La calme m’envahissait alors que j’étais installé à quelques centimètres de Rosalyn. La sociabilité n’était pas mon fort, mais les habitants de Storybrooke en attendaient beaucoup d’un jeune homme de ma trempe. Afin de ne décevoir personne, mais pour éviter de m’engager sur un chemin qui n’était pas fait pour moi, j’avais pris le parti de me taire. Trop souvent, les gens négligeaient le bénéfice d’un bon silence. Lorsque je ne savais pas quoi répondre, ou qu’aucune formule correcte ne me permettait de présenter ma pensée, je me murais dans un silence serein, que mes interlocuteurs pouvaient bien analyser à leur manière. Je n’étais pas un beau parleur, malgré mon physique, je n’avais jamais été de ceux qui mettaient n’importe quelle fille dans leur lit. Contrairement à un bon ami à moi, j’étais incapable de souffler sur les braises pour enflammer quiconque. Je devais reconnaître que, la plupart du temps, je n’avais pas à dire un mot pour mettre les femmes en émoi, mon second job suffisant à échauffer les esprits et à libérer les mœurs. Mais je n’étais pas pour autant à l’aise avec les réactions que je provoquais. Je détestais profiter de mon métier de cette manière, et les rares conquêtes que j’avais faites n’étaient dues qu’à mon charme naturel ainsi qu’à une bonne dose de chance.

« Tu peux parler tu sais. C’est assez triste de rester là sans dire un mot. » Ces mots coupèrent court à mes pensées, et mon regard clair retrouva le chemin du visage de Rosalyn. Le silence était d’or, mais cette maxime ne semblait pas convenir aux exigences de la jeune femme. Avec un sourire absent, je finis par articuler : « Je ne suis pas très doué pour les banalités. Et tu t’en sors très bien dans le calme. » Tout en parlant, j’avais jeté un coup d’œil au bouquet qui se préparait sous mes yeux. Les mains de Rosalyn étaient habile, les fleurs glissaient entre ses doigts pour prendre exactement la place et l’allure qu’elle souhaitait leur donner. Je ne connaissais rien de cet art, mais mon regard de novice était tout à fait apte à comprendre que ma collègue y excellait. Comment pouvais-je parler alors qu’elle réalisait sous mes yeux ce qui tenait à l’exploit pour moi ? Je n’avais jamais vu de bouquet sous cet angle-là, et je n’avais jamais perdu de temps à me questionner sur leur conception. Je ne pouvais que rester muet face à la claque que Rosalyn me mettait. Il fallait définitivement qu’elle se concentre sur cette activité-là, plutôt que de perdre du temps à aider son père. Mes prunelles se posèrent sur le visage de cette jeune femme aux cheveux d’or, et je me surpris à l’admirer, à scruter la lueur qui brillait dans ses prunelles alors qu’elle officiait. L’image qu’il m’était donné de contempler suffisait à faire naître un sourire indéchiffrable sur mes lèvres. Une solidarité étrange me liait à elle, tandis qu’elle semblait avoir oublié jusqu’à ma présence. Je l’observais presque à son insu, la dévisageant comme si j’avais sous les yeux un trésor insoupçonné. Et cet état de fait trouvait un étrange écho dans mon être, comme si ça n’était pas la première fois que je me retrouvais à lorgner ainsi Rosalyn. Pourtant, je ne me souvenais pas d’avoir jamais ainsi bloqué sur elle.

« Et voilà ! » Sa voix me dévia à nouveau de mes pensées, et de l’objet de toute mon attention, pour attirer mon regard sur la composition qu’elle faisait tourner entre ses doigts. « J’espère que ça te plait. Je peux changer des fleurs, en enlever ou en rajouter si tu veux. Si quelque chose te déplait, n’hésite surtout pas à me le dire. » Comment aurais-je pu ? Je n’étais pas devenu expert en bouquets depuis mes derniers aveux, et j’aurais eu du mal à reprocher quoi que ce soit à la merveilleuse composition qui avait pris forme sous mes yeux. « C’est parfait. » Mon ton n’était pas surfait, et ma voix m’avait paru à peine audible, preuve de la sobriété de ma déclaration. Je ne cherchais pas à flatter Rosalyn. Elle l’avait mérité, ça ne faisait aucun doute, mais je ne pouvais guère prononcer le moindre compliment sans que mon manque de tact et de délicatesse ne fasse passer mes pensées à l’origine positives pour un ramassis de reproches.

Rassemblant le calme que m’inspirait la présence de Rosalyn, je portai une main au bouquet. « Mes parents n’auront jamais reçu un aussi joli hommage. » Mes doigts effleurèrent par inadvertance ceux de la jeune femme, mais je ne me laissai pas surprendre, rivant un regard sensible vers elle. « J’aurais préféré qu’on partage ce moment dans d’autres circonstances. » Je ne voulais pas que mes paroles s’achèvent sur une note amère, aussi ajoutai-je avec entrain : « Il faudra qu’on se revoit en dehors du boulot à l’occasion. » Mes lèvres s’étirèrent légèrement, sans faux semblant ni tentative de charme d’aucune sorte. Même si l’objet de ma visite n’avait rien de réjouissant, Rosalyn était parvenue à me faire passer un très bon moment. Je n’arrivais pas à me sentir coupable de lui avoir volé un peu de son temps, ni d’avoir remis à plus tard la floraison de la tombe Stevens pour profiter de sa compagnie. Je ne croyais pas au destin, pourtant je ressentais ce moment partagé avec la fille Fleming comme naturel, presque prédestiné. Je dus me faire violence pour reléguer cette pensée dans un coin sûr de mon cerveau, ainsi que pour retirer ma main du bouquet et des doigts de Rosalyn. Je me levai déjà lorsque je pris sur moi pour faire preuve de tact. « Si ça te dit bien sûr. » Cette fois mon sourire s’épanouit, et je me décalai pour pouvoir saisir ma chaise et la remettre à sa place d’origine.

« Je ne suis pas très doué pour les banalités. Et tu t’en sors très bien dans le calme. » Je me sentie flattée par ce compliment malgré moi. J’aimais mon métier, cette activité me mettait en joie et j’étais toujours contente de me rendre à mon travail sachant que j’y ferais ce qu’il me plaisait, mais aimer faire quelque chose et être douée étaient deux choses différentes, de ce fait, les paroles de Micah qui n’était pas si expressif que ça en temps normal me touchaient.

Une fois ma tâche accomplie, je lui proposais des changements si cela lui plaisait. Je trouvais le bouquet charmant en soi, mais il pouvait ne pas complètement plaire à Micah, après tout les goûts et les couleurs ne se discutaient pas. Il fallait savoir s’adapter à la demande et ne pas se fixer sur sa propre idée, même si elle nous semblait être la meilleure parfois. Il fallait faire plaisir au client et non lui imposer ses propres choix.

« C’est parfait. » Un sourire illumina mon visage, heureuse d’avoir accomplie un travail qui lui plaisait réellement. « Mes parents n’auront jamais reçu un aussi joli hommage. » Tandis qu’il portait une main au bouquet, nos doigts se touchèrent sans que cela ne semble être calculé, puis nos regards se croisèrent. Le siens était emplie de sensibilité ce qui me toucha directement en plein cœur. « J’aurais préféré qu’on partage ce moment dans d’autres circonstances. » Moi aussi. J’avais apprécié cet instant et il me paraissait étrangement plus important qu’il ne semblait de prime abord.

« Il faudra qu’on se revoit en dehors du boulot à l’occasion. » Il semblait déjà plus joyeux dans ses propos et j’acquiesçais doucement d’un hochement de tête. Cela me ferait plaisir de pouvoir passer un peu de temps avec Micah. C’était un jeune homme charmant et sympathique après tout et j’appréciais sa compagnie. La chaleur de ses doigts quitta doucement ma main ne me laissant plus qu’une impression de faible picotement alors qu’il se levait, délaissant son siège. « Si ça te dit bien sûr. » « Bien sûr ! » J’avais mis un peu trop de force dans mon affirmation, comme si j’y tenais plus que de raison, aussi j’essayais de me reprendre plus doucement pour la suite. « Sam organise une soirée chez lui demain soir, si tu y vas, on se verra là bas. » Notre collègue fêtait son anniversaire et il avait décidé d’invité pas mal de monde pensant que plus il y aurait de personne, plus la fête battrait son plein.

La sonnette de la porte d’entrée retentie tout d’un coup, m’obligeant à délaisser Micah quelques instants. Une cliente venait d’entrer et en bonne vendeuse que j’étais, je lui proposais mes services. Elle regarda quelques compositions avant de me demander de lui en créer une en prenant exemple sur deux différentes, elle voulait un mélange, ce qui était tout à fait faisable, mais cela m’obligeait à m’y mettre rapidement car elle désirait être livrée dans l’après midi, ce qui me forçait à laisser Micah de côté et donc, probablement de le voir partir.