J’ignorais qui j’étais. J’avais beau réfléchir, je n’avais aucune idée de la personne que je pouvais être. Je n’avais absolument aucun souvenir, comme si on me les avait enlevés sans ma permission, comme si on s’était permis de me voler tout ce qui faisait de moi ce que j’étais, autrefois. J’avais beau avoir le cœur rempli d’émotions différentes, il ne restait pas moins percé par le manque de souvenirs, puisque je n’en avais plus à chérir. N’est-ce pas les souvenirs, le passé, qui fait ce que nous sommes ? Alors qui étais-je ? Qu’était devenus mes souvenirs, mon passé ? J’allais bientôt avoir la réponse à cette dernière question, sans vraiment le savoir.

Je remarquai que Mr.Gold semblait désolé, voire peiné, de m’entendre parler de la sorte. Je n’avais pas voulu le blesser, mais déjà, avant qu’il ne dise quoi que ce soit, je comprenais que je n’étais pas dangereuse à ses yeux. Je comprenais donc également qu’on m’avait enfermé pour rien, sans raison valable. Mon hôte s’avança et s’arrêta tout près, très près, de moi. Il posa sa main sur mon épaule et m’affirma que je n’étais pas dangereuse, comme si c’était un fait tout simplement impensable. Je le fixai dans les yeux alors qu’il continuait, n’étant pas gênée par la distance entre nous. Il affirma alors qu’il m’avait cru morte. Mon regard effaça toute crainte pour la remplacer par la surprise. De plus, il ajouta en disant que nous nous étions connus auparavant. Donc il me connaissait, vraiment. Je ne m’étais pas trompée. Alors il savait qui j’étais, alors que je l’ignorais. Le pauvre avait dû souffrir en apprenant que j’étais ‘morte’. Ceci expliquait cela. S’il voulait me protéger maintenant, c’est qu’il avait probablement des ennemis et qu’ils s’étaient servis de moi pour l’atteindre.

Avec toutes ces nouvelles réflexions, une nouvelle question me vint à l’esprit. Qui étais-je pour lui, autrefois? Intriguée, j’écoutai la suite qui répondit à ma question initiale. J’ignorais qui j’étais alors parce que j’avais perdu la mémoire. Bien sûr, ça semblait logique. Comme il disait, il n’y avait pas vraiment d’autres explications. Alors il m’assura que je n’avais pas à craindre de faire du mal à quiconque, s’appuyant sur le fait que si Jefferson m’avais libéré, c’est qu’il savait qui je suis. Le fait de le savoir n’amena qu’une nouvelle question principale : Qui étais-je ? Et à cette question s’en ajoutait d’autres, secondaires. Cette situation était plutôt délicate à gérer. Les gens savaient qui j’étais alors que je l’ignorais.

Je continuai de fixer Mr.Gold, comme si j’attendais plus d’explication alors qu’il n’y avait pas grand-chose à ajouter sur les questions que je lui avais posé. J’aurais voulu lui demander de me dire qui j’étais, qui était-il pour moi et pourquoi diable m’avait-on fait croire que je représentais un danger, cependant, je ne voulais pas lui en affliger plus. Si, comme il avait dit, nous nous étions connus autrefois, je me disais qu’il devait en souffrir autant que moi. Sa solitude avait donc été la mienne en même temps. J’espérais donc qu’au moins, ma présence lui suffirait, même si je ne me souvenais pas de lui, du tout.

Voyant son inquiétude au fond de son regard, j’affichai un léger sourire, sortant de cette transe dans laquelle je m’étais perdue. Je posai alors ma main sur son bras qui tenait mon épaule. « Je vous fais confiance » dis-je calmement, pour le rassurer. Je n’avais pas l’intention de me sauver. Maintenant que je savais que j’avais un lien avec lui, peu m’importe lequel, je n’avais pas envie de le briser pour de bon, mais plutôt de recoller les morceaux, doucement, un souvenir à la fois. « Allons-y, je vous suis. » J’ignorais où nous allions, ou plutôt, j’ignorais où se trouvait ce restaurant qu’il avait mentionné plus tôt, et je commençais à avoir faim. Toutes ces émotions m’ouvraient l’appétit, et puisque je n’étais pas dangereuse, selon Gold, je pouvais donc sortir aisément.

Belle avait établi un contact visuel avec le ténébreux qu'il fut difficile de rompre. Ce n'est que lorsque la jeune femme posa sa main sur son bras que Mr.Gold sortit de ses songes. Elle lui faisait confiance et était prête à le suivre. Ces simples mots donnèrent le sourire au ténébreux qui fut animé de bons sentiments. Il avait envie de faire découvrir toutes sortes de choses à Belle. Le restaurant, les repas qui y étaient servis, les petites nouveautés culinaires de ce monde... tout ! Gold avait presque l'air d'un adolescent, heureux de commencer son tout premier rendez-vous amoureux. Il ne prit cependant pas la main de Belle et resta courtois envers elle. Il voulait se montrer protecteur, en espérant ne pas paraître trop paternel ni trop étrange à ses yeux. Ses sentiments envers Belle étaient ravivés plus que jamais et il lui était extrêmement difficile de faire comme si de rien était, comme s'ils ne s'étaient jamais connus et qu'il devait la guider à travers un monde qu'elle ne connaissait pas. Gold espérait tout de même regagner suffisamment sa confiance pour reprendre sa place dans son coeur.

Une fois dehors, le propriétaire de la ville s'assura d'avoir bien fermé sa boutique puis, il posa doucement sa main dans le dos de Belle pour la guider. Son autre main tenait la canne qui l'aidait à se déplacer, cognant lentement sur le sol bétonné au rythme de ses pas. Il ne voulait pas être trop rapide et essayait de ne pas être trop lent. « C'est une agréable journée pour se promener. J'espère que tu n'as pas trop froid ? » Il lui donnerait sa veste s'il le fallait. Plus rien autour d'eux n'avait d'importance. Belle était la seule chose que comptait chérir Mr.Gold dans les jours à venir, jusqu'à ce que la malédiction se brise et qu'il ne doive retrouver son fils. Bae. Il était ici, dans ce monde et le ténébreux était prêt à le retrouver. Belle n'était pas au courant de toute cette histoire et il ne pouvait lui en parler tant qu'elle ignorait sa véritable identité. Gold ne voulait pas l'effrayer avec ses histoires de ville sous l'emprise d'une malédiction dont-on ne pouvait sortir. Elle qui avait passé sa vie enfermée dans une cellule d'hôpital psychiatrique n'avait pas à connaître tous ces détails étranges.

Le restaurant de chez Granny fut vite là. Gold ouvrit la porte et décida d'entrer le premier, pour pouvoir tenir la porte à Belle et l'introduire dans les lieux en toute sécurité. Les regards se braquèrent inévitablement sur eux car, d'une part, les habitants ne connaissaient pas la jeune femme et de l'autre, ils étaient étonnés de voir Gold accompagné d'une charmante demoiselle. Rapidement, le propriétaire de la ville choisit une table, essayant de ne pas faire attention aux murmures qui grandissaient autour d'eux. Il tira également une chaise pour faire asseoir Belle et, lorsque celle-ci fut installée, il se plaça de l'autre coté avant de tendre un menu à son invitée. « Choisi tout ce que tu désires. Ne regarde pas le prix, juste les ingrédients. C'est moi qui offre. » Granny sortit des cuisines et faillit faire une attaque. Une femme, à la table de Gold ? Était-elle tombée sur la tête ?

Une fois que j’eus parlé, Mr.Gold m’offrit un sourire. J’avais réussit à le rassurer avec le peu de mots que je lui avais offert. Il avait maintenant l’air satisfait, voire même fier. Cependant, je remarquai quelque chose lorsque nous sortions de la boutique. Si l’on oubliait le fait qu’il ait besoin de sa canne pour marcher, j’avais l’impression que ses mouvements étaient forcés, ou plutôt retenus. Il s’empêchait de poser certains gestes, comme si nous étions deux inconnus. Étrangement, ça me toucha. À sa place, d’autres auraient agit comme avant, du temps que nous nous connaissions, mais pas lui. Il ne voulait pas me brusquer, m’effrayer. Mon hôte devait se douter à quel point j’avais du mal à me faire à cette liberté. Il fallait avouer que j’avais l’impression que ce trop plein d’oxygène m’étourdissait, mais je me doutais que j’allais vite m’y habituer, et Gold semblait vouloir m’y aider.

Dehors, j’attendis que celui-ci ait bien verrouillé sa boutique avant de partir. Le soleil chaud plombant sur nous me réchauffait de ses rayons. Cette sensation était probablement la plus magique que je pouvais ressentir en ce début de printemps. Bientôt, j’allais pouvoir sentir l’odeur des fleurs sauvages poussant dans la forêt, sentir l’odeur fraiche de l’herbe arrosé par la rosée du matin… Ces prévisions me remplissaient de joie que mon hôte dû remarquer lorsqu’il se tourna vers moi une fois la porte verrouillée. Lorsqu’il plaça sa main, paume ouverte vers la direction que nous allions prendre, mon dos vint se placer devant instinctivement. Il s’agissait là d’un réflexe humain auquel ni moi ni personne n’aurions songé réfléchir. Les deux mains dans mes poches, j’avançai donc aux côtés de mon nouvel ami et protecteur en direction d’un restaurant.

Après un moment de marche, celui-ci brisa le petit silence qui s’était installé alors que je me concentrais sur le soleil sur ma peau. Je le regardai et lui sourit, hochant la tête sur le fait que ce soit une belle journée. Pour moi, il aurait pu pleuvoir à boire debout que j’aurais trouvé cette journée magnifique. Je ne me souvenais pas de la sensation de la pluie sur ma peau non plus. Le vent souffla, faisant voler nos cheveux, quand il me demanda si j’avais froid. J’hochai donc la tête négativement. « Ne vous inquiétez pas. Le soleil fait très bien son travail. » Je découvrais la liberté, mais je découvrais également la vraie sensation qu’on éprouvait lorsqu’on se promenait à l’extérieur, sous le soleil, cheveux dans le vent. Le cœur battant, je souris à Mr.Gold puis regardai autour ce que je voyais. Magasins, boutiques de toutes sortes, restaurant, hôtel… il y avait de tout. Il y avait aussi l’hôpital, mais avant que nous ayons à passer devant, nous arrivâmes chez Granny.

Mr. Gold passa alors devant pour m’ouvrir la porte. Quand je fus à l’intérieur, je me sentis un peu mal à l’aise de ne pas avoir ouvert la porte pour lui. C’était lui qui avait une canne après tout. Mais j’imagine qu’il s’en sortait bien ainsi, alors je n’en fis pas de plat. Je remarquai surtout tous les yeux rivés sur nous. Storybrooke était donc une aussi petite ville ? Pourquoi me regardaient-ils ainsi ? N’avaient-ils jamais vu d’étrangers auparavant ? À moins que ce soit mon accompagnateur qu’ils étaient en train de regarder… Bref, bien galant, celui-ci choisit une table et tira ma chaise pour m’aider à m’asseoir. Puis quand il fut assis également, en face d’elle, il lui tendit un menu en lui demandant de ne pas faire attention au prix, mais seulement aux ingrédients. J’hochai donc la tête, regardant le menu en tentant d’ignorer tous les murmures. « J’ignorais qu’il y avait autant de choix. N’auriez-vous pas une suggestion pour moi? » Si j’attendais de lire tous les ingrédients de chaque repas, je n’avais certainement pas fini de lire, et j’avais hâte de gouter à un repas nouveau. Après avoir regardé Mr.Gold, je regardai autour, voyant les gens tourner la tête et faire comme si je ne les avais pas vu me regarder. Une petite crainte revint en moi. Me connaissaient-ils eux aussi? Savaient-ils que j’avais été enfermée pour avoir été 'dangereuse' ? Peut-être me craignaient-ils ? Ou bien était-ce Mr.Gold. Je le regardai à nouveau. Je comprenais mieux pourquoi j’avais l’impression qu’il était seul dans la vie. Si c’était lui qui créait cette atmosphère, il devait être quelqu’un de craint dans la ville, ce qui voulait donc dire que j’étais assis à la bonne table si je voulais rester libre.

Voir Belle découvrir tout ce qui l'entourait avec des yeux nouveaux fit sourire Mr.Gold, qui la guidait toujours à travers la ville. La jeune femme avait presque l'air d'une enfant, avec ses petits regards innocents sur les beautés de la nature qui l'entourait et sur les petits détails qu'aucun habitant ne remarquait plus à force de passer et repasser dans ces rues. Et grâce à Belle, Gold posait lui aussi un nouveau regard sur toutes ces choses futiles qui les entourait. Un vent frais passa, soulevant les cheveux de la jeune femme que le ténébreux regardait avec attention, délaissant son occupation première. Belle était magnifique. Surtout en extérieur, en liberté, à la lumière du jour. Et malgré sa contemplation soudaine, le Mr.Gold demanda à la jeune femme si elle n'avait pas froid, ce à quoi elle répondit négativement. Il était prêt à jouer les gentleman, à retirer sa veste, mais Belle n'en avait pas besoin. Peut-être que le ténébreux était un peu trop inquiet au sujet de sa protégée. Il se surprenait lui-même de son comportement, comme si Belle était un petit chaton qui menaçait de tomber d'une fine branche d'arbre.

En espérant qu'il soit moins anxieux chez Granny - ce qui n'était pas une mince affaire - le propriétaire de la ville invita Belle à une table, veillant à ce qu'elle prenne bien place confortablement avant de s'asseoir à son tour. Il voulait désormais que son invitée commande tout ce qu'elle désirait - dans la limite du raisonnable, Gold n'allait pas la laisser se rendre malade. Il lui tendit donc le menu, observant le sien avec minutie. Mais la jeune femme avait besoin de son avis. Elle voulait des suggestions. Le ténébreux chercha alors au fond de son esprit, puis porta son regard sur la liste des plats sous ses yeux. Il y avait tellement de choix possibles... que choisir pour Belle ? Qu'aimait-elle ? Qu'est-ce qu'elle détestait ? Était-elle allergique à certains composants ? ... N'avait-il pas dit qu'il ne s’inquiéterait plus à son sujet ? Gold n'arrivait pas à se montrer entièrement calme face à la jeune femme. Il était tellement préoccupé par son bien-être qu'il en oubliait son masque imposant et glacial qu'il affichait normalement en permanence auprès des autres habitants de la ville.

« Les salades composées sont excellentes. Surtout celles avec des tranches de poulet grillés. » Il lança un regard vers Belle, curieux. « Mais tout dépend de ce que tu aimes ou non. Je peux te conseiller aussi un bon thé glacé. C'est excellent comme désaltérant. » Et il lui adressa un sourire, qui fit tomber la mâchoire de certains autour d'eux, y compris Granny. Il fallait dire que le propriétaire de la ville n'avait JAMAIS invité de jeune femme à sortir. Les gens le pensaient même veuf ou trop désagréable pour que les dames soient séduites. « Mais n'hésite pas. Tu mérites un bon repas maintenant. » Granny approcha près d'eux, prête à prendre leur commande. Elle lançait de drôles de regards à Belle, comme si elle cherchait à voir si la jeune femme n'était pas attachée quelque part, forcée de dîner avec Mr.Gold. Ce dernier passa d'ailleurs sa propre commande. « Je prendrais une petite salade composée avec des filets de poulet grillés. Un thé glacé, aussi. » Il ne remerciait pas Granny. Après tout, elle le détestait.

Une fois la commande terminée - y compris pour Belle - Gold posa ses coudes sur la table, le menton contre ses mains. « Alors ? Quelles sont tes premières impressions sur le monde extérieur ? Tu te sens à l'aise ? » Avec tous ces regards braqués sur eux et ces murmures ?

J’avais un peu plus l’impression d’être un extra-terrestre venant tout droit de Mars. Les gens nous dévisageaient, nous fixaient. Bien sûr, ils tournaient la tête quand je me retournais, mais je sentais leur regard sur moi, sur nous. Si j’avais voulu passer inaperçu, c’était raté. Mais bon, je me doutais bien que ça allait passer à un moment donné. Les gens allaient bien finir par remarquer que nous n’avions rien d’intéressant à leur faire raconter. Du coup, j’écoutai la proposition de Mr. Gold. Une salade composée avec du poulet… Je cherchai dans le menu et regardai les ingrédients quand une dame vint à notre table.

Rapidement, je posai le regard sur elle. Elle était transparente. Je pouvais lire en elle qu’elle n’était pas méchante, mais qu’elle avait tout un caractère bien à elle. Aussi, en la voyant regarder mon hôte, je devinai qu’elle ne l’aimait pas beaucoup. Je ne connaissais pas les raisons à cela, et ça ne me regardait pas non plus, alors je replongeai mon regard dans mon menu en écoutant la commande de Gold. Quand ce fut mon tour, je regardai la dame, sourire aux lèvres en espérant qu’elle en affiche un aussi, puis prit parole. « Je vais prendre la même chose, s’il vous plaît. » Puis la dame hocha la tête, semblant se poser des questions à mon sujet. « Merci » ajoutai-je de la part de nous deux, puisque Mr.Gold semblait avoir oublié de la remercier.

D’ailleurs, je trouvais la situation quelque peu étrange. Celui-ci semblait se moquer complètement des autres. Bon, ce n’était pas mauvais en soi, mais j’avais eu l’impression que sa présence provoquait un peu celle qui devait être Granny. D’ailleurs, elle ne semblait pas être la seule à se sentir menacée par la présence de l’homme assis en face de moi. Bien sûr, l’opinion des autres ne me dérangeait pas, seulement je trouvais cela légèrement intimidant de me faire fixer autant lors de mon premier jour en civil, dans la ville où j’avais vécu depuis toujours, ou c’était plutôt ce que j’avais l’impression. Quand Mr.Gold me demanda comment je me sentais, je croisai les jambes doucement, par réflexe je crois, mit mon dos un peu plus droit, puis répondit calmement, avec un sourire. « Ça va pour moi. Je pense que ce sont les autres qui ne s’en remettent pas. On dirait qu’ils voient un extra-terrestre. » Dis-je en riant un peu. Je ne voulais mettre mal à l’aise personne. La situation était simplement étrange, et légèrement lourde, mais en même temps, c’était normal, non? « En même temps, je m’y attendais un peu je crois. J’ai l’impression d’avoir été enfermée si longtemps que je me doutais bien qu’en sortant, j’allais me sentir observée. »

Alors que j’offrais un joli sourire à mon ami, Granny vint nous interrompre pour nous donner nos thés glacés. Je la regardai donc, la remerciai encore et regardai Mr.Gold, prenant une première gorgée en même temps qu’il prit la sienne.

La majorité des habitants de Storybrooke détestait Mr.Gold, c'était un fait. Mais ils ne devaient pas se méfier de Belle sous prétexte qu'elle tenait compagnie au propriétaire de la ville. Après tout, c'était une jeune femme adorable, mignonne. Elle n'avait pas à attirer les mauvaises rumeurs. Gold n'allait cependant pas la mettre de coté pour autant. En revanche, il veillerait à ce qu'elle ne souffre pas trop des qu'en-dira-t-on. Belle sortait tout juste d'une vie cauchemardesque. Maintenant qu'elle était libre, le ténébreux voulait qu'elle profite de tout, y compris de ce restaurant où il était un client régulier. Si les habitants de la ville n'étaient pas content de le voir en bonne compagnie, qu'ils aillent prendre leurs repas chez eux. En attendant, Granny prenait leur repas et Belle la remercia pour deux, puisque Gold ne dédaignait pas se montrer poli envers la grand-mère du petit chaperon rouge. Il n'adressa un regard qu'à son invitée en posant le menu dont-il n'avait plus besoin sur le coté de la table. « Tu verras, ce plat est vraiment délicieux. » Il en avait déjà l'eau à la bouche rien que d'en parler. Entre les plats tout préparés à faire chauffer au micro-ondes et les plats préparés par des cuisiniers qualifiés, il y avait une grande marge.

Toujours préoccupé par le bien-être de son invitée, Gold lui demanda ses premières impressions. Si elle ne se sentait pas à l'aise ici, il était prêt à tout quitter pour l'accompagner dans un autre lieu. Belle répondit alors et elle allait bien. En revanche, elle avait bien remarqué le petit manège des habitants de la ville, qui avaient tous l'attention portée sur eux. Heureusement, elle semblait bien le prendre. Gold ne ria pas cependant et lança des regards à droite à gauche, comme pour dissuader les gens de trop les observer. Et aussitôt son regard sombre se posa sur eux qu'ils tournèrent la tête, retournant à leurs occupations comme si de rien était. Bande de lâches. Lorsque finalement, Gold reporta son attention sur Belle, celle-ci pensa que c'était de sa faute si les gens les observaient bizarrement. Le ténébreux fronça les sourcils, bien décidé à dire la vérité, tant pis si elle était effrayée après ces petites révélations. De toute façon, quelqu'un finirait bien par lui poser des questions un jour ou l'autre alors, autant prendre les devants.

Il soupira, las de tous les imbéciles qui l'entouraient, puis il leva les yeux vers Belle pour capter son regard, son attention. « Ils t'observent peut-être parce qu'ils te connaissent pas, mais surtout parce que tu es avec moi. » Il voulut poser sa main sur la sienne mais hésita, pour finalement la laisser suspendre dans l'air et se reposer doucement sur la table. « Je suis le propriétaire de la ville. C'est moi qui récupère les loyers, qui est chargé de veiller à ce que tous les contrats soient respectés dans les temps, alors... il est aisé de me détester. » Mais il n'y avait pas que ça. « Ils ne m'ont jamais vu en compagnie d'une seule femme et, ils doivent se poser des questions sur ton compte. Ils doivent certainement se demander ce que tu fais avec un homme comme moi. Avec, un monstre. » Et il eut un fin sourire, presque triste. Belle était bien la seule à qui il pouvait confier toutes ces paroles. Avec elle, il se sentait bien. Il avait même besoin de sa présence, besoin de sa gentillesse, de son sourire. Elle lui était indispensable. Sans pouvoirs, Gold se préoccupait bien plus de la femme qu'il aimait.

Je déposai mon menu par dessus celui de Mr.Gold puis les tendit les deux à Granny qui s’éloigna avec. Ensuite, je regardai mon accompagnateur qui m’affirma que le repas que nous avions choisi allait être délicieux. Bien sûr qu’il allait l’être. Rien que le fait que ce soit différent m’assurait que j’allais aimer. Je n’allais certainement pas faire ma difficile. Suite à cela, celui-ci engagea une nouvelle conversation, me demandant quelles impressions j’avais de cette liberté. Je répondis positivement, riant même un peu des regards que les autres nous jetaient. Quand j’eus mon thé glacé en main, je remarquai que mon hôte ne semblait pas trouver la situation amusante, pas du tout même. Il posa un regard plutôt noir sur ces indiscrets, ce qui me gêna un peu, mais j’imagine qu’il ne voulait simplement pas que je sois à l’aise.

« En même temps, je m’y attendais un peu je crois. J’ai l’impression d’avoir été enfermée si longtemps que je me doutais bien qu’en sortant, j’allais me sentir observée. » Avais-je dis pour détendre l’atmosphère. Cependant, ça n’avait pas fonctionné. Je semblais l’avoir inquiété à la place. Celui-ci s’empressa alors de me dire que j’étais observée surtout à cause de lui. Comme je m’étais doutée, Mr.Gold était un homme bien seul. Mon sourire s’était effacé en remarquant ses agissements. Celui-ci posa de nouveau un geste qu’il fini par retenir. J’ignorais ce qu’il avait voulu faire, mais je trouvais ça plutôt triste qu’il soit si nerveux. Le pauvre ne devait pas trop savoir comment agir maintenant qu’il ne l’était plus.

Une fois sa main redéposée sur la table, j’écoutai la suite, les sourcils froncés, comme si j’avais du mal à comprendre alors que je comprenais absolument tout ce qu’il m’expliquait. Alors il y avait la mairesse de la ville, ainsi que le propriétaire. Avant qu’il ne m’explique, j’ignorais totalement ce que son poste signifiait. Maintenant que les explications étaient données, je trouvais cela évident. Alors les gens le détestaient pour ça ? Vraiment ? Ma naïveté me poussa à croire que les gens l’avaient mal jugé. Après tout, n’avait-il pas dit qu’il allait me protéger ? Que rien n’allait m’arriver ? Même si personne ne l’avait vu accompagné une seule fois, cela ne faisait pas de lui une mauvaise personne.

J’étais blessée. À moi, on ne m’avait rien fait, mais j’avais de la peine pour lui. Ce n’était certainement pas de la pitié, mais alors pas du tout. Seulement comment pourrais-je ne pas être triste pour lui alors qu’il en faisait tant pour moi. Et le fait qu’il me connaissait auparavant, selon ses dires, ne faisait qu’appuyer ce sentiment de compassion. Un monstre disait-il ? Certainement pas à mes yeux. C’était un humain qui était assis devant moi. Un homme aussi fragile que n’importe quel autre. J’inspirai profondément remarquant son sourire. Certes, il souriait, mais c’était là un faux sourire. Peut-être même qu’il l’avait fait pour me rassurer. Triste pour lui, j’affichai un nouveau sourire. Je n’avais pas honte d’être là, assise à sa table. Je posai ma main sur la sienne, ignorant que c’était ce qu’il avait voulu faire plus tôt. J’espérais en fait que si les gens me voyaient poser ce geste, ils allaient réaliser que Mr.Gold n’était pas aussi mauvais qu’il pouvait en avoir l’air, ou plutôt qu’ils jugeaient qu’il était. Être le propriétaire d’une ville ne fait pas de lui un monstre. Il avait un cœur.

« Vous n’avez rien d’un monstre, rassurez-vous. » Je serrai un peu plus sa main, comme si ça allait montrer de la conviction, comme si ça allait le rassurer un peu plus, alors qu’en fait c’était tout simplement venu tout seul. « Un monstre m’aurait ramené là d’où je viens. Vous au contraire, vous me promettez que je n’y retournerai pas. J’ignore qui j’étais pour vous auparavant, mais je sais que rien ne vous oblige à me protéger. Et puis c’est moi qu’on a enfermé, alors si vous êtes un monstre, je peux aussi dire que j’en suis un. » Je ne cherchais pas du tout à faire pitié. J’avais cru Mr.Gold quand il m’avait dit que je n’étais pas dangereuse alors j’espérais qu’il me croyait quand je disais qu’il n’était pas un monstre. Ça faisait environ une heure, maximum, que je le connaissais, et j’arrivais déjà à voir le bon en lui, à lire sa bonté dans ses yeux. S’il n’y en avait pas eu, alors oui, il se serait rapproché du monstre.

Oui, Mr.Gold était un monstre. Il l'était devenu depuis qu'il avait pris la vie de l'ancien ténébreux, depuis qu'il s'était laissé emporter par la soif de pouvoir. Il avait tué des hommes, beaucoup d'hommes. Des femmes même. Et il avait perdu la seule personne susceptible de faire apparaître un peu d'humanité en lui : son fils. Ce ne fut que lorsqu'il se saisit de Belle que le ténébreux devînt plus doux, plus humain, avec le temps. Mais ce bonheur n'avait pas duré, puisque la méchante reine s'était immiscée dans cette histoire. Elle avait réussi à manipuler la situation, à manipuler l'esprit paranoïaque du ténébreux, qui s'était mis dans la tête que sa Belle se jouait de lui, qu'elle se forçait à faire comme si elle l'appréciait pour qu'il perdre ses pouvoirs, pour qu'il redevienne humain. Et il avait rejeté Belle, comme il avait laissé partir son fils, pour le pouvoir. Alors, n'était-il pas un monstre ? Quel genre d'homme, quel genre de père, laisse filer les personnes qui l'aiment le plus ?

Belle posa sa main sur celle de Mr.Gold, avec douceur. Ce dernier frissonna, troublé. Ce simple geste voulait tant dire pour lui. Il se fichait totalement d'être observé à cet instant et il ne se préoccupa que de son invitée, qui tentait de le rassurer. D'après elle, il n'était pas un monstre. Elle l'avait également pensé, autrefois, dans le monde des contes. Mais avait-elle raison ? Gold eut un nouveau sourire, essayant d'accepter les paroles de Belle, mais ne les croyant pas réellement. Non, il était définitivement un monstre, mais elle n'en avait pas encore conscience. Elle ne se souvenait plus de tout ce qu'il avait été capable de faire, de tout ce qu'il faisait également aujourd'hui. Il s'en était tout de même pris au père de celle-ci et avait été enfermé en cellule pour cet acte horrible. Moe French avait même été envoyé à l’hôpital et avait souffert de diverses blessures. Gold avait été un monstre pour l'avoir frappé avec sa canne, assez fort, pour libérer sa colère passée. Une colère que seul le ténébreux connaissait. Celle de la perte de l'être aimé. Il avait cru Belle morte, à cause de son père. Alors, malédiction ou non, Gold s'était vengé à sa manière, sans se soucier du fait que Moe ne se souvenait de rien.

Les nouvelles paroles auraient pu donner au ténébreux l'envie de se justifier, mais la dernière phrase de Belle le fit réagir au quart de tour. Il leva les yeux vers elle et retira sa main de dessous la sienne. « Tu n'es pas un monstre ! » Les clients se tournèrent, surpris. Gold tenta de regagner son calme et rentra ses épaules, telle une tortue qui voulait se cacher dans sa coquille. « Belle. Tu as été enfermée par erreur, alors que moi... j'attire réellement la colère des habitants de cette ville. » Les plats arrivèrent et il décida de ne plus parler de cette histoire. Il ne voulait pas se donner en spectacle, surtout que Granny traînait ses oreilles partout. Alors, il eut une petite idée et attendit que la vieille femme s'éloigne pour en faire part à son invitée. « Tu aimes toujours les livres ? » La librairie de la ville était condamnée et avait besoin d'être ré-ouverte. Qui de mieux que Belle pourrait s'occuper de la gestion de ce lieu ? Même si un dragon dormait paisiblement en sous-sol...

Il souffrait, amèrement. Je le voyais très bien dans ses yeux. Son passé le poursuivait, comme le soleil et la lune. Il avait besoin d’apprendre à ne plus se laisser pourchasser par ses souvenirs. Je ne souriais plus. Je n’avais rien pour être triste, ni passé, ni souvenirs, si ce n’est que ma chambre d’hôpital, le bruit de la ventilation qui ne s’arrêtait jamais, les regards de Regina ou Hunting… Un frisson parcourut mon corps en entier. J’ignorais si c’était à cause de mes souvenirs ou bien si c’était parce que Mr.Gold venait de retirer sa main de sous la mienne. J’avais l’impression de l’avoir offensé. Il avait mal comprit mes propos et je m’en voulais un peu. Cependant, je ne pouvais rien faire de plus. Il n’avait pas vraiment l’air d’avoir envie de croire ce que je lui disais. J’allais donc devoir trouver un autre moyen pour l’aider. J’allais devoir lui apprendre à chasser le passé et poursuivre le futur. Il devait bien avoir des rêves. L’humain est ainsi fait après tout, n’est-ce pas ?

Les regards des autres se posèrent sur nous. Ils avaient entendu la réaction de mon hôte, mais je n’en avais rien à faire. Il affirmait que je n’étais pas un monstre après tout. Les gens devaient donc comprendre qu’il n’y avait rien de spécial à retirer d’une personne comme moi. J’étais très ordinaire en fait. Je restais calme, l’air neutre, voire sérieux. Contrairement à moi, Gold semblait embarrassé de sa propre réaction. Il essayait de se reprendre, je le voyais. Je voyais tout. Celui-ci affirma que j’avais été enfermée par erreur, contrairement à lui qui attirait réellement la colère des gens. Peut-être était-ce vrai. Peut-être que les habitants de Storybrooke en voulaient à Mr.Gold, pour quelconque raison, mais je persistais à croire que nous n’avions pas la même définition d’un monstre. S’il avait fait du mal à des gens par le passé, ça ne changeait pas qu’il y avait du bon en lui. Pourquoi le verrais-je si ce n’était pas là ?

Granny arriva avec nos salades, interrompant brutalement cette scène. Je pris une grande respiration et retirai ma main de la table afin que la dame puisse nous servir. Je lui offris ensuite un sourire et la remerciai. Lorsqu’elle fut partie, je pris une gorgée de mon thé glacé et regardai ensuite mon assiette. Le contenu avait l’air délicieux, mais le repas s’annonçait assommant si notre conversation se poursuivait en ce sens. Fort heureusement, mon protecteur me posa une question, changeant complètement de sujet afin de marquer la fin du dernier. Il n’y avait pas vraiment de retour possible. Pas pour le moment. Pas avec autant d’oreilles indiscrètes autour de nous. J’allais devoir trouver le moyen de lui parler, seul à seule. Peut-être l’inviterai-je chez moi, lorsque j’en aurai un, si j’arrivais à m’en trouver un… Je pris quelques secondes de réflexion, affichant un sourire comme pour montrer que je laissais la conversation précédente en suspend. « Oui, j’aime ‘toujours’ les livres. » J’avais mit un peu d’emphase sur le ‘toujours’ puisqu’en fait, je ne me souvenais pas l’avoir connu. Par contre, lui me connaissait et me laissait deviner qu’il me connaissait bien.

J’en semblais satisfaite. En sachant que Mr.Gold me connaissait, j’avais un point de repère, une personne sur qui compter, sur qui m’appuyer ou poser mes questions. Je pouvais compter sur lui pour m’orienter. Ça semblait peu quand on le dit, mais en y pensant bien, c’était probablement l’un des plus beaux sentiments que l’on pouvait avoir. N’avoir aucun point de repère, être complètement perdu, ce devait être terriblement triste. « Pourquoi? » Demandai-je en saisissant la fourchette à côté de ma salade.

Discuter des mauvais sujets, aujourd'hui, n'était pas une très bonne idée. Belle devait commencer à s'intégrer dans la petite ville et surtout se reposer, loin de l'enfer de l’hôpital psychiatrique où elle avait été enfermée sans raisons - ce qui fut traumatisant pour la jeune femme qui n'arrivait même plus à rester enfermée dans une pièce seule. Gold ne pouvait donc pas continuer à parler de qui il était vraiment aux yeux des habitants de cette ville. Belle méritait un meilleur traitement. Elle méritait de profiter de cette journée ensoleillée, de ce repas et de tout ce qu'elle ne connaissait pas encore. Elle aurait le temps pour en apprendre plus sur son sauveur. Dès que Mr.Gold la jugerait apte et prête à tout entendre. Pour l'heure, le repas se continuait, et le propriétaire de la ville eut une idée concernant l'avenir de Belle à Storybrooke. Même si la librairie n'était pas encore exploitable, Gold tenait à ce que le lieu soit géré par la jeune femme. Il espérait qu'elle ait conservé sa passion pour les livres, comme autrefois.

Belle lui répondit après quelques minutes de silence. Elle aimait toujours les livres. Gold remarqua l'insistance sur le mot "toujours" mais n'en fit pas la remarque. Ce qui lui importait le plus était de connaître sa réponse, pas de lui expliquer le pourquoi du comment il se souvenait de ce détail. Puis, comme il s'y attendait, Belle se montra curieuse. Il eut un petit rire et posa ses deux couverts dans son assiette vide. « Notre ville possède une librairie mais elle a été mise sous quarantaine, le temps de faire quelques rénovations. » Ou plutôt, en attendant que Emma Swan ne trouve maléfique dans les souterrains de Storybrooke. « Et avant qu'elle ne puisse ré-ouvrir, il nous faut trouver un ou une libraire. » Il plissa un peu les yeux, espérant voir dans le regard de Belle une petite étincelle. « Puisque tu es sortie, et que cette place est toujours vacante... » Elle devait certainement deviner où il venait en venir mais laissa planer un peu le mystère autour de sa proposition.

Granny avança pour récupérer leurs assiettes et Gold s'interrompit dans son petit discours. Il termina la gorgée de thé glacé au fond de son verre et laissa une autre serveuse prendre ce qu'il restait sur la table. Lorsque celle-ci s'éloigna, le ténébreux s'avança un petit peu, pour éviter que les oreilles indiscrètes n'entendent la suite. « Tu seras peut-être prête lorsque les rénovations seront terminées. Ce qui n'est pas prêt d'arriver de sitôt » Il se leva, après avoir posé quelques billets sur la table. « Si tu es d'accord, je peux te faire propriétaire de cette librairie. » Il ne restait plus qu'à attendre l'avis de Belle à ce sujet.