Introduction Époque du sujet : Actuelle Date du sujet : 15/03 Ordre de passage des participants : Harley & Drake

Son séjour à l’hôpital lui avait paru durer une éternité. Si elle avait subi les meilleurs soins, et que Connor s’était occupé d’elle en parfait médecin impliqué qu’il était, la rouquine était toute même ravie d’être sortie de cet enfer blanc. Elle commençait à tourner en rond. Quand le praticien l’avait informé qu’il devait la garder quelques jours en observation, elle n’avait pas supposé qu’il lui faudrait tenir le lit en quasi permanence durant trois longues journées. Et encore ne lui avait-il permis de quitter l’hôpital que parce que ses parents avaient assuré qu’il y aurait en permanence quelqu’un avec elle pour surveiller son état. Connor avait finalement laissé partir sa patiente préférée, et Harley avait eu un léger pincement au cœur. Cette fois, elle lui avait fait la promesse qu’ils se reverraient sans mentir, puisqu’il lui faudrait remettre les pieds à l’hôpital pour sa rééducation. Le calvaire n’était pas encore tout à fait derrière elle. D’ailleurs, elle n’avait pas été autorisée à reprendre directement les cours. Sa sortie prématurée supposait en effet qu’elle puisse se reposer au calme chez elle. Harley avait fait grise mine en apprenant qu’elle devrait encore tourner en rond quelques jours, mais c’était toujours mieux à domicile que dans un hôpital impersonnel.

Drake était repassé la voir quelques fois à l’hôpital, et si ses visites avaient été plus longues que la première, les deux lycéens s’étaient guère parlé. Drake arrivait toujours au mauvais moment, lorsqu’elle venait de se réveiller et qu’on lui injectait un peu de morphine pour contenir la douleur de sa cicatrice. Ce n’était pas le moment de la journée où la jeune Watson était la plus dynamique, mais cela semblait convenir au jeune homme, qui en profitait pour lui relire simplement les cours. Ils n’avaient pas eu l’occasion de reparler de ce qu’il s’était passé lors de la première visite, ce n’était pas l’envie qui manquait à Harley, seulement elle ne trouvait pas le moment et les mots pour le faire. Son camarade lui avait foutu une sacrée claque ce jour-là, Harley craignait de le froisser en lui reparlant du jeu qu’elle avait entendu jouer. Comme quoi, elle avait encore un cœur, malgré son refus pur et dur de revoir Sven. Ensuite, lorsqu’elle avait quitté l’hôpital, Drake était passé pour lui donner les cours et des devoirs, mais il n’avait pas pu s’attarder, Harley se reposant lorsqu’il avait trouvé le moyen de passer. Une fois encore, Newlin choisissait très mal son moment.

Aujourd’hui, Harley avait bien l’intention de le confronter. Après quatre jours à l’hôpital et trois jours de plus à tourner en rond dans sa propre demeure, la jeune Watson reprenait enfin les cours. Ses parents lui avaient donné raison uniquement parce qu’elle reprenait un vendredi, et n’aurait donc qu’un jour à tenir avant le week-end. D’ailleurs, sa mère travaillait à domicile toute la journée, et pourrait donc intervenir si Harley rencontrait le moindre souci au lycée. Mais la rouquine n’avait pas dans l’intention de faire déplacer sa génitrice. Ses parents étaient plus attentifs que jamais à sa personne, elle n’avait aucune intention de trop leur en demander, de peur de briser cette fragile atmosphère. Si elle avait eu droit à une béquille pour l’assister dans ses déplacements, Harley la négligeait, et la laissait simplement à domicile. Son père n’avait pas osé hausser le ton face à la détermination de sa fille, car s’il ne souhaitait que son bon rétablissement, il aimait à dire à qui voulait l’entendre que sa fille était une véritable battante. Faisant une fois de plus fi des précautions, Harley arpentait donc les couloirs du lycée sans la moindre assistance. Une fouine de son groupe d’ « amis » la suivait partout en lui proposant son aide, mais Harley savait que ce n’était que pour la diminuer. Les autres étaient bien plus respectueux vis-à-vis de sa blessure.

Le gymnase se trouvait dans un bâtiment indépendant, et Harley du donc faire face au froid hivernal pour le rejoindre. Elle ne se laissa pas démonter, relevant simplement le col de son manteau. Sa démarche était encore très lente, Harley n’avait fait qu’une seule séance de rééducation jusque-là, mais elle estimait s’en sortir très bien et n’avoir pas besoin de trop de séances. Elle avait d’ailleurs dans l’intention de trouver Drake pour qu’il tienne parole et lui donne les deux, trois astuces qu’il connaissait et qui lui permettrait sans doute de compresser le temps à consacrer à cette futile rééducation. Lorsqu’elle pénétra dans le gymnase, elle chercha Drake du regard, tout en se posant contre un mur afin de reposer ses muscles. Elle croisa les bras et ne tarda pas à le remarquer, et lorsqu’il regarda finalement vers elle, elle lui fit signe de venir. Tandis qu’il approchait, elle laissa son regard glisser sur son haut de justaucorps moulant, tandis qu’un survêtement lui cachait cruellement le bas de la physionomie de son camarade. Le coin de ses lèvres se souleva lorsqu’il arriva complètement face à elle. « Salut, beau gosse. » Ses lèvres s’étirèrent davantage, tandis qu’un éclat intéressé dansa dans le fond de son regard. « Quand tu auras fini de prouver à quel point tu es fort et agile, j’aimerais que tu t’occupes de moi. » Elle jeta un bref coup d’œil vers les gradins. Quelques filles y étaient installées, et si elles firent mine de regarder un autre athlète en percevant le regard de la rouquine, Harley n’était pas dupe. « Les rangs de tes fans grossissent de jour en jour. Je vais finir par être jalouse. » Elle sourit, cette fois plus amicale, avant de terminer : « J’aimerais que tu m’aides pour la rééducation. » Et elle s’écarta finalement du mur, se tenant bien droite, attendant presque que Drake lui apprenne qu’elle n’avait pas besoin de rééducation vu la qualité de son maintien.

La nouvelle de l'accident qu'avait subit Harley avait fait le tour de lycée aussi vite que si on avait mis le feu à une trainée de poudre. Drake les entendait parler, commenter, planifier, se faire des films aussi improbables les uns que les autres. Pas un seul ne se serait déplacé pour aller voir comment elle se portait réellement, pour avoir sa version de l'histoire. Navrant, vraiment. Pourtant, en un sens, ça arrangeait bien Drake. Au moins comme ça, il n'avait pas à subir les regards curieux et scrutateurs d'autres élèves du lycée quand il allait la voir pour lui apporter les cours. Certes, il n'avait pas trop osé sécher les cours pour aller la voir (sa petite escapade de la première fois l'avait quand même refroidi un peu) et par conséquent, arrivait généralement à des moments peu opportuns s'il avait voulut discuter. Cependant, discuter n'était pas exactement dans l'ordre des choses. Pas après ce qu'il avait compris lors de sa première visite. Harley avait tenté de l'utiliser pour obtenir quelque chose, une réaction précise de Sven (que, malgré ce qu'il avait montré lors de la visite, le gymnaste plaignait) et Drake avait très vite fait comprendre à la jeune femme qu'il ne prendrait pas part à son jeu malsain. Bon, il ne l'avait pas dit comme ça, mais il le pensait en tout cas. Pas question qu'il devienne un outil. S'il devait payer les bons (quoi que ça restait à prouver) conseils qu'elle lui prodiguait sur la confiance en soi en devenant son outil de vengeance personnel, autant arrêter les frais tout de suite.

Sauf qu'il avait fini par s'attacher à elle d'une certaine façon. Ce que cette tentative d'utilisation lui avait montré? Qu'en réalité d'un point de vue relation humaine elle était aussi paumée que lui. Oh! Elle n'en n'avait pas l'air, donnant parfaitement le change et surtout, ayant assez d'atouts dans ses manches (et ailleurs mais ne partons pas là-dessus) pour avoir une petite cour qui la suivait, donnant une impression de fille populaire. Après, elle faisait parler d'elle ça, il n'y avait pas à dire. Il n'y avait qu'à écouter la nouvelle de son retour se propager pour s'en rendre compte. Sauf que pour une fois, Drake était au courant avant la plupart des gens. Il était allé la voir après tout. Il savait qu'elle allait revenir. Il a cependant tenu sa langue se contentant d'avoir des petits sourires amusés à chaque fois que le nom de Harley revenait dans la bouche d'un de leurs camarades.

Puis le jour J arriva; Harley revint au lycée, la démarche plus lente qu'elle ne l'aurait probablement aimé, mais avec toujours ce maintient fier et assuré qu'elle présentait éternellement. Drake l'avait vu, mais avait bien fait attention de rester loin de son chemin. Si la fille Watson souhaitait lui parler, elle n'aurait qu'à faire le premier pas. Lui l'avait fait au début de leur arrangement, maintenant c'était à elle de montrer ce qu'elle voulait. Alors, finalement la journée passa vite sans qu'il ne voit autrement qu'en passant la rouquine. Drake avait entraînement ce soir, alors toute discussion attendrait probablement demain. Le jeune homme n'allait pas changer toutes ses habitudes pour elle. Encore moins une habitude si profondément ancrée dans son quotidien que celle de l'entraînement. C'est donc avec son habituel pas paisible qu'il se rendit au gymnase.

Imaginez alors sa surprise en voyant Harley, adossée au mur et qui lui fit signe de venir la voir. La salutation qu'elle lui adressa lui tira un sourire amusé, à la limite du charmeur, alors que lui-même ne répondit rien d'autre qu'un hochement de tête. Il n'avait pas encore l'esprit assez entraîné à ce genre de choses pour ne pas sembler ridicule en tentant de reproduire. Une autre remarque, qui cette fois faillit tirer un commentaire à Drake mais il le ravala. Pas encore. Puis il se tourna vers les gradins, remarqua (enfin) les quelques filles présentes et fit même un petit signe de main en guise de salutation dans la direction générale du groupe. Cette fois il ne garda pas son commentaire pour lui.

"Ça doivent être tes cours qui portent leurs fruits." Un regard légèrement teinté de défiance se posa sur elle alors qu'elle annonçait la vraie raison de sa visite jusqu'au gymnase. Drake prit une serviette dans son sac de sport non loin et s'épongea le front avant de croiser les bras, la serviette autour de la nuque "J'ai cru le remarquer en t'observant aujourd'hui. Tu as eu combien de séance jusqu'à maintenant? Et il t'as fait faire quoi comme exercices, le médecin?"

Le jeune homme était absolument sérieux. Connaissant - de mieux en mieux - le caractère de la fille Watson, il pouvait déceler les signes qu'elle n'aimait pas cette situation. Il se doutait aussi qu'elle tenterait aussi d'aller au plus vite vers la rémission. Chose qu'il n'allait pas l'aider à faire; pour avoir subit plusieurs fois de la rééducation, il savait à quel point ça pouvait sembler long et fastidieux. Cependant il avait aussi appris à ses dépends les conséquences de vouloir aller trop vite dans sa rémission. Alors s'il devait s'engueuler avec elle pour qu'elle accepte de faire ce qu'on lui disait, il le ferait. Tant pis si elle la prenait mal. N'était-il pas juste un bouche-trou, un outil dont elle pensait pouvoir se servir quand elle le souhaitait, après tout?

Si son geste transpirait une hésitation que les yeux experts d’Harley décelaient sans peine, force était de constater que Drake faisait des progrès. Si elle prétendait devenir jalouse s’il continuait ainsi, ce n’était pas le sentiment dominant dans son esprit. Un soupçon de fierté lui fit d’ailleurs redresser le menton, lorsque le gymnaste répondit du tac-au-tac : « Ce doivent être tes cours qui portent leurs fruits. » Harley n’avait besoin de personne pour entretenir son ego, mais ce genre de compliments faisaient néanmoins plaisir. Qu’il puisse s’agir d’une boutade n’effleura pas la rouquine, convaincue de sa bonne influence sur son élève. Il ne faisait là que relever un élément d’une évidence flagrante, et Harley aurait pu lui laisser l’occasion de vanter davantage ses mérites, mais elle était venue à lui pour une bonne raison, qu’elle s’évertua d’expliciter. Le regard de son camarade changea. Etait-il déçu que la jeune Watson ne vienne pas uniquement pour le contempler ou profiter de sa présence ? Elle chassa rapidement cette pensée, tandis que Drake s’éloignait à peine pour prendre une serviette dans son sac. Elle le regarda réaliser son manège de sportif, sans sourciller, jusqu’à ce qu’il ne croise les bras et lui prête à nouveau toute son attention. « J'ai cru le remarquer en t'observant aujourd'hui. Tu as eu combien de séance jusqu'à maintenant? Et il t'as fait faire quoi comme exercices, le médecin? »

Harley riva des prunelles abasourdies sur Newlin, qui s’était composé un air trop sérieux à son goût. Elle laissa un bref instant le silence s’installer, entrecoupé par les bruits de fond du gymnase, qu’elle n’entendait même plus. Puis ses lèvres se pincèrent et une moue sceptique se dessina sur son visage. « Tu as cru le remarquer ? Je fais tant de peine à voir? » Elle arqua un sourcil, mais le coin de ses lèvres trahit rapidement son amusement. Elle se rapprocha de Drake et posa simplement la main sur son épaule. Elle tâcha de paraître amicale, d’une façon bien à elle, un sourire navré accroché aux lèvres, tout en profitant de l’appui pour relâcher ses muscles. « Tu es encore plus barbant que le mec qui s’occupe de la rééducation, et crois-moi ça n’est pas un compliment. » Son air navré se dissipa, remplacé par un regard enjoué. « Je ne suis pas venue te voir pour qu’on parle de mes séances, ou des exercices complètement ridicules que j’ai à faire… » Approchant sensiblement son visage de celui de Drake, elle fit mine d’être sur le point de révéler un secret confidentiel : « Honnêtement, je ne vois pas en quoi leurs petits ronds de jambe me permettra d’aller mieux. » Elle se recula, avant de reprendre sur un ton léger : « Ce que j’attends de toi, c’est que tu me donnes tes petites astuces de sportif. » Ses lèvres s’étrécirent et son sourire se voulu conspirateur. A nouveau, elle se rapprocha de Drake, faisant à peine glisser ses lèvres jusqu’à son oreille, ne lâchant jamais ses prunelles sombres du regard. « Tu sais, comme le nom des produits qui peuvent me rebooster en un éclair, me faire oublier la douleur, ces choses-là. » Elle se réaligna sur le visage de Drake, rivant sur lui des yeux intéressés. Après ce qu’elle faisait pour lui, Newlin pouvait bien lui donner ce petit coup de pouce.

Elle n’était pas certaine qu’à son niveau les produits dont elle parlait étaient monnaie courante, mais dès le moment où il y avait un accès universitaire à la clé, Harley ne pouvait pas croire en l’honnêteté du genre humain. Et si Drake ne touchait pas à ces choses là, il avait forcément des noms, des numéros à lui refiler. Harley n’avait aucune intention de se plier aux règles de la rééducation. Elle voulait aller mieux, et le plus vite possible. Elle n’en pouvait plus de se déplacer à l'allure d’une tortue, de voir ses jambes chanceler après une simple marche, ni de sentir la douleur qui n’était en rien endiguée par sa cicatrice ou le pansement qui la recouvrait. Ce n’était simplement pas dans son tempérament de s’astreindre à ce quotidien ennuyeux et sans étincelle. Elle avait besoin de bouger et de profiter de chaque instant. Son état n’avait rien de catastrophique, mais il l’incitait à se morfondre davantage, et à voir à quel point son quotidien était transformé. Peu de gens appréciaient sa compagnie jusque-là, et ce n’était pas des enfants de chœur, ils auraient tôt fait de laisser sur le carreau une handicapée dans son genre.

C’est fou comme la jeune femme pouvait parfois déformer ce que l’on pouvait lui dire. Drake retint d’ailleurs à grand peine le bruit d’exaspération qui voulut se frayer un chemin hors de sa gorge à cette phrase. Non, elle ne faisait pas peine à voir, elle avait juste la démarche de quelqu’un qui s’est fait renversé. Il leva les yeux au ciel.

"Ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit s’il te plaît." Il la laissa approcher, toucher. Ce n’est pas comme si c’était nouveau pour elle. C’était une façon de communiquer qu’elle semblait apprécier et il n’allait pas l’en empêcher. Lui s’en fichait bien. C’est vrai qu’au début de leurs cours il était du genre à se sentir quelque peu gêné par de tels gestes, depuis qu’ils avaient commencé les entrainements de gym ensemble, sa relation au corps de sa camarade n’était plus le même. Il ne dirait pas qu’il en restait de marbre (il est fortement probable que ça ne soit jamais le cas), mais disons que des touchés comme celui qu’elle offrait en ce moment n’étaient pas grand-chose pour le jeune homme à présent ; et certainement pas un moyen de pression émotionnel pour qu’il finisse par cracher le morceau "Je pourrais te citer des dizaines de raisons mais j’ai l’impression que tu ne m’écouteras pas."

La suite eut le don de le déstabiliser en revanche. Et de lui faire ouvrir des yeux grands comme des soucoupes. Est-ce qu’elle était sérieusement en train de lui demander ce qu’il pensait ? Dans ce cas elle avait encore moins bien cerné sa personnalité qu’il le croyait. Lui aurait-elle demandé cela quand ils commençaient les cours, il ne lui aurait quand même rien dit, mais il l’aurait probablement moins mal pris que maintenant. Maintenant, il pensait qu’ils avaient appris à se connaître, qu’elle comprendrait qu’il avait certaines valeurs dont il ne pourrait jamais s’éloigner. Fronçant les sourcils, il recula d’un coup, comme brûlé par les mains de Harley. Il sentait qu’elle s’était appuyée sur lui, mais là, c’était trop pour qu’il puisse rester de marbre. Prenant une grande inspiration, il se rapprocha, de façon à ne pas avoir à parler trop fort. Il ne manquerait plus qu’on l’entende.

"Quand je parlais de te donner des petits trucs c’était pour ta rééducation, sur des exercices que les médecins ne pensent pas forcément à appliquer. Pas à…Ca." Il eut une mine de dégoût "Ces trucs ne feront rien pour t’aider Harley. Alors oui sur le moment ça va, peut-être, calmer la douleur ou te donner l’impression d’avoir des ailes mais sur la finalité ça sera pire qu’avant. Si on te fait faire de la rééducation, c’est pour que tes muscles se remettent du traumatisme. Sans ça, ils ne reprendront jamais une activité normale !" sa voix restait basse mais on pouvait sentir la colère dans sa voix et ses yeux bruns restaient plantés dans ceux de la rouquine "Tu veux boiter toute ta vie Harley, ou non ?" il laissa un silence de quelques secondes s’installer "Si non, dans ce cas continue ta rééducation comme prévu. Si tu t’en fiches, alors fais ce que tu veux, mais je ne t’aiderais pas à te détruire. Je te l’ai dit : je ne suis pas un pion dans ton jeu."

Drake réutilisait les mêmes mots qu’à l’hôpital, pour bien lui faire comprendre à quel point il était sérieux. Sauf que cette fois il n’allait pas sortir pour la laisser en plan. Certainement pas. Pas tant qu’elle aurait cette idée ridicule en tête.

« Ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit s’il te plaît. » Harley n’avait pas relevé, se contentant d’hausser les épaules. C’était son truc, de déceler les sous-entendus sous chaque parole, et elle s’inquiétait peu d’aller trop loin. Harley n’était pas du genre à contenir ses pensées afin de ménager les états d’âme d’autrui. Drake n’avait pas encore acquis le privilège d’un traitement de faveur de sa part. Elle se fendit donc d’un sourire amusé. « Je pourrais te citer des dizaines de raisons mais j’ai l’impression que tu ne m’écouteras pas. » Ce fut déjà à peine si elle l’écouta lorsqu’il prononça ces quelques mots vide d’intérêt à ses yeux. Harley avait une idée bien meilleure en tête. Et elle n’hésita pas à s’ouvrir à Drake, se souciant néanmoins des oreilles indiscrètes, s’approchant ainsi de son camarade afin d’assurer la confidentialité de leur conversation. Les yeux de Drake prouvèrent suffisamment sa surprise, et même son indignation à mesure que la rouquine s’exprimait. Mais elle ne s’arrêta pas à ces faux-semblants, allant jusqu’à donner un petit coup de coude à Newlin pour le dérider, et lui montrer qu’il n’avait pas à faire le farouche avec elle. Mais Harley était très loin du compte, et elle ne put que le comprendre face à son mouvement de recul. Elle fronça les sourcils, formant le reflet parfait de son condisciple.

Elle croisa calmement les bras, bien que son visage se fût renfrogné. Elle avait les lèvres pincées dans une moue contrariée, et regarda avec méfiance Drake revenir au plus près d’elle, après avoir pris une grande inspiration comme s’il peinait à garder son calme. « Quand je parlais de te donner des petits trucs c’était pour ta rééducation, sur des exercices que les médecins ne pensent pas forcément à appliquer. Pas à…Ca. » Harley arqua un sourcil, dubitative. Elle ne voyait pas ce qu’il y avait de mal à « ça », alors Drake n’avait pas à en faire toute une histoire. « Ces trucs ne feront rien pour t’aider Harley. Alors oui sur le moment ça va, peut-être, calmer la douleur ou te donner l’impression d’avoir des ailes mais sur la finalité ça sera pire qu’avant. Si on te fait faire de la rééducation, c’est pour que tes muscles se remettent du traumatisme. Sans ça, ils ne reprendront jamais une activité normale ! » Elle ne quitta pas Drake des yeux, assez impressionnée en un sens par le ton qu’il employait et la détermination qu’elle lisait dans son regard, malgré le dégoût qui le couvrait en partie. « Tu veux boiter toute ta vie Harley, ou non ? » La question était purement réthorique, et Drake ne laissa sa phrase en suspens que pour lui permettre de mieux peser sur les épaules de la rouquine. Il n’aurait pas du croire qu’elle n’était qu’une gamine décérébrée, ce n’était pas par ignorance qu’Harley souhaitait opter pour la solution de facilité. « Si non, dans ce cas continue ta rééducation comme prévu. Si tu t’en fiches, alors fais ce que tu veux, mais je ne t’aiderais pas à te détruire. Je te l’ai dit : je ne suis pas un pion dans ton jeu. »

Ses bras se décroisèrent, mais ce ne fut que pour lui permettre de mieux serrer les poings. Elle ferma un instant les yeux, cherchant à rassembler ses pensées, pour ne pas trop aboyer au visage de son camarade qui, au fond, ne cherchait qu’à l’aider. Il ne comprenait pas qu’elle n’attendait pas de lui le type d’aide qu’il se proposait de lui donner. « Allons, Drake, bien entendu que je ne veux pas boiter toute ma vie, qui voudrait finir comme ce pauvre Gold ? » Ses lèvres s’étirèrent, fines et condescendantes. « Tu as bon dos de me faire la morale et de me présenter la rééducation comme la seule solution valable. Je veux bien que tu sois déjà passé par là, mais tu l’avais cherché. » Piquante, Harley haussa les sourcils pour appuyer son propos, reprenant sans perdre un instant : « Les blessures que tu t’es faites dans le cadre de la gym, ça n’était rien à quoi tu ne pouvais t’attendre en te lançant là-dedans. » Elle éclaircissait sa pensée, sous-entendant de manière à peine dissimulée que le lycéen méritait les rééducations qu’il avait dû endurer. « Je me suis fait percuter par une voiture Drake ! » Elle articula en haussant le ton, comme si elle craignait qu’il n’ait pas réaliser sa situation. « Je n’ai pas fait une mauvaise chute ou un mauvais mouvement, un véhicule incontrôlé m’a foncé dessus. » Sa voix commençait à s’affoler, aussi Harley prit-elle un instant pour se reconcentrer, baissant les yeux, clignant lentement des paupières, resserrant ses poings. Lorsqu’elle posa à nouveau ses prunelles grisées sur le gymnaste, il n’y avait plus la moindre trace de supériorité ou de jugement de valeur, et sa voix fut moins sonore, plus épurée, lorsqu’elle confessa : « J’ai beaucoup plus perdu qu’une simple motricité et beaucoup de sang. J’ai perdu un être qui s’était formé en moi, et aussi celui à qui je le devais. » Drake n’avait pas à savoir tout ça, mais Harley devait avoir besoin d’en parler à quelqu’un, si cela lui sortait si facilement. Un sourire sans joie marqua son visage, tandis qu’elle ajoutai à la dérobée : « Ce n’est pas comme si je comptais garder ce truc, ni que je m’attendais à ce que Sven soit différent des hommes de mon entourage… » Le gymnaste connaissait déjà les problèmes que rencontrait Harley avec son père, au moins en surface, sans doute ferait-il le lien. Mais elle n’avait pas encore fini. Ses doigts se joignirent, jouant négligemment, tandis qu’elle fronçait légèrement les sourcils, cherchant à accrocher davantage le regard et la complète attention de son condisciple. « Mais, tu vois, si je peux au moins éviter de souffrir physiquement et de perdre aussi le semblant de vie sociale que j’ai au lycée, j’apprécierais que tu ne me fasses pas obtacle. » Elle ne cherchait pas à atteindre le cœur de Drake pour provoquer une quelconque forme de pitié. Elle voulait simplement lui expliquer ses motivations, afin qu’il ne la juge pas davantage, et qu’il ne lui serve plus jamais ce regard dégoûté. Elle ressentait la précarité de la situation, mais Drake était tout le soutien qu’elle pouvait espérer désormais. Sans lui, elle serait seule.

Allons bon ! Il avait cherché les deux claquages qu’il s’était fait, merci bien. Drake n’en croyais pas ses oreilles. Elle avait du culot pour dire un truc pareil. Ces derniers temps, il y avait des fois où il se demandait comment il faisait pour encore vouloir passer du temps avec elle. Comment il avait pu croire qu’une fille capricieuse comme elle pourrait vraiment l’aider. Surtout quand elle enfonçait encore plus le couteau dans la plaie en parlant du bébé qu’elle avait perdu et surtout de qui était le père. Cette histoire lui laissait encore un arrière-goût de trahison qui n’aurait pas dû être. Il n’était pas lié plus que cela à Harley et même si Sven était un ami, il ne devait rien au gymnaste. Alors pourquoi est-ce qu’il avait l’impression de se faire poignarder dans le dos à chaque fois que le sujet du couple secret arrivait dans la conversation ? Pourquoi est-ce qu’il avait envie de fusiller du regard Sven à chaque fois qu’il le croisait maintenant ? C’était stupide, complètement stupide et immature. Mais, il n’était encore qu’un ado après tout, on pouvait bien lui excuser son comportement encore un peu.

Puis toutes ses interrogations quant aux divers pourquoi entourant le cas Harley s’évaporèrent quand elle annonça sa dernière phrase. Ce n’était pas pour son extrême gentillesse (oui, manquez-vous de vous étouffer), ni son charme naturel ou ses connaissances poussées dans le genre humain, mais simplement pour cette vulnérabilité qu’elle tentait si fort de cacher mais qui faisait pourtant partie d’elle et qui la rendait tellement plus humaine aux yeux de Drake. Cette attendrissante jeune femme qui avait des ambitions et des rêves et qui ne voulait pas se laisser abattre, jamais. N’allez pas croire que cela remettait les compteurs à zéro pour le jeune homme envers sa camarade, mais au moins, il n’avait pas simplement envie de la laisser en plan. Pour tout dire, il n’a jamais eu l’intention de la laisser en plan, il voulait juste qu’elle n’essaye pas de mettre ses chances de rémissions en périls. Alors, avec un soupir presque attendri, il prit le visage de la Watson dans ses mains, ses pouces caressant doucement les joues de cette dernière.

"Tu connais le dicton pourtant : il faut souffrir pour être encore plus belle." Il posa son front contre celui de Harley, tant pis pour ceux qui regardaient, c’était déjà la rumeur qui courrait de toute façon, non ? "Je peux t’aider. Je peux te faire faire des exercices que tu peux faire seule, je peux te faire faire des exercices moi-même…Je veux t’aider. Mais pas comme ça."

Si ça ne suffisait pas à Harley, alors Drake ne saurait quoi faire de plus. Il était prêt à entendre des suggestions, des questions et des idées, mais pas entendre parler de ce genre de choses. Il comprenait mieux les raisons qui poussaient Harley à agir de la sorte, mais ça ne voulait pas dire qu’il allait l’y aider pour autant. Il a vu les ravages que faisaient ce genre de produit sur quelqu’un en parfaite santé, alors sur quelqu’un en rémission d’une blessure grave…Il préférait ne même pas y penser.

Provoquer la pitié était la dernière chose que souhaitait Harley. Mais elle n’avait également aucune envie d’agacer Drake. Elle ne lui faisait pas ces révélations dans le but de le remettre en place, ou de lui balancer l’état de sa vie au visage. Elle se doutait qu’il y avait pire que de se faire abandonner par un homme, mais elle savait également que Drake n’était pas le mieux placé pour entendre ses déclarations. Harley n’avait pas pris en compte les accusations de Sven, concernant un faible qu’aurait le jeune Newlin vis-à-vis d’elle. La rouquine ne le voyait pas comme ça. Elle avait, bien sûr, était troublée par le baiser qu’ils avaient échangés une fois où il était venu prendre un cours de soutien à la maison, mais cela faisait trop longtemps pour qu’il soit encore vivace dans son esprit. Les deux lycéens s’étaient revus de nombreuses fois depuis, avant que la jeune fille ne soit percutée par une voiture. Et leurs séances communes, d’abord de mise à niveau de Drake en matière sociale, puis d’entrainements de gym auxquels s’étaient laissée prendre Harley, s’étaient toujours déroulées dans la plus franche camaraderie. Elle n’était donc pas capable de voir le moindre sentiment amoureux dans les hésitations et les gênes de Drake. Si elle avait pu voir plus loin que le bout de son nez, se serait-elle montrée différente avec lui ? Aurait-elle été moins tyrannique ?

Les prunelles de la rouquine oscillèrent lorsque les mains de Drake encadrèrent son visage. Elle se fichait bien des gens qui l’entouraient, elle ne pouvait pas faire autrement que d’accepter le regard tendre de son condisciple et la caresse de ses pouces contre sa peau. Depuis quand était-elle devenue aussi fragile ? « Tu connais le dicton pourtant : il faut souffrir pour être encore plus belle. » Le front de Drake toucha le sien, rendant Harley irrémédiablement prisonnière de cet étau téméraire. « Je peux t’aider. Je peux te faire faire des exercices que tu peux faire seule, je peux te faire faire des exercices moi-même…Je veux t’aider. Mais pas comme ça. » Harley inspira profondément, posant ses doigts sur le poignet de Drake, tout en se reculant légèrement. La proximité la troublait, même si elle aurait été bien incapable d’en déterminer la raison. Toujours est-il qu’il lui fallait un peu de distance pour rassembler ses esprits. Face au regard et à la tendresse de Drake, elle n’eut cependant pas le choix. « D’accord. » Un éclat désespéré passa dans ses prunelles, tandis qu’elle soupira pour constater sa reddition. Drake avait gagné. Elle ne savait pas si ça avait été ses mots ou ses gestes qui avaient réussi à la convaincre, mais force était de constater qu’il avait réussi à la faire changer d’avis. La jeune Watson n’était pourtant pas facile à manipuler. Elle se targuait même d’être inébranlable. Mais cette voiture lui avait sans doute arraché davantage que du sang et un marmot en formation.

En éloignant son camarade, elle n’avait pas pour autant lâché son poignet, et désormais sa main se trouvait dans le sienne. Son autre main se posa sur la hanche de Drake, et elle rapprocha sensiblement son visage du sien en ajoutant : « J’accepte de faire tous ces exercices super chiants, mais seulement avec toi. » Son bras passa dans le dos de Drake et elle posa simplement le menton sur son épaule, avant de murmurer : « Je n’ai pas le courage d’être toute seule, en ce moment. » Elle ferma les paupières un instant. Harley n’aimait pas faire cet aveu, mais la solitude à laquelle elle s’était toujours si bien prêtée lui pesait désormais. Elle détestait cet état de fait, mais force était de constater qu’elle avait besoin de Drake. Mais il n’était pas pour autant question qu’il profite de son statut supérieur. Elle tourna légèrement la tête, ses lèvres frôlant l’oreille de son camarade. « Mais que ça ne te donne pas d’idées pour profiter d’une pauvre infirme. » Un sourire railleur aux lèvres, elle se détacha parfaitement de Newlin, sans toutefois parvenir à délier ses doigts des siens.

Drake la laissa faire ; attraper son poignet, puis sa main, tout en s’éloignant un peu. Il se laissa totalement faire, telle une marionnette, parce que Harley avait cédé. Elle avait accepté ses conditions, sa façon de faire, alors il faisait ce qu’elle voulait pour le moment. Il lui devait bien ça. Le gymnaste avait toujours été élevé comme cela : une bonne action se devait d’être récompensée. La jeune femme avait fait le choix d’être raisonnable quant à sa guérison, Drake acceptait de rendre le contrôle de son corps à ce que la jeune femme voulait faire, quoi que ce soit. Il ne lui dira cependant pas qu’il était heureux qu’elle l’écoute, ni la façon qu’elle avait de retourner son cerveau quand elle avait tendance à se montrer trop affectueuse avec lui. Car la Harley frondeuse et franche, qui y va franco dont la devise était « ça passe ou ça casse », le gymnaste en avait l’habitude et savait plus ou moins la gérer. Cette Harley, vulnérable, câline, presque tendre…Cette Harley-là, il n’est pas sûr de comment il doit réagir, s’il peut se permettre de se dévoiler lui aussi à elle, sans crainte de voir cet instant utiliser contre lui un peu plus tard…Mais avant la fin de cette réflexion, son cerveau fait un arrêt sur image. Harley qui l’enlace. Ou ce qui s’en approche le plus en dehors de leurs sessions de gym. Car en gym les contacts sont tout, mais en dehors…En dehors ils ne se touchent pas tant que ça. Alors là…Il est surpris.

D’autant plus qu’elle dit n’accepter de faire ses exercices qu’avec lui. D’un côté, ça lui met une pression énorme. D’un autre, il sait au fond de lui qu’il est à la hauteur et il va le lui prouver en lui redonnant sa mobilité aussi vite que possible et en limitant les possible dommages que peut provoquer une pratique trop intensive des exercices de rééducation alors que l’on est en convalescence. En un instant, tout se met en pause. Ses idées pour les exercices, ses pensées, son analyse du moment…Absolument tout se met en pause alors que Harley fait un aveu qui serre le cœur de Drake. C’est pour cela qu’il n’hésite pas une seconde à resserrer sa main sur la sienne en de dire, dans une imitation parfaite du murmure qu’a laissé échapper la jeune femme.

"Tu n’es pas seule." La suite lui tira un immense sourire et presque un rire. Il se frappa le front de sa main valide avant d’annoncer, le ton jovial "Ça ne m’a même pas effleuré l’esprit. Probablement parce que je sais que même infirme tu pourrais me botter les fesses…Or je tiens à mon postérieur."

Il finit de se détacher de Harley, gardant cependant sa main dans la sienne. Soudain il repense à sa blessure et au fait qu’ils sont debout depuis un petit moment déjà. Des fois, Drake se donnerait des baffes. Il est là, à argumenter avec sa camarade alors que celle-ci doit avoir du mal à rester trop longtemps debout.

"Viens, on va s’asseoir un peu, j’ai mes étirements à faire et je ne sais pas si c’est assez intéressant pour que tu restes debout à m’observer."

Il n’avait pas fait allusion à sa blessure, ou à la fatigue qui se lisait légèrement sur son visage si fin. Il avait compris que la forcer à se reposer pour cette raison était une approche à bannir. Alors il avait trouvé une parade…

L’étreinte qu’elle avait imposée à Drake n’en était pas réellement une. Elle avait beau avoir passé un bras dans son dos et posé son menton sur son épaule, elle n’avait pas réellement collé son corps au sien, gardant une distance raisonnable que tous camarades devaient observer entre eux. L’aveu qu’elle lui avait accordé manquait de préméditation, mais Harley ne s’en mordit pas une seconde les doigts. Drake semblait être attentif, elle sentit d’ailleurs ses doigts resserrer leur contact contre l’arête de sa main. « Tu n’es pas seule. » Harley retint un soupir soulagé. Elle n’en attendait pas moins de la part de son condisciple. Depuis qu’ils s’étaient lancés dans leurs cours de soutien d’un genre nouveau, Drake n’avait cessé de l’étonner agréablement, en lui présentant des facettes de sa personnalité qu’elle n’avait jamais soupçonnées jusque-là.

Un sourire avait marqué ses lèvres, lorsqu’elle s’était finalement reculée, après avoir balancé une petite pique de rigueur, nécessaire à détendre l’atmosphère. « Ça ne m’a même pas effleuré l’esprit. Probablement parce que je sais que même infirme tu pourrais me botter les fesses…Or je tiens à mon postérieur. » Harley ne cacha pas son hilarité, un sourire carnassier aux lèvres, et le regard amusé. Elle donna un coup de poing sans conséquence sur l’épaule du jeune homme, ne lâchant toujours pas sa main, lui signifiant qu’elle n’était pas dupe. Mais le fait qu’il la chambre ainsi ne mettait pas Harley en rogne, bien au contraire. Une remarque qu’elle aurait sans doute pris au première degré il y a encore peu de temps, lui donnait désormais envie de rire et de s’en amuser. Elle ne savait pas si c’était sa mentalité qui avait évolué ou s’il s’agissait tout bonnement de sa relation avec Drake. Quoiqu’il en soit, elle aimait la tournure que prenaient les évènements. Si elle n’était pas sûre de Newlin au moment où elle s’était présentée dans le gymnaste, elle avait désormais la sensation qu’il serait un soutien inébranlable à l’avenir.

« Viens, on va s’asseoir un peu, j’ai mes étirements à faire et je ne sais pas si c’est assez intéressant pour que tu restes debout à m’observer. » Harley arqua un sourcil, mais ne songea pas une seule seconde que Drake tentait de la ménager. Elle se laissa attirer par la main jusqu’au premier rang des gradins. Un air serein sur le visage, elle étira légèrement ses jambes, et porta une main à l’endroit où se cachait son pansement sous son top. D’un regard bref, elle constata que son manteau n’avait pas bougé de là où elle l’avait posé. Elle se pencha pour le ramener vers elle, et le posa négligemment sur ses genoux. Il lui permettait ainsi de dissimuler la bosse que faisait son pansement. Finalement, les tenues qu’elle prisait tant jusque-là se révélaient handicapantes désormais, car les hauts trop courts ou ceux qui se portaient simplement près du corps ne lui permettaient pas de faire illusion.

« Où est-ce que tu veux qu’on se retrouve pour faire ces exercices barbants ? » Question technique, qui méritait d’être éclaircie. Mais Harley avait mieux en tête. Rivant un regard pétillant sur Drake, elle haussa légèrement la voix : « On pourra peut-être aller boire un verre dans la foulée, mes parents me laissent enfin sortir depuis l’accident. » Il avait fallu ça, en plus de quitter l’homme qu’ils n’admettaient pas dans les bras de leur fille, pour qu’elle retrouve sa liberté. Harley se garda bien d’évoquer les détails cependant, si Drake souhaitait les connaître, il n’aurait qu’à poser la question. « Promis, ce sera sans alcool pour moi. » Elle avait porté la main à son cœur, faisant mine de prêter serment. Puis ses prunelles s’étaient éclairées d’une lueur sauvage. « Mais toi tu auras intérêt à boire de l’alcool pour deux. » Elle ne doutait pas un instant que Drake n’était pas du genre à verser dans ce type de boisson, conformément au personnage. Mais Harley n’était pas décidée à abandonner le soutien qu’elle était sensée lui prodiguer. « Si tu veux grandir, mon vieux, faut apprendre à tenir l’alcool. » Ses motivations n’étaient pas uniquement « scolaires », elle avait également très envie de voir jusqu’où tiendrait son condisciple. Mais se souvenant soudain de son nouveau crédo, elle s’enquit rapidement : « Et ça n’est pas un nouveau jeu de ma part, rassure-toi. C’est pour ton bien. » Elle sourit innocemment, comme si sa curiosité n’était pas la première intéressée.

Pendant une seconde Drake avait appréhendé la réaction de Harley à sa petite pique sensé, au contraire de se moquer, lui redonner le moral en lui faisant comprendre que, infirme ou pas, il aurait le même soin pour elle. Bien évidemment il serait un peu plus prévenant avec elle pour le moment, comme toute personne sensée ; mais contrairement à la plupart des personnes du lycée qui ne voyaient là qu’un moyen de blesser la fille Watson, le gymnaste n’avait que le bien être de la jeune femme à cœur. Au final, la réaction fut bonne : elle a ri, elle l’a frappé - preuve qu’il avait raison – mais elle a toujours gardé sa main dans la sienne, chose qui lui mit le cœur en joie. Il doutait qu’il ait vraiment une chance, surtout en voyant la compétition en face, mais il ne voulait pas abandonner sans se battre. Quelque part son cerveau s’alarma. Depuis quand Sven était-il devenu de la compétition ? Compétition pour quoi déjà ? L’affection de Harley ? Son corps… ? Cette idée dégoûta Drake au plus profond de lui. Pas l’idée d’une rencontre charnelle avec la jeune femme, ça il admettrait volontiers être partant, mais l’idée de se battre pour simplement un corps, sans préoccupation pour les sentiments. Il ne savait pas les tenants exacts de la relation qui unissait Sven et Harley (et pour être tout à fait honnête ne voulait pas savoir de peur de finir par aller se noyer dans des dizaines et des dizaines de milkshake chocolat chez Granny) mais…Enfin bref. Il effaça ces pensées de sa conscience proche et retourna son attention sur Harley.

Dont il s’était inquiété qu’elle lise dans son petit mensonge et ne lui envoie une réplique cinglante au visage, voir un nouveau coup, bien réel cette fois-ci. Sauf que non. Rien du tout. Elle le suivit docilement jusqu’aux gradins sans broncher, sans un commentaire, pour s’asseoir bien sagement. Dans ce cas, il allait commencer ses étirements de fin d’entrainement. Il aurait pensé rencontrer plus de rébellion et continuer un peu, mais cette alternative avait de très bons côtés, comme Harley qui se repose un peu. S’asseyant par terre, il étendit les jambes et commença à tendre sa main vers son pied gauche gardant la pose quelques secondes avant de faire pareil avec le côté droit. Les quelques filles dans les gradins avaient fini par comprendre que Drake n’aurait plus aucun intérêt pour elles aujourd’hui et se retirèrent vers d’autres endroits et au-delà, alors que la fille Watson posait sa première question. Le gymnaste fit une pause dans ses exercices et fit mine de réfléchir une secondes avant d’annoncer la réponse.

"L’hôpital. Je sais que ça doit être un des endroits que tu fuis en ce moment, mais ils ont l’équipement adéquat. Ca nous facilitera grandement la tâche."

La suite le fit hausser un sourcil et elle dut sentir la remarque qui allait sortir de sa bouche car elle rétorqua tout de suite qu’elle ne prendrait pas d’alcool et il retourna à ses exercices, apaisé par cette réponse…Jusqu’à la prochaine phrase. Il se remit droit si brusquement qu’il en entendit son dos craquer, mais il n’y fit pas attention, ce genre de chose était fréquent. Son visage avait une expression qui hurlait un "Tu plaisantes là, j’espère ?", mais il ne dit rien concrètement, préférant attendre de voir si Harley ajoutait quelque chose ou non. Il a bien fait. Selon elle, ça faisait partie de son apprentissage de la vie. Mouais…A d’autres. Elle lui assurait que ce n’était pas un nouveau jeu et il la croyait, peut-être était-il trop naïf, mais il doutait que ce soit vraiment dans le cadre de leurs "cours".

"A tes risques et périls Harley. Je n’ai jamais été bourré, même si j’ai déjà bu alors si tu te retrouves avec un moi dépressif ou aux mains baladeuses à cause de l’alcool, tu ne pourras t’en prendre qu’à toi-même. On est d’accord ?"

Ce qui était le plus proche d’un "Okay je t’accompagne" qu’elle pourrait obtenir de la part du jeune gymnaste. C’est vrai que la perspective de se retrouver seul avec Harley dans un contexte qui n’aurait, quoi qu’elle puisse en dire, rien de scolaire était une chose qu’il ne pouvait pas refuser…