Introduction Époque du sujet : Actuelle Date du sujet : Fin mars 2012 Ordre de passage des participants : Eleanor - Jamie

Arrivée tout juste à l'heure au travail après avoir fait un détour par chez Granny pour prendre le café et les croissants qu'aimait tant Sidney, Eleanor déposa le petit déjeuner sur le bureau du journaliste avant d'apporter son thé à sa collègue. C'était devenu son nouveau petit rituel du matin : elle se réveillait, enfilait un de ses tailleurs et une paire d'escarpins, prenait veste, portable et sac à main et se dirigeait vers le petit restaurant. C'était une sorte d'accord tacite dans le bureau : elle était celle qui habitait le plus près du fournisseur de la petite ville alors elle passait prendre ce que ses collègues lui demandaient et se faisait rembourser dans la journée. Se réinstallant derrière le petit bureau qui était devenu le sien, elle eut un léger soupir en s'apercevant à quel point il était vide. Bien rangé -elle devait avouer être un poil maniaque avec son espace de travail- il n'y traînait aucune photo, ni dessin d'enfant contrairement à celui de sa voisine. Pourtant, elle ne ressentit pas la pointe de tristesse qui la prenait d'habitude à cette pensée, signe qu'elle commençait à s'habituer à cette nouvelle façon de vivre. De toute façon, elle était bien mieux au travail qu'à rester dans ce tout petit appartement qu'elle louait à chercher de quoi s'occuper l'esprit.

Prête à affronter une nouvelle journée, Eleanor passa les deux premières heures à jongler entre les photocopies diverses, le téléphone qui sonnait presque constamment et les quelques notes de service à rédiger avant midi. Elle était d'ailleurs en train d'imprimer un quelconque document dont un des journalistes avaient apparemment grandement besoin quand on lui annonça qu'elle devait se rendre au bureau de Mr Twigley. Le jeune homme était apparemment revenu dans la journée et, si elle avait prévu d'aller le voir, elle ne pensait pas le croiser avant la pause déjeuner. Heureuse de le savoir assez remis de ses blessures pour revenir affronter la vie de bureau, la secrétaire déposa le papier à son collègue avant de filer dans le dit bureau, faisant claquer ses escarpins dans les couloirs du journal. Elle frappa trois petits coups secs à la porte avant de pénétrer dans la pièce avec un grand sourire. « Mr Twigley, c'est un plaisir que de vous revoir parmi nous ! Comment va votre bras ? Vous auriez tout de même pu prendre plus de temps pour votre convalescence, je ne suis pas sure que le travail vous soit bénéfique... » Laissant ses questions médicinales de côté, la blonde prit conscience qu'elle parlait peut être un peu trop et eut un léger sourire d'excuse. « Vous m'avez fait demander ? »

A peine plus d’une semaine s’était écoulée depuis qu’il était entré à l’hôpital à cause d’une blessure par balle. Cette blessure, infligée par Vera mais destiné à la seule personne que Jamie protègerait avec sa vie, était la marque visible et tangible de ce qu’il s’était passé ce jour-là dans la forêt de Storybrooke. Techniquement, il aurait dû rester à l’hôpital pour au moins une grosse semaine de plus, mais certaines visites l’ont poussé à sortir, détestant l’idée d’être enfermé dans cette chambre, à la merci des charognards avides d’informations sur cette histoire. Sauf qu’il ne voulait pas en parler. Devoir résumé les faits au Sheriff Swan était déjà bien assez stressant pour lui, d’autant plus qu’il savait devoir des réponses à Sven mais était encore incapable de trouver le courage d’aller le voir pour lui donner les réponses nécessaires, en partie parce que certaines réponses n’étaient pas prêtes d’arriver. Jamais il ne parlerait du carnet. Jamais. Il ne le pouvait pas. Que Vera le découvre ça, encore, il s’y était presque attendu. Qu’Andrew en ait découvert des extraits parmi les plus intimes étaient déjà quelque chose qu’il avait beaucoup plus de mal à gérer. Alors devoir attendre que les gens défilent dans sa chambre avec, pour la plupart, une fausse inquiétude dans leur voix et leurs actions, uniquement dans l’espoir de le mettre suffisamment en confiance pour qu’il raconte son histoire…

Alors il avait poussé les médecins au bord de la crise de nerfs par l’usure et avait obtenu de sortir plus tôt, à condition qu’il reste tranquille. Jamie avait même obtenu l’autorisation de retourner travailler en temps partiel thérapeutique à condition qu’il ne se fatigue pas trop. Il en avait encore pour deux bons mois à porter l’ignoble écharpe médicale bleu électrique. Sans compter la rééducation avec un kiné qui suivrait. Rien que d’y penser ça le minait déjà. En tout cas, il avait été trop heureux de sortir de l’hôpital, il pourrait au moins se mettre aux démarches pour son divorce. Qui pouvait encore croire qu’il allait rester marié à cette femme alors qu’elle lui avait tiré dessus ? Les raisons de son envie de divorcer étaient, officieusement, bien plus anciennes et profondes. Elles étaient arrivées en premier par un respect pour sa femme, il ne voulait pas lui mentir de cette façon. Bien évidemment, il ne lui aurait pas donné les véritables raisons de son désir de divorce, mais en femme logique et rationnelle qu’elle était, elle aurait bien vu qu’il n’y avait plus rien dans leur mariage depuis quelques années. Ca n’aurait pas été sans peine, mais ça aurait toujours fait moins de bruit que cette affaire-là.

Dès sa sortie, il n’avait pas chômé. Il était allé voir des avocats, avait récupérer les papiers du divorce et les avait remplis avant d’aller les déposer chez le bureau du Sheriff pour qu’ils soient remis à sa femme. Elle n’avait plus grand-chose à perdre, il était même prêt à lui laisser la maison et même à lui payer une rente, pourvu qu’elle lui rende sa liberté. Elle lui avait pris sa dignité, elle pouvait bien lui rendre sa liberté. Puis il commença à parcourir les annonces immobilières. Triste de quitter sa villa ? Aucunement. Depuis plusieurs mois déjà il ne s’y sentait plus à l’aise. Trop d’espace, trop d’impersonnalité, trop de froideur dans une maison pourtant sensée être habitée par un couple. Bon, il n’avait pas encore trouvé et logeait encore dans la villa pour le moment, ce qui, pour son sommeil, faisait des horreurs. Il aurait presque été tenté de louer une chambre chez Granny le temps de se trouver un petit appartement, mais…Non. Ca n’était pas non plus une solution viable. Au moins à sa villa, il était tranquille, sans personne autour. Okay, ce n’était pas la meilleure chose quand on sortait de l’hôpital, avec une tendance à se tourner vers une dépression certaine, mais il n’avait pas trop le choix ; on ne peut pas dire qu’il ait été du genre à se faire beaucoup d’amis par le passé…

Trois jours après sa sortie l’hôpital, le voilà de retour au journal. Son attitude et sa tendance à dire un bonjour froid et peu accueillant faisait bien comprendre aux collègues qu’il ne répondrait à aucune question. Il évita encore plus soigneusement Julianne, la pauvre jeune femme n’avait pas besoin de l’humeur de chien de Jamie. Il commença alors à rédiger un à la vieille école : à la main. Heureusement pour lui il était droitier et c’était le bras gauche qui avait pâti de sa blessure à l’épaule, ce qui lui permettait d’écrire ses articles…Mais pas de les taper. C’est pour ça qu’il fit appeler Eleanor. Il lui en avait vaguement parlé, à l’hôpital, mais ne l’avait plus recontacté depuis. Quand elle entra dans son bureau, un sourire vint naturellement sur le visage de Jamie à la bonne humeur que prodiguait la jeune femme. Elle se posait la question que tous se posaient : était-il sage pour lui de reprendre le travail si tôt ? Mais on sentait chez elle qu’elle était sincère. Il la laissa terminer avant de prendre lui-même la parole.

"Je survivrais Eleanor. Quant à pourquoi je vous ai appelé…"

Il fut interrompu par son portable qui sonna. Il le sortit et vit le numéro du Sheriff, enfin, du bureau du sheriff du moins. Fronçant les sourcils et faisant signe à la secrétaire de l’excuser, il décrocha, orientant son siège vers le mur de son bureau. Vera, qui lui voulait discuter des papiers du divorce. Ce n’était absolument pas le moment. Il avait écrit en toute lettre sur une feuille libre qu’il accepterait ses conditions parce, malgré ce que l’on pouvait croire de l’extérieur, il était le fautif dans la mise à mort de leur couple. Elle éleva la voix et, bien que ne pouvant comprendre les mots qui sortaient de l’appareil, Eleanor pouvait entendre la voix furibonde de la femme su journaliste. Enfin, future-ex-femme. Lui resta calme, lui répétant toujours les mêmes phrases, refusant de s’engager sur la voie de l’explication du pourquoi du comment. Si elle ne pouvait pas voir les raisons évidentes qui le poussent à ce geste, c’est qu’elle est un cas plus désespéré qu’il ne le pensait. Il finit par raccrocher alors qu’elle tentait une fois de plus de le convaincre de ne pas faire cette bêtise et rangea son téléphone.

"Désolé, affaire personnelle." Il retira ses lunettes pour se frotter les yeux de lassitude puis poussa un soupir avant de continuer "Donc, je vous ai fait appeler pour que vous m’aidiez avec mes articles. Je peux les rédiger à la main, mais pas les taper sur un ordinateur. Je suis désolé de vous donner plus de travail que vous n’en n’avez déjà avec mes collègues, mais j’ai vraiment besoin de votre aide sur ce coup."

Il offrit un sourire bienveillant la jeune femme, lacé d’excuse.

Eleanor ne put s'empêcher de faire une légère moue devant la réponse du journaliste qu'elle jugeait largement insatisfaisante. Survivre. Comme si c'était ce qu'elle lui demandait. S'il en était véritablement qu'à ce point là de sa guérison, la jeune femme n'avait qu'une envie : celle de traîner son collègue jusque chez lui, de le coller dans son canapé devant un film avec une bonne couverture, du thé et des cupcakes. Il n'avait de toute évidence rien à faire dans le bureau s'il était encore faible et elle ne comprenait même pas comment Sidney avait pu accepter qu'il y remette les pieds. La blonde s'apprêtait à faire part de toutes ses réflexions au pauvre blessé quand le téléphone se mit à sonner. Prise au dépourvue alors que Jamie prenait l'appel et faisait pivoter sa chaise pour lui tourner le dos, Eleanor ne savait pas trop quelle attitude adoptée. Apparemment, il ne la congédiait pas. Elle resta donc immobile, se balançant d'une jambe à l'autre. Malgré tout ce qu'elle pensait sur le bien fondé de la présence de l'homme, elle ne pouvait que se sentir soulagée de son retour -certes prématuré-. Il faut dire qu'il n'était pas commun de se faire tirer dessus, encore plus à Storybrooke ! Un simple vol, déjà, était considéré comme un délit plus qu'inhabituel dans la petite ville. Sans ajouter les rumeurs qui se répandaient aussi vite qu'il était possible dans ce genre de ville où les habitants fondaient une grande communauté où tout le monde connaissait tout le monde, ou presque. Des rumeurs qui ne disaient rien à la secrétaire, des rumeurs qui disaient que la femme du journaliste serait la responsable de la blessure de ce dernier.

Femme trompée, femme dangereuse. C'était mot pour mot ce qui avait atteint les oreilles d'Eleanor pendant l'absence de son collègue. Et pourtant, même en sachant qu'elle ne savait rien de rien sur Jamie, son caractère et ses comportements, elle imaginait mal l'homme calme et réservé qu'elle avait rencontré faire ce genre de choses. Mais qu'importe. Les paroles des autres commères la faisait doucement rire, alors qu'elle s'imaginait elle-même tirer dans l'épaule de son mari. Etrangement, l'acte ne la tentait même pas. Certes il l'avait fait atrocement souffrir en la trahissant de la sorte, certes elle était plus qu'en colère et ne lui pardonnerait surement jamais. Cependant elle ne souhaitait pas le blesser. D'une, elle ne pensait pas que ça lui ferait le moindre bien. De deux, une part d'elle, celle qui n'était pas que ressentiment envers son ancien époux, estimait qu'il avait déjà assez souffert comme ça. Ils avaient déjà assez souffert. Perdu dans ses pensées, ce n'est que quand des grésillement et des mots indistincts prononcés par une voix apparemment plus qu'énervée s'élevèrent du cabinet que sa curiosité légendaire se réveilla. S'efforçant de la combattre et de ne pas écouter la conversation, elle ne pu tout de même pas passer à côté de ce qui se déroulait : le journaliste était de toute évidence en pleine dispute avec sa femme qui ne tarderait pas à devenir son ex-femme.

Estomaquée par ce qu'elle venait d'apprendre et l'air las qui se peignait sur les traits de son collègue, Eleanor ne put que se sentir concernée par ce qu'il se passait. Concernée et diablement attristée pour le journaliste. Avant même qu'elle n'ait le temps de dire quoique ce soit, il s'était repris et revenait déjà au sujet qui l'avait amené à réclamer sa présence. Ah oui, la rédaction des articles ! Il lui en avait déjà parlé à l'hôpital mais avec sa cervelle de moineau, elle ne s'en était pas souvenue plus tôt. « Il n'y a aucun besoin de s'excuser, je serais plus que ravie de vous aider. » Elle se rapprocha du bureau, hésitant un petit peu avant de prendre son courage à deux mains et reprendre la parole. « Et si vous avez besoin d'aide ou juste d'une oreille compatissante pour votre...divorce. Je suis là. Et je suis moi-même en train passer par là. »

Cette femme était une perle, vraiment. Gentille, joyeuse, enjouée, volontaire et en plus elle faisait de très bons cupcakes. Jamie avait eu l'occasion d'y goûter lors de son séjour à l'hôpital et franchement, il s'était régalé malgré son humeur qui avait été des plus maussades à ce moment-là. En somme, le journaliste était bien heureux de l'avoir au journal. La preuve: sans elle il serait bien obligé de rester encore longtemps à végéter chez lui, dans une grande maison officiellement dénuée de toute vie, a attendre que son bras aille assez bien pour reprendre son activité salariée. Sauf qu'il ne comptait pas rester dans rien faire pendant longtemps. Sans redevenir le bourreau de travail qu'il a été quelques semaines auparavant (où il en venait même à s'occuper des articles de certains de ses collègue pour simplement oublier), il ne voulait pas avoir le temps de penser. Tout sauf penser. Penser voudrait dire s'aventurer dans les recoins sombres de son esprit où étaient tapis les souvenirs, bons comme mauvais, ainsi que toutes les pensées qui l'avaient amené à la situation dans laquelle il se trouvai aujourd'hui. Ça l'obligerait à penser à lui, encore plus qu'il ne le faisait déjà, à de demander pour la énième fois comment il allait, s'il se remettait de cette horrible expérience et si, par miracle, il lui pardonnait de lui avoir infligé tout cela. Alors, sans même le savoir, Eleanor faisait beaucoup plus pour aider Jamie qu'elle ne le pensait.

En revanche, il ne s'attendait absolument pas à ce qu'elle lui annonça par la suite. Ça allait paraître ridicule, mais dans son esprit cette chic fille ne pouvait être qu'en ménage et heureuse de l'être. Bravo Jamie pour tes stéréotypes à la noix. Apprendre qu'elle aussi était en procédure de divorce lui fit l'effet à la fois d'une baffe et d'un réconfort. Aussi étrange cela puisse paraître. Un sourire presque désolé apparut sur le visage du journaliste à sa proposition. Quand on vous disait que cette femme était en or. Ou une perle, peu importe vous voyez le topo. Cependant le brun ne pût qu'avoir un rire aigre à la notion de compatissante. Bizarrement, bien des gens se disaient que, puisque que c'était lui qui avait pris la balle, il était celui à plaindre. Quelle grossière erreur. Physiquement, oui, il l'admettait volontiers, mais moralement, Vera était celle qui était la plus à plaindre dans leur couple. C'était elle qui avait subi l'éloignement de son mari sans raison apparente pour ensuite découvrir son penchant, que dis-je ses sentiments, pour un autre homme. Ha! Lui qui avait sacrément pris la mouche lors de la soirée speed Dating avec la fille Watson, là il était servi. Alors qu'il allait prendre la parole, il sentir un regard insistant sur lui et il tourna la tête, remarquant Julianne qui le fixait avec curiosité, assistée d'autres secrétaires et employés du journal. Fronçant les sourcils, Jamie se leva et alla fermer les stores en métal d'un geste sec. Il en avait marre que l'on épie ses moindre faits et gestes ici. Si ça n'était pas par une certaine nécessité, Jamie serait encore chez lui. Il retourna à son siège.

"Je ne sais pas si compatissante est le mot à appliquer à mon cas. La situation est assez...Particulière. Mais désolé pour vous, je ne savais pas et je ne voulais pas vous rappelez de mauvais souvenirs."

Le rire un poil amère du journaliste ne put que prendre la secrétaire par surprise, ne sachant pas trop ce qui l'avait provoqué. Elle était parfaitement consciente que c'était totalement ridicule de dire pouvoir comprendre ce que son collègue traversait juste parce qu'elle avait le malheur de se trouver dans la même situation que lui et c'était bien pour cela qu'elle ne l'avait pas fait. Après tout chaque individu et donc, à fortiori, chaque couple était différent. Et elle ne connaissait pas Jamie ni sa femme, elle ne pouvait donc pas prétendre ne serait-ce que comprendre la moindre petite partie de leur histoire. Et après tout, ce n'était pas ce qu'elle recherchait finalement. Tout ce qu'elle voulait c'était que le blessé sache qu'il n'avait pas à affronter tout ça tout seul -peu importe ce que le ça désignait-. Eleanor voulait s'assurer qu'il ait quelqu'un à qui se confier, quelqu'un qui ne le jugerait pas. Et, de ce point de vue là, c'était une chance qu'elle ne connaissait pas vraiment l'homme. Ainsi, elle ne risquerait pas de se permettre un quelconque jugement de valeur.

Enfin, le journaliste allait finalement répondre quand il s'interrompit. Ne comprenant pas très bien pourquoi son collègue se levait, Eleanor le suivit du regard, plus que perplexe. Ce n'est que lorsqu'elle aperçut le petit rassemblement qui s'était formé de l'autre côté de la vitre qu'elle comprit, ne pouvant s'empêcher de laisser s'échapper un petit rire comme Jamie baissait les stores avec un agacement visible. Bien sur, lorsqu'on était entouré de journalistes, il ne fallait pas s'étonner qu'il manifeste une curiosité plus qu'envahissante après un épisode aussi inhabituel qu'une fusillade. Cependant la blonde était persuadée qu'il y avait plus que ça. Elle avait la profonde certitude que beaucoup de leurs collègues s'inquiétaient réellement et sincèrement pour lui. Elle comprenait que leur façon de l'espionner sans s'embarrasser de la discrétion puisse lui taper sur les nerfs mais elle espérait aussi qu'il se rende compte à quel point cela démontrait l'attachement qu'on lui portait au bureau. Mais peut être était-ce un peu de naïveté de la part d'une secrétaire fraîchement débarquée dans l'équipe éditoriale.

Les paroles de Jamie sortirent enfin Eleanor de sa petite réflexion et elle balaya l'air d'un geste de main. Le sujet n'était pas son divorce et elle ne se permettrait pas d'embêter le pauvre homme avec un sujet aussi ennuyant. Le but n'avait pas été de le mettre mal à l'aise, au contraire. Avec le recul, elle se rendait compte que c'était une confession un brin maladroite et les excuses du journalistes la mettaient légèrement mal à l'aise. « Ne soyez pas désolé, vous avez assez de vos petits soucis pour vous excuser de choses qui ne sont pas de votre faute. Je voulais juste que vous sachiez que si vous avez jamais besoin de soutient, je suis là. Que l'histoire soit compliquée ou simple, je ne pense pas que tous les tords puissent être attribués à une seule personne. Dans un couple, même à la fin, on est deux. Et chacun a besoin de savoir qu'il n'est pas responsable de ce qui arrive. » Elle s'interrompit brusquement, se rendant compte qu'elle n'était pas assez proche de Jamie pour se permettre un tel discourt. Embarrassée, elle eut un petit rire gêné avant d'enchaîner. « Enfin, ce n'est peut être pas ce que vous voulez entendre et encore moins à moi de dire ces choses-là ! Si vous pouviez me montrer ce que vous voulez que je retape, je promet de me mettre au boulot et d'arrêter de vous importunez avec mes réflexions inutiles... »

Jamie releva presque trop brusquement la tête aux paroles de la blonde. Il ne s’était pas attendu à cela. A quoi il s’était attendu exactement, excellente question ; le fait est que le journaliste devait bien reconnaître la sagesse dans ces mots. Une sagesse dont il manquait cruellement, aux vues de la situation. Cette réalisation remis en question la vision qu’il avait de la secrétaire. Sans dire qu’il la sous-estimait, il admettrait volontiers de dire qu’il ne pensait pas entendre une telle sagesse d’une femme de son âge. D’accord, elle n’était que de quatre ans sa cadette mais…Oh et puis qu’il l’admette une bonne fois pour toute, le fait qu’elle ait été femme au foyer avant de travailler au journal avait tendance à ne pas donner une parfaite impression à l’homme, ce qui était stupide. Bon, elle était adorable et il la penserait presque irremplaçable au journal à présent (sérieusement, comment faisaient-ils avant ?), donc Jamie a très vite revu son jugement. D’autant plus qu’elle se proposait d’être un soutient. Pas quelqu’un qui lui demande des questions, comme beaucoup, non, juste une oreille pour écouter et…Et quoi en fait ? Il n’en savait rien. Mais rien qu’écouter ce qu’il pouvait avoir à dire sans lui porter de jugement était une chose pour laquelle il ne pourrait jamais assez la remercier. Il n’acceptait d’ailleurs pas qu’elle se rabaisse comme elle le faisait en ce moment. Ce n’étaient pas des réflexions inutiles et elle ne l’importunait pas le moins du monde. Au moins, elle semblait vraiment sincère dans ce qu’elle vivait et…Et bien le fait qu’elle passe par la même épreuve conjugale que lui, dans une certaine mesure, le rassurait. C’était étrange mais véridique.

"Vos réflexions ne sont pas inutiles Eleanor. Elles sont au contraire très sages. Je pense même que vous êtes probablement la seule personne en ville qui ait le plus le droit de me dire de telles choses, vue nos situations respectives assez semblables. Enfin, semblables…" il laissa échapper un soupir "J’aurais aimé avoir un peu de votre sagesse actuelle, ça aurait probablement évité beaucoup de souffrance à pas mal de monde. Surtout à des gens qui ne méritaient pas de subir ça. Comme Andrew."

Ces derniers mots étaient à peine un murmure, il n’avait même pas pensé les dire à voix haute. Mais c’est pourtant ce qu’il a fait, sans vraiment s’en rendre compte. Jamie savait pourtant qu’il avait besoin de parler de tout ça, pour essayer de mettre cette épreuve derrière lui. Il n’était pas certain qu’il puisse se permettre de mettre cette histoire sur les épaules d’Eleanor. Elle n’avait pas à porter ce poids, cette histoire complexe et fortement teintée de non-dits, de mensonges et de secrets trop ben conservés pour le bien de tous. Alors il se leva et alla faire un placard d’où il sorti une chemise d’une épaisseur non négligeable qu’il déposa sur son bureau, face à la jeune femme. Il se sentait mal de lui donner autant de travail.

"Voilà ce que j’ai à retaper. Non, effectivement, je n’ai pas chômé, désolé d’avance…"

Il n’y avait pas un mot sur le pourquoi de cette hyperactivité professionnelle, car elle était presque honteuse. Ce n’était pas par altruisme ou par simple surplus d’inspiration ou d’information ; c’était uniquement pour le désir égoïste de ne pas penser en ce moment. Ne pas avoir de temps pour penser. Travailler à s’en donner des migraines, pour rentrer chez lui, faire quelques recherches d’appartements et finalement s’étaler dans son lit et dormir d’un sommeil sans rêves, sans avoir le tems de penser une seule seconde. Sérieusement, elle allait y passer des heures ; peut-être qu’il pourrait tout de même tenter d’en taper un ou deux sur le PC à une main, des fois que…

Sagesse. C'était bien la première fois qu'on utilisait d'un tel mot pour qualifier Eleanor. Oh, on lui prêtait bien des qualités : gentillesse, calme, douceur. Mais pour la plupart des gens elle restait le stéréotype de la femme au foyer chaleureuse mais aussi particulièrement naïve et superficielle. Après tout, c'était le rôle qu'elle avait choisit de jouer en abandonnant toute carrière professionnelle pour privilégier une vie de famille qu'elle n'aura finalement jamais eu. Et maintenant qu'elle reprenait le travail, elle se rendait enfin compte qu'aux yeux des autres c'était tout ce qu'elle était : une parfaite maîtresse de maison qui adorait mijoter de bons petits plats. Peu leur importait qu'elle ait fait des études en langue ou qu'elle appréciait tout autant les ouvrages politiques que les bons romans policiers. Alors, oui, elle n'était pas une idiote. Mais de là à dire qu'elle était sage ? Elle ne le pensait pas, non. Elle avait juste réussi à tirer quelques leçons de ses propres erreurs et essayait simplement d'en faire profiter un peu Jamie. Même si leurs histoires devaient présenter maintes différences, elle espérait pouvoir lui apporter un petit peu d'aide car elle-même aurait été heureuse d'en trouver lorsqu'elle eut quitté la demeure conjugale.

La secrétaire fronça les sourcils alors que la voix de son collègue se faisait de plus en plus basse. Avait-elle bien entendu ? Et si oui de quelles souffrances parlait-il ? Finalement, il devait y avoir bien plus qu'une simple histoire de divorce derrière le malheur évident du journaliste. Et d'après ses propre propos, cela avait à voir avec des gens bien éloigné de son mariage. Qui était Andrew ? Surement était-ce en rapport avec la fusillade et le bras en écharpe mais la jeune femme ne pouvait que spéculer. Mais avant qu'elle n'ait la chance d'en demander plus et de paraître pour une incurable curieuse -ce qu'elle était, elle ne chercherait même pas à le nier-, Jamie s'était repris et sortait une imposante chemise. Elle eut un léger rire devant sa remarque. Loin d'avoir peur du temps qu'elle devrait passer à retaper tout ça sur son ordinateur, ça avait le don de lui mettre un peu de baume au coeur. C'était peut être stupide à dire mais elle avait un irrépressible besoin de rester occupé. La preuve en était toutes les pâtisseries qui s'amoncelaient dans son petit appartement et qu'elle était obligée de donner. Pourtant elle n'arrêtait pas de tester de nouvelles recettes et de retoucher les anciennes, trop heureuse de n'avoir à penser à rien d'autre. Alors taper tous ces articles lui permettraient peut être d'économiser un peu en ingrédients tout en l'empêchant de trop réfléchir. Un compromis qui ne l'arrangeait que trop. Et elle se doutait bien que la motivation derrière tant d'acharnements à écrire devait être la pour son collègue. « Vous vous excusez encore alors qu'il n'y a pas de quoi. A mon avis j'ai tout autant envie de rester occupée que vous alors vous me faites plutôt un beau cadeau. »

Sur ces quelques mots Eleanor s'empara de la pochette avec un grand sourire mais elle ne tarda pas à reprendre la parole, trop curieuse pour tenir sa langue. « Je comprendrais si vous ne souhaitiez pas m'en parler mais... Est-ce que ce serait déplacé de ma part de demander qui est Andrew et ce qui s'est réellement passé pour que vous finissiez à l'hôpital ? » Un peu inquiète que toutes ses question agace Jamie, la secrétaire baissa les yeux sur le dossiers tout en triturant un coin de la pochette cartonné de ses ongles soigneusement manucurés, preuve supplémentaire s'il en est besoin de tous ses essaies pour se changer les idées.

Les paroles de la blonde en face de lui atteignirent directement le journaliste là où c’était encore sensible et à vif de l’incident dans a forêt. Il n’osait plus aller voir Andrew de peur de lui ramener sur le devant de l’esprit tout ce qu’il s’est passé, il n’arrivait pourtant pas, lui, à passer à autre chose et surtout arriver à se dire qu’il devrait laisser le cuisinier tranquille. Alors il préférait ne pas penser. Se dire que la femme en face de lui était dans un état d’esprit similaire quant au besoin de se maintenir occupé le mettait en confiance. C’était peut-être justement ce dont il avait besoin en ce moment, quelqu’un à qui il pouvait faire confiance pour parler, pour simplement laisser tout partir et lâcher prise sur ce récit qui ne pourrait, sinon, jamais sortir. Eleanor pourrait peut-être devenir cette personne, lui qui a toujours tout garder pour lui par soucis de confiance et surtout de faire peser des boulets inutiles sur des épaules qui n’avaient pas à les supporter…Il devrait arrêter de se faire des idées aussi ça serait pas mal. Qui voudrait supporter l’apitoiement d’un homme pas fichu de rester discret face à un amour qui n’a pas lieu d’être.

Alors quand Eleanor posa ses deux dernières questions, il eut une grande hésitation aussi bien qu’une grande surprise. Il ne s’y était pas attendu, surtout de sa part, elle qui était plutôt du genre discrète mais efficace. Mais pourtant, une part de lui était reconnaissante pour cette curiosité. De lui-même, il n’aurait jamais parlé de toute cette histoire à qui que ce soit ; avoir une question si directement posée l’incitait à se confier. Pas tant par les questions en elles-mêmes, car il aurait très bien pu répondre en quelques mots et sans rien laisser paraître de la réalité. Non, c’était un tout : leurs situation similaires, leurs besoins similaires de rester occupés pour ne pas penser, le fait qu’elle semble si douce et compréhensive…Pourtant elle était une femme, elle pourrait très bien se sentir plus affectée par ce qui arrive à Vera dans cette histoire que le reste, mais c’était un risque à prendre. Et il était prêt à prendre ce risque. Parce qu’il avait besoin de tout faire sortir, à un moment ou à un autre et qu’une opportunité pareille ne se représentera pas deux fois. Jamie se pinça alors l’arête du nez, rassemblant le courage suffisant pour parler de tout cela, avant de relâcher son nez et de replacer ses lunettes sur ce dernier dans un soupir, appréhendant les réactions de la jeune femme. Il prit ensuite une grande inspiration et commença son récit.

"Très bien. Mais vous devez absolument me promettre de ne rien dire à personne. Je vous en supplie Eleanor, cela doit rester entre nous…" il lui lança un regard qui prouvait à quel point ce détail était important. Il allait lui livrer des détails de cette affaire qui pourraient très fortement pourrir aussi bien sa vie que celle d’Andrew si ça venait à se savoir. Il attendit sa réponse avant de reprendre "Tout d’abord, je veux que vous sachiez que si…ça devenait trop pour vous, n’hésitez pas à m’arrêter. Je ne veux pas vous imposer plus que ne vous pourriez en supporter." Prenant une grande inspiration il reprit "Andrew est…L’homme dont je suis tombé amoureux." Il avait hésité à tourner cela autrement, mais à quoi bon tourner autour du pot, autant commencer à appeler un chat, un chat plutôt que de sembler honteux d’admettre cela "Il n’en savait rien, bien entendu. J’étais marié, il était fiancé, malgré ces sentiments persistants, je ne pensais pas une seule seconde qu’une quelconque relation soit possible entre nous. Je suis du genre réaliste. Mais on est tout de même devenu ami. A défaut d’être autre chose je pouvais au moins être son ami. Tout ce que je voulais était faire partie de sa vie." Il se frotta les yeux, tentant de dissiper les larmes qu’il sentait monter à ses yeux "Le fait est que j’avais ces sentiments en moi et que je devais les…évacuer d’une manière ou d’une autre. J’ai tout consigné dans un carnet. Pour la faire courte, Vera, ma femme, a trouvé ce carnet et a tenté de s’en prendre à Andrew. Avec une arme. Je me suis interposé et ait reçu la balle à la place d’Andrew. D’où le séjour à l’hôpital et le bras dans un état déplorable."

Il s’arrêta là, ayant déjà écourté au maximum la fin de son récit parce qu’il n’était même pas sûr de pouvoir faire confiance à sa voix pour continuer. Il avait abaissé sa main valide dans ses genoux, ne voulant pas inquiéter la jeune femme par les tremblements qui le prenait.

L'angoisse d'avoir vraiment mis son collègue mal à l'aise -ou pire : l'avoir agacer- rendait Eleanor de plus en plus nerveuse. Le silence que ses questions avaient provoqué semblait s'éterniser et elle s'inquiétait de passer pour une énième secrétaire bien trop avide de ragots. Oui, elle était curieuse. Cela ne voulait pas dire qu'elle avait pour seul objectif de trouver la vérité au sujet de l'histoire de la fusillade. Au contraire, son principal but était de remonter le moral du journaliste blessé et de lui permettre de se confier un petit peu si seulement l'envie se faisait ressentir. Après tout, il lui avait fallu l'intervention divine -oui, divine, elle le pensait vraiment- de Aiden pour se rendre compte elle-même qu'elle ne pouvait pas tout garder, tout supporter, sans s'exprimer sur ce qu'elle ressentait. Bon, elle ne libérait peut-être pas la pression sous l'habituelle forme d'une discussion mais... Elle libérait la pression et c'était le plus important. A voir toute la curiosité et l'inquiétude de leurs autres collègues et en y ajoutant la réputation d'être peu sociable qui courrait sur Jamie, Eleanor pouvait aisément deviner qu'il ne s'était pas ouvert à d'autre sur les récents événements. Si elle se trompait, elle en saurait fort heureuse ! Mais si elle avait raison, il faudrait trouver un moyen ou un autre de le faire s'exprimer. Peut être devrait-elle conseiller à Aiden de faire des thérapies de groupe par la musique...

Alors que l'idée commençait à germer dans la cervelle de la blonde, le journaliste reprit finalement la parole, coupant son accès de panique. Quoique que ce qu'il avait à dire n'était pas vraiment plus rassurant que son silence. Resserrant sa prise sur la pochette de feuillets, Eleanor fronça les sourcils et hocha la tête, assurant à son collègue que rien de ce qu'il dirait ne quitterait la salle. C'était quelque chose qu'elle n'avait même pas envisager, à vrai dire. Ses anciennes voisines avaient tellement déblatérer au sujet de ses malheurs et elle avait trouvé cela tellement insupportable d'alimenter les conversations qu'elle ne se voyait pas du tout répéter le même comportement. Et puis une part d'elle était tellement heureuse d'avoir gagner le confiance de l'homme qui se tenait en face d'elle qu'elle ne risquerait pour rien au monde de la perdre. Jamie poursuivit donc, donnant toujours dans le très rassurant. Plus qu'elle ne pouvait en supporter ? Vraiment, c'était à ce point mauvais ? Elle l'observa, inquiète, prendre une grande respiration avant de se lancer. Il était tombé amoureux d'Andrew, jusque là pas de problème. Ce genre de choses, jusqu'à preuve du contraire, ne se contrôlait absolument pas et elle n'était pas de ceux qui jugeaient une relation entre deux hommes mauvaise. Elle était persuadée que l'amour était totalement indépendant du genre. Pourtant, le reste de l'histoire était beaucoup plus triste. Elle s'efforça de rester immobile, attendant que son collègue est fini de vider son sac et essayant un maximum de faire abstraction de son envie de lui offrir un câlin de réconfort. Parce qu'elle était du genre tactile ne voulait pas dire que tout le monde l'était et elle voulait aider Jamie, pas le mettre mal à l'aise.

Si elle comprenait parfaitement que la femme du journaliste ait pu se sentir trahie et blessée par sa lecture du carnet, Eleanor ne pouvait même pas imaginer comment elle avait pu chercher à se venger avec une arme. Sur Andrew, qui plus est, qui ne semblait coupable de rien. Si elle avait été assez dérangée pour chercher à faire souffrir son ex-mari, aussi obsédée par la vengeance -et Dieu merci, elle était très loin de l'être-, la secrétaire s'en serait prise à lui directement. Elle n'aurait sans doute même pas penser à menacer la femme avec qui il l'avait trompée alors même que cette dernière savait parfaitement qu'elle avait à faire à un homme marié. Alors de là à pointer une arme sur un pauvre homme qui n'avait rien fait de plus que sympathiser avec Jamie... Vraiment, cette femme ne devait pas être très saine d'esprit à la base. Ne pouvant tout de même pas s'empêcher d'établir un contact physique, Eleanor s'agenouilla à côté du blessé et posa sa main sur la sienne, la serrant doucement tout en cherchant à capter son regard. « Pour ce que ça compte, je pense que votre ex-femme a vraiment un problème. » Et qu'il ne devait pas être là, à travailler. Elle comprenait qu'il veuille à tout prix penser à autre chose mais il venait de vivre une expérience particulièrement traumatisante ! « Qu'en est-il avec Andrew ? ...Vous êtes-vous revus depuis ? » La blonde était persuadée que Jamie s'inquiétait plus pour cet homme que pour lui-même. Alors cet Andrew devait être en bonne santé et se remettre du choc. Parce qu'il n'y avait surement que comme ça que le journaliste pourrait lui aussi surpasser l'horrible épreuve qu'il avait vécu.

Voilà; c'était dit. Jamie avait déballé cette histoire, la vérité sur les tenants et les aboutissants de cette histoire à cette secrétaire qu'il ne connaissait que depuis quelques semaines à peine. Mais allez savoir pourquoi, il y avait quelque chose de rassurant chez elle. Un petit il-ne-savait pas quoi qui mettait Jamie en confiance. Peut-être se trompait-il, mais il voulait tenter sa chance. De toute façon s'il n'en parlait à quelqu'un rapidement, il risquait surtout de finir dans un coin chez lui à faire l'ermite...Les quelques secondes qu'il fallut à Eleanor pour répondre après semblèrent durer une éternité aux yeux du journaliste. Ne la connaissant que mal, pour le moment, il ne pouvait même pas être sûre qu'il ne lui parle pas de quelque chose qui l'énervait ou l'attristait. Alors il n'osait pas croiser son regard. Il gardait le sien rivé sur ses genoux, son bras en écharpe obstruant un peu la vue, et sa main tremblante sur ces derniers. Perdu dans son anxiété personnelle, Jamie entendit mais n'enregistra pas le son de tissu mouvant qui se propagea dans la petite pièce alors qu'Eleanor se levait. Il ne s'en rendit compte qu'une fois la jeune femme à ses côtés, une main sur la sienne, rassurante. Posant son regard sur elle, il ne pût empêcher le rire, un peu nerveux, qui s'échappa de sa gorge à ses mots. Elle n'avait pas tout à fait tort, ni tout à fait raison.

"Les raisons de Vera pour avoir agi ainsi sont les siennes et même si j'en sais ou pense en deviner certaines, il y en a d'autres qui me seront à jamais inaccessibles et je suis certain que pour elle, tout semblait parfaitement logique et justifié. Mais une chose est sûre, elle ne méritait pas ça."

Certains le prendraient pour un cas désespéré, mais s'il en voulait à Vera de s'en être prise à Andrew, il ne lui en voulait pas d'avoir réagit. Elle s'était juste trompée de cible initiale. D'accord, l'utilisation d'une arme fut probablement de trop dans sa réaction, mais ça, ça tenait plus du détail qu'autre chose. Le fait est que, objectivement, c'était lui qui était en faute dans leur couple. Il n'a pas trompé physiquement sa femme, mais c'est peut-être pire. Aujourd'hui, il avait à en supporter le poids et les conséquences. Cependant, le fait d'en avoir parlé à quelqu'un de totalement extérieur à la situation lui fit du bien. Le fait que la secrétaire ne le juge pas pour ses actes devait y être pour beaucoup. Puis la question d'Andrew revint sur le tapis, justifiée et logique vu la conversation, mais elle eu tout de même le don de le rembrunir un peu plus et il serra un peu la main d'Eleanor, mimique de son propre cœur qui se serrait à la pensée du cuisinier. Il secoua la tête, avant d'éclaircir le sens de ce mouvement.

"Non. Je ne suis pas allé le voir depuis ma sortie de l'hôpital. Il faut dire que je suis...plutôt mortifié." il se sentait bête, vraiment "Il sait, avc des détails que j'aurais préféré garder pour moi, mais mon ex-femme semblait pensé qu'il serait bien de lire les passages le plus crus du carnet." il fit une nouvelle pause "J'ai peur qu'il me rejette, purement et simplement. C'est d'un égoïsme sans bornes je sais, mais j'ai peur de simplement lire dégoût et méfiance dans ses yeux, de ne plus pouvoir le voir. J'ai peur, voilà tout."

C’était déjà ça de dit.