If you meet a loner, it's not because they enjoy solitude {Pv Declan

Introduction

Époque du sujet : Flash-Back
Date du sujet : Un an avant la malédiction
Ordre de passage des participants : Eleanor - Declan

La solitude. Depuis quelques mois Elizabeth ne savait pas vraiment si elle la redoutait ou la recherchait. La nuit, lorsqu'elle se réveillait au milieu d'un lit vide, elle donnerait tout pour un peu de compagnie. Une présence endormie, un grognement de la part d'un mari réveillé. Quelque chose qui lui prouve qu'elle n'était pas seule ; quelque chose à quoi se raccrocher. Au lieu de ça, elle pouvait seulement imaginer où son époux s'était éclipsé et les mots doux qu'il murmurait à l'oreille de sa dulcinée. Le jour, alors qu'elle souriait à s'en faire des crampes, elle souhaitait juste ne plus être entourée de toutes ces nobles personnes sans parler des domestiques. Juste une heure ou deux, le temps de faire le point, de casser une ou deux babioles. Le temps d'évacuer sa tristesse, sa colère et sa honte. Mais c'était un cadeau qu'on se refusait à lui offrir. Depuis l'officialisation de la relation adultère de son mari le comte, personne ne lui avait accordé la plus petite minute pour une crise de nerfs. Après tout, elle était une femme distinguée et bien éduquée : elle ne saurait se donner en spectacle. Elle maintiendrait les apparences quoiqu'il en coûte car le bien de son seigneur et maître était une priorité.

Alors pour ne pas risquer de craquer comme elle sentait son masque de bonheur s'ébrécher, elle décida de s'accorder une après-midi loin du château et de la vie à la cours. Une après-midi pour être seule et faire le point sur ses sentiments. Une après-midi pour oublier sa vie conjugale déplorable et pour rêver à ce qu'elle aurait pu être si on lui en avait donné la chance. Elle avait fait préparer son cheval et avait donné ordre que personne ne la suive, tant pis si ça donnait matière à jacasser. Il y avait déjà bon nombre de commérages sur son compte et celui de son couple sans qu'elle ne se préoccupe d'avantage de ce qui se disait derrière son dos. Sans objectif précis, dès que le château fut hors de vue, elle lança sa monture à vive allure pour profiter du vent fouettant son visage et soulevant ses cheveux, lui procurant une grisante sensation de liberté. Si seulement elle n'avait pas à retourner en arrière, elle pourrait vivre sa vie entière ainsi ! A cheval, arpentant au hasard de ses envies les royaumes, voyageant de la mer à la montagne. Elle en avait toujours rêvé mais avait du y renoncer lors du mariage. A l'époque cela ne paraissait qu'un maigre sacrifice par rapport à la vie de famille qu'elle allait construire. Seulement le doux rêve la narguait maintenant qu'elle avait tout raté.

Incapable de dire combien de temps avait duré sa folle chevauché, Elizabeth fit halte auprès d'un lac niché au coeur de la forêt. Elle noua les rênes de son cheval a une solide branche basse non loin de la lisière de la forêt, veillant à laisser assez de liberté à l'animal pour qu'il puisse brouter en paix. Elle s'avança ensuite jusqu'aux bord de l'eau et s'assit, observant les reflets du soleil sur la vaste étendue bleue. La solitude. Elle l'avait enfin trouvée et ne savait toujours pas quoi en penser. Autant cela lui permettait enfin de ne plus faire semblant autant aurait-elle terriblement apprécié avoir un ou une véritable amie pour se confier. Un repère dans sa vie qui semblait tourner au cauchemar n'aurait vraiment pas été de refus. Mais elle était seule et peut être était-ce mieux ainsi, après tout. De cette façon, elle ne fonderait aucune espérance sur personne et ne risquerait plus d'être déçue. Ce n'est que lorsqu'une larme s'écrasa sur sa main qu'elle se rendit compte qu'elle pleurait. Le masque de la parfaite petite comtesse était finalement tombé et elle s'estima heureuse dans son malheur que personne du château n'ait vu cela, s'accrochant au peu de fierté qui lui restait. Un hennissement ; une brindille qui craquait dans son dos. En moins de temps qu'il ne fallait pour le dire Elizabeth essuya ses larmes et se releva pour faire face à l'intrus. « Qui va là ? »

Aujourd'hui, Declan tournait en rond. Il n'avait personne à voir. Ses frères et sa sœur avaient décidé de rester chez eux, à faire quelques créations manuelles telles que des armes ou d'autres objets utiles. Le sorcier s'ennuyait trop pour faire quoi que ce soit renfermé chez lui. Alors, il avait pris congés, sans dire quoi que ce soit à personne. Ses frères et Mallory avaient l'habitude de le voir partir sans raison et ne s'inquiétaient - presque - pas pour lui. Declan pouvait même disparaître durant plusieurs jours. C'était dans ses habitudes d'homme solitaire et il avait ses propres raisons de vouloir s'éloigner du monde qui l'entourait. Pas qu'il soit agacé de sa famille, loin de là. Declan était du genre à avoir besoin de calme pour réfléchir et prendre certaines décisions, ou parfois même pour oublier. Sa tête conservait bien trop de questions sans réponses qu'il avait besoin d'élucider ou de laisser tomber une bonne fois pour toute. Pour se faire, il se rendait souvent sur les hauteurs des collines ou dans un endroit calme du royaume.

Son esprit ne s'était pas apaisé malgré la folle nuit qu'il avait passé en compagnie d'une jeune femme et pour cause : il s'était ennuyé avec elle. Declan n'était pas toujours séduit par ses conquêtes. Parfois, il laissait les femmes se faire plaisir avec son corps sans en prendre lui-même. Pourquoi continuait-il donc à voir de parfaites inconnues s'il n'en profitait pas ? Il n'en savait rien. Declan avait abandonné l'idée de se comprendre et laissait faire le cours des évènements. Au mieux, il avait la boisson pour oublier certaines mésaventures d'un soir. Tout étant que sa tête était prête à exploser. Il devait s'occuper l'esprit, se débarrasser de ses pensées vicieuses qui s’insinuaient dans son esprit à chaque instant. En s'adonnant à une activité, Declan réussissait parfois à oublier.

Quoi faire ? Il n'en savait rien. Il marchait à travers la forêt, sans but précis. Un groupe d'hommes, qui se trouvait par là, commencèrent à chuchoter sur son passage. Declan était un sorcier, membre d'une famille étrange. De plus, il traînait avec le ténébreux. De quoi faire naître beaucoup de rumeurs qu'il avait décidé de ne pas prendre au sérieux. Tant que sa famille n'en souffrait pas physiquement et moralement, alors ces abrutis pouvaient bien dire ce qu'ils voulaient. Declan avait cependant envie de s'amuser un peu. Il dépassa le groupe mais s'arrêta à un mètre et se tourna lentement. « Qu'est-ce vous regardez ? » Aussitôt, les hommes se bousculèrent entre eux et se pressèrent vers la taverne qui se trouvait non loin.

Au final, Declan arriva près du lac. Il pouvait le voir à travers les branches d'arbres. Lorsqu'il fut à la lisière, le sorcier remarqua la présence d'un cheval. Quelqu'un était donc dans les parages. Declan avança lentement alors que l'animal hennissait. Quelques nouveaux pas et il put apercevoir une silhouette féminine. La jeune femme demanda bien vite qui se trouvait là et Declan en profita pour sortir de sa cachette. Il connaissait la demoiselle uniquement par son nom et ne devina pas qui elle était d'un simple regard. Il n'avait donc aucune idée de qui se trouvait là et décida d'être... poli. « Désolé de vous déranger, je pensais qu'il n'y aurait personne. » Il avança un peu, sortant totalement de derrière les arbres. Malgré la présence de la jeune femme, il n'allait pas se priver d'un peu de calme devant le lac. Le sorcier n'avait pas envie de marcher, il était épuisé et voulait se poser.

Prise de surprise, Elizabeth en avait oublié la politesse la plus élémentaire, traitant le nouvel arrivant comme un vulgaire moins que rien. C'était là des manières qui ne lui ressemblaient pas mais elle avait tout simplement eu peur qu'on la découvre en train de pleurer. En train d'être misérable. C'était une chose que tous soient au courant de sa disgrâce, c'en était une autre de les laisser voir à quel point la situation l'atteignait. Or, à son grand soulagement, l'inconnu en était bien un : pas de risque à avoir quant aux racontars qui auraient pu circuler au château. Le jeune homme sortit de le forêt pour s'approcher d'elle, voulant lui aussi profiter du calme de l'endroit manifestement. Brun, mal rasé, il dégageait une apparente confiance en soi qui faisait cruellement défaut à la comtesse. Son époux, bien loin de seulement la tourner en ridicule, avait semé le doute en elle. Une petite voix au fond de sa tête n'avait de cesse de susurrer qu'il était aller voir ailleurs uniquement parce qu'elle ne lui suffisait pas, qu'elle n'était pas intéressante. Rien de plus efficace qu'une infidélité pour détruire toute idée de confiance en soi. C'était peut être la raison pour laquelle ce simple trait de caractère chez autrui l'impressionnait.

Pourtant, lui aussi cherchait apparemment un endroit où se retrouver seul. De toute évidence, le lac ne devait pas être très fréquenté à l'ordinaire. « Dans ce cas nous sommes deux à avoir pensé le lieu désert. » La surprise passée, les manières revinrent comme un vieux réflexe. C'étaient après tout son unique protection face aux autres, le costume qu'elle revêtait pour jouer son rôle comme si la monde n'était qu'une immense scène de théâtre. Un sourire aimable mais presque entièrement hypocrite vint orner ses lèvres tandis qu'elle esquissait une infime révérence. Après tout l'homme s'excusait mais ne semblait pas prêt à partir et elle ne souhaitait pas non plus s'en aller. Elle avait encore le temps avec que le repas du soir ne soit servi au château et elle comptait bien en profiter. Hors de question de rentrer avant que l'étiquette ne l'y force. « Vous ne dérangez nullement et à moins qu'un peu de compagnie ne vous soit désagréable pourquoi ne pas faire connaissance ? » C'était une façon comme une autre d'occuper le temps, n'est-ce pas ? Et puis son mari avait bien lui aussi "fait connaissance" avec une villageoise un jour de marché, pourquoi ne ferait-elle pas de même avec un inconnu ? Pour une fois qu'elle avait une autre compagnie que celle des gens de la cour, elle n'allait pas s'en priver.

Marquant un silence afin de laisser l'opportunité à l'étranger de s'en aller s'il le désirait, elle se rassit sur la rive, lissant sa jupe du plat de la main. Finalement, peut être qu'elle ne voulait pas de la solitude. Continuant sur sa lancée des courtoisies et autres bonnes manières, elle finit par se présenter. « Mon nom est Elizabeth Birdgestone, enchantée de vous rencontrer. Surtout dans une situation aussi imprévue. » Libre à lui de répondre en lui donnant son prénom. Quand à elle, il ne serait pas dit qu'elle manquait à ses devoirs, le moindre de tous étant de décliner son identité à son interlocuteur. Après tout, c'était-elle qui avait proposé de faire connaissance, non ?

Declan observa la jeune femme et eut un drôle d'air lorsqu'elle fit une légère révérence. Le sorcier n'était pas habitué à ce type d'accueil. Ayant vécu la plupart du temps dans la forêt, étant le fils de la sorcière Iverna, Declan n'était pas le type d'homme que l'on souhaitait saluer. Il fit donc quelques pas supplémentaires près du lac sans se soucier de faire quelconque salut. Et puisqu'il s'était excusé de déranger - c'était bien nouveau - la demoiselle ne tarda pas à le rassurer. Au contraire, la présence de Declan lui faisait un peu de compagnie. Elle proposa même au sorcier de faire connaissance. Declan lança un regard vers elle et détailla ses vêtements de bas en haut. « Pourquoi pas ? Faisons connaissance... » La voix de Declan n'était pas franchement des plus enjouée. Il ne s'attendait pas à papoter avec une étrangère mais n'était pas désagréable pour autant. Il était juste un peu sur ses gardes. En temps normal, les femmes qu'il croisait finissait par partager un lit avec lui. Au pire, elle le giflait et Declan s'en amusait, avant de changer de cible pour passer une bonne soirée.

Declan reporta son attention sur le lac, observant l'horizon sans penser. Il attendait que la jeune femme se présente, si tel était son souhait. Lorsqu'elle révéla enfin son nom, le sorcier ne put s'empêcher de tourner la tête en sa direction. Il connaissait bien ce nom et surtout la réputation qui tournait autour de cette Elizabeth. Beaucoup d'hommes à la taverne parlaient de cette femme et surtout de son époux. De ce que Declan savait, elle partageait son charmant mari à une autre. Le sorcier ne connaissait pas l'histoire originale et ne se fiait pas aux qu'en-dira-t-on. Il ne savait que trop bien ce que la plupart des rumeurs laissaient transparaître. Un semblant de vérité sur un fond de mensonges. « Declan Weathers. Si vous êtes toujours enchantée de me rencontrer, alors, moi de même. » Aussitôt, Declan s'assit sur le sol, face au lac. Il ne savait pas si sa présentation allait avoir un effet bénéfique sur cette rencontre imprévue, mais il était prêt à faire connaissance avec Elizabeth, si elle n'était pas partie en courant avant.

« Pourquoi cette solitude ? » Le sorcier tourna son regard vers la jeune femme, curieux. Lui était ici pour se changer l'esprit. Qu'en était-il de miss Birdgestone ? Declan avait un petit avis, mais était-il prudent d'écouter ses pensées lorsqu'elles étaient influencées par les rumeurs ? L'esprit humain laissait toujours s'insinuer des préjugés. À l'homme de faire la part des choses. Declan n'était pas de ceux qui laissait les préjugés l'endoctriner. Il préférait largement entendre les paroles de l'accusé avant de lui jeter la pierre.

Elizabeth fut légèrement mal à l'aise alors que l'inconnu détaillait ses vêtements mais s'efforça de garder la tête haute et le sourire aimable. Sa tenue, constituée d'un pantalon souple surmonté d'une jupe ample avec une large fente pour ne pas la gêner dans sa chevauché et d'un bustier, était simple mais fonctionnelle. Et le regard pesant de l'homme la confortait dans ce choix éloigné de ces habitudes de comtesse. Finalement, il se décida à briser le silence, acceptant sa proposition sans grand enthousiasme. A vrai dire elle ne pouvait pas lui en vouloir : en temps normal, elle n'aurait surement pas apprécié qu'un total inconnu vienne l'embêter alors qu'elle souhaitait être seule. Mais voilà, de toute façon plus rien n'était normal. Elle se présenta donc, la tête levée vers l'individu debout face au lac alors qu'elle-même était assise. Cela ne l'avait pas frappée mais elle constatait maintenant qu'il était plutôt grand. En tout cas assez pour que ça rende sa nuque douloureuse.

Finalement l'homme se tourna vers elle à l'annonce de son nom et elle se raidit légèrement. Evidemment, elle devrait savoir que les rumeurs couraient vite surtout lorsque cela concernait les adultères. Heureusement, il ne fit aucun commentaire et se contenta de donner son identité en retour. Weather, le nom ne lui était pas inconnu. Si sa mémoire était bonne il était question de sorcellerie lorsque le nom de l'homme était intervenu dans une discussion. Mais elle avait l'impression que plus le temps passait et plus les noms associés à la magie devenaient nombreux. Difficile alors de savoir qui était réellement doter de pouvoirs et qui avait simplement une atroce réputations. Difficile aussi de faire confiance à sa mémoire pour restituer correctement le moindre patronyme. Quand bien même, elle décida de ne pas accorder de crédit à une quelconque rumeur avant d'avoir vu les choses par elle-même. Elle se contenta d'un signe de tête respectueux pour signifier qu'elle était toujours aussi heureuse de cette rencontre.

La question qui suivit la prit par surprise, lancée de façon directe. Elle n'avait pas l'habitude des discussions simples, débarrassées de toutes les futiles mondanités qu'on y ajoutait au château. Que répondre ? Elle ne pouvait tout de même pas lui dire qu'elle ne souhaitait la compagnie de personne qu'elle connaissait : merci bien, elle éviterait de donner dans le pathétique. « Respirer. Je crois que j'avais besoin de souffler un peu, loin de tout. » Ce qui n'était pas totalement faux : elle avait juste ressenti l'urgent besoin d'un petit peu d'espace. « Et vous ? Une raison particulière pour rechercher la solitude ? » Une réponse contre une réponse, cela semblait être un marché honnête. Et c'était au tour d'Elizabeth de jouer à la curieuse. Elle se demandait quelle genre de jeune homme pouvait bien préférer un lac désert à une agréable taverne. Encore plus s'il s'avérait vrai qu'il était un sorcier... Que viendrait faire un puissant magicien dans ce petit coin perdu ?

Respirer, souffler loin de tout. Des paroles que Declan connaissait bien. Lui aussi avait souvent besoin de s'éloigner, d'être seul. Pourtant, il avait accepté la présence de la jeune femme alors qu'il avait eu envie d'un peu de solitude près du lac. Il aurait pu s'éloigner et trouver un autre coin, mais celui-ci était le meilleur, d'après lui. Il s'y était souvent rendu par le passé. C'était devenu une habitude, ça et se rendre sur les hauteurs. Selon son humeur, le lieu pouvait changer. Aujourd'hui, Declan avait eu besoin de regarder l'eau, son reflet. Il avait bien changé malgré son séjour dans le Neverland. Il avait des traits fatigués, le teint plus pâle qu'en temps normal, une barbe de trois jours et les cheveux en batailles sur son crâne. Autrefois, il prenait au moins le temps de se peigner, de se raser, de faire un bon choix vestimentaire. Aujourd'hui, il ressemblait davantage à un homme des bois qui avait l'habitude de trainer dans la taverne. Le laisser-aller n'était pas excessif, fort heureusement. Declan continuait de prendre des bains et de se nourrir correctement, mais le reste... c'était une autre histoire.

Elizabeth était curieuse de savoir ce qui poussait le jeune homme à être solitaire. Il soupira longuement en observant l'horizon. « Pour les mêmes raisons que vous. Besoin de calme, de paix, d'être loin de ce qui m'entoure continuellement. » Ses yeux se reposèrent sur la jeune femme. « La solitude, je crois que nous ne l'aurons pas, puisque nous nous sommes rencontrés. » Il tenta un sourire. Lorsqu'il était intéressé par la séduction, Declan troquait volontiers son apparence de Grizzli des montagnes contre celle d'un ourson inoffensif. « Laissez-moi quand même deviner. Vous en avez marre d'entendre des rumeurs sur votre compte ? C'est pour cette raison que vous n'allez pas vous changer les idées dans un endroit animé ? » Parlait-il réellement pour la jeune femme ou faisait-il une sorte de confidence masquée par une devinette ? Sûrement un peu des deux. Declan ne certifiait pas avoir raison sur ses dernières paroles, après tout, il avait laissé entendre qu'il voulait deviner. Si ce n'était pas le cas, alors tant pis. S'il avait vu juste, une discussion pourrait naître entre les deux inconnus. Declan se servait souvent de son oreille attentive pour amadouer ceux avec qui il désirait passer du bon temps. Il était un homme après tout. Qui ne se servait pas d'artifices pour arriver à ses fins ?

La question d'Elizabeth fut accueilli par un énorme soupir par le dénommé Declan. Les yeux perdus sur l'étendu bleue, il semblait plus que pensif. Sa barbe de quelques jours et ses cheveux décoiffés lui donnaient un air légèrement perdu. La réponse finit tout de même par venir et la comtesse hocha la tête, pensive. Apparemment tout deux fuyaient un quotidien lassant l'espace d'un instant, juste pour reprendre leur souffle avant de retourner se jeter dans la bataille harassante du quotidien. Elle eut un petit rire, ni joyeux ni triste, face à la remarque de son interlocuteur. Il pointait l'évidence et pourtant elle ne se sentait pas déçue de ne pas trouver cette solitude tant recherchée. Elle ne savait pas si l'homme partageait le même point de vue et s'en fichait bien. Il lui donnait l'impression de ne pas la juger - elle ne savait pas si elle pouvait s'y fier, mais c'était mieux que rien. Après tout, plus que le monde en général, c'était la présence de son entourage habituel qu'elle fuyait. « Je suppose que ce n'est pas plus mal. Après tout, je ne sais plus vraiment si j'avais envie de me retrouver seule ou non. » Elle ressentait finalement avec une étrange clarté ce que le proverbe "mieux vaut être seule que mal accompagné" voulait dire. Si elle s'était isolée ce n'était pas par amour pour la solitude, seulement pas ressentiment envers ceux qu'elle connaissait.

Elle rendit spontanément son sourire à Declan, se sentant étrangement calme et apaisée. C'était surement l'effet de cette calme étendue d'eau. Ou le fait de partager quelques paroles aimables et dénuées de tout sous-entendu avec un étranger. Toujours est-il que cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas eu un sourire sincère. Petit, certes, mais loin d'être forcé. Et Dieu que ça faisait du bien ! Elizabeth ferma les yeux, dirigeant sa tête face au soleil pour bénéficier de sa douce chaleur, écoutant toujours le Weather d'une oreille. Il voulait deviner ? Et bien, il avait au moins pour lui le fait d'être bon aux devinettes et de comprendre aisément les motivations des êtres humains. Sa phrase touchait durement juste. Mise à part un détail, peut être, qui était propre au caractère calme et réservé de la blonde. « Il y a un peu de ça. Mais de toute façon je n'ai jamais apprécié les endroits animés. Je ne m'y sens simplement pas à mon aise. Mais à mon tour de deviner ! » Elle rouvrit brusquement les yeux pour les fixer sur Declan, le détaillant ouvertement.

« Est-ce que je me trompe où est-ce que vous aussi vous préférez ce lac à un endroit animé pour éviter un temps les rumeurs à votre sujet ? » Elle préférait nettement parler de l'homme que d'elle même, c'était juste plus facile de cette façon là. Cependant elle avait la triste impression qu'eux d'eux avaient beaucoup en commun. Fixant de nouveau le lac, elle parla doucement, comme réfléchissant à voix haute. « Je pense que personne n'a vraiment envie d'être totalement seul. Du moins pas au plus profond. Qu'en pensez-vous ? » Jouant machinalement avec un plis de longue jupe, elle attendit la réaction du brun, réellement curieuse d'entendre son opinion sur le sujet.

Les paroles de Elizabeth firent réfléchir Declan, un bref instant. Voulait-il réellement être seul, constamment ? La réponse arriva très rapidement. Oui, il devait rester seul. Peut-être pas maintenant, car la compagnie qu'il tenait à Miss Birdgestone n'était qu'éphémère. Il n'allait pas s'attacher à elle et n'en avait pas l'intention, ni l'envie. Elle était juste une belle femme avec qui il pourrait certainement tenter quelque chose. Après tout, l'époux de celle-ci partageait le lit d'une autre femme. Avec un peu de chance, Elizabeth aurait envie de se venger du destin qui lui imposait de vivre dans de telles conditions. En tout cas Declan ne ressentait aucun autre sentiment à son égard qu'un peu de compassion et d'envie. L'envie de découvrir cette femme le temps de quelques minutes, ou quelques heures, rien de plus. Quand bien même il viendrait un jour à rencontrer une personne qui animerait son cœur, le sorcier serait capable de la rejeter pour ne pas avoir à trop souffrir. L'amour est une faiblesse, il l'avait appris à ses dépends. Certains disaient que c'était la plus puissante des magies, il en doutait. Celle qu'il possédait depuis sa naissance le rendait bien plus fort que l'amour. Declan soupira à nouveau, laissant son regard se poser sur sa nouvelle compagnie. Les mots d'Elizabeth l'avait quelque peu déstabilisé dans ses pensées. Il s'était laissé submerger par des souvenirs qu'il lui était préférable de mettre de coté. C'était d'ailleurs la raison de sa venue ici, autant en profiter.

Declan jouait maintenant aux devinettes. Il essayait de deviner pourquoi Elizabeth était ici. Ses paroles sonnaient comme une confidence, ce que miss Birdgestone remarqua bien vite. Elle répondit néanmoins aux questions de Declan avant de lancer ses propres interrogations. Le sorcier eut un sourire et baissa les yeux. Elizabeth était perspicace. Pour la conclusion de la jeune femme, Declan était dubitatif. « Je ne sais pas trop. Parfois, il faut se forcer à rester seul. Même s'il est vrai que l'homme ne peut pas réellement s'y habituer. » Là, le sorcier commença à ouvrir réellement son cœur. Il avait l'impression d'être en thérapie, comme si Elizabeth avait un don capable de faire ressortir les plus profondes pensées d'autrui. « Être seul c'est... compliqué. Mais parfois, nous devons faire des choix qui nous poussent à être malheureux, car on sait que la moindre faiblesse peut nous faire souffrir davantage. Parfois, vous pensez avoir gagné la confiance d'une personne, d'un ami, vous pensez pouvoir suivre les yeux fermés et là, vous sentez un poignard frapper en plein dans votre poitrine. C'est douloureux et ça laisse une marque dans votre esprit qu'il est difficile d'effacer. Mais cette marque vous rappelle également qu'il vaut mieux être très prudent, quitte à devoir rester seul toute votre vie. » Declan fut surpris d'avoir délivré toutes ces paroles et secoua la tête. « J'espère que je ne vous ai pas assommé. On dirait que ma solitude me joue parfois des tours. Voilà que je parle sans pouvoir m'arrêter. Mais, ça répond bien à votre question j'imagine ? » Un sourire, pour amadouer. Declan était décidé à la séduire. Il n'allait pas laisser ses drôles de pensées philosophiques le rendre trop tendre, mais si celles-ci pouvaient servir, alors il continuerait dans cette voie là. On pourrait le qualifier de salopard, et il s'en fichait. L'homme a des besoins et le sorcier ne tournait pas le dos à ce genre de relations, tant que le cœur ne se laissait pas emporter et tant qu'il n'était question de jeux de corps.

Oh oui, le long discours du soit-disant sorcier répondait amplement à la question d'Elizabeth. Quoique, il était légèrement hors sujet. Elle ne lui avait pas demandé ce qu'il pensait de la solitude mais s'il pensait qu'il existait quelqu'un qui puisse souhaiter la solitude pour elle seule. Mais la réponse de Declan n'en était pas vraiment une, de toute façon. C'était plus une sorte de confession intime à mots couverts, une de celle qu'on n'attend pas venant d'un inconnu à l'air mystérieux et trop sûr de soi. Même si l'étranger mal rasé en question était assis à quelque centimètres de soi. Touchée plus qu'elle ne voulait bien l'admettre par son discours, la comtesse n'eut même pas conscience de son geste : elle posa simplement sa main sur celle de l'homme dans une piètre tentative de réconfort. Malgré elle, les mots du sieur Weather l'atteignaient. Elle savait ce qu'il voulait dire lorsqu'il parlait de confiance aveugle et de trahison. Bien que son mari ne l'ai pas trahi à proprement parler. Jamais il ne lui avait dit l'aimer ou jamais il n'avait fait serment de lui rester fidèle -à part lors de leur mariage mais les voeux prononcés à cet instant n'étaient qu'une formalité nécessaire à leur union-. Pourtant le sentiment était le même. Mais il y avait une différence entre elle et Declan. Elle, elle voulait y croire à nouveau. Elle voulait encore faire confiance, elle voulait encore penser qu'il était possible que quelqu'un tienne à elle sincèrement. Ça ne voulait pas dire qu'elle était prête à croire n'importe qui, seulement qu'elle avait encore assez foi en l'humanité pour croire. Et si elle se sentait triste pour Declan ce n'était pas pour ce qu'ils avaient en commun mais bien à cause de cette différence. Lui, ne croyait plus et préférait choisir un isolement forcé.

Puis il leva les yeux vers elle avec un nouveau sourire, s'excusant presque d'un tel monologue. Soudainement Elizabeth prit conscience que sa main était toujours sur la sienne et la retira vivement, gênée et confuse. Ces proches étaient habitués à ce genre de marques d'affection car elle était quelqu'un de très tactile. Elle n'était pas douée avec les mots, alors elle compensait avec les gestes. Cependant, elle n'était habituellement pas aussi démonstrative et familière avec les gens dont elle venait juste de faire la connaissance. Surtout avec les hommes. Rougissant légèrement, elle baissa les yeux. « Toutes mes excuses ! Je ne sais pas ce qui m'a pris je... Désolée. » Fermant ses paupières, elle se força à respirer calmement pour reprendre contenance. Ce n'était pas si grave, n'est-ce pas ? Elle lui avait juste tenu la main pour montrer un peu de compassion. Et puis au diable les règles de bonne tenue, elle était au milieu de la forêt ! Elle reprit un ton plus bas, faisant à son tour ses petites confessions. « C'est juste que je comprend parfaitement ce que vous voulez dire. Il est dur de refaire confiance après avoir été trahi une fois. Même si je ne suis pas totalement d'accord avec vous : il me semble qu'il y a certaines personnes pour qui le risque vaut la peine d'être couru. » Elle se retint d'ajouter qu'elle trouvait si triste qu'il ne veuille plus courir le risque. Mais ne souhaitant pas forcément le faire s'attarder plus que nécessaire sur un sujet qui était de toute évidence sensible elle relança la conversation. « Et comme vous avez répondu à ma question, il me semble que c'est à votre tour d'en poser une, n'est-ce pas ? »

La confidence involontaire de Declan eut l'effet escompté. Elizabeth venait de poser sa main sur la sienne, compatissante et sûrement touchée par toutes ces paroles qu'il avait dite. Le sorcier aurait pu être effrayé de s'être livré avec autant de naturel, mais ce ne fut pas le cas. Au contraire, il en était ravi. Non pas parce qu'il avait enfin quelqu'un à qui parler mais parce que son jeu de séduction pourrait certainement fonctionner. Declan n'avait même pas eu l'intention de la charmer en arrivant ici et le voilà en train de jouer à un double-jeu. D'une part, il se montrait doux, sensible. De l'autre, il veillait à ce que son petit plan fonctionne. Il voulait que cette charmante jeune femme lui tombe dans les bras et peut-être, qu'inconsciemment, elle se rebelle contre les conventions qui la forçait à vivre une vie qu'elle ne désirait peut-être pas. On pourrait croire que Declan puisse être une sorte de héros qui pousse les gens à obtenir leur part de liberté, mais il n'en avait pas lui-même conscience. Parfois, il jouait les salopards pour réveiller les naïfs, les faire se révolter un peu. Au fond, le sorcier détestait voir une personne se laissait manipuler par d'autres. C'était son subconscient qui agissait ainsi, sûrement à cause de son passé. Et il était décidé à ne plus y penser de si tôt.

Il eut un très large sourire lorsque Elizabeth remarqua que sa main était encore posée sur la sienne après de longues minutes. Lorsqu'elle la retira, le sorcier eut un petit mouvement de tête, comme pour dire que ce n'était rien. « Ce n'est rien. Nous sommes humains et... les humains font ces choses-là. Je ne vais pas vous en vouloir de m'apporter un peu de soutien. » Voilà qu'il jouait le rôle de l'homme en manque d'affections. Son attitude était bien différente de celle qu'il adoptait d’habitude. Declan semblait gentil, presque adorable, comme une grande peluche que l'on a envie de rassurer. Il affichait même un regard de chien battu, essayant tant bien que mal de gagner la confiance d'Elizabeth, de gagner sa compassion. Le sorcier aimait bien ce jeu. Et puis, ce n'était pas comme s'il faisait du mal à la jeune femme. Il la laissait venir vers lui, pas à pas, et décider d'elle-même de ce qu'elle voulait vraiment. Si le courant passait, Declan pourrait tenter une approche. Jamais il ne forcerait Miss Birdegestone à commettre des actes qu'elle ne désirait pas mettre en œuvre. Il n'était pas ce genre d'homme. Tout ce qu'il désirait, c'était séduire, profiter de l'instant présent.

Elizabeth avait repris la parole, se justifiant suite à son petit geste. Ce qui fit sourire davantage le sorcier. Elle donna également son avis sur le débat qu'il avait lancé, mais Declan restait sur son idée première : il ne voulait pas risquer de souffrir encore une fois. Il ne pouvait accorder sa confiance, sauf si... un jour, peut-être, il rencontrerait cette personne qui en vaille la peine. Encore fallait-il que le sorcier se laisse approcher de plus près. Elizabeth termina en pensant que Declan aurait une nouvelle question à poser. Alors, le sorcier fit mine de réfléchir et leva les yeux au ciel. « En effet, à mon tour. » Il posa à nouveau ses yeux sur elle et se courba en avant, les mains jointes. « Est-ce qu'il vous arrive, parfois, de vouloir aller contre les règles que l'on vous impose ? D'aller au delà de certaines limites, qui pourraient vous séduires mais que vous n'osez pas franchir ? »