If you meet a loner, it's not because they enjoy solitude {Pv Declan

Les excuses furent échangées, la tension descendit d'un cran. Elizabeth ne savait pas vraiment pourquoi mais elle continuait d'entretenir la discussion, participant à un jeu dont les règles lui échappaient totalement. Tout ce qu'elle savait c'était qu'elle aussi devait bien trop avoir souffert de la solitude. Non pas qu'elle ne côtoie personne -chose pour ainsi dire impossible quand on vivait au château-, mais elle avait l'impression d'être terriblement isolée. Si la comtesse Elizabeth avait des femmes de chambre, un mari, des amis et connaissance parmi les nobles, la petite Lizzie n'avait que son époux. Seulement, depuis récemment, elle n'avait même plus cet homme à qui se raccrocher. Alors elle n'était que trop heureuse de discuter avec quelqu'un d'autre, quand bien même il pouvait se montrer aussi agaçant et rustre que Declan. Et même si la discussion avait dérapé sur des sujets loin d'être plaisants, la blonde s'estimait heureuse que quelqu'un vienne lui exposer sa manière de penser avec franchise. C'était une qualité bien trop rare chez ceux qu'elle avait l'habitude de côtoyer et qui se cachaient sans cesse derrière des sous-entendus qu'il n'était que trop aisé de ne pas apercevoir. L'homme était bien le premier à dire clairement ce qu'il pensait, que cela lui plaise ou non.

Inquiète de savoir qui donc veiller au bien être de son interlocuteur, Elizabeth écouta avec attention sa réponse à la question. Pas besoin. Comme s'il y avait une personne dans ce monde qui pouvait se passer d'aide. Les ombres encore plus que les autres, elle en était convaincue, avaient besoin d'une grande attention. Il était si facile de perdre tout et de se perdre soi-même en route, si facile de se tromper de chemin que chacun devait s'accrocher à un autre. Quel dommage pour elle et Declan qu'apparemment ils n'avaient pas réussi à trouver qui suivre et s'étaient ainsi retrouvés égarés. Néanmoins, la fin de la phrase rassura la comtesse : l'homme avait une famille. Il n'était pas aussi seul que ça et avait des proches qui comptaient pour lui et pour qui, elle l'espérait de tout son coeur, il comptait. Elle repensa avec un pincement au coeur à la famille et au grand-frère qu'elle avait quitté en se mariant. Mais cela faisait tellement d'années maintenant qu'elle ne les avait pas revu qu'elle les chassa vite de son esprit. A l'allusion que Declan fit sur la nature, la jeune femme tourna la tête pour observer encore une fois le paysage, paysage qui ne suffisait plus à la calmer. La tension s'était peut être amenuisé, elle n'en restait pas moins énervée par l'allusion récente à sa vie privée. D'ailleurs, la discussion continuait sur le thème du bonheur et s'était apparemment à son tour de prendre la parole. « Je ne peux qu'espérer que votre famille veille sur vous de la même façon que vous veillez sur eux. Il est toujours bon d'avoir quelqu'un sur qui compter, même pour une ombre. Quant à mon bonheur, continuez. Vous ne vous êtes pas gêné jusque là pour me donner votre avis alors dites moi donc où je devrais le chercher. » Puis souriant légèrement d'un air taquin, elle rajouta. « En tout cas, vous confirmez donc avoir quelques talents dans le domaine de la magie. »

Avec sa famille, Declan avait parfois l'impression d'être le meneur. La possession de pouvoirs, capables de protéger les siens, jouait pour beaucoup. Rowan jouait parfois les grands frères lorsqu'il en avait l'occasion, mais avec la magie, tout était différent. Declan avait souvent le contrôle de la situation. Il était celui vers qui l'on se tournait, inévitablement. Mais pour sa famille, le sorcier ne se plaignait pas. Même s'il avait lui aussi besoin de se confier, il ne le faisait pas. Il préférait écouter plutôt que parler. Il se torturait seul à agir ainsi mais Declan savait comment vider son esprit, en solitaire. Il n'avait presque pas besoin de parler pour se "confier". Il méditait, ce qui lui était entièrement suffisant. Alors, s'il avait aujourd'hui le pouvoir de s'occuper des autres, pourquoi en ferait-il autrement ? Eleanor ne semblait vraiment pas vouloir fléchir face à ses avances et Declan n'était pas du genre à trop insister pour avoir le corps d'une femme. Il commençait donc, peu à peu, à se détacher de son but premier. Et il ne comptait pas rester trop longtemps en compagnie de la jeune femme, pour ne pas lui donner certaines idées - comme par exemple, vouloir devenir son ami. Hors de question qu'il se lie d'amitié avec elle, même s'il était vraiment plaisant de discuter avec Elizabeth, qui semblait avoir l'esprit ouvert, philosophique.

Miss Birdgestone voulait d'ailleurs que Declan continue à la mener sur la voie concernant son propre bonheur, à elle. Le sorcier eut un sourire en coin et secoua la tête. Il ne savait pas lire dans les esprits, pas encore. Il lui était donc difficile de viser juste dans sa prochaine réponse, mais il tenterait le tout pour le tout. Et avant qu'il ne puisse répondre, Elizabeth fut taquine. Declan avait lui-même confirmé une des rumeurs qui circulait à son sujet et la jeune femme l'avait bien compris. « En effet, j'ai quelques talents. » Pour appuyer ses dires, il fit apparaître un papillon de fumée, qui s'envola aussitôt dans les airs, avant de s'évaporer. « Votre bonheur, je pense que c'est à vous seule de le trouver. Il vous suffit juste de rester ici un moment, de fermer les yeux et d'écouter votre voix intérieure. Elle vous dira ce que vous voulez entendre, cherchera ce qu'il y a au fond de votre coeur » Declan posa deux doigts sur la tempe d'Elizabeth, avec délicatesse. Il ne voulait pas se retrouver avec un bras en moins. « C'est ici que se cache les réponses. Vous devez juste trouver la clé qui ouvrira la porte de votre subconscient... » Le sorcier recula sa main et fit quelques pas en arrière. « Et je pense que vous en êtes capable. »

Si quelqu'un le voyait... Il se mettait presque à la place d'un grand frère, comme s'il s'adressait à Mallory. Flippant. Il n'avait pas besoin de jouer les sauveurs ni les guides. Après cet entretien, il se jura de ne plus revoir Elizabeth. Il ne devait pas attirer la sympathie, mais la peur. Seulement voilà, la jeune femme lui avait tant rappelé sa propre soeur et il s'était laissé emporter par l'envie de l'aider. Ses tentatives de séductions avaient été vaines, détournées par la bonne conscience du sorcier. « Je vais vous laisser profiter de votre journée. En espérant que mes conseils seront suivis. » Il adressa un petit sourire à Elizabeth, un dernier geste amical à son égard.

La taquinerie avait échappé à Elizabeth et elle eut un instant peur que Declan ne le prenne mal, après tout ils avaient convenu de ne plus s'attarder sur les rumeurs qui couraient. Pourtant, cela ne sembla nullement gêner l'homme qui confirma donc ses dires comme si rien n'était moins important. Allant même plus loin, il fit apparaître un nuage de fumée sous les yeux émerveillés de la jeune blonde. Cela lui donnait l'impression de retomber en enfance et, bien loin de ses préoccupations habituelles, elle observa le papillon ainsi apparut. S'accrochant au moindre battement de ses ailes de fumée, elle en oublia même de refermer la bouche. Puis le mirage s'évanouit au grès du vent, la laissant avec une étrange sensation d'admiration et de légèreté. Il ne lui en fallait pas plus pour lui prouver que le monde regorgeait encore de bien des merveilles capables l'espace d'un instant de lui faire oublier son noble mari et son adorable maîtresse.

Declan reprit finalement la parole, comme si rien ne s'était passé et que cette petite démonstration ne méritait pas que l'on s'attarde sur elle. Et peut être était-ce le cas. Sans doute était-ce aussi simple que dire bonjour pour le magicien et, à vrai dire, la comtesse ne doutait pas un instant qu'il était capable de bien plus. Seulement, elle ne chercherait même pas à le cacher, c'était amplement suffisant pour l'impressionner. La blonde cligna des yeux pour réussir à reprendre la conversation là où ils l'avaient laissé. Bizarre comme les paroles du brun auraient pu paraître absurdes prononcées par un autre. Mais il y avait une sorte de confiance en soi qui se dégageait de l'homme et rendait presque impossible de mettre ses mots en doute. D'autant plus qu'il semblait étrangement sincère et qu'elle avait diablement envie de croire à ce qu'il lui disait. Rester ici, encore une heure ou deux, et profiter du calme pour faire le tri et choisir une nouvelle direction à donner à sa vie. Après tout, n'était-ce pas le but de son escapade ? Elle n'avait pas eu le temps au château de faire le point et c'était exactement ce que le magicien lui conseillait : pourquoi s'acharner à nier qu'elle en avait besoin ? La simple façon dont elle s'était emportée prouvait à elle seule qu'elle était bien trop sur les nerfs.

Elizabeth tressauta légèrement au contact de deux doigts sur sa tempe mais n'esquissa pas le moindre geste pour s'en défaire. C'était étrange, pensa-t-elle, de se dire qu'il avait suffit d'une petite démonstration de magie pour qu'il gagne en partie sa confiance. Normalement, ce genre de numéros n'effrayait-il pas les gens ? Pourtant, c'était une preuve d'honnêteté et elle ne voyait pas comment le prendre autrement. A la nouvelle phrase de l'homme elle hocha doucement la tête, signe qu'elle comprenait de quoi il parlait. Oh, elle savait que ce ne serait pas chose aisée que de trouver des réponses mais elle essaierait. Quand bien même elle y parvenait, il n'était de toute façon pas dit qu'elle les suivrait : elle n'oubliait pas pour autant le rôle qu'elle avait accepté de jouer en prenant le comte pour époux et ne pouvait pas si facilement briser tous les serments qu'elle avait fait. Seulement, elle se promettait au moins d'y réfléchir et c'était déjà un pas en avant.

Avant qu'elle n'ait le temps de penser à une réponse convenable, Declan écarta sa main de son visage et entreprit de s'en aller, la laissant réfléchir seule à tous ces conseils et à ce qu'elle désirait réellement. Pourtant, ce n'était pas du tout du goût de la comtesse qui se sentait assez mal à l'aise d'avoir été aidé par l'homme sans ne lui avoir rien apporté en retour. D'autant plus qu'après les réflexions du brun sur sa famille et sa comparaison avec sa soeur, une question lui trottait en tête. « Attendez un instant ! Votre soeur... Va-t-elle mieux ? A-t-elle réussi à retrouver le bonheur ? » Elle ne savait pas pourquoi mais la réponse à ces deux questions lui semblait importantes.

Il était temps pour Declan de partir. La discussion avait pris un chemin bien trop dangereux pour lui et il ne souhaitait pas qu'elle ne perdure. Elizabeth était une femme très intelligente et discuter avec elle avait été un plaisir, peut-être un peu trop. Le sorcier solitaire n'aimait pas se faire des amis, alors, il devait fuir. Qui sait ce qu'il pourrait arriver à la comtesse s'il devenait son confident et elle le sien ? Declan se savait maudit, sans réellement comprendre pour quelles raisons, et il savait aussi que ses proches ne restaient jamais trop longtemps en vie ou entièrement heureux avec lui. Il arrivait toujours malheur à ceux qui s'approchaient de trop près de la famille Weathers, alors, à quoi bon se lier d'amitié avec une inconnue pour qu'elle souffre ensuite ? Ce n'était pas le but de la manœuvre. Les amis, c'était fait pour avoir une épaule sur laquelle se reposer et non pour les encombrer de divers fardeaux. Declan ne voulait même plus pousser Elizabeth à coucher avec lui, puisqu'elle n'était pas décidé à se laisser aller et surtout, parce qu'elle méritait peut-être mieux comme traitement. Oui, Declan respectait les femmes. Si elles venaient à lui, tant mieux. Dans le cas contraire, il ne forçait jamais la main.

Le sorcier tourna donc les talons, près à laisser Elizabeth réfléchir à leur discussion et à ses conseils. Cependant, elle ne voulait pas qu'il parte et lui demanda d'attendre, en faisant référence à sa sœur. Declan s'arrêta net mais ne se tourna pas tout de suite. Il écoutait attentivement la comtesse qui voulait connaître le sort de Mallory, savoir si elle avait trouvé le bonheur. Un soupir se fit entendre, puis le sorcier tourna doucement son visage vers Elizabeth, en haussant les épaules. « Pas encore. Mais elle ne compte pas baisser les bras. » Et puisqu'il s'était promis de ne plus revoir la jeune femme, Declan décida de lui donner un dernier conseil amical. « Surtout, ne baissez pas les bras, vous non plus. Trouvez votre bonheur et ne le lâchait plus, surtout si vous êtes sûre que ce bonheur n'est pas une illusion. » Un triste sourire se dessina sur le visage du sorcier qui décida, contre toute attente, de s'évaporer dans une volute de fumée pourpre. La discussion avec Elizabeth lui fit penser à son propre bonheur, qu'il avait mis de coté. Il ne pensait pas pouvoir mériter quiconque et fermer les yeux, même si au final, il souffrait énormément.