26 Février ▬ Andrew était toujours malade. Julianne s'occupait de lui, Granny faisait toujours apporter des repas - ce qui était adorable de sa part - mais toujours pas de Jamie. Le jeune cuisinier passait son temps à regarder la télévision, écouter un peu de musique, lire le journal, lire un bouquin. Julianne parlait souvent, il écoutait.

5 Mars ▬ Tout allait beaucoup mieux. Andrew n'était plus malade et commençait à enfin pouvoir reprendre le travail. Jamie n'avait toujours pas donné signe de vie et il n'osait pas demander des renseignements à Julianne sur son compte. Elle ne savait peut-être pas qu'ils étaient amis. Andrew ne lui avait jamais parlé du journaliste, elle non plus. Au restaurant, pas de Jamie non plus. Le jeune homme commençait à s'inquiéter. Et s'il lui avait refilé son virus ? Andrew profita d'une pause pour téléphoner, dans l'espoir de tomber sur son ami. À la place, ce fut la boîte vocale qui retentit et le cuisinier laissa un simple message. « Jamie, euh... c'est Andrew. J'espère que tu vas bien. Pour ma part... ça va beaucoup mieux. N'hésite pas à appeler au besoin. À plus. » Il soupira, appuya sur la touche de fin d'appel et reprit son travail.

13 Mars ▬ Toujours pas de Jamie. Que lui arrivait-il ? Avait-il reçu son appel ? Andrew tenta de l'appeler mais ce fut encore et toujours la boîte vocale. Ce n'était pas normal. Il ne pouvait même pas se rendre à son domicile, il ne savait pas où son ami vivait. Et puis, il y avait Vera. Que penserait-il d'une telle visite ? Andrew ne pouvait pas se permettre de débarquer sans prévenir, surtout que Jamie ne daignait pas décrocher son téléphone. Le journal était une seconde solution mais là encore, il y avait Julianne. Était-il maudit ? Que se passait-il avec Jamie pour qu'il soit aussi silencieux ? Depuis qu'il s'était réveillé alors que Jamie veillait sur lui, plus rien n'était comme avant. Andrew commençait à croire qu'il l'avait insulté sans le vouloir dans son sommeil.

20 Mars ▬ Andrew était en plein travail. Une grosse journée chez Granny. De quoi lui changer les idées, après ces nombreux jours passés à veiller devant le téléphone et à fumer comme un pompier. L'inquiétude l'avait rongé tous ces jours derniers et il en venait à se demander si Jamie n'avait pas quitté la ville. Qui sait, peut-être avait-il eu l'opportunité de se rendre à New-York, dans une sorte de stage journalistique.
Lorsque son téléphone portable se mit à vibrer sur une des petites tables de la cuisine, Andrew se jeta dessus, oubliant la préparation d'un plat complexe à réaliser. Il retira expressément ses gants en plastique et lut le message qu'il venait de recevoir. "J'ai trouvé un nouveau coin à champignons dans la forêt, tu veux qu’on aille y jeter un œil ? Si oui, RDV à 17h à l’orée de la forêt". ENFIN ! Andrew eut un petit rire et répondit rapidement à ce message, avec un simple "Entendu, j'y serai". Ses collègues lancèrent de drôles de regards en sa direction et pensaient même qu'il avait gagné à un jeu ou quelque chose dans le genre.

Lorsqu'il fut quinze heure, Andrew se hâta de quitter le restaurant. Direction son studio, le temps de prendre une douche et de s'habiller. Il avait mis un costume. Oui, c'était ridicule mais Andrew ne se voyait pas en jeans, même pour aller ramasser des champignons. Il aimait ce style et l'adoptait à n'importe quelle occasion. Ce n'était pas un costume de soirée après tout. Un coup de peigne, un dernier regard sur sa tenue et le voilà parti pour rejoindre Jamie dans la forêt de Storybrooke.

Dix-sept heures moins le quart. Andrew faisait les cent pas devant sa voiture, phares allumés. La pénombre commençait à s'installer et il ne voulait pas se retrouver dans le noir. Présent ici depuis une bonne dizaine de minutes, il ne cessait de regarder sa montre. Jamie allait venir, il devait se calmer. Le journaliste n'avait quand même pas envoyé un message dans le vent. Il allait venir. Alors, pour s'occuper, le jeune homme sortit une cigarette. Oui, il fumait de plus en plus. Même si Jamie venait de donner signe de vie, il n'était pas encore face à lui. Le stress poussa donc Andrew à consommer ce petit bâton dit cancérigène en attendant.

Enfin, deux phares apparurent au loin. Un sourire se dessina sur le visage du cuisinier et ses yeux commencèrent à retrouver leur étincelle. Mais plus la voiture avançait, plus l'expression faciale d'Andrew changea. Ce n'était pas Jamie dans le véhicule qui approchait mais Vera. Que faisait-elle ici !? Sauf s'ils avaient été amis sans qu'il le sache, Andrew était sûr qu'elle ne voulait pas cueillir des champignons avec lui. Quelque chose n'allait pas dans cette histoire et il se redressa, retirant ses mains du capot de sa voiture. Rapidement, la femme de Jamie sortit du véhicule. Le visage d'Andrew affichait une mine étonné. Il tenta un regard vers la voiture mais ne vit aucune autre silhouette. Jamie n'était pas là.

Sans plus attendre, Vera répondit aux interrogations intérieures d'Andrew. C'était donc elle qui avait envoyé le message et non son époux. Elle savait qu'il s'attendait à l'arrivée de Jamie et non à la sienne. Logique. Il entreprit donc d'avancer vers elle et ne fit qu'un micro mouvement lorsque Vera sortit soudainement une arme et le pointa vers lui. Par réflexe, il leva les mains. Était-elle devenue folle ? Andrew ne saurait trop réfléchir. Ses sens étaient en alerte et il ne parvenait pas à penser à autre chose qu'à la mort. Il ne voulait pas se faire tuer dans une forêt par une psychopathe sans raison. Avait-elle aussi tué Jamie ? Oui, Andrew eut cette hypothèse, aussi stupide soit-elle. Peut-être que sa femme n'avait pas supporté le fait qu'ils soient amis, qui sait. Vera commença donc à forcer Andrew à se déplacer. Avait-il le choix ? Il se voyait mal fuir et se faire tirer dans le dos. S'il devait mourir, autant en connaître les raisons avant.

Après quelques minutes de marche, Vera décida qu'il était temps d'arrêter. Andrew stoppa net, tournant le dos à celle qui le menaçait. Elle lui tourna autour et il ne put s'empêcher de l'observer, lui aussi. Qu'est-ce que Jamie avait-il bien pu lui trouver ? La méchanceté se lisait sur son visage, dans ses yeux, dans ses manières. Tel un prédateur autour de sa proie, elle ne lâcha pas Andrew du regard et eut un sourire mauvais. Le jeune homme pouvait sentir son cœur battre dans ses oreilles. Il avait peur. Il était terrorisé et personne ne pourrait l'aider. Vera s'arrêta enfin devant lui, fixant son regard glacé dans le sien. Un frisson de crainte parcourut Andrew alors que la femme de Jamie commença à parler. Aussitôt eut-elle finit de dire au jeune homme qu'il pervertissait son mari qu'elle leva la main sur lui. Sa gifle fut rapide et douloureuse. Andrew eut du mal à rassembler les informations que son cerveau venait de recevoir. Vera continua ses accusations tout comme ses coups. Ses bagues griffèrent le visage du jeune homme qui commençait à saigner à l'arcade, sur la joue.

Il ne comprenait pas. Il avait envie de pleurer. Sincèrement. La peur l'envahissait autant que les questions dans son esprit. Il était en face d'une femme qui avait perdu toute notion de réalité, toute notion de rationalité. Le visage en sang - car mine de rien, les bagues laissent de belles coupures - Andrew relève le visage et profite du calme pour prendre la parole. « Je... de quoi... » Sa voix était saccadée. Il n'arrivait pas à parler correctement et n'arrivait plus à être logique. Son esprit était bien trop sous pression. « Je ne comprends pas de quoi vous parlez... » ce fut tout ce qu'il put dire et ce fut tout ce qu'il eut à dire. Que dire d'autre ? Il n'avait aucune idée de ce dont-elle parlait. Il tenta alors le sarcasme, malgré la situation. Peut-être allait-elle arrêter. « Si c'est pour les cours de cuisine... je ne pense pas que le fait qu'il mange des desserts ne pervertisse votre mari... » Et bien oui, peut-être avait-elle peur qu'il ait des poignets d'amour à force de manger des cookies. Peut-être était-elle furieuse que Andrew empêche son mari de s'affamer ?

Oui, il avait osé le sarcasme, mais quoi dire d'autre ? Il ne comprenait pas ce qu'il se passait. Elle avait beau l'accuser de perversion, à part les cours de cuisine où il avait appris à Jamie à faire des cookies, Andrew ne voyait pas ce qu'elle pouvait lui reprocher. Après tout, à quoi s'attendre avec une femme qui vous entraîne dans une forêt, vous pointe une arme dessus et vous gifle au point de vous faire saigner le visage ? Le jeune cuisinier pensait vraiment avoir réveillé sa colère à cause des nouvelles habitudes alimentaires de Jamie. Vraiment. Il n'avait pas l'esprit à réfléchir plus. Le dîner était aussi une option, mais qu'en savait-elle ? À moins que Jamie lui ait parlé de cette soirée où ils s'étaient amusés, où ils avaient dansés et où ils s'étaient tenus la main. Mais de là à parler de perversion, il y avait des limites. Alors, de ce fait, autant continuer dans l'absurde et demander clairement à Vera si elle l'accusait d'avoir donné des cours de cuisine. Son insolence ne plut pas. Vera lui attrapa les cheveux avec hystérie, ses ongles griffant au passage son cuir chevelu, et le força à pencher la tête en arrière. Andrew eut un gémissement de douleur mais se força à ne pas hurler, malgré la douleur. Il ne voulait pas donner cette satisfaction à la femme de Jamie qui avait décidé de le faire souffrir par tous les moyens.

Elle le traita alors de morveux et lui reprocha son attitude. Elle était armée, certes, mais Andrew s'était senti dans le besoin de lui lancer cette phrase. Peut-être allait-elle finir par comprendre qu'il n'avait aucune idée de ce dont-elle parlait. À moins qu'elle lise ses pensées et sache qu'il soit attiré par son époux, elle n'avait aucune preuve contre lui pour l'accuser. Elle lâcha finalement sa prise mais Andrew avait encore l'impression de sentir ses doigts dans ses cheveux et porta une main sur sa tête, comme s'il pouvait apaiser la douleur. C'est alors que Vera demanda au jeune homme s'il savait comment elle et Jamie étaient devenus mari et femme. Andrew n'en avait rien à faire et fronça les sourcils, interloqué une nouvelle fois. Pourquoi lui racontait-elle toute cette histoire ? Allait-elle lui dire qu'elle avait réussi à faire manger des fruits et des légumes à Jamie alors qu'il était habitués aux plats préparés industriel ? Son esprit conservait une part de ridicule malgré la peur qu'il pouvait ressentir face à Vera. Il ne la connaissait pas, qui sait de quoi elle était capable ? Mais elle ne parla pas de cuisine, non. Elle commença à lui décrire sa rencontre avec Jamie. Quelque part, Andrew ne voulait pas entendre ce récit. Il n'avait pas envie de savoir comment le journaliste était tombé amoureux d'elle ni comment ils avaient fini mariés. Pourtant, il fut attentif aux paroles de Vera. Elle le décrivait comme un prince qui était arrivé sur son cheval blanc pour la sauver de la misère. Oui, c'était une belle histoire. Andrew aurait pu s'en vouloir, mais il ne savait toujours pas pourquoi Vera était dans un tel état et demeurait totalement interdit.

Enfin, elle en eut fini avec son histoire digne d'un conte de fée. Le jeune homme allait parler lorsque Vera s'approcha de lui et posa une main sur son épaule, appuyant à un endroit qui le fit atrocement souffrir. Là, il ne put retenir un hurlement de douleur et tomba à terre. Andrew avait l'impression qu'on lui arrachait le bras. Une larme de souffrance perla sur sa joue, se frayant un chemin par dessus les traces de sang séchés. Ses yeux rivés sur le sol, il écoutait les nouvelles questions de Vera qui semblaient de plus en plus étranges. Lui voler son mari ? Était-elle ce genre de femme qui voulait priver son époux d'amis ? Ce serait logique, Andrew n'avait jamais vu Jamie avant qu'il ne débarque quelques mois plus tôt au restaurant. Et Vera continua son interrogatoire, lançant au jeune homme qu'il n'était pas un cas assez désespéré pour intéresser son époux. Puis, elle lui demanda son âge, essayant de deviner par la même occasion en délivrant deux chiffres au hasard. Finalement, Vera retira sa main de l'épaule d'Andrew et il mit un moment à retrouver ses esprits. « Qu'est-ce que ça peut vous faire ? ... Je ne vous vole pas votre mari... je ne... je ne sais pas de quoi vous parlez... » Il devait se défendre, dire la vérité. S'il aurait tenté de draguer Jamie, d'accord, il aurait pu se sentir mal à l'aise mais ce n'était pas le cas. Le flirt du dîner ne comptait pas, il avait trop bu cette fois-là. « Laissez-moi partir... » Il leva les yeux vers elle, suppliant, alors qu'une nouvelle larme coula sur sa joue. Ce n'était pas dans ses habitudes de pleurer mais la douleur mêlée à la peur le rendait plus que pitoyable.

Toujours à terre, les genoux contre le sol, Andrew porta une main à son épaule encore douloureuse. Il savait que Vera allait encore le frapper, mais qu'importe. Ce n'est pas comme s'il ne s'y attendait pas. Il vit donc la main de cette femme se lever, se préparant psychologiquement à accuser le coup. Il ferma les yeux, persuadé qu'elle s'en prendrait à son visage une fois de plus. Puis, plus rien. Hésitait-elle à le frapper ? Andrew entendit alors une voix familière qui lui fit rouvrir les yeux. C'était Jamie. Il était là et tenait le poignet de son épouse. Andrew ne saurait dire comment il se sentait actuellement. Pourtant, il restait au sol et n'affichait aucune joie. Il n'était pas soulagé de la présence de Jamie au point d'en sourire. La peur était encore présente mais il fut rassuré. Le journaliste demanda à sa femme de laisser Andrew tranquille et de se reculer. Ce ne fut que lorsque celle-ci s'éloigna que le jeune homme put soupirer de soulagement. C'était fini. Du moins, c'est ce qu'il pensait.

Jamie se dépêcha de s'accroupir pour apporter son aide à Andrew qui ne bougeait toujours pas. Il était abasourdi par toute cette histoire et tentait de comprendre. Il sentit alors quelque chose contre sa joue et eut un mouvement de recul, avant de réaliser que c'était qui nettoyait le sang sur son visage. Vera se mit alors à rire. Andrew lui lança un regard alors que Jamie l'aidait à se relever. Bien vite, la femme de ce dernier justifia son attitude. Elle semblait jalouse de l'attention que portait son époux au jeune homme. Peut-être Andrew n'aurait-il pas dû prendre appuie sur Jamie, mais il n'avait pas la force de rester debout. Il n'avait même plus le courage de parler et voulait partir loin d'ici. Le journaliste se défendit en signalant à son épouse que contrairement à elle, Andrew était blessé. Peut-être que Vera allait enfin s'expliquer quant à son comportement maintenant que son mari était ici.

La situation commençait vraiment à être très étrange. Andrew avait même l'impression de se retrouver dans un mauvais rêve. Vera était armée, furieuse. Le jeune homme commençait à croire qu'elle les avait espionné. Peut-être avait-elle pensé que Jamie venait chez lui pour prendre du bon temps. Qui sait, après tout, ce qu'il y avait dans l'esprit de cette femme. Andrew l'observait toujours et n'osait pas détacher son regard de sa silhouette. Par moment, il baissait ses yeux pour voir l'arme que Vera tenait fermement dans sa main. Il avait peur qu'un coup parte sans prévenir. Dans ce genre de situation, on ne peut guère imaginer un autre scénario. Vera semblait totalement déséquilibrée. Andrew ne connaissait pas son passé ni son caractère par cœur. Il ne savait pas si elle était du genre à se faire des idées sur un tout petit détail, si elle était dépressive ou non. Jamie l'avait-il déjà trompé ? Andrew avait du mal à s'imaginer que oui, même avec une telle femme. Comment apprécier quelqu'un qui vous traîne dans une forêt pour vous torturer ?

Vera reprit la parole, contre toute attente. Là encore, Andrew était totalement perdu. Quel baiser volé ? Il lança un regard à Jamie. Au début, il pensait qu'ils s'étaient embrassés durant la soirée. Il avait tellement bu de vin que ce moment lui avait peut-être échappé, aussi important aurait-il pu être pour le jeune homme. Puis, il comprit que Jamie l'avait fait durant son sommeil. Andrew n'avait donc pas rêvé en ayant senti un contact contre ses lèvres cette fois-là. Mais rapidement, le journaliste démentit cette accusation. Vera était campée sur ses positions et voulait que son époux admette que cette histoire était bien vraie. Alors, elle n'eut pas d'autre choix que d'employer les grands moyens. Elle sortit de son sac un carnet qui, d'après ce que Andrew en concluait, contenait une partie de ce que Vera disait. Jamie avait écrit ses actes sur papiers et sa femme l'avait découvert. Et voilà. Maintenant, ils étaient tous les trois dans une forêt et le cuisinier assistait malgré lui à une scène de ménage doublée de révélations le concernant. Il avait été accusé d'avoir perverti Jamie et désormais, Andrew comprenait pourquoi.

Vera comprit enfin que le jeune homme disait vrai quelques minutes auparavant. Il ne savait pas. Ce n'était plus le cas désormais. Il commençait à apprendre les raisons de sa présence ici, devant les délectations d'une femme armée. Cette attitude ne plaisait plus à Jamie qui se saisit de la main d'Andrew pour l'éloigner, le forcer à le suivre. Ce dernier se laissa entraîner, n'ayant pas vraiment la force de faire quoi que ce soit d'autre. Il ne pensait même pas à ce qu'avait pu dire Vera quelques secondes plus tôt, concernant ce fameux baiser volé. Il voulait partir le plus vite possible, s'enfermer chez lui et ne plus sortir. Un coup de feu retentit alors et il eut un sursaut de crainte. Immédiatement, il porta son attention sur Jamie mais ce dernier ne semblait pas touché. En se tournant, il comprit que Vera n'avait visé personne. Elle avait le bras levé en l'air, un doigt sur la gâchette de son arme qui fumait encore.

La femme de Jamie avait encore des secrets à révéler, des secrets qui ne lui appartenaient pas. Le dîner revint sur le tapis. Vera citait une partie des confidences que son époux avait écrit. Le cœur de Andrew ratait un battement. Malgré la situation, le jeune homme se rendait compte que Jamie et lui avaient réellement partagé un moment spécial ce soir-là. Il n'était donc pas le seul à penser à l'autre. Si Vera comptait l'effrayer Andrew avec ces quelques lignes, alors c'était raté. Bien évidemment, il aurait peut-être préféré l'apprendre dans un tout autre contexte, bien plus calme que celui de la femme hors d'elle qui était prête à tirer sur l'un des deux. Et Vera n'en avait pas terminé. D'après elle, ce n'était qu'un avant goût de ce que contenait le carnet de Jamie. Andrew eut l'impression d'être en face d'une nouvelle Harley qui menaçait de divulguer des informations croustillantes. Au moins, miss Watson n'avait pas apporté un flingue. Il avança alors, n'ayant plus tellement peur de recevoir une balle ou non. Il devait agir, protéger Jamie. C'était un devoir auquel il ne réfléchit même pas. C'était un acte presque automatique.

« Vous en avez assez dit. Laissez-nous partir maintenant. Ce petit jeu a assez duré. » La voix d'Andrew était basse mais ferme. Il voulait que Vera arrête, même s'il se doutait que ce n'était pas dans ses intentions. Elle voulait sûrement encore jouer avec eux.

Visiblement, Vera ne voulait pas en arrêter à un si bon moment. Elle avait encore beaucoup à dévoiler et n'hésita pas à répondre à Andrew alors qu'il tentait de la faire arrêter. Le jeune homme n'aurait su quoi dire de plus pour la dissuader. Sa voix avait changé d’intonation, elle semblait vraiment agacée et menaçante. Ses paroles aussi changèrent et Vera n'hésitait plus à être grossière. Si elle ne tenait pas se flingue, le ton aurait vite monté. L'envie de lui répondre démangeait Andrew et il tenta de garder son calme. La situation ne lui permettait pas de réveiller la témérité qui dormait en lui. Il écouta donc les nouvelles paroles de Vera qui dénonçait Jamie de fantasmer sur lui. Comme si ces paroles pourraient l'effrayer. S'il n'aurait pas eu des sentiments naissants envers le journaliste, alors, peut-être Andrew aurait-il été gêné d'apprendre une telle histoire. Ce qui le dérangeait, en revanche, c'est que Vera soit au courant de tout ce qui se passait dans la tête de son mari grâce à ce carnet. Elle avait fouiner dans le peu d'intimité qui restait à son époux et cette intimité concernait Andrew. Lui-même ne pouvait pas en vouloir à Jamie de n'avoir rien dit à sa femme puisqu'il agissait exactement de la même façon avec sa fiancée Julianne. Il ne l'avait pas encore quitté et continuait d'espérer vivre de fabuleux moments avec le journaliste. Ils n'étaient qu'amis mais qu'importe, l'esprit et les sentiments d'Andrew l'avait emmené à penser au delà de l'amitié et les fantasmes s'étaient installés chez lui aussi sans qu'il ne mette Julianne au courant de ces nouvelles lubies.

Jamie demanda à Vera de laisser Andrew partir. Il voulait payer pour ses actes sans mêler le jeune homme à toute cette histoire. Cependant, Andrew n'avait pas envie de laisser le journaliste seul avec sa femme. Il ne pouvait pas partir, même dans l'idée d'aller chercher de l'aide. Il ne pourrait pas s'éloigner d'eux sans être sûr que Jamie soit en sécurité. Sur le moment, Vera avait l'air de réfléchir à cette possibilité mais bien vite, son masque retomba. Elle se délectait trop de cette situation qu'elle mettait en scène pour vouloir arrêter aussi tôt. Malheureusement pour Jamie, il ne pouvait pas se rendre compte que Andrew n'était en rien scandalisé par tout ce qu'elle pouvait dire de ses pensées. Il ne pouvait pas rassurer le journaliste en lui disant que lui aussi avait ressenti les mêmes désirs depuis tout ce temps. Ces paroles ne pourraient qu'envenimer la situation, rendre Vera encore plus furieuse que ce qu'elle ne l'était déjà. Andrew était pris dans un piège dont-il ne pouvait plus sortir.

La lecture continua alors. Les pensées de Jamie avaient été habitées par diverses situations intimes où il aurait pu se retrouver avec Andrew. Les fantasmes du journaliste étaient écris avec précision. Les mots ne vinrent pas dérouter le cuisinier pour autant qui écouta chaque mots sans se préoccuper de comment Jamie les voyaient ensemble. Il était furieux après Vera. C'était étrange, certes, mais Andrew avait la sensation que la femme du journaliste s'était immiscée dans leur vie, mais quelle vie au juste ? Ils n'avaient été qu'amis, n'avaient rien partagé de plus intime qu'un baiser volé et des flirts innocents. William devait certainement réagir, quelque part au fond de lui, protégeant ce qui lui appartenait. Matthew lui appartenait - bien qu'il ne le considère pas comme un objet, loin de là. Ils avaient été ensemble bien avant que cette femme n'apparaisse et ne dérobe le bonheur de William.

Lorsque Vera eut enfin fini sa lecture, elle demanda à Andrew ce qu'il pensait du style de son époux. Jamie répliqua rapidement, la suppliant de se taire. Sa voix était brisée et il devait se sentir vraiment mal à cet instant. Ne pas savoir que ces paroles n'avaient aucun effet négatif sur les pensées du cuisinier devait être un sentiment insupportable. La rage intérieure que Andrew tentait d'apaiser se réveilla alors. Il ne pouvait plus contenir son désir de la faire taire et de payer pour toute cette histoire.

« D'accord, j'ai compris. » Il avança d'un pas, le regard mauvais. « Oui j'ai perverti votre mari ! C'est ce que vous vouliez entendre ? Alors allez-y, frappez-moi encore ! Défoulez-vous ! Faites-moi payer pour votre malheur ! » Plus il parlait et plus il approchait d'elle. Tant pis si elle décidait d'en finir avec lui, tant pis s'il se mettait en danger, il ne voyait aucune alternative pour se sortir de cette histoire. Qu'il agisse maintenant ou qu'il attende la fin de la mise en scène de Vera, quelle importance ?

Andrew stoppa net lorsque Vera reprit la parole. Il n'avançait plus vers elle, ne la menaçait plus de frapper. Il écoutait, tout simplement alors que sa curiosité grandissait soudainement en lui. Vera parla du malheur de son époux. Ne comprenant pas, Andrew fronça les sourcils et la femme du journaliste renchérie avec quelques informations. "Pas seulement s’il t’arrivait quelque chose", cette phrase, cette simple phrase fit serrer la mâchoire à Andrew qui craignait, malgré tout, les retombés de cette histoire. Il avait provoqué Vera, lui avait demandé de le frapper - si c'était ce qu'elle voulait - mais continuait d'avoir peur. Il ne s'était pas jeté vers elle dans l'espoir de ne pas souffrir, il n'était pas totalement fou. Mais si sa souffrance pouvait faire que tout s'arrête ce soir, alors il était prêt à courir le risque. Le voilà, défendant Jamie alors qu'il n'était même pas avec lui. Ils n'étaient qu'amis et se montrait héroïque pour lui épargner les méchancetés de sa femme. D'accord, elle avait ses raisons d'être dans cet état après la découverte de ce carnet. Cependant, ses menaces infondées envers Andrew et surtout la présence de l'arme ne jouait pas en sa faveur dans les pensées du cuisinier. Ce n'était pas comme cette histoire qui avait concerné Mary-Margarette, David et Kathryn Nolan. Eux, au moins, n'avaient pas été menacés d'une arme pour avoir passé des moments intimes ensemble. Bien que les évènements aient pris une tournure tragique par la suite, tout s'était arrangé. Ce soir, avec Vera, c'était différent.

Celle-ci parlait donc d'un malheur que vivait actuellement son époux. Lequel ? Andrew commença à s'inquiéter. Son absence durant des mois... il n'avait jamais su pourquoi Jamie s'était éloigné de lui et n'en savait toujours rien. Vera était là pour répondre à ses questions. Et pour une fois, le jeune homme avait envie d'entendre ce qu'elle avait à lui dire. Jamie lui demanda d'arrêter, sans succès. Sa femme avait lâcher la nouvelle information qui, tel un poignard bien aiguisé, se planta dans le cœur d'Andrew. De sa faute ? Sa mine avait une nouvelle fois changé. Ses yeux se baissèrent et il observa le sol sans réellement le voir. Son esprit s'agitait dans sa tête, se demandant pourquoi. Qu'avait-il fait de mal ? Sa réponse ne mit pas longtemps à arriver. Vera se faisait une joie de citer une nouvelle partie du carnet qu'elle semblait avoir apprise par cœur.

Jamie disait devoir l'oublier. Puis, le reste fut bien pire. Andrew ne savait pas quoi penser. Il avait cité un nom qui, pour l'instant, lui était totalement inconnu. Matthew ? Qui était ce Matthew ? Il sonnait presque familier aux oreilles du jeune homme et pourtant, il n'en connaissait aucun. Alors il chercha, ce que son esprit avait bien pu imaginer. Aucune célébrité de ce nom n'intéressait Andrew au point d'en parler pendant un épisode fiévreux, même pas dans son sommeil. Parmi son entourage, aucun Matthew non plus. Finalement, il en trouva un mais ce dernier était un client du restaurant et... franchement, Andrew n'en avait rien à faire de cette personne. Peut-être avait-il dit ce nom après avoir pensé à son restaurant, qui sait. Une journée à faire des commandes pour les habitants de la ville, ça laisse des marques dans le subconscient. Pourquoi Jamie avait-il pensé à un homme que Andrew aurait pu voir, c'était insensé ! Le jeune homme ne pouvait même pas le rassurer, il était pris dans un piège horrible et voulait en sortir. À cause d'une stupide parole, Jamie s'était coupé du monde durant des jours. Aussitôt, les yeux d'Andrew s'humidifièrent mais il devait faire en sorte que Vera ne s'en aperçoive pas. Alors, il baissa à nouveau les yeux, fixant l'herbe sous ses pieds. La femme du journaliste avait ce qu'elle voulait. Elle avait réussi à faire souffrir Andrew autant qu'elle avait fait souffrir son époux.