Introduction Époque du sujet : Actuelle Date du sujet : 24/03 Ordre de passage des participants : Watson & Holmes

Être chirurgien à Storybrooke n’était pas tous les jours une franche partie de rigolade. Même si elle était dépeinte comme une petite ville tranquille du Maine, il ne fallait pas croire que personne ne décédait entre les quatre murs de son hôpital. Un patient dans un état particulièrement inquiétant avait été admis aux urgences dans le courant de la nuit. Mara était restée au bloc plusieurs heures, sans baisser les bras, tentant différents dérivatifs pour le garder en vie, et pouvoir par la suite soigner ses blessures. Malheureusement, son cœur n’avait pas tenu. Après quatre heures de travail acharné, il avait fini par lâcher, laissant l’équipe médicale dans un silence de marbre. Mara n’arrivait pas à croire que ses soins n’avaient servis à rien. Par la suite, il avait fallu annoncer le décès à la famille, et elle n’avait pas eu à mentir en prétendant que le maximum avait été fait pour le sauver. Malheureusement, le pauvre homme était arrivé dans un état trop critique pour que la médecine puisse encore quoique ce soit pour lui. Même si les circonstances dans lesquelles le patient était arrivé disculpaient la chirurgienne qui s’était penchée sur son corps, un bistouri à la main, ça n’en était pas moins un échec retentissant.

Mara n’était pas devenue chirurgienne pour batailler en vain contre la mort, mais pour sauver des vies. Savoir que, quoiqu’elle ait pu tenter, rien n’était en mesure de préserver son patient, n’avait rien de gratifiant. Ça ne faisait que rendre sa rage plus sourde. L’homme avait le corps criblé de blessures qui révélaient les pires sévices. Mara ne pouvait pas imaginer une seconde ce qu’il avait vécu, ni à quelle point ses dernières heures avaient été douloureuses. Tout ce que la médecine lui avait offert, c’était un peu d’anesthésiant et un nouveau charcutage en règle. Mara ne pouvait pas tolérer cette situation. Il fallait qu’elle comprenne pourquoi elle avait perdu son patient, ce qui avait bien pu lui arriver pour que la médecine reste impuissante. Il ne faisait aucun doute dans son esprit que l’homme avait été méchamment torturé avant d’être repéré et conduit directement aux urgences. Il y avait très peu d’informations dans son dossier sur les circonstances de son admission, aussi Mara avait dû aller les chercher à la source : au commissariat. Bien sûr, la chirurgienne n’agissait pas uniquement par curiosité professionnelle. Passée la rage qui s’était emparée d’elle suite au constat de son impuissance, une inquiétude grandissante lui avait martelé le crâne. Les traces de sévices qui couvraient le corps du défunt ne s’apparentait en rien à des blessures accidentelles ou à une quelconque forme de scarification volontaire. Un tortionnaire arpentait donc les rues de Storybrooke en toute impunité. Mais Mara aurait été incapable d’émettre le moindre jugement sans plus d’éléments. Elle ne connaissait, après tout, aucun habitant capable de commettre des actes aussi affreux.

Elle avait fait part de ses inquiétudes au nouveau shérif, mais très vite elle avait été priée de rentrer chez elle. Selon Emma Swann, « aucun élément concluant ne permettait de douter de la présence d’un tel tortionnaire à Storybrooke » et, pour l’affaire en question, elle lui opposa purement et simplement le « secret professionnel ». Elle devait se douter de la taille de cet argument face à un médecin, et Mara ne fut donc plus en mesure d’insister. Elle comptait rentrer bredouille jusqu’à chez-elle, lorsque une idée lui traversa l’esprit alors qu’elle longeait le bâtiment qui abritait le cabinet du Dr Hopper. Le psychologue était sans doute le praticien avec lequel elle appréciait le plus discuter et échanger le fruit de ses recherches. Elle savait qu’il écouterait ce qu’elle avait à dire, et qu’il lui viendrait en aide dans la mesure du possible. Elle se martela donc les phalanges contre sa porte, comme empressée par une urgence toute relative. Mara était ainsi, pleine de vie et d’entrain, aucune épine ne restait longtemps enfoncée dans sa peau. Mais celle-ci s’annonçait plus délicate à retirer. La porte s’ouvrit, surprenant la chirurgienne qui perdit légèrement l’équilibre. Ce fut néanmoins avec une grâce naturelle qu’elle se redressa, et riva de grands yeux bouleversés vers son collègue et ami, Archie Hopper.

« Dr Hopper ! Archie, j’ai besoin de votre aide pour une affaire de la plus haute importance! » Elle rassembla ses pensées et reprit son souffle, ne lâchant plus des yeux l’homme qui la surplombait.

Dire que Mara était bouleversée constituait un doux euphémisme. Elle était tétanisée à l’idée qu’un tortionnaire, probablement même un tueur, arpentait les rues de Storybrooke en toute impunité. La chirurgienne ne pouvait pas comprendre quels motifs pouvaient pousser un homme à torturer un autre être humain. Parce qu’elle avait fait le choix de sauver des vies, de faire de sa recherche inébranlable de la paix et de la santé une vocation, Mara ne pouvait pas imaginer les motivations du monstre qui évoluait dans sa propre ville. Le patient qu’elle avait eu sous son bistouri lui avait pourtant fourni des indices probants. Et parce que le nouveau Shérif semblait plus occupée par des affaires d’autorité parentale que par les révélations alarmées et alarmantes que Mara lui avait faite, la jeune femme avait décidé de prendre les choses en main. Elle ne pouvait pas agir seule, par manque de moyens et de sécurité. Archie Hopper avait été la première personne vers laquelle ses pensées s’étaient tournées. Le fait qu’elle passait précisément devant son cabinet avait certainement joué également. Quoiqu’il en soit, du moment où elle avait frappé à sa porte et qu’il avait ouvert, il s’était retrouvé immédiatement investi de l’affaire Cadwell.

« Même si j’avais voulu vous accuser de mentir, le fait que vous ne sachiez même plus comment m’appeler me paraît prouver que l’affaire est effectivement d’importance. » Elle avait haussé les sourcils, ne sachant pas réellement quoi répondre à ça, sans doute encore trop interloquée pour avoir une répartie utile. « Enfin, je suppose que vous n’êtes pas venue me voir comme si c’était la fin du monde pour que je vous donne un cours sur les actes manqués… Entrez donc, je vous en prie. » Mara se fendit d’un sourire soulagé, puis elle suivit le psychologue sans ajouter un mot. Le regard de la jeune femme se posa très rapidement sur Pongo. La chirurgienne n’avait aucun problème avec les animaux et, si l’heure était grave, et qu’Archie l’invitait déjà à s’assoir, elle trouva bon de faire un léger détour pour gratifier le chien d’une caresse affectueuse. Elle ne s’attarda pas davantage, cherchant simplement à saluer l’animal comme elle pouvait le faire pour ses homologues humains. Puis Mara prit finalement place dans un fauteuil, face à celui que l’homme s’attitrait par excellence. Ce n’était pas la première fois qu’elle venait, et même si elle n’avait jamais eu le plaisir de participer à une réelle consultation du psychologue, Mara avait pris ses marques durant leurs entretiens très professionnels et cultivés. Le Dr Hopper revint avec deux tasses de thé qui paraissaient fumantes. Il les disposa sur une petite table basse, mais la jeune femme ne se précipita pas dessus. Si Archie savait comment mettre à l’aise ses visiteurs, elle n’était pas venue pour échanger des platitudes autour d’un thé. Une affaires urgente requérait l’attention des deux docteurs, et Mara fut heureuse d’entendre son homologue s'en enquérir.

« Je vous écoute, que vous est-il arrivé ? De quelle affaire de la plus haute importance me parlez-vous et surtout… En quoi puis-je vous aider ? Si je puis être d’une quelconque utilité ce sera avec grand plaisir, bien entendu… »

Plusieurs inspirations et expirations lui furent nécessaires. Puis elle parvint à se composer une voix claire pour annoncer : «Vous devez me promettre de ne rien dire, mon ami. » Le secret professionnel était en jeu actuellement, mais Mara n’attendit pas réellement que l’homme la confirme : «J’ai perdu un patient, qui avait énormément de traces de sévices. Je suis persuadée qu’il s’agit d’actes de torture, l’homme était déjà presque mort lorsqu’il a été admis aux urgences. Vous savez à quel point je suis rationaliste, Archie, à quel point j’ai la passion de la science. Mais je ne veux pas croire au hasard, cet homme n’est pas arrivé sur ma table d’opération par hasard. » Elle se répétait, mais cela ne faisait que prouver son état de nervosité. Pourtant elle tâchait de maîtriser son ton. Ses doigts se refermèrent sur la anse de la tasse que le Dr Hopper lui avait cordialement apportée. Et si elle la leva jusqu’à son menton, elle suspendit là son geste. Les yeux rivés sur son condisciple, elle ajouta : «Je suis allée jusqu’au commissariat, parler au Shérif Swan de mon étrange découverte. Malheureusement, elle m’a opposé le secret professionnel, et m’a assuré que je n’avais rien à craindre, qu’elle avait fait le nécessaire concernant cette enquête. » Elle se pencha légèrement en avant, reposant dans le même temps la tasse dont elle n’avait même pas daigné touché le contenu. «Je n’ai pas entendu parler d’un tortionnaire que l’on aurait arrêté pourtant. L’homme court toujours. Storybrooke est en danger si personne ne lève le petit doigt. » Son débit était particulièrement impressionnant. Elle ne s’arrêta que pour soutenir plus intensément le regard d’Archie. «Mais je ne sais pas ce que je peux faire de plus. J’ai besoin de vous pour le découvrir … et m’aider à agir. » Sa voix avait perdu en véhémence sur ces derniers mots, elle ses prunelles brillaient, pleine d’espoirs, à l’intention du psychologue.