Don't lie to me! - Andrew (bonus: Sven)

C'était jubilatoire, vraiment. Voir Andrew se décomposer devant ses yeux sous le poids de la culpabilité l'envahissant soudainement à sa révélation; le voir baisser les yeux et se soumettre, enfin à la dure loi de la vengeance et de la douleur. Vera ne pouvait qu'apprécier cette apothéose. Elle avait cherchée à le faire réagir, à le faire fuir Jamie ou, mieux encore à le faire attaquer ce dernier, mais cette dernière option elle n'avait pas trop comptée dessus. C'était plus une option rêvée qu'une réelle possibilité. Sauf toutes ses tentatives précédentes avaient lamentablement échouées pour ce qui était d'Andrew. Jamie en revanche avait parfaitement succombé à ses attaques vicieuses. En même temps, elle ne connaissait que très peu de personnes capables de rester neutres ou de répondre avec panache et/ou désinvolture à un tel étalage de leurs pensées les plus intimes. Il aurait du réfléchir à ça quand il avait décidé de commencer ce carnet. Il aurait pût l'écrire en code ou bien sur un support moins facile à voler. Mais le journaliste était de la vieille école; faisant partie de ceux qui croyaient encore à de belles romances épistolaires comme on en avait à l'époque des rois européens de la renaissance. D'autant plus que son domaine de prédilection était les mots, alors quel meilleur moyen pour évacuer que l'écriture? En tout cas, sa dernière attaque eut l'effet escompté et Vera s'en réjouit. Elle n'avait pas tout perdu c'était déjà ça. Cependant, voir son mari, pourtant secoué, avoir encore des gestes aussi tendres envers Andrew alors qu'il venait d'être mis plus bas que terre...Cela réveilla une colère froide; elle leva l'arme qu'elle tenait encore dans la main. Elle avait encore à faire tomber le dernier acte de cette tragédie...

Jamie s'évertuait, pendant ce temps, de rassurer Andrew. Une main lâcha un poignet pour venir caresser la joue du cuisinier, murmurant des "Regardes-moi" et des "Ce n'est pas ta faute"brisés. Pourquoi fallait-il que ça tombe sur lui? Il était un simple cuisinier chez Granny, âgé d'à peine 21 ans, qui avait encore toute sa vie devant lui pour aimer, souffrir, découvrir, vivre et revenir. Le journaliste avait déjà fait le choix de se marier, signifiant un contrat à vie de rester auprès de son épouse. Lui n'avait plus grand chose à avoir de la vie, si ce n'est un enfant, s'il le souhaitait (et dieu sait à quel point il n'en veut pas). Le simple fait d'avoir pu rencontrer Andrew et s'être senti aussi vivant pendant les quelques mois qu'ont durée cette relation avait reboosté son espoir de plusieurs crans, même si aujourd'hui il était sûr qu'il devrait tout laisser tomber pour garder le cuisinier en sécurité. Ses gestes étaient tendres avec lui, comme à chaque fois qu'ils étaient ensemble. La tendresse avait été leur maître mot durant cette histoire imaginaire.

Puis ce fut le changement radical. Il eut l'instinct de jeter un œil sur Vera et ce qu'il vit le fit réagir au quart de tour. Elle avait l'arme au poing, visant le dos d'Andrew, son regard tuerait le cuisinier s'il en avait le pouvoir. Jamie réagit au quart de tour, tout comme lorsqu'il avait faillit tomber à cause de beurre au sol. Ou encore parce qu'ils avaient trop bu pour danser sans s'emmêler les jambes. Ou même encore lorsqu'il était trop malade pour tenir debout tout seul. Il réagit pour sauver Andrew. Le journaliste s'était promis de le protéger par tous les moyens. Alors, avec un cri d'alerte, et inversa leur position au cuisinier et lui, se retrouvant dos à Vera, mais le coup de feu parti quand même. Un silence parfait eut lieu le temps d'une longue seconde puis ce fut l'impact. La balle atterrit directement dans l'épaule de Jamie, qui lâcha un cri de douleur tandis que ses jambes le laissaient tomber sous l'afflux de douleur qui parcourait son corps. S'il n'y avait pas eu Andrew, il serait déjà étaler par terre à bouffer de l'herbe et de la mousse.

Vera observa la scène, impassible. Elle en était arrivée à un point où plus rien n'avait réellement d'importance à ses yeux. Elle avait voulu supprimer Andrew, par pure et simple jalousie et vengeance, mais ce fut Jamie et son tempérament de chevalier blanc qui prirent la balle pour le brun. Si elle n'avait pas peur que Jamie ne la quitte pour de bon cette fois? Il l'aurait fait de toute façon, alors autant lui donner une raison plus que valable. Le coup parti, l'infirmière avait laissé tomber l'arme et son sac au sol, attendant. Quoi au juste? Elle ne savait pas trop; la police, les pompiers, un random joggeur, la mort de Jamie...Peu importait à dire vrai. Elle n'avait juste plus aucune raison de continuer sa torture ni de partir alors...Elle restait et observait son œuvre. Jamie, dont le manteau s'imbibait doucement de son sang. Andrew...Tout.

Plus le temps s'écoulait et moins l'esprit d'Andrew était clair. Il n'avait presque pas senti les mains de Jamie se poser sur ses poignets, avant de réaliser qu'il ne faisait plus face à Vera mais au journaliste. Là, il sentit les pouces de Jamie qui tentait de l'apaiser, comme cette fois où il avait décidé de donner son sang à l’hôpital. Le journaliste avait un tel effet sur lui qu'il ne se rendait même plus compte de la présence de Vera qui les observait. Il n'y avait plus que Jamie qui essayait de lui faire lever les yeux en lui caressant la joue. Andrew demeurait pourtant figé, telle une statue, ne voulait pas lever les deux pour croiser ceux de l'homme pour qui il avait des sentiments. Cet homme qu'il avait fait souffrir sans la vouloir. Tout était de sa faute. Si Andrew ne s'était pas endormi, jamais il n'aurait parlé dans son sommeil à cause de la fièvre. Jamais le journaliste n'aurait été distant et peut-être que sa femme n'aurait pas trouvé ce carnet avant un moment.

Tout ce qu'il se passa désormais fut...irréaliste, trop rapide. Au moment où Andrew avait décidé de lever les yeux, Jamie sembla totalement paniqué et poussa un cri avant de changer sa position. Puis, un coup de feu. Un son horrible qui résonna dans toute la forêt et qui arracha un nouveau cri au journaliste. Sur le moment, l'esprit d'Andrew ne pouvait pas comprendre. Il avait encore son regard accroché au visage de Jamie qui, en une fraction de seconde, céda sous le poids de ses jambes. Il eut à peine le temps de retenir le journaliste, accrochant ses bras avec force pour ne pas le laisser tomber. Lentement, Andrew accompagna Jamie dans sa chute et se laissa tomber, assis sur le sol. Il comprit peu à peu que Vera venait de tirer et avait touché son époux, seulement, il ne voulait pas le croire. La panique l'emporta sur son esprit et il commençait à s'imaginer le pire. Sa logique ne fonctionnait plus du tout. Jamie était touché et il ne savait pas où exactement. Il vit pourtant le sang se répandre sur une partie des vêtements du journaliste au niveau de l'épaule mais pensa immédiatement que ce dernier fut touché en plein cœur. Il ne voulait pas le perdre. Il le refusait.

Andrew ne put détacher son regard de Jamie de peur de le voir fermer les yeux et disparaître à tout jamais. Ses mains tremblaient et se recouvraient de sang. Des larmes coulèrent sans qu'il ne puisse se contrôler et il leva un regard meurtrier sur la silhouette de Vera qui avait lâché son arme. « Qu'est-ce que vous avez fait ! » Andrew n'eut aucun contrôle sur son hurlement. La rage se mêlait au chagrin et s'il n'aurait pas été au sol en soutenant Jamie, il se serait certainement jeté sur cette horrible femme pour lui hurler en plein visage et l'effrayer au plus haut point. Andrew aurait pu devenir totalement hors de contrôle mais il restait là, sur le sol et reporta son attention sur Jamie. « Ne t'endors pas, regarde moi. » Ses bras serrèrent le corps du journaliste qu'il ne voulait pas laisser allonger sur le sol. Il ne connaissait aucun moyen d'arrêter les saignements et commençait à paniquer. Il libéra une main et tenta d'appeler les secours mais les tremblements l'empêchèrent de faire quoi que ce soit. Son téléphone tomba et Andrew n'eut d'autre choix que d'utiliser une méthode de profond désespoir. « Aidez-moi !!! À l'aide ! » Il ne pouvait compter sur Vera, il le savait bien. Elle n'était devenue plus qu'une ombre dont Andrew ne voulait plus s'occuper.

Sven était soucieux, alors qu’il roulait à une vitesse non réglementaire sur les petites routes de Storybrooke. Moins de dix minutes auparavant, il rentrait tout juste chez Granny, pour sustenter son estomac qui commençait à se faire entendre. Et la bonne Granny lui avait presque sauté dessus, une inquiétude dans le regard que l’ébéniste ne lui reconnaissait pas. Tout ce qu’il avait compris et qu’il avait retenu, c’était « Andrew, champignon, Jamie, bois. », quelque chose n’allait pas, et ce n’est pas parce que ce n’était pas la saison des champignons, mais parce que Granny avait demandé assez empressement que Sven aille jeter un coup d’œil. Il avait donc mis son estomac de côté et avait sauté dans son pick-up. La route défila, jusqu’à la large forêt qui entourait la ville du Maine. Sven retint un soupir, empêchant l’idée que trouver deux individus dans une telle étendue relèverait du miracle. C’est là que, bientôt, il reconnut le véhicule d’Andrew, ainsi qu’une deux voitures qu’il n’identifia pas.

Sven sortit du véhicule, cherchant des traces de passage qui pourraient lui indiquer dans quelle direction aller. Il regretta de ne pas être un chasseur avisé, alors qu’il choisit, finalement, une direction au hasard, croyant repérer des traces de pas fraiches. Son estomac était contracté par une certaine crainte, ne sachant absolument pas quoi chercher – Andrew et Jamie, ainsi qu’une tierce personne-, ni dans quel état il retrouverait le cuisinier et le journaliste. Que pouvaient-ils bien faire dans les bois ? Un peu plus d’un mois, Jamie lui avait confirmé qu’outre la petite discussion qu’il avait eue avec le petit frère de l’ébéniste, ils ne se connaissaient pas. Enfin, Sven devait se concentrer sur autre chose que de déterminer la relation exacte qui unissait les deux hommes.

Mais Sven avançait à l’aveugle et ça le révulsait. Il fut sur le point de faire demi-tour, de chercher une autre piste, quand il entendu un coup de feu. Il sursauta, un frisson d’effroi recouvrant tout son derme. Il serra les dents et se mit à courir dans la première direction qu’il avait prise, se faufilant à travers le chemin précédemment élagué, se battant tout de même à certaines occasions avec les branchages. Des cris montèrent bientôt et il reconnut la voix d’Andrew. Son sang ne fit qu’un tour et il se demanda dans quel merdier ils pouvaient s’être foutus. Il déboula entre les arbres, essoufflé. Tous les acteurs étaient en place. Vera, agenouillée, l’air hagard. Andrew, au-dessus d’un Jamie qui ne donnait pas beaucoup de réaction.

L’ébéniste s’approcha de l’infirmière, se penchant vers elle. Il posa une main sur son épaule. « Qu’est-ce qu’il s’est passé ici ? » Mais il n’obtint pas de réaction. Elle ne fit que lever le doigt, pointant vers Andrew. La mauvaise impression ne quitta pas Sven, qui fronça à nouveau les sourcils, se dirigeant vers le cuisinier. « Andrew ? Qu’est-ce qu’il se pass- » Le reste de sa phrase mourut dans sa bouche, alors qu’il posait les yeux sur Jamie, étendu au sol. Okay. Ca il ne s’y attendait pas et franchement, n’aurait pas voulu connaitre pareille situation. Mais il lieu de virer dans une panique incontrôlable, ce fut un sang-froid qui parcourut ses veines. Glacé par l’horreur, qui fige ses émotions, qui ne laisse plus qu’une intention d’agir.

Sven retira son manteau, ainsi que sa chemise. Il la plaqua sur la plaie à l’épaule de Jamie, appuyant sans ménagement sur la blessure, qu’importe que le journaliste souffre. Sven doutait qu’il lui en tienne rigueur. « Jamie ! Jamie ! » Sven lui foutu une baffe pour le réveiller. La fin justifie les moyens m’voyez. Sven se tourna vers son frère. « Andrew, tu vas maintenir le pression sur son épaule. » Le sang entachait déjà ses doigts. Quand son frère prit la relève, il prit son téléphone.

Autant dire que le coup de feu et surtout l’impact de la balle l’avait bien sonné. Son épaule lui faisait l’impression d’être qu’un feu palpitant de douleur alors que le bras y étant rattaché ne donnait plus signe de vie (même si le poids mort à sa gauche lui indiquait qu’il était toujours là). Jamie était encore conscient. Il entendait ce qu’il se passait autour de lui, mais la douleur de la blessure empêchait son cerveau de se focaliser pour tenter quoi que ce soit. Cependant, il sentait parfaitement les bras d’Andrew autour de lui, le retenant de toucher le sol, entendait parfaitement Andrew hurler. Il le voyait cependant très mal, la vue brouillée par les larmes de douleur et de tout ce qu’il avait retenu face à Vera. Honte. Déchéance…Il se sentait complètement à nu à présent. Il aurait aimé qu’Andrew ne découvre pas ces choses, qu’il les ignore le plus longtemps possible…Tout comme Vera d’ailleurs, au moins jusqu’à ce qu’ils soient divorcés. Mais tout cela ne tenait plus que du rêve maintenant.

D’ailleurs, plus que sa blessure, ce qui l’inquiétait, c’était l’état d’Andrew. Malgré son cerveau plus ou moins en mode veille pour des raisons déjà citées, il pouvait sentir les tremblements du cuisinier, ses pleurs, et il entendait, comme dit plus haut, parfaitement sa voix. Elle lui demandait de ne pas s’endormir. Il ne le voulait pas non plus, il ne voulait pas laisser Andrew seul avec Vera encore dans les parages. Mais la perte de sang progressive par son épaule rendait le fait de rester conscient de plus en plus difficile. Pourtant Jamie voudrait le rassurer, lui dire qu’il allait…Bon, certes, il n’allait pas bien, il avait une balle dans l’épaule, mais qu’au moins il n’était pas mourant. Il voulait aussi le serrer contre lui, pour s’assurer que non, il n’avait rien. Qu’il était bien là. Des "Il n’a rien, il n’a rien" passaient inlassablement dans l’esprit du journaliste.

Autant dire qu’il n’y avait pas grand-chose qu’il pouvait faire. Il naviguait, à la limite de la conscience, bataillant comme un forcené (même si physiquement assez peu de chose en donnait l’impression) pour ne pas perdre Andrew des yeux. Sa vue était brouillée mais il reconnaissait encore le cuisinier. Une masse de cheveux bruns, des yeux d’une couleur si changeante selon son humeur et la lumière qu’il était simplement impossible de les décrire correctement…Oui, il ne pouvait pas se tromper. Puis une autre voix vint s’ajouter à celle d’Andrew. Elle lui était familière, mais il fut incapable de mettre un nom ou un visage sur cette voix. Il, car Jamie reconnut au moins que c’était un homme, l’appelait pourtant. Avant de lui mettre une grande baffe qui eut le don de le réveiller. Il rouvrit les yeux et voyait un peu plus clair, mais guère plus. Il les fixa aussitôt sur Andrew. Puis on appuya sur sa blessure. Il lâcha un nouveau cri ainsi qu’une jolie série de juron grognée entre ses dents. C’est que ça faisait mal ces conneries. Sa main valide vint, par un pure réflexe d’instinct de survie, s’agripper au bras d’Andrew qui maintenait maintenant la chemise de l’ébéniste contre la plaie, comme pour trouver un ancrage, quelque chose qui l’aiderait à se focaliser sur autre chose que la douleur.

Plus loin, Vera était sortie de son hébétude et du choc d’avoir tiré pour la première (et probablement dernière) fois sur quelqu’un, qui plus est son mari. Elle observait la scène au loin avant de se lever et de devenir l’infirmière qu’elle était. Oui, le concerné était son mari ; celui qu’elle venait de maltraiter, celui qui l’avait trahie, mais elle avait fait un serment en devenant infirmière, celui de venir en aide aux malades et aux blessés, peu importait qui ils étaient. Alors même si elle gardait cette rancune contre Jamie, elle ne pouvait pas le laisser se vider de son sang en pleine forêt sans au moins tenter de le sauver. Alors elle s’approcha et observa le tout.

"Ne perds pas ton temps à appeler l’hôpital Sven, ils mettront beaucoup trop de temps à arriver vu où nous sommes dans la forêt. Il faut l’y emmener. Tout de suite."

Elle avait préféré ne pas s’avancer trop, ni même tenter d’ausculter la blessure de Jamie. Andrew veillait sur lui comme elle n’avait jamais vu quelqu’un veiller sur une autre personne et vu le regard qu’il lui avait lancé un peu plus tôt, il n’était absolument pas sûr qu’elle en ressorte indemne si elle faisait une quelconque tentative…

Andrew avait peur, bien plus que lorsqu'il n'avait craint pour sa propre vie. Il soutenait Jamie contre lui et veillait à ce qu'il ne ferme pas les yeux. Il ne voulait pas qu'il parte, pas de cette façon, pas sans savoir qu'il avait de forts sentiments pour lui. Andrew aurait aimé le rassurer. Seulement, il ne se sentait pas le courage de se confier, pas dans cette situation, pas sans savoir s'il allait s'en sortir ou non. Jamie devait s'en sortir. Sa blessure n'était pas mortelle mais Andrew n'en savait rien. Il n'était que cuisinier et n'y connaissait absolument rien en blessures et autres. Alors, il avait lancé un cri de détresse sans savoir si quelqu'un pouvait l'entendre. Perdu il ne savait où en pleine forêt, qui pourrait venir lui porter secours ? Vera semblait sous le choc et Andrew n'avait pas la force de déplacer le corps de Jamie. Sentant le piège se refermer doucement sur lui, le jeune homme était en train de penser que le journaliste allait mourir dans ses bras à ce rythme-là. Il entendit une voix lointaine mais ne comprit pas que quelqu'un venait d'arriver. Andrew était bien trop occupé à veiller sur Jamie, à ce qu'il ne s'endorme pas, qu'il ne meurt pas. Puis, la voix se rapprocha et le jeune homme entendit son nom. Il leva les yeux et vit Sven.

Il se tenait là, près de lui et retira son manteau rapidement avant de la plaquer sur la blessure de Jamie. Andrew n'arrivait pas à parler et soutenait encore le journaliste contre lui. C'est alors que Sven mit une gifle à Jamie pour le maintenir éveillé. Le jeune homme ne dit rien et posa son regard sur le blessé qui poussait maintenant des jurons. C'était rassurant, dans un sens, de voir que ses facultés à parler étaient bien là. Sven lui ordonna de maintenir la pression sur la plaie et Andrew ne tarda pas à libérer une main pour le faire. Son autre main était logeait dans la nuque du journaliste et, sans qu'il s'en rendre vraiment compte, son pouce commença à caresser une parcelle de peau pour rassurer Jamie et se rassurer lui-même.

Sven venait de prendre son téléphone et Vera s'était légèrement approchée, gardant une bonne distance entre son époux et Andrew. Elle recommandait à l'ébéniste de ne pas tarder à appeler l’hôpital. Sans blague ? Oui, le jeune homme ne pourrait pas lui pardonner son geste, quelque soit son excuse. Jamie n'avait pas mérité cette balle. Lui, peut-être, mais pas Jamie. « Je suis désolé... » Dans un simple murmure, Andrew s'était adressé au journaliste. Il s'excusait de tout ce qui était en train de se passer. C'était de sa faute et la voix de Vera disant cette phrase résonnait encore dans sa tête comme un écho.

Quelques minutes passèrent, sûrement, lorsque des sirènes lointaines se firent entendre. Andrew n'avait étrangement pas envie de quitter Jamie, mais il devait le laisser partir. Il leva alors les yeux vers Sven, sans savoir quoi dire, quoi faire. Il ne pensait même pas qu'il devait se justifier sur sa présence ici ni quoi que ce soit d'autre. Ce n'était pas le moment pour avoir de telles pensées. Il observa alors les ambulanciers venir rapidement récupérer Jamie qu'ils ne tardèrent pas à mettre sur un brancard. Andrew restait là, assis, déboussolé alors qu'un autre ambulancier s'approcha de lui pour demander s'il n'avait rien. Le jeune homme n'entendait que des voix lointaines mais reprit vite ses esprits et secoua la tête, puis se leva sur ses jambes encore flageolantes.

Enfin, une voiture de police arriva. Andrew posa son regard sur Sven. « Je... Tu peux... tu vas à l'hôpital avec lui ? » Sa voix était hésitante, il ne savait plus quoi dire, comment faire une phrase. Vera commençait à se faire embarquer par l'homme qui était intervenu. Le policier la plaça doucement dans la voiture et Andrew savait qu'il devrait lui aussi partir avec eux. Il était témoin et ne pouvait pas filer aussi facilement. Un dernier regard lancé à Sven, comme pour se rassurer sur la suite des évènements. « Il faut... veiller sur lui. » Andrew ne voulait pas que Jamie soit seul et voulait se tenir informer de ce qu'il avait, si sa blessure était grave ou non. « Tu me... tiens au courant, sur.. son état ? » Le policier avança vers lui mais attendit, de façon tout à fait courtoise, que les deux hommes aient fini d'échanger quelques mots.

Sven n’avait aucune idée de ce qu’il s’était réellement passé. Il se contentant d’agir, sans se poser de questions. Le temps était à l’action, et non à l’interrogation. Avoir un Jamie blessé devant lui soutenait que c’était assez grave. Tandis qu’il pressait sur la blessure ouverte du journaliste et qu’il passait la tâche à Andrew, il se dégagea des deux hommes, prenant quelques pas de recule, pour s’extraire de cette sphère angoissante, qui lui rappelait à quel point il n’avait aucune idée de la tragédie qui s’était déroulée dans les bois. Il composa le numéro des urgences et donna sa position avec une précision effarante. Vera alla de son commentaire, les yeux de Sven tombèrent sur un éclat de métal, une arme. Ses iris se rétrécirent douloureusement, saisissant une pièce de ce puzzle complexe dans lequel il avait débarqué. Il s’approcha dangereusement de la femme de Jamie – si seulement elle pouvait encore être appelée ainsi-. « Et pourquoi tu n’irais pas le soigner, plutôt ? C’est un peu tard pour jouer les infirmières maintenant, Vera. » Si ce n’était pas pour l’amitié qu’il avait envers elle, il lui aurait déjà retourné une baffe, pour s’assurer qu’elle aussi, était bien réveillée.

Sven resta planté à côté de Vera, pour s’assurer qu’elle ne fasse pas d’autres bêtises. Dans l’attente de l’ambulance, les solutions de l’énigme s’assemblèrent. L’intérêt d’Andrew pour un nouveau client, Jamie qui sortait enfin de chez lui, la déception de Vera de savoir son mari de plus en plus distant. Son air s’assombrit, en plus de son inquiétude marquée sur ses traits. Ses yeux ne se décrochèrent pas du dos d’Andrew, qui tremblait. Sven serra les poings et, finalement, la sirène de l’ambulance se fit entendre. Sven soupira de soulagement. Jamie fut embarqué dans une ambulance, Vera dans un véhicule de police. Andrew s’approcha de lui, Sven baissa les yeux sur son petit frère. Automatiquement, il posa sa main sur l’épaule de celui-ci, cherchant à lui offrir un peu de réconfort dans ce qui allait arriver. L’ébéniste hocha la tête à la supplique du cuisinier. Il n’avait pas envie d’accompagner Jamie jusqu’à l’hôpital, il n’estimait pas que ça soit sa place. Mais puisque Andrew le lui demandait, il ne pouvait pas aller contre lui, surtout pas dans un moment pareil. « D’accord. Je te tiendrai au courant. » Il eut une courte pause. « Il ne mourra pas Andrew. Le pire est passé. » Il aurait voulu dire ‘je suis fière de toi’ mais les mots restèrent bloqués dans sa gorge.

Sven se recula, pendant qu’Andrew était guidé par un adjoint. Il embarqua dans l’ambulance qui démarra en trombe. Le brun se colla dans un coin, observant d’un œil éteint les premiers soins qui étaient apportés à Jamie. Et alors que les tremblements commencèrent à le prendre, l’adrénaline chutant dans son sang, il restait un élément à ce qui venait de se passer qu’il ne pouvait s’enlever de la tête : pourquoi, pourquoi Andrew ne lui avait jamais parlé de Jamie ? Certes, c’était un garçon secret. Mais là. Que cela vire à un tel extrême, jusqu’à une balle dans l’épaule. Sven passa une main dans ses cheveux, y déposant inconsciemment un peu de sang, un goût d’une petite trahison dans la bouche.

Sven accepta de suivre Jamie jusqu'à l’hôpital, à la demande d'Andrew. Ce dernier n'était pas sûr d'avoir le courage de se rendre dans l'établissement mais ne voulait pas non plus rester sans nouvelle du journaliste. Avant de partir, Sven tenta de rassurer son petit frère. Il lui disait que Jamie n'allait pas mourir et que le pire était passé. Le jeune homme hocha la tête et sentit à peine la main de l'ébéniste se retirer de son épaule. Son esprit était encore perdu, lointain. La voix de l'adjoint le sortit de son état second alors que Sven rejoignait l'ambulance. Il était temps pour Andrew de se rendre au poste du shérif et de faire sa déposition. Le policier l'emmena dans le véhicule, coté passager. Vera était installée sur la banquette arrière, coté conducteur. Le jeune homme préféra faire abstraction de sa présence et fixait le pare-brise devant lui. Il n'avait pas envie de la regarder ni de s'expliquer avec elle.

Le trajet fut plutôt silencieux et l'état d'Andrew était toujours aussi second. Il avait l'impression d'être dans un horrible rêve où les voix semblaient lointaines, où ce qui l'entourait paraissait flou. À peine eut-il le temps de réaliser où il se trouvait qu'on l'interrogeait. Vera avait été placée en cellule, le temps pour le jeune homme de faire sa déposition en toute intimité. Mais Andrew resta muet durant de longues secondes. Il n'entendait pas les questions qu'on lui posait et voyait encore le corps de Jamie étendu à moitié par terre. Son cri résonnait dans sa tête comme s'il était là, quelque part, en train de souffrir. Le policier posa une main sur l'épaule d'Andrew qui eut un sursaut. « Tout va bien maintenant. Vous êtes en sécurité ici mais j'aurai besoin de savoir ce qu'il s'est passé. Vous voulez bien me décrire la scène ? » L'homme s'installait derrière son bureau, attendant patiemment une réponse. Andrew fixait une pile de dossiers durant de longues minutes avant de parler. « Elle lui a tiré dessus... » Cette réponse était évidente. Il n'était pas difficile de deviner qui avait tiré une fois sur les lieux. L'emplacement des protagonistes avait été une réponse à elle seule. « Mais que s'est-il passé exactement ? Pourquoi Miss Twigley aurait-elle tiré sur son époux ? » Andrew n'avait pas lâcher son regard de la pile de dossier. « La balle m'était destinée. » Le policier fixait le jeune homme face à lui, cherchant à comprendre les raisons. « Pourquoi voulait-elle vous tirer dessus ? » Aucune réponse. Andrew secouait la tête. Il ne voulait pas parler des raisons qui avaient poussé Vera à tirer cette balle. Il ne voulait pas dévoiler la vie privée de Jamie, ni la sienne. Si l'épouse du journaliste décidait de parler, alors soit. Mais Andrew ne voulait pas être responsable de la révélation.

L'interrogation dura encore un long moment mais le jeune homme refusait de parler. Il était encore troublé par tous les évènements et n'écoutait même plus ce que l'adjoint lui demandait. Tout lui semblait tellement irréel. Andrew voulait se réveiller. Il voulait que cette soirée ne soit en fait qu'un horrible cauchemar, que Jamie aille bien. Malheureusement, tout ce qu'il vivait était réel. Le journaliste était à l’hôpital, Vera entre les barreaux et lui... assis derrière un bureau, les yeux dans le vague. Et puisque la situation ne l'inculpait pas en tant que potentiel coupable, Andrew fut rapidement relâché. L'adjoint lui conseilla tout de même d'appeler le docteur Hopper si jamais il en avait besoin. Vivre un tel évènement laissait forcément des séquelles psychiques, même minimes.

Lorsque Andrew fut enfin chez lui, il referma la porte derrière lui et ne bougea pas de devant. Plongé dans le noir, il mit un moment à se laisser traîner jusqu'à la salle de bain. Il fixa alors son reflet dans le miroir et éclaira la lumière. Il avait le visage couvert de sang séchés, son propre sang. Ses vêtements, eux, étaient tâchés du sang de Jamie. Sans plus attendre, Andrew les retira pour les mettre dans sa machine à laver. Puis, il se glissa dans la douche et retira rapidement le sang de ses mains, de son visage, de ses bras. Ses tremblements n'avaient pas cessés mais il réussit tout de même à enfiler un tee-shirt et un pantalon une fois qu'il fut sorti de la salle de bain.

Son studio était encore plongé dans le noir. La seule lumière présente provenait de l'extérieur et plus particulièrement des lampadaires qui éclairaient la petite ville. Andrew fixait cette lumière avant de baisser les yeux sur son divan déplié. Il ne prit pas place dessus mais au sol. Son regard était encore perdu mais tout devint plus clair dans son esprit. Il réalisait enfin que tout ce qui s'était produit jusque là était bien réel. Des larmes commencèrent à couler sur ses joues. Il se sentait responsable de toute cette histoire et ne put s'empêcher d'éclater en sanglots. La peur qu'il avait pu ressentir durant toutes ces minutes interminables s'évaporait enfin, libérant Andrew d'un poids qu'il avait eu du mal à supporter jusqu'ici. Vera avait remporté une belle victoire sur son jeu. Elle avait réussi à briser les espoirs du cuisinier qui lui avait volé son époux. Elle avait réussi à manipuler son esprit pour faire en sorte qu'il ne cesse de culpabiliser sur les évènements. Tout était de sa faute et il pensait ne jamais pouvoir se le pardonner.

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