Introduction Époque du sujet : Actuelle Date du sujet : Tout début avril Ordre de passage des participants : Jamie - Sven

Il avait enfin trouvé un logement convenable. Un petit deux pièces dans le centre-ville, avec une chambre, la salle principale avec cuisine et salle de bain séparées. Tant mieux. Jamie n’était pas un grand fan des cuisines ouvertes. Ça avait son charme, il l’admettait volontiers. Comme chez Andrew où ça faisait partie intégrante du petit studio…Andrew, encore. Malgré tout ce qu’il s’était passé, malgré une balle dans l’épaule, l’effondrement de son secret le mieux gardé, son hospitalisation, son divorce en cours…Il trouvait encore le moyen de penser au cuisinier. Pourrait-il seulement un jour ne pas penser à lui ? Probablement pas. Il était trop profondément inscrit dans sa peau, son cœur, son âme, pour en être délogé avec de la seule bonne volonté. Ca le minait et même en parler avec Eleanor n’avait pas fait grand-chose pour son moral. Il tentait de s’enfermer autant que possible dans son travail, mais avec son bras dans le sac, il n’était pas très effectif et il ne voulait pas surcharger la pauvre Eleanor qui prenait déjà de précieuses heures au journal pour retaper les articles écrits à la main. Encore une chance qu’il ait une écriture lisible, pas comme certains qui avaient des écritures de médecin et pire parfois.

Jamie n’avait plus aucune nouvelle d’Andrew, rien. Même pas un sms, aussi impersonnel et froid pourrait-il être, pour lui dire que ça allait. Il ne demandait certainement pas que le cuisinier soit prêt à reprendre leur amitié là où elle a été brisée – car il ne fait aucun doute dans l’esprit du journaliste qu’il y avait eu cassure dans leur relation si particulière – mais juste…Qu’il lui dise qu’il allait bien. Plusierus fois Jamie s’était retrouvé avec son portable en main, hésitant à lui envoyer un message, voire même à l’appeler, mais à chaque fois il finit par se dégonfler, poussant un lourd soupir et rangeant son portable, retournant soit à son déballage de carton (il faut dire qu’il n’en n’avait pas tant que ça, principalement des livres et des papiers en cours de rédaction) soit à une activité quelconque qui l’empêcherait de s’ennuyer et donc de réfléchir trop longtemps à sa situation actuelle. Sans dire qu’il se sente bien, il allait mieux physique. Moralement et psychologiquement parlant…C’était une autre histoire. Les bruits forts et brusques avaient tendance le faire sursauter. Il avait beau se trouver dans un endroit beaucoup plus à taille humaine, il n’arrivait à le rendre aussi chaleureux qu’il le souhaitait et ce n’était pas une question de chauffage…Il manquait quelque chose pour faire réellement vivre cet endroit. La cigarette avait repris une place importante dans sa routine quotidienne mais, au moins, il fumait toujours avec les fenêtres ouvertes, histoire de ne pas trop empester son appartement de l’odeur du tabac froid qu’il savait désagréable pour certains.

Il redevenait peu à peu cet ours qu’il avait été avant de rencontrer Andrew, avant que toute cette histoire ne débute. Il ne sortait que pour faire ses courses et aller au travail. Sinon il restait chez lui, refusant de sortir. Le sommeil était là, merci les médicaments contre la douleur surtout, sinon il était sûr qu’il ne dormirait pas des masses. Aussi, vu sa régression dans son comportement social, la dernière chose à laquelle Jamie s’attendait était de recevoir de la visite. Relevant les yeux de l’article qu’il était tant bien que mal en train de rédiger, le journaliste se leva dans un grognement à cause de son épaule et alla à la porte. Pas de judas, il n’avait pas trop d’autres choix que d’ouvrir pour voir qui était derrière. Sa surprise se transforma en un calme las alors qu’il voyait qui l’attendait : Sven. Dans un soupir il fit signe à l’ébéniste d’entrer et ajouta, avec un calme qui le caractérisait si bien.

"Je suppose que j’aurais dû m’y attendre."

Il laissa à Sven le soin de refermer la porte. Le comment il avait cette adresse etc, il s’en fichait bien. C’était une petite ville, les nouvelles circulaient vites.

Finalement, les choses s'étaient remises en ordre, plus ou moins lentement. Andrew avait cessé de le tenir dans une sphère de silence et Sven retrouvait son cuisinier, quoiqu'un peu plus sombre que par le passé. Mais puisqu'il ne s'était pas jeté par la fenêtre après l'accident avec Jamie Twigley, l'ébéniste pouvait s'estimer heureux. Tout s'était également remis en ordre avec Harley, après leur séparation qui aurait presque manqué de tuer la joueuse de dépit. Tout ou presque, allait bien dans le meilleur des mondes. Il ne restait qu'un point sombre à l'horizon de Sven qu'il se devait encore d'éclaircir, le mystérieux amant d'Andrew, qui n'en était pas un, puisqu'ils étaient "simplement amis", juste assez pour faire supposer à Vera qu'il y avait autre chose que de la sympathie entre les deux hommes. Il y avait toujours cet élément qui dérangeait l'ébéniste et qui ne faisait que l'encourager à aller rendre visite à Jamie. Il était temps de mettre les points sur les i, d'obtenir des réponses.

Quelque part, Sven n'avait pas à savoir quoique ce soit sur cette histoire. Il se serait bien tenu de mettre son nez dans cette affaire, il était le premier à le reconnaitre. Mais depuis qu'il avait été involontairement plongé dedans en sauvant Jamie d'une petite balle dans l'épaule, il estimait avoir droit à des réponses. D'autant plus que le sentiment de trahison trainait toujours et ne s'en irait que quand il aurait droit à tous les secrets les pires qu'ils soient de la part de Jamie. D'Andrew, Sven ne tirerait plus rien. Il avait conscience que cette balade dans les bois à la recherche de pseudo champignons avait été un choc pour son petit frère. L'ébéniste espérait seulement qu'il en serait autrement pour Jamie. Ce dernier avait fini par quitter l'hôpital, sa femme et son ancienne luxueuse demeure. Heureusement que Sven avait ses sources – il n'avait fallu que prétendre vouloir rendre visite à Jamie pour voir comment il allait , devant Eleanor pour qu'elle lui donne sa nouvelle adresse- il n'avait pas été si difficile à trouver, personne ne disparaissait assez longtemps à Storybrooke.

Sven avait hésite, sur quoi apporter. Après-tout, ce serait un peu comme une pendaison de crémaillère chez le journaliste. Il avait pensé à une plante verte, mais si lui n'était pas foutu d'en maintenir une en vie, il doutait que ça soit le cas pour Twigley. Son choix avait survolé les rongeurs en tout genre, ce qui aurait été une manière de se venger de Jamie, d'une certaine manière. D'autant plus qu'il avait aperçu de lapins on ne peut plus mignons au Pet Shelter. Mais bon, Sven avait un minimum de considération pour la condition animale. Au final, il choisit des moineaux sculptés dans le bois, de sa création. Outre le geste publicitaire qu'il pouvait y avoir dans un tel présent, cela pourrait être considéré comme un cadeau de paix… Eh oui, le temps avait atténué la colère de l'ébéniste, il était même parti de bonne humeur de chez lui, son présent emballé sommairement dans du papier cadeau sous le bras.

Il n'avait pas fallu longtemps à l'ébéniste pour arriver jusque chez Jamie et donna quelques coups succincts à la porte, qui s'ouvrit, peu après. Sven haussa un sourcil amusé par l'accueil pour le moins glacial du journaliste, ne se laissa pas démonter pour autant. Ainsi Jamie savait pourquoi Sven était venu. Bien, ça lui éviterait de devoir faire une transition agaçante, et quelque part, l'espoir que le journaliste ne fuit plus les questions naquit dans le coin de sa conscience. « Bonjour Jamie, moi aussi ça me fait plaisir de te voir. » Le ton amusé de Sven était le même que l'accoutumé, qui n'était pas forcé, ce qui prouvait, que vraiment, la rancune envers le journaliste n'était plus la même que la première fois qu'il était allé le voir à son réveil à l'hôpital. « Je t'ai amené un cadeau, pour la décoration. » Il déposa le paquet emballé sur le bureau du journaliste, tandis qu'il laissait ses yeux courir sur l'agencement de l'espace, se disant qu'il était tout de même bien installé. « Tu as pris des nouvelles d'Andrew? » Autant commencer les hostilités immédiatement. L'heure du déjeunait approchait bientôt, et il ne voulait pas s'attarde outre mesure chez Twigley. Une fois qu'il aurait des réponses, qu'il lui aurait botté le cul pour l'encourager à retourner voir le cuisinier, il prendrait un soin particulier de ne plus se mêler de cette histoire.

Visiblement l’humeur de Sven s’était éclaircie depuis leur rencontre à l’hôpital le lendemain de l’incident. Pas celui de Jamie en revanche. Et s’il avait l’esprit plus clair qu’il ne l’avait eu à l’hôpital, son envie de s’expliquer à l’ébéniste n’avait pas changée : elle était inexistante. Il savait qu’il lui devait des réponses pour bien des raisons (dont celle qu’il les avait aidé, point final), mais il n’en n’avait aucune envie car donner des réponses signifiait parler du carnet et ça, c’était quelque chose qu’il n’était pas en mesure de faire. Malgré tous les arguments du monde il ne pouvait pas parler de ça. C’était trop personnel, trop intime pour qu’il puisse en parler. Alors soit il allait devoir mentir, soit il devrait dire à Sven d’aller se faire voir chez les grecs. Mais quelque chose lui disait que se débarrasser de son invité surprise n’allait pas être aussi simple qu’il l’aurait souhaité. Dégageant un peu la table des papiers l’encombrant, il finit par adresser une nouvelle fois la parole à Sven.

"Je peux te proposer quelque chose à boire ? Du café ? Du thé ?"

Ce n’est pas parce que la visite (ou plutôt le sujet de la visite) ne l’enchantait guère qu’il devait oublier les règles basiques de l’hospitalité. Jamie jeta un regard sur le petit paquet déposer avec un sourcil haussé et retourna à son affaire de se servir une tasse de café noir. Soudain, il se tendit. Il commençait cash aujourd’hui le Sven. Pas même le temps de demander quoi que ce soit que le sujet « Andrew » arrivait sur le tapis. Pendant une seconde, le journaliste eut l’impression d’une question piège mais c’était idiot. L’ébéniste voulait juste attester des dégâts présents dans la relation entre les deux hommes. Sans se départir de la tension dans son dos et ses épaules (enfin, son épaule, l’autre n’étant plus franchement capable de grand-chose pour le moment), l’habitant des lieux prit son paquet de cigarettes trainant dans un coin et s’en alluma une avant d’ouvrir la fenêtre. Tant pis pour le froid qui risquait d’entrer. Il aurait bien besoin de cela s’il voulait garder son calme durant la durée de cette entrevue.

"Non. Il ne m’en a pas donné non plus. Tout comme il n’en n’a pas demandé."

Ils étaient pareils à ce niveau-là, incapable l’un comme l’autre de surmonter ses sentiments pour contacter l’autre et s’assurer qu’il allait bien. Sa voix restait neutre, calme, mesurée. Il gardait tout pour lui. Ce n’était pas le moment de tout laisser exploser et pourtant…

Pourtant il était à deux doigts d’exploser à force de ne pas pouvoir juste…Evacuer. La colère, la honte, la frustration, l’inquiétude. Il avait déjà évacué le besoin de simplement parler de tout ça, les faits cliniques et froids qui ont menés à cette situation. Eleanor avait été une parfaite oreille, compréhensive et amicale. Mais tout le reste, il devrait aussi les laisser sortir et s’exprimer un bon coup, avant de simplement devenir soit fou, soit invivable pour son entourage qui se réduisait déjà comme peau de chagrin. Il suffisait de pas grand-chose et il le savait. Le poids de ce qu’il devait à Sven, plus sa solitude et son inquiétude grandissante envers Andrew n’aidait pas c’est certain…

L'offre de boisson de la part de Jamie étonna l'ébéniste, bien qu'il ne le montra pas. Eh bien, il n'aurait peut-être pas droit à un accueil des plus froid.. C'était une bonne chose, même s'il refusa poliment la proposition en secouant la tête. Il n'avait pas soif et n'était pas passer chez le journaliste dans l'espoir d'avoir droit à un café. D'autant plus qu'il voulait éviter des mouvements trop contraignants à Jamie, sans pour autant l'explicité clairement. Bref. Sven fit le tour de l'appartement, s'arrêtant devant la bibliothèque chargée de Twigley. Pourquoi ça ne l'étonnait pas, autant de livres? Chez lui, il y avait surtout des magazines sur des sujets tous plus dérisoires les uns que les autres, accompagner de l'exemplaire du Daily Mirror. Ainsi Sven savait que Twigley avait repris le travail. Ce matin, il avait percé le mystère de comment il faisait pour écrire, grâce à Eleanor, une fois encore. Il devrait songer à lui offrir un repas chez Granny, pour la remercier de prendre aussi soin du blesser.

Il se tourna vers Jamie, fronçant les sourcils à la réponse. Non. Pas de nouvelles d'Andrew. Ca ne l'étonnait qu'à moitié, puisqu'il savait de la part du jeune cuisinier, qu'effectivement, c'était le silence radio des deux côtés. Il secoua légèrement la tête. Il avait un peu de mal à comprendre les agacements de ces deux là. « Tu te prends une balle pour lui, mais après tu refuses de lui parler? J'ai l'impression d'avoir raté un épisode là. Je pensais que depuis que tu étais sorti de l'hôpital, tu aurais pris le soin de l'appeler, ou de lui envoyer un petit sms. » Il y a une semaine de ça, il aurait vociféré ces paroles à la gueule de Jamie. Ici, il se contenta de dire tout cela calmement, tout en croisant les bras, avec un peu de dépit dans le voix. Il s'inquiétait pour Andrew, lui, au moins. Et lui, au moins, prenant la peine de s'informer directement à la source. Ce qui semblait être un comportement totalement inconnu de la part du journaliste. « Rappelle-moi de tirer les oreilles d'Andrew à ce sujet aussi. » Oui, parce que, bien entendu, il n'y en avait pas un pour rattraper l'autre. Oh mon dieu. Mais comment avaient-ils fait pour oser se parler? Ca lui échappait.

Il jeta un coup d'œil sur le bras de Jamie, l'expression absente quelques secondes, alors qu'il se rappelait encore le journaliste étendu dans une marre de sang. Sven cligna des yeux à plusieurs reprises, reportant son attention sur le journaliste bien réel cette fois-ci. « Bon, est-ce que tu veux de ses nouvelles ou je me tais? » Sven haussa un sourcil, joueur. Il voulait voir si Jamie était vraiment à se point désintéressé du cuisinier, ou s'il crevait pour savoir ce qu'il arrivait au jeune homme. Il voulait savoir s'il était un véritable cas désespéré sur le sujet du cuisinier et s'il fallait que Sven lui botte le cul, juste pour la satisfaction de lui botter le cul, ou s'il y avait encore un peu d'espoir dans le cas perdu que représentait l'amitié pas si amicale et innocente que ça des deux coincés de Storybrooke.

Une baffe bien sentie. Voilà l’effet que les paroles de Sven eurent sur lui au premier abord et il n’aimait pas du tout cette sensation. Celle d’être pris pour un idiot de par ses réactions alors qu’il avait ses raisons pour agir ainsi. Des raisons que l’ébéniste ne pouvait pas deviner, c’était certain, et Jamie n’allait pas les donner comme ça, sur un plateau d’argent juste pour ses beaux yeux. Il préféra lui jeter un regard assassin alors que se cigarette à peine terminée se retrouvait écrasée sans ménagement dans le cendrier sur le bureau. Il considéra l’option d’en allumer une deuxième mais décida que non, il valait mieux ne pas enfumer son invité, et alla fermer la fenêtre un peu plus sèchement que nécessaire. Ce n’est pas qu’il refusait de lui parler. Non. Bon sang si ça ne tenait qu’à ce qu’il voulait, si ça ne tenait qu’à lui, il serait déjà allé enfoncer la porte d’Andrew, son épaule allant au diable, pour s’assurer qu’il allait bien et le rassurer. Bon sang s’il avait pu lui éviter tout cela…Il donnerait tout pour revenir en arrière et brûler ce maudit carnet, reprendre leur relation d’avant. Sans être idyllique, au moins il pouvait encore le regarder sans ressentir une honte et une gêne sans nom. Avec le temps, il serait retourné vers Andrew, même après ce qu’il s’était passé quand il avait veillé sur lui. Jamie n’était pas sûr s’il ne réagissait pas un peu exagérément en pensant sentir une pointe de reproche dans la voix de Sven. Ce type de reproche qui signifiait qu’il était horrible de ne même pas s’inquiéter de l’état de son ami. Peut-être l’imaginait-il, à moins que ce ne soit son propre esprit qui lui soufflait qu’il aurait dû, malgré tout, faire un geste. Même minime.

"Laisses-le tranquille." Il n’avait pourtant aucun droit de dire à l’ébéniste ce qu’il devait faire avec Andrew, mais l’idée qu’il aille le réprimander, pour quelque chose qu’il ne comprenait que trop bien, réveillait encore les instincts protecteurs de Jamie "Si c’est trop compliqué pour toi, tu n’as qu’à changer de programme."

Mordant le journaliste. Pourtant, tout son décorum de convalescent de mauvais poil sembla s’évaporer doucement alors que Sven offrait sa branche d’olivier personnelle : la proposition de donner des nouvelles du jeune homme. A première vue, son attitude ne changeait pas. Toujours aussi tendu, aussi droit, appuyé contre son bureau. Pourtant ses yeux donnaient un autre discours. Un éclat d’inquiétude pure, associé à un besoin de savoir comment allait Andrew étaient bien trop présents pour qu’ils soient ratés. Ca le bouffait de l’intérieur de ne pas savoir et c’était de sa faute après tout. Il aurait eu mille et une façons d’en savoir plus sur l’état du jeune homme, mais encore fallait-il qu’il sorte de chez lui et qu’il adresse la parole à quelqu’un, ce qui n’avait pas franchement été le cas ces derniers temps. Pourtant, il hésitait. Pour des raisons totalement puériles et futiles, des raisons qui ne devraient même pas avoir lieu d’être dans une situation pareille mais qui étaient là malgré tout. Le fait de ne pas vouloir se montrer plus vulnérable qu’il ne l’était déjà, de ne pas vouloir paraître si désespéré…Son hésitation agitait son corps de manières infimes, mais réelles. Sa jambe tressautait alors que sa main valide agrippait le bord de son bureau.

"…Comment il va ?"

Ça sonnait impersonnel du point de vue purement lexical mais le ton de sa voix, ayant perdu de son mordant, trainant du côté du plaintif et du suppliant indiquait à l’ébéniste son besoin de savoir. Jamie savait qu’après ça, il n’aurait plus le choix entre esquiver les questions ou y répondre. Il ne lui resterait que l’option d’y répondre ; ce genre de jeu se jouait donnant-donnant.

Laisse le tranquille. Il y eut une étincelle dans le regard de Sven, une mauvaise étincelle, qui laissait présager qu’il n’avait pas aimé l’injonction de Jamie. Il commençait tout doucement à dépasser les bornes. Le journaliste n’avait aucun droit de lui dire quoi faire avec Andrew. Il fallait bien que l’un d’entre eux s’inquiète du cuisinier, sinon personne ne le ferait. Si Sven devait attendre que Jamie trouve ce dont il avait besoin pour qu’il se bouge, ils retrouveraient Andrew desséché dans un coin de son appartement, ce qui en soi ne serait pas joli joli. Et Jamie en rajoutait une couche, invitant Sven à quitter l’aventure, si ça se révélait trop pénible pour lui. Il eut un sourire acide, passant son pouce sur son œil, comme pour chasser la stupidité des paroles du journaliste. Mais oui, Sven s’arrêterait là et il laisserait les deux pauvres incapables tentés de se sortir de cette histoire. Autant prendre l’ébéniste pour un con, ça irait plus vite. « Je ne vais pas changer de programme. Toi tu l’as déjà fait, vraisemblablement. Je ne suis pas du genre à abandonner Andrew quand ça me chante. » Et dieu savait à quel point la tentation avait été grande, il y a un peu plus d’une semaine. Le ton était redevenu sarcastique, malgré lui et il soupira, passant une main dans ses cheveux.

Bon, ce n’était pas parce que Jamie insupportait légèrement Sven qu’il devait se montrer méchant gratuitement – ou presque – envers son hôte. C’est pourquoi il lui proposa des nouvelles d’Andrew. Sven n’était pas idiot. Il devait bien y avoir un truc qui se passait entre ces deux-là, même si ce n’était qu’une prétendue amitié bancale. Voyons, on ne se prenait pas une balle pour le plaisir et tourner la page aussi facilement le lendemain. Et cette fois-ci, Jamie ne joua pas son insociable imbuvable. L’ébéniste se retint d’hausser un sourcil victorieux face à la concession du journaliste. Ah ! Il en voulait des nouvelles. C’était déjà ça de gagner : une preuve qu’il ne s’était pas détourné totalement du jeune cuisinier. Pour la peine, Sven eut un peu d’espoir pour eux. « Il fume beaucoup. » Hum, oui, ça ne devait pas être le genre de nouvelle à laquelle s’attendait Jamie, mais c’était la première information qui lui était passée par l’esprit. Depuis l’accident, Andrew avait descendu une quantité considérable de cigarette.

Il croisa les bras, jetant un coup d’œil par la fenêtre avant de continuer, récupérant ses idées, décidant de ce qui serait le plus efficace chez le journaliste. « Il n’est plus avec Julianne. » Sven avait eu de la peine en l’apprenant, pour sa fiancée. Cependant, c’était mieux ainsi. Si Andrew n’avait de la place dans sa cervelle que pour une personne, ce n’était pas pour cette journaliste du Daily Mirror, mais pour un autre journaliste de la même boite. « Il a perdu un ami. Ou quoi que ce soit que tu étais. » Sven avait abandonné l’espoir de tirer les vers du nez d’Andrew, et puisque Jamie semblait ne pas vouloir se mettre à table non plus, il n’allait pas s’arracher les cheveux à résoudre le casse-tête de leur relation.

Sven regarda Jamie dans les yeux, retrouvant ce besoin maladif d’en apprendre plus sur Andrew. Le sevrage des personnes auxquelles on tenait n’était pas facile. Il était lui-même passé par cette étape dans un passé proche et il ne voulait plus le vivre. Autant éviter cette douleur plus longtemps à son petit frère. Et s’il fallait aider Jamie dans le processus, eh bien, il le ferait. « Tu lui manques. Il s’inquiète pour toi. Il ne le dit pas, mais ça crève les yeux. Et ça le rend malade, ici » il pointa sa tempe, pour faire comprendre le message. Sven prenait bien conscience qu’il lâchait une bombe dans l’esprit de Jamie – tout du moins, il l’espérait, c’était le but recherché. Il n’en avait pas encore fini avec le journaliste, si bien, il ajouta « qu’est-ce que tu vas faire, maintenant ? » Et il n’avait pas intérêt à lui dire qu’il resterait le cul planqué dans son nouvel appartement.

Abandonner…Comment Sven osait-il dire une chose pareil. Le regard que Jamie lui lança était sans équivoque. Il n’acceptait pas un tel jugement de valeur. Il ne le laisserait pas dire qu’il avait abandonné Andrew, parce qu’il ne pouvait simplement pas. Le journaliste voulu le lui hurler, le frapper pour lui faire comprendre à quel point il ne pouvait être plus loin de la vérité, mais la réalisation, froide et sans appel s’imposa à lui. C’était pourtant ce qu’il faisait. Il avait ses raisons, c’est vrai. Des raisons qui pouvaient se justifier, mais qui ne justifiaient pas tout pour autant, loin de là. Ca ne justifiait pas le silence radio qu’ils avaient établis chacun de leur côté. Ca ne justifiait pas l’attitude que Jamie prenait avec son entourage. Ca ne justifiait pas qu’il ne soit pas ne serait-ce que s’assurer qu’Andrew ne se détruisait pas comme lui le faisait en ce moment-même. Non, ça ne justifiait en aucun cas l’absence de contacts avec le cuisinier. Plus il se laissait aller à cette réalisation, la laissant s’enfoncer de plus en plus dans son esprit, plus Jamie se rendait compte à quel point il avait été un parfait abruti sur toute la ligne. Et surtout à quel point ses raisons étaient stupides et égoïstes. Il n’avait pas contacté Andrew parce qu’il avait honte. Une honte qui se comprenait, mais qu’il aurait dû surmonter pour le bien de celui qu’il prétendait aimer. Mais aussi la peur de se faire rejeter. Non, il était sûr de se faire rejeter après ce qui avait été découvert. Or, il préférait encore vivre dans l’ignorance, car dans l’ignorance il y a l’espoir. Un espoir infime, voire inexistant, mais un espoir quand même. Un qu’il chérissait en ce moment, pour s’éviter de sombrer.

Puis les nouvelles tombèrent et Jamie ne put plus quitter Sven des yeux, avides de savoir ce qu’il se passait, comment Andrew allait. La cigarette. Ouais, bon, il ne ferait pas de commentaire, il n’était pas mieux. Depuis bien avant l’incident. La nouvelle de sa séparation avec Julianne lui tira une réaction qui le dégoûta lui-même. Il était content. Content de savoir qu’il était de nouveau libre. Mais quel genre d’ami était-il donc pour souhaiter la séparation de deux personnes qui ne lui avaient rien fait ? Il baissa la tête pour la relever presque aussitôt. Non. Le cuisinier ne l’avait pas perdu et il ne le perdrait jamais. Il serait toujours à, même si dans l’ombre pas nécessité. Et comme si ça ne suffisait pas, Sven continua. "Tu lui manques". Ces trois mots si simples et pouvant sembler si anodins provoquèrent une réaction en chaîne, s’associant avec ce que continuait de lui dire l’ébéniste, en Jamie. Un espoir futile sembla s’élever dans sa poitrine. Parce que, quelque part, s’il manquait à Andrew, c’est que, malgré tout ce qu’il avait découvert, il tenait encore assez à lui pour se languir de sa présence. Le geste de Sven tira un regard horrifié au journaliste qui fut forcé de s’asseoir.

Qu’avait-il donc fait ? Comment pouvait-il infliger cela à son "ami" ? Il aurait presque envie que son épaule le relance juste pour se dire qu’il y avait un semblant de justice dans ce bas monde, mais elle resta sourde à ses prière. Sa main valide tremblait alors qu’il pâlissait à vue d’œil. A la question qui lui fut adressée, Jamie prit son paquet de cigarette et tenta de s’en allumer une sans succès ; il tremblait trop. Il abandonna l’idée avec un juron lâché dans sa barbe – inexistante – et prit la parole, sans regarder Sven.

"Je ne sais pas…" Déclara-t-il d’une voix blanche. Ça ne voulait pas dire qu’il ne ferait rien, juste qu’il n’avait aucune idée de ce qu’il devait faire dans une pareille situation. Il y eut un lourd silence de quelques secondes. Puis la voix de Jamie s’éleva de nouveau, rauque, comme retenant un on ne sait quoi retenu depuis trop longtemps. Un mur, sorte de barrage, était tombé dans son être et laissait passer tout ce qu’il retenait "On était qu’ami…" il releva les yeux vers Sven, des yeux éteints "C’est ça que tu veux, non ? Des explications…" il rabaissa les yeux. Son calme n’était pas le type froid ou las qu’il affichait au départ. Il était celui qui venait de paire avec le choc. "Il n’y avait rien de romantique ou quoi que ce soit du genre entre nous. Rien de réel…" les mots sortaient sans même qu’il ne les contrôle, un besoin d’évacuer irrépressible prenant le pas sur tout le reste "Il n’y avait que des rêves, des fantasmes, des choses que je ne pouvais pas dire, dont je ne pouvais parler à personne. Je savais qu’il ne pourrait jamais rien se passer entre nous pourtant. J’étais marié, il était fiancé, ce n’était pas une possibilité envisageable. Je me suis pourtant accroché à un espoir idiot et destructeur. Bon sang !" il eut un rire empli de désespoir "J’étais…Tellement désespéré de faire partie de sa vie…Je me fichais bien que l’on ne soit qu’ami, tant que je pouvais être avec lui, même si je l’aime à me rendre malade de jalousie rien qu’en voyant Julianne au journal." Il fit une pause, prenant une respiration tremblante "Je n’ai rien dit sur notre amitié dans l’idée futile que ça ne serait que pour nous. Rien qu’à nous deux. Espérant garder une sorte d’exclusivité…Et puis j’avais toutes ces images, ces sentiments qui envahissaient mon esprit…Je devais me les sortir de la tête. Par quelque moyen que ce soit. Alors j’ai tenu un carnet, secret bien évidemment, où je consignais tout." Il ne s’attarda pas sur le contenu du Carnet ; Sven était plus intelligent qu’on ne lui donnait crédit "Ni Andrew, ni Vera ne devaient rien savoir. Pourquoi lui faire cette honte ? J’avais prévu de divorcer avant l’incident, par respect pour elle. Je ne l’aimais peut-être plus comme à l’époque où l’on s’est marié, mais je tenais encore à elle et elle ne méritait pas ce qu’elle a subi par ma faute. Mais certains évènements l’ont conduite à découvrir le carnet. De là...Tu connais la suite. Sauf qu’elle a lu le carnet, ou des extraits du moins, à Andrew. La suite est facile à imaginer."

Jamie s’arrêta là. C’était déjà bien plus que ce qu’il avait pensé dire à l’ébéniste, mais une fois lancé, il n’avait pas su s’arrêter. Il avait besoin que ça sorte, pour le bien de sa santé mentale. Il plaignait déjà le pauvre Sven qui se retrouvait confronté à toutes ces informations d’un coup, sans même avoir le choix de dire stop si ça devenait trop important, devant avaler la pilule que non seulement le journaliste avait lui aussi des vues sur Andrew, mais qu’en plus il acceptait de toute lui raconter, là où le cuisinier avait décliné.

"Tu commences à comprendre ma réaction ? J’étais tellement…Mortifié par ce que Vera lui avait appris…Elle a osé dire qu’il m’avait perverti, rends-toi compte. Je m’en veux tellement"

Comme si ça excusait quoi que ce soit….

Ce que dit Sven sembla porter ses fruits, en vue de la réaction de Jamie. Il ne sourit pas, même si une légèreté s’installa dans son cœur, heureux de voir que Jamie, finalement, n’était pas qu’un con dénué de bons sens. Il se gratta la tempe, observant le journaliste s’asseoir. Il se pourrait bien que Twigley ait un semblant de conscience, ou quelque chose qui s’y rapproche. [i]On était qu’ami.[i] Tiens, on lui avait déjà servi ce discours, mais ça sortait de la bouche d’Andrew. Le visage de Sven resta neutre, ne quittant pas des yeux son vis-à-vis. La question le prit de court et il n’eut pas réellement le temps de répondre que le journaliste s’étendait dans des explications. On lui fournissait enfin la pièce manquante de ce puzzle qu’il avait tenté de résoudre. Enfin quelqu’un s’autorisait à élucider ce pan obscur qu’il manquait à la bonne compréhension de toute cette histoire. Sven prit appui sur le mur, alors qu’il tentait de réagir le moins possible, pour éviter ainsi de couper Twigley dans son élan et perdre sa seule source d’informations.

Effectivement, qu’ils n’étaient pas qu’amis. Ça crevait les yeux du premier imbécile venu, même s’il avait fallu un certain temps à Sven pour comprendre que ces deux-là se connaissaient déjà plus que de vue. Il écouta Jamie s’étendre sur ses fantasmes, ses envies qui tournaient autour du jeune cuisinier. Sven haussa un sourcil à l’évocation d’un carnet. Un carnet qui tomba dans les mains de Vera. La suite, l’ébéniste n’eut guère de difficulté à l’imaginer. Il porta sa main à son visage, une soudaine envie de cogner Jamie pour sa stupidité maladive. Un carnet, vraiment ? Il ne savait pas se branler comme tout homme normalement constitué ? Il inspira profondément, relâchant ses poings qu’il avait serrés. Pourtant, son regard ne trompait pas. Il renvoyait l’incompétence du journaliste dans la relation qu’il avait entretenu avec Andrew, de ce bordel monstre qu’avait produit l’existence des pensées les plus avides de chair de Jamie.

Sven assimilait lentement les informations. Bon, au moins y avait-il un point positif à cette histoire : Jamie avait toujours Andrew dans la tête – et ailleurs, surement, mais ça, il ne voulait pas le savoir. Une lueur de colère passa dans son regard, à l’évocation que le cuisinier aurait perverti le blessé. Il se détacha de son mur, se rapprochant de Twigley, alors que celui-ci exprimait son regret. Il se planta devant le journaliste, à une distance raisonnable, pour ne pas le frapper dans l’élan. « Et tu crois plus facilement ton ex-femme, celle qui t’a tiré dessus, en visant Andrew, que toi-même ? » Il fronça les sourcils, ne cillant pas à l’accusation qu’il venait de lâcher. Oui, Sven voulait des explications, mais il n’en avait rien à faire des excuses de Jamie. Il ne devait pas les adresser à l’ébéniste. C’était vers un homme plus jeune que ses paroles auraient dû aller. « Tu ne devrais pas te fixer sur les paroles d’une femme au cœur brisé. Tu devrais courir pour aller t’excuser devant Andrew, t’excuser de ton silence et de ton inactivité. J’espère que tu ne penses pas qu’il se relève d’un truc pareil aussi facilement. »

Sven passa une main dans ses cheveux, agacé par le journaliste. Il ne lui en voulait plus pour l’omission dans laquelle le brun avait été placé. Il en voulait pour l’incompétence sentimentale de Jamie. « C’est bien de t’en vouloir. Maintenant, il faudrait penser à réparer tes erreurs. »

Voir Sven s’avancer vers lui ne le rassura pas d’un pouce. Jamie pouvait sentir la tension dans les mouvements de l’ébéniste et lire la colère dans ses yeux. Pourquoi ? Pas qu’il s’attende à recevoir une quelconque pitié, pour l’autre, il devait entrer dans la catégorie des dernières pourritures pour ce qu’il avait osé imposer à Andrew. Il était même prêt à se prendre des remontrances sévères de la part de son interlocuteur. Sur sa stupidité, sur sa façon exécrable de gérer une amitié ou même des désirs qu’il possédait envers un jeune homme qui n’avait rien demandé à personne. Mais ce qu’il entendit sortir de la bouche de l’ébéniste fut très loin de ce qu’il imaginait. En réalité, il ne comprenait pas. Il fronça d’ailleurs les sourcils en une moue perplexe, tentant de faire sens des paroles de Sven. Ou plutôt, de comment il en était venu à dire un truc pareil. Car ça y est, l’information s’était imprimée dans son cerveau et ça avait fait réagir les instincts de protection qu’il avait envers Andrew. Pourtant, ce n’était pas lui qui était attaqué par cette question assassine, mais bel et bien Jamie, pourtant, il prit ça comme une atteinte au cuisinier, car si Sven doutait que le journaliste ait pu croire un seul instant ce que racontait sa femme…Il se leva brusquement, se rapprochant d’un pas vers Sven, le toisant des quelques centimètres qu’il avait en plus par rapport à l’ébéniste. Oh, ce n’était pas énorme, mais tout de même.

"Je n’ai jamais cru un traitre mot de ce qu’a pu dire Vera à ce sujet-là. La sciure de bois a due attaquer plus sérieusement tes oreilles que je ne le pensais. A moins que ce ne soit ton cerveau." Le journaliste s’était fait mordant, mais il n’a vraiment pas aimé une seule seconde qu’il l’accuse d’être de l’avis de Vera. Jamais plus il ne pourrait l’être, jamais. Il se déplaça pour aller s’allumer une nouvelle cigarette. Bizarrement, s’énerver contre les paroles de l’ébéniste le calmait, ou du moins calmait ses tremblements "Non je ne le pense pas, mais je pense pas non plus que ma présence va beaucoup l’aider. Tu fais sembler tout ça si simple…Peut-être que pour toi aller voir la personne et lui dire un ’Désolé de t’avoir embarquer là-dedans, t’étais pas sensé le savoir’ est simple, mais pour moi ça ne l’est pas ! Est-ce que tu peux m’assurer avec certitude qu’il m’accueillera avec joie, moi ? Alors qu’il a découvert que je fantasmais sur lui d’une façon des plus crues et traumatisantes qui soit ? Est-ce que tu pourrais m’assurer que ça ne risque pas d’aggraver la situation ?"

Il secoua la tête dans un geste de dépit. Comme s’il pouvait savoir ce que ça faisait. Il devait se montrer très injuste voire complètement égoïste aux yeux de Sven, mais peu importait. Jamie n’avait pas la force de confronter Andrew pour le moment. Bien sûr qu’il allait s’excuser, mais il n’en n’était pas prêt encore.

Sven avait toujours les bras croisés, mais il avait serré les poings. Il parlait à un sourd. A un idiot qui avait tapé dans l’œil d’Andrew, pour il ne sait quelle raison. Il n’avait fait aucun pari sur cette histoire, à son début. L’ébéniste avait même encouragé le cuisinier, à sa manière. Maintenant qu’il voyait les résultats, il aurait dû forcé Andrew à oublier tout du journaliste, car, vraisemblablement, il ne lui apportait rien de bon, à l’exception d’une solitude renforcée et d’un air sombre, qui ne lui allait absolument pas. Jamie avait toujours été antipathique et renfermé sur lui-même –Vera lui en avait touché deux mots- et maintenant que les évènements s’éloignaient avec les jours, Sven voyait sans difficulté le rabougri qu’était Jamie. Il avait envie de le frapper, de lui faire cracher ses dents, ainsi que toute cette stupidité qui rongeait les neurones de Twigley.

Sven fronça les sourcils à l’insulte du journaliste, relevant la tête un peu plus, foudroyant l’homme du regard. Est-ce qu’on était ici pour s’intéresser sur le cas perdu qu’était Sven, ou alors sur le cas perdu qu’étaient les deux idiots incapables de se sauter dans les bras ? Finalement, Twigley s’éloigna et Sven recula d’un pas, écoutant le chapelet d’excuses minables qu’il pouvait bien se trouver. Quand il en eut terminé, la patience de l’ébéniste était à bout. Non, franchement, il ne voyait pas ce qu’Andrew lui trouvait. « Je savais pas que t’étais un tel couillon. » L’injure vola, moins travaillée que celle du journaliste, mais tout aussi vénale. Jamie avait réussi à le mettre en colère, à retomber sur ce sentiment noir qu’il avait cru oublié, qui ne faisait que ressurgir. Il se rappela de l’effarement de Granny, du désespoir d’Andrew, de ce type dans les vapes, l’épaule en sang. Il aurait mieux fait d’y rester ,Vera aurait dû mieux tirer. Avec un peu de chance, frôler la mort lui aurait remis les idées en place, ou ça lui en aurait donné, seulement.

Sven passa une main dans ses cheveux, zieutant la cigarette que venait de s’allumer Jamie. Ça aussi, c’était une manie que les deux amants-mais-pas-trop avaient en commun. Était-il à ce point aveugle, le journaliste, pour ne pas se rendre compte à quel point Andrew était mal au point ? Avait-il détourné si facilement le regard de son frère ? « De quelle situation tu parles ? Vous ne vous voyez plus, vous ne vous parlez plus. C’est moi, le type qui n’a rien à voir dans cette histoire qui doit te prendre par la peau du cou pour te flanquer devant lui ? Ne viens pas me parler d’une quelconque relation. Tu le fuis depuis ce jour-là. Ce ne sont pas tes fantasmes qui le feront fuir, il n’est pas la pureté incarnée, bordel. Ce qui le fait très certainement fuir, c’est ton comportement actuel. »

Ce fut à son tour de s’approcher, l’œil furieux, de Jamie, pointant son doigt sur le torse de l’homme. « Bien sûr que ça n’est pas simple, ça ne le sera jamais. Mais est-ce que tu es prêt à abandonner pour si peu ? Si c’est le cas, alors tu ne le mérites très certainement pas. » Les mots n’étaient pas choisis avec sagesse, Sven ne les réfléchissait pas pendant des heures. Ils sortaient, simplement, les uns après les autres, tous plus tranchants les uns que les autres. Il n’y allait pas avec le dos de la cuillère : il y avait une raison à tout cela. Il espérait qu’en secouant un peu le Twigley, il se déciderait à bouger.