Introduction Époque du sujet : Actuelle Date du sujet : 06.03.13 Ordre de passage des participants : Evelyn - Whale

Une lumière blanche... était-ce donc ainsi que toute personne était accueillie après la mort? Non pas qu'elle croyait au paradis mais elle se sentait enfin apaisée, soulagée de tout fardeau, de toute inquiétude, de toute peine. Pourtant, elle entendait un bruit étrange qui n'était vraiment pas celui du vent. Une voix semblait l'appeler, lointaine et confuse, alors qu'elle regardait autour d'elle pour savoir d'où elle venait. Aileen. La voix appela encore ce prénom, un peu plus forte près d'elle, et une forme commença à apparaître devant elle mais elle ne pouvait rien distinguer, toujours aveuglée par cette lumière blanche. Elle plissa les yeux puis tendit la main vers cette silhouette. Elle réalisa alors qu'elle ne pouvait pas bouger et sembla apeurée. Aileen, tout ira bien... je suis là... Elle voulut se débattre et hurler mille et une questions à l'attention de cette voix mais elle se redressa soudainement. La lumière blanche était celle de la chambre d'hôpital dans laquelle elle se trouvait, et la raison pour laquelle elle ne pouvait pas bouger se trouvait être le fait qu'elle était allongée. Evelyn passa ses mains sur son visage et fronça les sourcils en voyant les diverses égratignures sur sa peau. La mémoire lui revint brusquement.

Cet affreux cauchemard... c'était la raison pour laquelle elle avait été arrachée de son sommeil chez elle. Elle avait rêvé de la mort d'une fée, qu'elle semblait protéger, dans la forêt. Cette fée avait d'ailleurs crié un nom, celui d'Aileen, avant de mourir. Pourquoi ce prénom revenait-il si souvent? Cela ne pouvait plus être un simple hasard. Elle avait enfilé quelques vêtements au hasard et s'était précipitée jusqu'à sa voiture, malgré l'orage et la pluie, pour se rendre chez Andrew. Il devait peut-être dormir mais elle devait absolument lui parler, elle avait besoin d'être rassurée. De plus, elle sentait qu'Andrew n'allait pas bien récemment et elle se sentait si impuissante, si inutile. Cette sensation se faisait de plus en plus forte au fil du temps. Durant le trajet, elle avait tenté d'appeler Andrew pour le prévenir de son arrivée mais déconcentrée et troublée, elle avait perdu le contrôle de son véhicule, provoquant un choc assez violent. Elle ignorait ce qu'elle avait heurté mais tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle s'était retrouvée dans ce lit d'hôpital peu confortable, livrée à elle-même.

Evelyn observa la chambre en toussant bruyamment. Sa gorge était sèche, ses jambes douloureuses et son coeur lourd. Andrew avait-il reçu son message? Quelqu'un allait-il lui rendre visite? Peut-être qu'après tout, sa solitude n'était pas imaginaire. Cette sensation de ne rien pouvoir faire et d'être inutile en toute circonstance ne la quittait pas. Elle regarda autour d'elle, voulant un verre d'eau, et posa ses yeux sur un pichet posé à côté de son lit. Elle tendit son bras pour l'atteindre mais la douleur lui fit faire un mouvement trop brusque et le pichet se fracassa en mille morceaux sur le sol. Evelyn fixa longuement les morceaux avant de fondre en larmes, désespérée. Qu'est-ce qui pouvait bien lui arriver en ce moment? Devenait-elle folle? Les docteurs allaient-ils décider de la mettre en psychiatrie le temps qu'elle se calme? Elle prit une profonde inspiration, les yeux fermés, avant de les rouvrir petit à petit. Tout allait bien se passer. Tout irait bien. Elle n'avait aucune crainte à avoir. C'était ce qu'elle se répétait à chaque fois qu'elle s'apprêtait à faire une crise de panique mais plus le temps passait, plus elle avait du mal à y croire.

- Docteur...? Il y a quelqu'un?, parvint-elle à dire en jetant un coup d'oeil vers la porte ouverte de sa chambre. Le fracas du pichet avait bien dû attirer l'attention de quelques membres du personnel. Et puis, avoir de la compagnie la réconforterait grandement. Elle ne pouvait plus être seule, elle ne le supportait plus à présent.

Il était tard. Je regardais l'horloge au mur en buvant un verre de limonade. Ce soir, j'étais de garde. Une infirmière entra en trombe dans mon bureau en me signalant un nouveau cas. Je devais me dépêcher.

La victime était Evelyn Westley, une institutrice sans histoires. Je l'avais déjà croisée à plusieurs reprises au restaurant de Granny ainsi qu'à l'hopital. Je me hâtais donc à vérifier ses pupilles et son rythme cardiaque. Puis, j'analysais la situation. Une jambe blessée, quelques égratignures. Je ne savais pas encore de quoi elle pouvait souffrir encore et ordonna aux ambulanciers de l'emmener d'urgence dans un box pour soigner la victime. Les infirmières nettoyaient les plaies superficielles ou essayait de stopper l’hémorragie de la jambe d'Evelyn. Je préparais rapidement de quoi soigner ses blessures après m'être stérilisé les mains.

- Tout va bien se passer. Je vais m'occuper de vous.

J'avais lancé un regard à Evelyn qui semblait encore consciente, bien que peu présente. Les infirmières commençaient alors à lui retirer les vêtements, laissant la victime en petite tenue. Je me forçais de ne pas avoir de regard déplacé et cherchait toute trace de blessure. Au final, je dénombrais quelques coupures superficielles dont je n'allais pas m'occuper tout de suite. Je devais en premier lieu recoudre la plaie de la jambe d'Evelyn. Je lui lançais un dernier regard, elle s'endormait.

**

La paperasse était bientôt finie. J'observais la porte de la chambre d'Evelyn, attendant que l'on me signale son réveil. Il y eut soudainement un bruit de fracas et sans attendre, je me dirigeais vers sa chambre. Je savais que le bruit venait de là. En entrant, je trouvais des débris par terre et une Evelyn qui avait visiblement pleuré. Une infirmière m'avait suivi et se dépêcha de tout ramasser par terre et de nettoyer l'eau qui avait innondé le sol. J'attendais qu'elle ait fini pour m'adresser à Evelyn. L'infirmière se fichait un peu de l'état de la patiente. C'était une femme qui semblait ne pas avoir d'état d'âme. Une fois seul, je posais mon regard sur ma patiente.

- J'espère que vous ne pleurez pas à cause de cet incident?

Je lui adressais un sourire en arrangeant ses oreillers. Elle devait se reposer et reposer son épaule qui devait être douloureuse malgré les perfusions.

- Vous devez rester tranquille. Vous venez d'avoir un accident, vous avez besoin de repos.

Je devais rester. Je ne savais pas pourquoi mais je ne pouvais pas la laisser seule ainsi. Elle semblait totalement perturbée par les évènements ou un en particulier. Qu'en savais-je? Je veillais rapidement qu'elle ne se soit pas blessée à nouveau, avant de reporter mon attention sur son regard.

- Je ne suis pas le docteur Hopper mais si vous voulez parler ...

Le fracas dû à la chute du pichet avait attiré deux personnes dans la chambre d'Evelyn : une infirmière peu aimable et le docteur Whale. Elle jeta un coup d'oeil au docteur avant de porter son attention vers l'infirmière qui se contentait de nettoyer les dégâts, sans lui accorder le moindre regard. Comment pouvait-elle travailler en tant qu'infirmière si elle n'utilisait pas ses qualités humaines d'une quelconque manière? Certes, pour travailler à l'hôpital, il fallait faire abstraction de ses émotions durant une situation délicate et avoir le coeur accroché mais cela ne tuait jamais personne d'adresser ne serait-ce qu'un infime sourire pour remonter le moral des gens. Evelyn arrangea un peu le drap sur elle avant de soupirer légèrement. Elle se retrouva seule avec le docteur Whale après quelques instants. Il se trouvait être un homme qu'elle appréciait, même si elle lui avait peu adressé la parole. Elle avait eu l'occasion de le croiser durant les divers spectacles donnés par ses élèves, et également chez Granny, mais elle n'avait jamais eu une véritable conversation avec lui.

Elle fut secouée par un sursaut de surprise en l'entendant lui adresser la parole. Apparemment, il se préoccupait de ses pleurs. Allait-elle avoir l'air ridicule? Elle n'en avait rien à faire de toute façon. Elle était allongée sur un lit d'hôpital à cause de sa propre bêtise, et elle s'était mise à pleurer à cause d'un pichet d'eau cassé. Enfin, cela avait été la goutte qui avait fait déborder le vase (et c'était le cas de le dire). Elle s'agita légèrement sur son lit, malgré la douleur - d'ailleurs il lui conseilla de rester tranquille - et se décida à s'éclaircir la gorge pour lui répondre. Rester muette en fixant un point dans le vide ne l'aiderait pas, loin de là.

- Si seulement c'était juste à cause de ça... peut-être que je me préoccupe un peu trop de ce pauvre pichet qui m'a porté compagnie durant mon sommeil, répondit Evelyn, se surprenant à plaisanter. Avoir un sens de l'humour durant toute situation était toujours une bonne chose. Au moins, elle pouvait détendre l'atmosphère et oublier momentanément ce qui la tourmentait.

Mais au moment même où elle pensa cela, Dr Whale se proposa pour l'écouter si jamais elle avait besoin de parler, malgré le fait qu'il n'était pas Archie. Evelyn leva lentement les yeux vers lui, à la fois surprise et troublée. Il n'y avait plus aucun sourire sur son visage, seulement de la tristesse qui voilait son regard. Elle tordit nerveusement le drap entre ses doigts, se demandant par quoi commencer. Il allait probablement regretter de lui avoir proposé une telle chose quand elle allait se mettre à parler, mais l'institutrice réalisait que cela lui ferait probablement le plus grand bien. Tout garder pour soi n'était jamais la solution, et puis, au moins, le docteur aurait un regard extérieur sur sa situation. Après tout, elle n'était que sa patiente.

- Avez-vous déjà eu la sensation de vous sentir impuissant et inutile, comme si peu importe ce que vous décidez de faire, c'est condamné à l'échec? Cette sensation de ne jamais pouvoir faire quelque chose de bien pour les autres... de se sentir seul au monde... vous vous torturez chaque nuit avec mille et une pensées, vous demandant ce qui cloche chez vous... vous remettant en question à chaque occasion... mais cela n'arrange rien. Vous avez toujours l'impression que vous n'apporterez jamais rien aux autres, que le monde avance et que vous restez sur place, avec toutes ces questions et ces doutes..., dit Evelyn d'une voix basse sans lâcher Dr Whale du regard avant de secouer sa tête, ayant un soudain rire nerveux, j'ignore pourquoi je vous dis ça... après tout, vous êtes docteur, vous êtes utile au quotidien. Vous me le prouvez encore en ce moment même, en étant prêt à gaspiller votre temps précieux pour m'écouter, moi, une institutrice paumée. Oubliez ça...

Evelyn tenta de bouger son épaule mais elle se retint de pousser un gémissement de douleur en décidant finalement de garder son bras tranquille, comme il lui avait conseillé.

- Est-ce que le diagnostic est bon pour moi, au moins?

Je m'étais proposé pour l'écouter et j'avais bien l'intention de le faire. Ses paroles me donnaient l'impression d'avoir déjà vécu ce moment. Mary Margaret m'avait elle aussi raconté ses malheurs chez Granny. A croire que j'étais plus enclin à écouter les femmes que Archie Hopper. Bref, où en étais-je? Ah oui, j'écoutais attentivement Evelyn (oui, je l'écoutais!) et hochais la tête pour acquiescer ses paroles. Elle me demandait si j'avais l'impression de me sentir seul et impuissant, entre autres. Qu'ai-je répondu?

- Non.

Je n'allais pas mentir pour me faire amadouer! Je n'avais pas l'impression d'être inutile en temps que docteur. Je n'avais pas l'impression d'être impuissant. Je me sentais vraiment à ma place dans cet hopital. Evelyn avait semblé dérouté par ses paroles et me demandait d'oublier. Comment dire ... trop tard. Mon cerveau avait déjà tout assimilé. Mes yeux laissait transparaître de la compassion alors que je fixais son regard.

- Impossible. Je suis plutôt bon pour retenir ce que j'entends.

J'eus un petit rire. Oui, j'étais fier de moi, de ma petite remarque sur moi-même, qui était véridique. Je retenais facilement certaines informations et je ne pouvais pas le cacher. Evelyn m'avait très vite demandé si le diagnostic était bon. Je souriais et pris sur un fauteuil près du lit, dossier en mains.

- Epaule démise, plaies superficielles et une plus importante à votre jambe. Il faudra un peu de temps avant de vous en remettre. Vous allez devoir vous reposer une fois chez vous. Mais par sécurité, je préfère vous garder ici un jour ou deux, sauf si vous avez quelqu'un pour vous surveiller.

Je n'étais pas sûre qu'elle ait un petit ami ou un membre de sa famille autour d'elle. Personne n'était venu voir après l'accident et je n'avais pas pu mettre la main sur ses numéros d'urgences.

- Il faudra aussi faire de la rééducation pour votre jambe. J'ai bien peur de devoir vous annoncer que le port de béquille sera plus que conseillé.

- Il vaut mieux être bon pour retenir ce qu'on entend, dans la médecine, n'est-ce pas?, répondit l'institutrice avec un léger sourire en coin.

Ce sourire ne quitta étrangement pas son visage lorsque le Dr Whale se rapprocha d'elle, assis sur un fauteuil en tenant son dossier. Maintenant qu'elle avait dit tout ce qu'elle avait sur le coeur, le poids qu'elle semblait porter au quotidien s'était allégé et elle s'apprêtait à écouter le diagnostic, en espérant que rien n'était grave. De toute façon, elle devait bien assumer les conséquences, l'idiotie de regarder son portable en conduisant aurait pu lui coûter très cher (en plus des frais d'hospitalisation bien assez coûteux, elle devrait d'ailleurs se rendre au prochain meeting organisé par la Maire pour lui en toucher quelques mots), elle devait s'estimer heureuse de son état actuel, peu importe le diagnostic. Elle devait encore passer quelques jours à l'hôpital, sans parler du repos qu'elle devrait prendre chez elle. Un long soupir lui échappa, sa classe lui manquait déjà. Elle savait que les enfants allaient être entre de bonnes mains et qu'elle pourrait toujours les croiser durant leur prochain spectacle mais cela ne serait pas pareil. De plus, l'idée de porter des béquilles ne l'enchantait pas tellement, elle ne pourrait pas retourner dans la forêt de sitôt mais au moins, elle pouvait faire plein de cupcakes chez elle et les partager avec Andrew. Andrew ! Allait-il bien? Elle ignorait s'il avait reçu son message mais il allait peut-être lui rendre visite ou attendre qu'elle sorte de l'hôpital pour passer du temps avec elle. Après tout, il était son seul numéro d'urgence, il était comme un frère pour Evelyn. Un frère sur lequel elle veillait aussi bien qu'elle le pouvait.

- De la rééducation, hein? J'imagine que je vais souvent vous croiser prochainement, dans ce cas, docteur. Et j'imagine aussi que je suis en meilleur état que ma voiture, Evelyn haussa les épaules en parlant avant d'observer la chambre. Si elle devait passer plus de temps dans cet hôpital et s'habituer à cet environnement, il lui fallait une occupation. Elle n'irait certainement pas voir les danseurs qu'elle avait dû voir avec Andrew dans ce cabaret étrange. Elle était pour le moment privée de ses livres, et elle ne pouvait pas ramasser des fruits et des champignons dans la forêt (bien qu'elle en trouvait rarement, et passait la plupart de son temps à écraser les champignons durant ses nombreuses chutes). Elle toucha du bout des doigts un bracelet que l'un de ses élèves lui avait offert lors du dernier goûter qu'elle avait organisé et sut soudainement ce qu'elle allait faire pour s'occuper.

- Hm, dites-moi docteur... auriez-vous un livre de coloriage ou une simple feuille blanche avec quelques crayons de couleur à me prêter? Je m'occupe toujours comme ça lorsque mes élèves passent un contrôle ou font une activité, demanda la jeune femme d'un air calme avec une lueur malicieuse dans le regard. Visiblement, le simple fait de penser à ses petits protégés la rendait toujours de bonne humeur, je suis très douée pour dessiner les fleurs, vous savez, ajouta-t-elle en conservant son calme, se disant que c'était une information de la plus haute importance. Et puis, imaginer le docteur Whale cherchant un livre de coloriage l'amusait. Peut-être allait-il la faire asseoir autour d'une table avec des enfants et une compote pour colorier?

- Il vaut mieux être bon pour retenir ce qu'on entend, dans la médecine, n'est-ce pas?

Evelyn avait bien raison. Il valait mieux pour moi de retenir les consignes de travail sous peine de risquer la vie d'un de mes patients. Ce qui serait facheux. Et j'avais d'ailleurs retenu tout ce dont souffrait ma nouvelle patiente. Je faisais mine de regarder dans le dossier. Je ne sais pas trop pourquoi en fait. Il fallait que je l'informe pour la rééducation qu'elle devrait faire à l'hopital. Sa jambe allait mal et elle devrait également se réhabituer à utiliser son bras. Les patients se rendaient souvent dans une piscine de la ville pour faire quelques exercices. Evelyn en aurait peut être besoin dans les jours à venir. Sa blessure devait cicatriser avant.

- Je ne sais pas pour votre voiture. En tout cas, nous nous verrons pour la rééducation sur la terre ferme. Peut être aurez vous besoin de faire quelques séances de piscine plus tard. Mais, ce n'est pas important pour l'heure. La première étape sera le repos. La seconde étape, rééducation ici. Pour le reste, tout dépend de vous et de votre corps.

Un petit peu étrange comme phrase. Heureusement, je m'étais vite repris.

- De ses capacités à régénérer ses cellules.

C'était bien mieux. D'habitude je ne me souciais pas de mes paroles, avec sous-entendu voulu ou non. Je secouais ma tête et regardait le dossier. En réalité, je ne lisais rien. C'était une excuse pour baisser les yeux. Mais je les avais vite relevé lorsque Evelyn toucha un bracelet qu'elle portait. Elle n'avait pas tardé à parler et me demandait un livre de coloriage. J'avoue avoir été très surpris par cette question. Heureusement, Evelyn se justifia. Elle voulait dessiner. Je regardais la pièce à la recherche de ce qu'elle me demandait.

- Je peux toujours vous accompagner dans la salle des enfants. Il y a tout ce que vous voulez. Des feuilles, des cahiers, des livres. Des feutres. J'ai tout mon temps. Vous êtes ma seule patiente ce soir. Et, je m'ennui un petit peu dans mon bureau ou dans les couloirs. Je n'ai absolument rien à faire de mon temps libre.

Je pouvais l'amener avec un fauteuil roulant, disponible pour les patients qui ne voulaient pas rester cloitrés dans une chambre. On pouvait se rendre à l'extérieur ou dans la salle que j'avais proposé. Je n'étais pas une infirmière (les jupes ne me vont pas tellement) mais l'ennui prenait le dessus et je m'endormais presque à attendre que quelque chose d'intéressant se passe; Evelyn me donnait l'occasion de me changer les idées, je ne pouvais pas me refuser cette opportunité.

Tout dépend de vous et de votre corps. Cette phrase fit vivement relever la tête à Evelyn, ayant les yeux légèrement écarquillés. Dr Whale se rattrapa bien vite, avant de contempler son dossier pour sûrement y lire des informations complémentaires à partager avec l'institutrice. La jeune femme songea à sa voiture. Avait-elle au moins une assurance? Elle ne le savait même plus, ses pensées étaient réellement confuses. Elle sentait que la seule chose réelle au moment présent était la présence rassurante du docteur à ses côtés. En l'observant, elle se gratta légèrement la nuque et remarqua l'absence d'un objet : son collier. Elle passa la main autour de son cou pour s'en rassurer et poussa un léger soupir. Son collier avait probablement dû se détacher sous le choc et il était sûrement dans le même état que la voiture. Evelyn trouverait bien un autre collier à porter au quotidien. Peut-être que l'un de ses élèves lui ferait un collier de perles, et cela lui irait très bien. Elle reporta son attention sur le docteur. Elle devait songer à son repos et à sa rééducation. Elle ferait probablement tout avec le docteur Whale. Enfin, sa rééducation. Evelyn secoua légèrement sa tête à cette pensée.

Mais elle n'était pas au bout de ses surprises. Le docteur Whale lui proposa de l'accompagner dans la salle des enfants pour qu'elle puisse dessiner, afin de se détendre. Etant sa seule patiente, elle était également son seul moyen de se détendre et de se changer les idées. Elle pencha sa tête en observant le docteur, réalisant qu'elle ne connaissait toujours pas son prénom. En plus de se changer les idées, ils pourraient faire connaissance un peu mieux, depuis le temps qu'ils se croisaient. Elle fut tout de même surprise d'apprendre qu'il s'ennuyait ici, dans cet hôpital. Evelyn lui adressa un sourire bienveillant, reconnaissante tout de même envers lui pour lui porter compagnie. Avec un peu de chance, cette vision cauchemardesque qu'elle avait régulièrement disparaîtrait.

- Vous savez dessiner? Sinon, je peux vous apprendre quelques bases, c'est très amusant. Et puis, ça détend. On peut dessiner tout ce qu'on veut, oublier la réalité le temps d'un coup de crayon. Je rendrais presque cela poétique, Evelyn éclata de rire avant de se redresser un peu plus et de tenter de bouger ses jambes dans le but de sortir de ce lit d'hôpital qui commençait à devenir inconfortable. Elle avait réellement besoin de prendre l'air, peu importe où il l'emmènerait. Elle poussa un juron en sentant la douleur être de plus en plus douloureuse, avant de lancer un regard de petit chaton perdu sous la pluie au docteur Whale, vous allez probablement devoir me porter sur votre dos ou trouver un moyen magique pour me promener un peu partout ici. Du moment que je peux sortir de cette chambre, tout me convient.

Evelyn arrangea tout de même sa robe d'hôpital, elle était une dame, voyons. En la présence de Whale, aucune pensée négative n'occupait son esprit pour le moment. En réalité, passer du temps avec lui lui faisait le plus grand bien sans qu'elle sache pourquoi. Peut-être parce qu'il ignorait ses tracas et qu'elle pouvait simplement rire avec lui. Si elle disait à ses élèves que le docteur Whale l'avait soignée, ils le dessineraient sûrement avec une cape et l'appelleraient Super Whale pour avoir sauvé leur institutrice. Cette simple pensée la fit sourire davantage et elle tenta de masquer ce sourire en observant la chambre d'un air innocent. Imaginer le docteur avec une cape rouge allait peut-être l'inspirer si elle dessinait aussi, qui sait.

- Non, je ne vais pas vous porter. D'une, on penserait que je vous kidnappe. Deux, ce n'est pas dans mes attributions.

Je souriais. Vous m'imaginez vraiment porter mes patients sur mon dos? Je me déplaçais alors pour prendre un fauteuil roulant. Ce serait bien plus confortable que mes épaules. Une fois que le petit moyen de transport fut assez prêt d'Evelyn, je l'aidais à s'y asseoir, avec douceur.

- J'espère que je ne vous ai pas fait mal.

Simple politesse. Je savais que j'avais agi en douceur. C'était mon travail. Je n'allais pas pousser ma patiente dans ce fauteuil tout de même. Nous voici maintenant partis pour la salle des enfant, remplie de feutres, de crayons, de livres à colorier. C'était bien la première fois que j'emmenais un adulte là bas. C'était amusant, en fait. Je conduisais Evelyn à travers les couloirs, sous le regard étonné de mes collègues. Ils devaient se demander ce que je faisais. En tout cas, moi, je souriais. J'étais content de m'occuper. La salle ne fut pas très loin. Nous y sommes arrivés après deux petites minutes et il n'y avait personne. J'installais le fauteuil d'Evelyn a une grande table, pour qu'elle puisse quand même avoir un support pour ses envies créatives. Je lui passais ensuite ce dont elle avait besoin et pris place à coté.

- Pour répondre à votre question dans la chambre, je sais dessiner. Je ne sais plus exactement comment j'ai appris Je reproduis souvent ce que je vois. Vous allez dessiner quoi, là ?

Je me penchais sur sa feuille vierge et tentait de deviner. Puis, j'eus envie de dessiner moi aussi. Je commençais à faire une fleur en prenant le modèle d'une de celle qui était posée sur le rebord de la fenêtre. Je n'avais pas un bon visuel de ma place, mais c'était suffisant pour que mes traits ressemblent à quelque chose.

- Et voila mon travail!

Se faire kidnapper par le docteur Whale? Il y avait bien pire comme situation. De toute façon, elle ne pourrait pas aller bien loin vu son état. Evelyn plissa les yeux en observant le fauteuil roulant. S'il était assez confortable pour son fessier (qui était d'ailleurs tout endormi à cause de sa sieste et du lit peu confortable), elle ne comptait pas le quitter. Elle adressa un sourire au docteur Whale après qu'il l'ait aidée. Elle savait que c'était son travail d'être prévenant avec ses patients, et attentionné, mais bon dieu, ce qu'il faisait bien son travail. Et en plus, il comptait bien l'emmener dans la salle des enfants, quoi demander de plus? Elle adressa quelques sourires polis dans les couloirs en arrangeant sa tenue avant d'écarquiller les yeux en arrivant dans la salle. Ses élèves adoreraient cet endroit ! Bien qu'elle leur souhaitait ne jamais s'y rendre pour une raison grave. Aucun enfant ne devrait avoir à être admis dans un hôpital, c'était trop injuste de les imaginer dans cet endroit pour une quelconque raison. Son sourire s'agrandit une fois installée devant la table avec tout le support nécessaire pour dessiner, et épater le docteur Whale. D'ailleurs, il lui disait savoir dessiner et tenait à savoir ce qu'elle comptait dessiner. Elle regarda autour d'elle pour avoir une inspiration soudaine avant d'esquisser un sourire malicieux.

- Peut-être que je vais essayer de vous dessiner, qui sait? Mais j'en profite d'être seule avec vous pour vous demander un petit service, Evelyn arrangea bien la feuille blanche devant elle avant de commencer à dessiner, chaque mercredi après-midi, mes élèves organisent un petit spectacle pour les patients de l'hôpital et je leur ai promis qu'un jour, je m'arrangerais pour qu'un docteur puisse leur parler un peu de son travail. Alors je me demandais si vous étiez disponible un mercredi pour leur parler, et observer leur spectacle, ils seraient très contents. J'ignorais à qui demander ça alors vous tombez très bien !

Une fois ce service demandé, Evelyn tenta de dessiner une forêt mais son esprit partit assez loin, vagabondant vers des pensées qu'elle avait tenté d'oublier. La vision de cette jeune silhouette qui l'appelait revint. Aileen. N'aie pas peur. De quoi pourrait-elle avoir peur de toute façon? Elle se concentra sur cette vision et commença à dessiner cette silhouette, sans faire attention à la fleur que le docteur Whale était en train de dessiner. Sa main s'était mise à trembler mais elle ne pouvait s'arrêter de dessiner. Son dessin commençait d'ailleurs à prendre forme. Ce fut en l'observant un peu plus attentivement qu'elle réalisa qu'elle était en train de dessiner une fée. Elle n'avait pas encore de visage, mais du sang coulait sur sa robe et elle tendait la main vers une direction indéterminée. Tout semblait si réel et pourtant, cela n'était pas possible. Les fées n'existaient pas (et croyez-moi, Evelyn en avait cherché dans la forêt, bien avant le début de ses visions). La voix de l'homme assis à ses côtés la tira de ses pensées et elle reposa son crayon un peu plus brutalement qu'elle ne l'aurait voulu avant de regarder le dessin qu'il avait fait. Elle reconnut la fleur posée sur le rebord de la fenêtre et tenta de sourire, mais ses lèvres ne purent esquisser que l'ombre d'un sourire en coin.

- C'est très réussi, bravo docteur, vous ne cessez de m'épater. En réalité... c'est bien de pouvoir vous découvrir. Avant mon admission à l'hôpital, nous n'avions jamais eu l'occasion de discuter, vous et moi, alors je suis ravie que cela arrive. Même si j'aurais préféré que cela se fasse dans d'autres circonstances, Evelyn grimaça avant de reposer les yeux sur son dessin. Cette fée hantait son esprit, ses cauchemars. Sa voix la suivait, quoi qu'elle fasse. Et ce prénom l'intriguait. Hm... est-ce que par hasard, une jeune femme nommée Aileen a été déjà admise ici ou en avez-vous déjà rencontré une ici?, osa-t-elle demander avant de secouer sa tête, cherchant une justification, j'ai... j'ai simplement entendu quelqu'un prononcer ce prénom et je n'ai jamais rencontré cette personne alors la curiosité a pris le dessus. Si elle lui disait la vérité, elle ne serait plus dans la salle des enfants mais dans une cellule en psychiatrie. Et elle ne tenait pas à finir ainsi. Pas avant de finir son dessin, au moins.

Je irais lorsqu'elle pensait vouloir me dessiner. Ce serait assez comique à voir. Je hochais donc la tête, réfléchissant à l'idée, en retroussant le menton. Je n'eus pas le temps de trop penser puisqu'elle me demanda un service. Mon regard parlait pour moi. J'étais soudainement attentif à elle. Le service concernait les enfants de sa classe. Elle leur avait promis qu'un docteur leur parlerait un jour de son travail. Je souriais, me sentant immédiatement concerné. Mary Margaret emmenait ses élèves ici pour donner un peu le sourire aux patients. J'étais habitué à leur présence. Ce service ne me dérangait donc pas le moins du monde.

- Je serais ravi d'être votre docteur dans ce cas. J'ai l'habitude de travailler avec les enfants. Ils viennent souvent ici. Et puis, je n'ai pas souvent l'occasion d'assister à des spectacles.

J'avais un ton un peu plaisantin, mais j'étais vraiment flaté d'être choisi. Et sérieux. Je comptais bien rencontrer les élèves de mademoiselle Westley. D'ailleurs, elle dessinait désormais. Je la laissais faire, en dessinant moi même une fleur. Je n'avais pas encore vu ce qu'elle faisait et je crois que si je l'aurais fait, je me serais posé des questions. Après tout, ce n'était pas rien de dessiner un personnage féérique ensanglanté. Je présentais fièrement mon dessin gentillet à coté de celui de Evelyn une fois qu'il fut terminé. Elle me félicita et je souriais. J'étais plutôt fier de moi. Et mon sourire n'allait pas rester longtemps. Je venais de poser les yeux sur son dessin. J'arquais un sourcil d'étonnement. En tant que docteur, je savais que le dessin était une bonne thérapie. Evelyn avait sûrement dessiné quelque chose en rapport avec elle. La conversation continuait mais je ne pouvais regarder ailleurs que sur ce dessin. Lorsqu'elle me posa une question, je laissais échapper un "hm ?" et levais les yeux vers elle.

- Aileen? Non, il ne me semble pas. Je pourrais regarder dans les archives ou dans les dossiers en cours. Mais, si vous n'avez jamais rencontré cette personne, pourquoi vouloir vous renseigner sur sa présence ici?

Je prenais maintenant son dessin pour le déplacer sur la table, entre nous deux.

- Est ce que ça a un rapport avec ce dessin? On dirait que vous avez assisté à un accident ou, autre chose.