprit. Une idée lui vint, et il recula un peu pour déboutonner son gilet et le retirer, le tendant au voleur.

"Tiens. C’est plus encombrant qu’une lettre, mais…C’est toujours mieux que rien…"

Un sourire presque désolé vint fleurir sur ses lèvres alors qu’il se pencha une nouvelle fois pour un nouveau baiser, plus calme, plus mesuré que les précédents ; celui-là était dicté par une partie de sa raison, alors que les autres avaient été dictés par son instinct.

Décidément, Matthew commençait à monter en flèche dans l'estime de William. Non seulement il pensait que ceux qui avaient pu croiser la route du jeune homme étaient des imbéciles pour l'avoir laissé filer, mais en plus, il se montrait particulièrement jaloux à leur égard. L'aristocrate avait d'ailleurs resserré sa prise, pour appuyer ses dires, arrachant un sourire à William. D'autres que le jeune Orpwood auraient pu avoir peur de faire face à un homme qui se montrait autant jaloux. Mais pas lui. Il n'avait pas peur de Matthew. Après tout, ce sentiment était fondé. Il prouvait que la personne était attachée à l'autre. Tant que la jalousie ne dépassait pas certaines limites, il n'y avait pas de quoi s'inquiéter. Et, comme pour rassurer l'aristocrate, William caressa son visage. Il eut également dans l'idée de lui donner ce fameux présent qu'il avait emmené avec lui et dont-il lui avait vaguement parlé quelques secondes plus tôt. Une lettre. Une lettre qu'il avait écrite en vitesse, dans l'idée du moment. Une lettre qui serait bientôt accompagnée d'autres, puisque ce moyen serait le seul lien qui lierait les deux hommes lorsqu'ils ne pourraient pas se voir ou lorsque l'un des deux éprouverait un manque. William adorait les lettres et il était persuadé que Matthew avait une magnifique écriture. Il était d'ailleurs curieux de le découvrir. Le jeune Orpwood avait déjà une idée pour le transfert : la colombe. Snow s'en servait régulièrement pour envoyer des messages à Scarlet ou à d'autres de ses connaissances dans le royaume. William avait déjà utilisé cette méthode pour donner des nouvelles à son frère, lorsqu'ils étaient séparés.

Les minutes défilaient dangereusement. Il était temps pour le jeune Orpwood de rentrer chez lui, tout comme Matthew devait certainement rejoindre les siens, pour ne pas éveiller les soupçons. Il serait dommage pour les deux hommes de ne plus pouvoir se retrouver, à l'abri des regards, lorsque l'envie leur prendrait. Alors, comme s'ils n'allaient plus jamais se revoir, William offrit ses lèvres au cou de Matthew, qu'il parsemait de baisers sans savoir à quel moment s'arrêter. C'était tellement enivrant, tellement agréable, que le jeune homme tenta de faire durer l'instant le plus longtemps possible. Raisonnable, l'aristocrate décida de se reculer, se détachant des bras du jeune Orpwood qui émit une plainte à peine audible. C'était pourtant lui qui, depuis quelques minutes, n'arrêtait pas de dire qu'il devait s'en aller. Il ne put donc faire autrement que d'observer Matthew qui le détailla du regard avant de se reculer et de déboutonner son gilet. Sur le moment, il n'allait pas se le cacher, William pensa que le Aylward avait des idées en tête. Mais ce n'était pas du tout ce à quoi il s'attendait. Non, Matthew offrit le vêtement qu'il venait de retirer au jeune Orpwood. Hésitant, celui-ci tendit la main pour s'emparer du gilet, qu'il trouvait pourtant si parfait sur l'aristocrate. « Merci... » Ses remerciements furent coupés par un nouveau baiser que Matthew lui donnait. William ferma les yeux, profitant du dernier contact qu'ils pouvaient s'accorder. Prolonger les baisers ne rendraient la séparation que plus difficile et il ne fallait surtout pas tomber dans ce piège là.

Il restait encore beaucoup de jours, beaucoup d'heures, aux deux hommes pour se retrouver. William se détacha péniblement de Matthew, sans lui accorder un regard. Il se hâta d'enfiler le gilet de l'aristocrate, par dessus le sien. Elwyn ne dirait rien, car après tout, son jeune frère avait tendance à dérober tout ce qui lui plaisait. « Je t'enverrai une autre lettre. » Là, il posa une dernière fois ses yeux sur Matthew et recula de quelques pas, avant de se tourner totalement pour courir jusqu'à son cheval et repartir, le sourire aux lèvres.

Sujet: Re: In one drop of water [Andrew/William]