Le grand frère de substitution ~ Sven

Introduction

Époque du sujet : Actuelle
Date du sujet : 15.12.12
Ordre de passage des participants : Andrew et Sven

Ce soir, Andrew était venu chez Granny non pas en tant qu'employé mais en tant que client. Il avait son jour de repos mais ne souhaitait pas dîner seul chez lui, alors que sa fiancée était en sortie avec des amies.
Ce n'était pas la première fois que Julianne sortait sans lui, mais Andrew n'avait pas à se plaindre. Depuis quelques jours, il délaissait sa fiancée. Il ne s'occupait plus d'elle comme autrefois et semblait même se désintéresser totalement de sa personne, comme si elle devenait une inconnue à ses yeux. Alors, celle-ci sortait souvent avec ses amies qui lui remontaient le moral.
Andrew n'avait pas conscience qu'il faisait du mal à Julianne. Il s'occupait que de sa propre personne, oubliant totalement ses priorités en tant que petit ami. Peut-être était-ce dû à l'arrivée d'un nouveau client dans le restaurant qui occupait majoritairement les pensées d'Andrew. C'était étrange, dans un sens. Andrew n'avait jamais été attiré par les garçons, du moins, dans ses souvenirs. Avec l'inconnu de chez Granny, une sorte d'attraction physique était apparue et Andrew se surprenait souvent à regarder l'homme assit à sa table, comme un adolescent qui venait de tomber amoureux d'une personne de sa classe.

Fixant les portes du restaurant, Andrew tenait le menu dans ses mains et faisait mine de lire la liste des plats. Il devait être comme ça depuis une bonne quinzaine de minutes maintenant, attendant de voir si l'inconnu allait entrer chez Granny ou non.
Parfois, la petite conscience d'Andrew lui soufflait qu'il était stupide et qu'il devait reprendre ses esprits. Mais quelque chose au plus profond de son être le poussait à agir ainsi. Une force invisible venue de nulle part.
C'est depuis l'arrivée de Emma Swan, la mère biologique du fils du Maire, que les choses semblaient changer dans Storybrooke. Il y avait Mary Margaret qui sortait en secret avec David Nolan - Andrew les avait vu s'embrasser près du restaurant -, l'arrivée d'un second touriste dans la ville, l'horloge au dessus de la librairie qui s'était remise en marche et des tas d'autres petits évènements étranges dont personne faisait réellement attention, hormis Henry Mills.
Andrew était encore là, à fixer la porte, son menu dans les mains. S'il restait comme ça encore longtemps, il risquerait très bien de se changer en statue ou plus probable, d'attirer l'attention de Granny sur lui.

Sven expira par la bouche, libérant un nuage de buée. Grelottant légèrement, il plongea les mains dans la poche de son manteau d’hiver et plongea son nez dans l’écharpe blanc cassé enroulée autour du cou. La neige, ce n’est pas ce qu’il préférait. Ca rendait les balades dangereuses. Avec sa chance, il manquait toujours de glisser. Mais la sérénité qui se dégageait à Storybrooke à cette période de l’année ne pouvait que le charmer. Les nuits duraient, duraient, jusqu’à donner l’impression de ne pas finir. Jusqu’à ce que, malin, le soleil naisse. Sven, en hiver, passait beaucoup de temps dans son atelier. Les travaux sur les chantiers étaient rendus impossibles à cause de la neige et du gel, au risque d’abimer le matériel inutilement. Alors Sven passait la plus grande partie de son temps à travailler le bois, dans le cocon chaud de sa maison, le poêle dispersant une chaleur agréable ainsi qu’une odeur de fumée qui ne déplaisait pas à Sven. La fumée lui avait toujours parue familière, sans qu’il ne sache pourquoi.

Parfois Sven était pris du besoin intenable de sortir et surtout – surtout – de manger. Comme il était de coutume chez lui, son frigo était vide, ou pour le peu d’aliments consommables qui s’y trouvaient autrefois, ils avaient fini indéniablement à muter en une autre forme de vie. Sven n’était pas assez insouciant pour prendre le risque d’avaler ça. Et il aimait se retrouver chez Granny. Il y avait ses habitudes et il y retrouvait des connaissances. Ça lui changerait les idées, un peu, avant qu’il ne se remettre à cette chaise en chêne qu’il était en train de sculpter. Il marcha donc jusqu’au restaurant, résistant du mieux qu’il pouvait aux températures basses de la ville du Maine.

C’est avec un soulagement non dissimulé qu’il posa sa main sur la porte de chez Granny, la poussant aisément, la musique du carillon annonçant sa présence. D’un coup d’œil, il scanna la salle. C’est là qu’il le vit, Andrew. Son petit frère, comme il aimait l’embêter en l’appelant ainsi. D’un geste, il enleva son bonnet et ne manqua pas de faire pareil pour son écharpe. Sans demander la permission, il s’installa en face d’Andrew. « Alors mon grand, t’es pas derrière les fourneaux ? J’aurais pas droit à du bacon supplémentaire ? » Le grand sourire de Sven prouvait que ce qu’il venait de dire n’était qu’une petite blague. Il était content de voir Andrew. « Tu prends quoi ? » Sven commença à enlever son manteau, adressant un signe de tête à Granny qui le lui rendit.

Une silhouette s’approcha de la porte du restaurant et Andrew retint son souffle. Il avait les mains crispées sur son menu et son cœur tambourinait très fort contre sa poitrine. La poignet bougea et un homme entra. Ce ne fut pas le client inconnu qui entra mais Sven, un grand ami d'Andrew qui adorait passer son temps ici pour profiter de quelques menus en rab. Andrew relâcha la pression qu'il s'était infligée mais ses yeux continuaient à fixer la porte, dans l'espoir de voir l'inconnu arriver.

Sven arriva rapidement à sa table et s'y installa sans demander la permission, ce qui ne dérangeait pas Andrew, bien au contraire. C'était très étrange, en y pensant, que Andrew se sente si désireux d'avoir quelqu'un qu'il considérait comme un frère parmi ses quelques connaissances dans Storybrooke. Il ne pouvait expliquer ce besoin, tout comme il ne pouvait comprendre son intérêt soudain pour un inconnu. C'était comme s'il avait vécu une autre vie et que certains éléments manquants étaient réapparus. Andrew ne savait pas que Sven n'était pas son frère dans le monde des contes, mais ici, il en faisait office.

Alors que Andrew était toujours offusqué à observer la porte de chez Granny, Sven lança une petite salutation à sa façon. Le jeune cuisinier eut un petit sourire. Il posa ensuite son menu à plat sur la table et recula son dos jusqu'au dossier de la banquette. « Je ne sais pas quoi choisir. Je vais sûrement prendre le plat du jour », répondit Andrew à la question de Sven, d'un air las et dépité. Le jeune homme ne pouvait cacher sa déception de n'avoir pas vu une seule fois l'inconnu de la journée. « Tu sais, même si je travaille pas j'ai accès aux cuisines, » lança-t-il avec un sourire malicieux. « Ruby ne me refuserait pas un peu de rab supplémentaire, je pense. Qu'est-ce que tu racontes alors ? »

Granny faisait le tour des tables et s'apprêtait à prendre leur commande. Andrew, lui, était décidé à oublier un peu l'inconnu. Il voulait profiter de sa soirée. Et puis, ça ne serait pas très poli de sa part s'il portait son attention ailleurs que sur Sven, qui était quand même venu ici, à sa table, pour discuter avec lui.

Sven déposa son manteau sur la banquette et remonta les manches de sa chemise à carreau jusqu’à ses coudes. Il s’installa confortablement, écouta attentivement ce que lui racontait Andrew. Sven hocha la tête tout en écoutant le choix sur lequel il s’était arrêté. Le brun, pour sa part, ne prit même pas la peine de regarder le menu. Il ne le connaissait pas par cœur, mais c’était tout comme. D’autant plus qu’il savait déjà ce qu’il allait commander. Ce que dit Andrew par la suite attira plus son attention. « Elle ne risque pas de se faire griller par Granny ? » Répondit-il tout aussi joueur que son petit frère.

Sven sourit un peu plus, passant distraitement la main dans ses cheveux. « Pas grand-chose. C’est assez calme niveau boulot. Donc j’ai tout mon temps pour travailler mes meubles. » Ca se voyait, il avait de la sciure de bois posée sur son col, sans qu’il ne l’ait remarqué. Il restait également des traces de vernis sur les mains. Et quand il frottait ses doigts, Sven sentait les particules invisibles de fer rouler sur sa peau. Il faudrait qu’il se lave les mains avant de manger s’il ne voulait pas en avaler. « Oh. Et c’est bientôt le marché de Noël ! Tu passeras ? » Le regard de Sven s'illumina.

Le marché de Noël était une activité que Sven ne pouvait pas ignorer : il y était impliqué depuis… eh bien depuis aussi longtemps qu’il s’en souvienne. Il aidait à monter les stands et les petites cabanes, à décorer la ville… C’était agréable et les commerçants avaient toujours un verre de vin chaud à disposition –il faut éviter de prendre froid. Sven tenait un stand où il exposait deux-trois meubles et il fabriquait aussi quelques jouets pour enfants. Les épées en bois avaient toujours beaucoup de succès. Allez savoir pourquoi…

En fait, même si Andrew ne voulait pas venir, Sven le tirerait par la peau du cou pour qu’il fasse un tour. Depuis quelques temps, Andrew semblait encore plus perdu dans ses rêveries que d'habitude. Sven, même s'il ne disait rien, l'avait remarqué. Oh, il ne s'inquiétait pas trop pour Andrew, c'était un petit gars débrouillard. Néanmoins, ça avait attiré l'attention de l’ébéniste, qui pensait que ce marché de Noël serait une bonne occasion pour lui changer les idées.

« Ruby sait se montrer discrète... même si je dois avouer que Granny a les yeux absolument partout. Elle fait un peu peur parfois... » Un raclement de gorge se fit entendre. Andrew leva un peu les yeux et aperçu Granny qui se tenait là, avec son carnet de notes à la main. Elle n'était pas en colère contre ce que son jeune employé avait dit, elle en était amusé même. Elle savait pertinemment que Andrew ne la détestait pas et qu'il disait ça uniquement parce qu'elle l'impressionnait parfois.
Andrew se gratta l'arrière de la tête d'un air gêné et prit commande. Le plat du jour, donc, avec pour boisson une bière bien fraîche. Granny s'empressa de tout noter pour les cuisiner et tourna les talons. Andrew put souffler et se traiter d'imbécile dans sa tête. Il était même sûr que Granny n'allait pas oublier sa petite remarque et qu'elle allait le chamailler à ce sujet.

Pendant que les repas se préparaient en cuisine, Andrew et Sven avait tout le temps de discuter des dernières nouvelles dans la vie de l'un et de l'autre. Le jeune cuisinier avait été débordé de travail et n'avait pas vu son ami depuis de nombreux jours, ou alors une poignée de minutes, pas plus. Il était donc important pour lui de savoir ce qu'il lui était arrivé depuis leurs derniers moments passés ensemble.
Sven continuait à travailler sur ses meubles et son boulot était plutôt calme ces temps-ci. Andrew lui adressa un sourire et remarqua l'état des mains de son ami. Celui-ci avait des mains de vrais charpentier, alors que les mains d'Andrew étaient fines comme celles d'un pianiste. Il y avait une grande différence entre les deux garçons et c'était sûrement pour cette raison - et à cause de leurs âges respectifs - que Sven considérait Andrew comme son petit frère. Lui était grand et plutôt costaud alors que le cuisinier semblait avoir été fabriqué avec des fils de fers.

Rapidement, Sven lança une annonce à la suite de sa précédente réponse. Le marché de Noël allait avoir lieu et il demanda à Andrew s'il comptait passer. Le jeune homme était un habitué du marché. Il ne savait pas pourquoi mais cette ambiance lui plaisait. Voir des stands, acheter des produits fabriqués par des artisans, découvrir toutes sortes de nourritures... Alors, bien-sûr, Andrew serait de la partie ! Il n'était pas question qu'il rate le marché de Noël. « Je passerais. Je suis sûr que tu t'es donné beaucoup de mal en plus pour cette année », dit le jeune garçon en souriant. « D'ailleurs, je dois avouer que j'ai vraimet hâte de m'y rendre. ».

Sven ne put retenir un petit rire quand il capta la présence de Granny et surtout ce qu’elle fit passer, silencieusement, à Andrew. Le charpentier posa sa main devant sa bouche, se penchant un peu en avant, faisant mine de ne pas voir le regard que la tenancière lui offrit. Bon, il eut vite fait de se reprendre. Il ne voulait pas blesser le cuisinier avec son comportement. Alors, tant bien que mal, il récupéra un semblant de calme, même si un sourire parfaitement amusé trônait sur ses lèvres. Sven commanda un steak avec des frites – un repas solide, pour qu’il puisse tenir jusqu’au petit matin sans qu’il ne doive quitter son atelier et le travail qui l’attendait.

Granny les quitta. Sven observa avec amusement son petit frère avant de discuter plus simplement avec lui, sans que ce qu’ils n’avaient dit sur Ruby et sa grand-mère ne revienne comme sujet. Le brun commença à jouer avec le pot de sel sur le côté, le faisant glisser de temps en temps sur la table, regardant les cristaux blancs tourner dans son récipient. Sven releva la tête en entendant la réponse d'Andrew, un grand sourire sur les lèvres. Ce qu'il venait de dire, ça revenait d’offrir à un enfant un bon point, ou le jouet qu’il voulait pour Noël. Pas qu’Andrew soit ce que Sven avait commandé au Père Noël, mais savoir que le jeunot serait de la partie lui faisait extrêmement plaisir.

Puis c’était vrai, Sven s’était donné beaucoup de mal. Il appréciait ça, les occasions pour que toute la ville se retrouve, revoir des visages connus, passer du moment avec des amis. Storybrooke n’était pas une grande ville, mais il arrivait que Sven ne voit pas des amis pendant un certain temps. Les occasions de ce genre, pour lui, étaient plus qu’attendues. « Tu viendras avec la futur madame O’Culligan, ou j’aurais l’occasion de t’enlever pour boire un verre de vin chaud ? » Sven posa son pot de sel, croisant les bras tout en s’enfonçant confortablement sur son siège. Il voyait rarement la fiancée d’Andrew. Ça lui faisait bizarre de voir le cuisiner, beaucoup plus jeune que lui, déjà engagé dans une relation sérieuse. Quant à lui, bah, il se complaisait dans sa solitude. Il ne se sentait pas se lancer dans une longue histoire. Et de toute façon, il n’avait personne en vue.

Spoiler:

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Lorsque Sven fit mention de Julianne, Andrew eut un air un peu gêné. Il n'avait vraiment pas pensé à l'emmener au marché. D'ailleurs, depuis quelques temps, il ne sortait plus promener avec elle. Trop occupé, au travail, fatigué... toutes les excuses étaient bonnes pour fuir le quotidien avec sa fiancée. Andrew commença à jouer avec sa fourchette, la tournant et la retournant contre la table. Il ne savait pas ce qu'il se passait actuellement dans sa vie, où il en était et surtout comment aborder ce sujet avec Sven. Il avait besoin de se confier mais ne voulait pas monopoliser la parole sur sa personne. Il voulait aussi être là pour son ami s'il avait besoin de parler. Puis, il était fier de son travail sur le marché de Noël et Andrew voulait profiter de la discussion, comme pour le féliciter. « Je viendrais seul, alors on aura tout le temps de boire du vin chaud. Puis, ça me donnera l'occasion d'aller m'acheter quelques bricoles que Julianne n'aimerait pas voir chez elle mais qui iraient très bien dans mon petit studio ! ».

Julianne était le genre de femme plutôt sûre d'elle qui avait des rêves et des buts précis. Elle voulait fonder une famille, réussir sa carrière et quitter le Daily Mirror, où elle travaillait actuellement, pour se lancer dans un plus grand journal. Mais Andrew ne voulait pas quitter Storybrooke et prenait du temps à se décider sur l'avenir de leur couple. Lorsqu'il le pouvait, il prenait donc un moment pour fuir cette réalité si oppressante. Heureusement, Sven était là et d'autres encore, pour changer les idées du jeune cuisinier.

Granny revînt rapidement à leur table pour porter les repas de chacun et s'en alla sans un mot. Andrew profita de cet instant pour avancer un peu plus. Il voulait parler à Sven et aborder un sujet qui occupait ses pensées depuis trop longtemps maintenant. « Tu t'es jamais demandé si... » Andrew hésita. Il voulait donnait son point de vue sur une histoire qui pouvait ne pas être totalement prise au sérieux. Le jeune garçon prit donc une profonde inspiration avant de reprendre. « Enfin, tu as jamais l'impression d'avoir déjà vécu une vie avant celle que nous vivons en ce moment même ? Comme une sorte de vie antérieure ? ». Voilà, il l'avait dit. Andrew se sentait stupide. Parler de vies antérieures, tel un adolescent accros aux histoires de fantômes et d'au delà.

Sven ne put retenir un petit rire à la réponse d’Andrew. « Ah, tu deviens un homme, enfin tu vas à l’encontre de l’avis de Ju’. » C’était clairement une blague pour embêter le cuisinier. Sven non plus, quand il était dans une relation, ne suivait que rarement les conseils de sa copine. & puis, si ça permettait aux commerçants de Storybrooke de faire affaire, Sven n’allait pas aller contre l’avis de son ami. « Tu n’auras qu’à passer à mon stand aussi. Je te ferais un prix. » Bon, Andrew devait déjà avoir tous les meubles dont il avait besoin… mais ne sait-on jamais. Les chaises de nos jours se cassaient si facilement.

Son steak se posa avec délicatesse devant lui, suivis d’un soda. Il s’empressa de couper sa viande légèrement fumant. Son regard voyagea de son assiette à son frère tandis que ce dernier parlait. Sven ne prit pas la question comme stupide. Au contraire, il fronça légèrement les sourcils, réfléchissant quelques secondes. Il n’avait pas l’air bien malin comme ça, sa fourchette dans sa bouche, se grattant devant l’oreille. « Tu veux dire comme les bouddhistes, c’est-ça ? » On aurait pu s’étonner que Sven soit si cultivé. Il n’avait pas grand intérêt dans la religion, y comprenant difficilement ce que les gens pouvaient trouver à l’idée d’un dieu tout puissant, ou de n’importe quelle figure supérieur à l’homme. Ca, le bouddhisme, il en avait entendu parler à la télé, un soir où il avait été trop malade pour changer de chaine.

Sven avala son morceau de viande avec plaisir, continuant. « Nan, je pense pas. » Il posa son pouce sur ses lèvres, se remémorant des moments de profonde réflexion qu’il avait eu, alors qu’il était dans les bois, ou simplement dans la tranquillité de sa maison. Une impression de vie antérieure, jamais. Il ne s’était jamais réellement posé la question à vrai dire. « Et quand bien même, comment aurions-nous la réponse ? » sa fourchette se planta dans un nouveau morceau de steak, mais elle resta là, droite, dans l’assiette, la main de Sven ne bougeant plus. Il venait de se souvenir de quelque chose. « J’ai déjà eu le sentiment de connaitre des gens depuis plus longtemps que ce que je les connais. J’imagine que c’est à cause d’une plus grande affinité. »

Dans le fond, Sven sait que c’est faux. Il y a des habitants de Storybrooke qu’il ne devrait pas apprécier, ni avoir d’affinité, comme madame le maire par exemple. Et pourtant, il a toujours cette sensation de lui devoir quelque chose. Il est comme ça avec beaucoup de gens, Sven. A chercher à aider, à servir. Il a ça dans le sang. Avec le maire, c’est plus fort encore.

Cependant, le sort est trop bien imprégné chez Marcus pour qu’il s’en rende compte.

Après la plaisanterie de Sven à son égard, Andrew secoua la tête avec un sourire, comme pour lui faire comprendre qu'il disait n'importe quoi. Mais Sven avait raison. Avant, Julianne avait toujours son mot à dire et le jeune cuisiner n'allait jamais à son encontre. C'était même étrange, puisque Andrew avait un coté rebelle qu'il utilisait de plus en plus ces derniers temps. D'ailleurs, puisque Sven lui proposait de lui faire un prix, le jeune cuisinier se réjouissait d'avance à l'idée de faire son prochain achat. « Dans ce cas, je vais m'offrir un coffre. J'ai toujours rêvé d'en avoir un, pour ranger mes objets les plus précieux. Je ne sais pas pourquoi d'ailleurs, mais ça me plait. ».

L'assiette de Andrew était bien garnie et appétissante, pourtant, il n'y toucha pas. Il était perdu dans ses pensées et ses idées étranges. Il se disait qu'il n'aurait pas dû lire tous ces livres philosophiques que Archie, le psychologue de la ville, lui avait prêté. C'est vrai, quelle idée. Maintenant, il avait la tête remplie d'idées reçues sur l'univers mystique, l'au delà et tout le reste. Il en avait fait part à Sven et le regrettait déjà. Il se sentait comme un enfant de cinq ans qui essayait de voir si son frère croyait lui aussi aux fantômes. Sven lui demanda s'il parlait du bouddhisme, mais Andrew haussa simplement les épaules. C'était peut-être une idée bouddhiste ou universelle, selon l'imagination de chacun. Andrew n'était pas trop porté sur la religion. Même s'il avait pensé aux multiples vies, il ne pensait pas que quelqu'un régissait son monde, à moins que ce dieu soit une déesse maléfique appelée Regina Mills.

Sven donna rapidement sa réponse à Andrew. Il ne croyait pas en ces histoires et fit réaliser à son jeune frère qu'ils ne pourraient pas trouver de preuves de toute façon. Andrew se sentit quand même étrangement déçu de voir que son idée ne pouvait être réelle. Peut-être avait-il besoin d'aller voir le docteur Hopper pour sortir de ces drôles de pensées. Andrew ne savait pas si ces nouvelles réflexions sur la vie n'étaient pas liées aux histoires du petit Henry Mills qui croyait que les habitants de la ville étaient des personnages de contes.

Alors que le jeune cuisinier allait dire à Sven qu'il avait lancé le sujet sans raison, ce dernier lui fit une petite confidence. Il avait l'impression de connaître des habitants de la ville plus que ce qui était réel. Andrew leva lentement les yeux vers lui. Il avait exactement la même sensation et n'avait su l'expliquer qu'en pensant aux vies antérieures. « J'ai aussi cette impression, mais je ne sais pas si je peux le lier aux affinités, personnellement. » Andrew prit son courage à deux mains et baissa le ton de sa voix, pour que seul Sven puisse l'entendre. « Il y a une personne dans la ville que je n'ai jamais vu et pourtant, j'ai le sentiment que je la connais un peu. À moins que cette impression me vient à cause d'une...attirance ? »

Sven passa une main dans ses cheveux, sans remarquer qu’il avait de la sciure de bois attrapée par ses mèches. Il écoutait attentivement ce qu’Andrew disait, à propos du coffre en bois. « La banque fonctionne mieux pour protéger les objets de valeur, tu sais ? » Blague à part, Sven était content que son petit frère s’intéresse à ce genre d’objet. Lui-même, gardait ses biens à proximité, dans sa maison, pour le peu de choses qu’il avait. Sven, ce qu’il affectionnait le plus, c’était en grande partie ses meubles. Et nous savons tous ce qu’il en faisait. Sven était un gars relativement simple, il possédait peu de choses et se contentait de la vie qu’il menait. Il n’avait pas de grandes ambitions, ni de rêves de voyages et d’exotisme. Il se plaisait à Storybooke. C’est vrai que parfois, il avait l’impression qu’il n’y avait pas que ça. C’est pour ça qu’il aimait tant se balader dans les bois, ou passer du temps seul, à ne penser à rien, juste se laisser porter par le courant.

La question d’Andrew ne le dérangeait pas. Ce n’était pas le genre de Sven de s’arrêter sur ce genre de sujets, mais en discuter ne le faisait pas fuir. Et puis, il y avait son assiette qui venait d’arriver devant lui, il ne pouvait pas partir aussi simplement. Ce qui sortirait de cette conversation avec le cuisiner de chez Granny éveillerait Sven à une nouvelle sensibilité par rapport à ce qui l’entourait. Oh, peut-être ne le remarquerait-il pas tout de suite, mais ça viendrait. Sven commencera à distinguer des détails qui, avant, n’auraient pas attiré son attention. Et Sven n’en ferait rien, parce qu’il ne saurait pas quoi en faire et qu’il aura l’impression que ça dépassait largement ce qu’il pouvait pas gérer.

L’avis d’Andrew allait dans le même sens que celui de Sven. La manière dont le cuisiner parla plus bas encouragea Sven à se pencher vers lui, pour mieux comprendre ce qu’il allait dire. De l’extérieur, tout portait à croire qu’ils faisaient des messes basses. Ca ne choquait pas tellement les autres clients du Granny, puisque les deux hommes étaient connus pour partager une certaine complicité. En soi, ils n’attirèrent pas l’attention.

Sven plissa les yeux en entendant ce que venait de dire Andrew, cherchant à bien comprendre. « C’est qui ? » Il n’avait pas pu retenir sa curiosité et aussitôt, il secoua sa main dans les airs. « Enfin, c’est pas ce que je veux savoir. Tu lui as déjà parlé, pour vérifier ce que tu dis ? » C’est là qu’on reconnaissait la délicatesse de Sven de ne pas se moquer de son petit frère. Il en aurait eu l’occasion, certes, mais s’il l’avait fait, ça n’aurait pas été Sven.

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