Mes prunelles ataviques passèrent de l’un à l’autre des deux ogres qui me faisaient face. Je ne restai qu’un instant à les jauger, enfouissant dans leurs esprits faibles les graines de la peur. Même ainsi concentrée sur mes cibles, je remarquai sans peine que l’ogre que je venais d’abandonner à ses blessures mortelles s’était figé. Sa position n’avait rien de naturelle, mais je n’y prêtai pas plus attention. Je dévoilai mes canines dans un sourire carnassier, et le sang qui les souillaient les faisaient paraître plus acérées qu’elles ne l’étaient, plus mortelles également. D’un bond furieux, j’attrapai le flanc du monstre de droite, mes crocs lacérant une nouvelle fois une chair qui n’avait rien de comestible. Ma précédente victime s’écroula à quelques pas à peine, mais j’étais trop obnubilée par mes nouveaux adversaires pour lui prêter attention. Ma queue pointue s’enroula autour de ma cible, pénétrant sa chair et l’étreignant jusqu’à ce que son condisciple ne me fonce dessus. J’échappai un souffle rauque lorsque sa masse d’os s’abattit sur ma colonne. Il n’avait cependant pas choisi la parcelle de mon corps la moins bien protégée. Il ne réussit qu’à me faire lâcher l’autre ogre pour attirer toute ma violence sur lui. Mes griffes rencontrèrent sa peau épaisse, qui ne fut cependant pas de taille, et se retrouva garnie de profondes entailles. Le sang chaud giclait sur ma gueule, et je dus fermer les yeux l’espace d’un instant, tandis que ma langue récoltait les goutes carmines, nourrissant ma fureur, stimulant mon envie de tuer. Le monstre s’écroula après que mes crocs se soient attaqués à sa gorge, taillant sa jugulaire, faisant couler le liquide cramoisi plus abondamment encore. Il restait encore un ogre debout lorsque le ridicule humain se dirigea vers le premier ogre qui était tombé pour retirer sa lame de sa chair. Je passai ma langue sur mes crocs et l’extrémité de mon mufle tout en le détaillant avec curiosité. Le dernier ogre encore en état de se battre ne fit pas un mouvement vers lui. Ses gros yeux ronds passèrent successivement sur les deux corps inertes des siens, et il ne s’y lisait nulle bravoure. Il n’était plus un danger, et usa d’un certain temps pour faire transiter quelques informations jusqu’à son minable petit cerveau. « Ceux de mon espèce ne peuvent pas tous se changer en dragon. » Un souffle négligeant m’échappa, ce qui s’apparentait le plus à ce que les humains pouvaient appeler une réaction arrogante. L’ogre restant commençait à reculer, signe que la précarité de sa situation lui avait traversé l’esprit. Si le petit humain pensait que j’avais quoi que ce soit à voir avec ceux des siens capables de se métamorphoser, il se trompait lourdement. Mais il ne méritait pas que je bâcle mon travail pour lui. Je le laissai donc s’éloigner, reportant mon attention sur l’ogre qui cherchait vraisemblablement à fuir. D’un bond, je le plaquai au sol, évitant habilement ses poings qui battirent frénétiquement l’air. Mes canines lacérèrent son visage déjà informe, mes crocs le mutilant plus complètement en se refermant sur lui. Son dernier souffle nauséabond me satura les sens, et je lui crachai au visage son propre sang pour seule réponse. Mes griffes s’étaient enfoncées profondément de part et d’autres de son corps, lorsqu’il s’était s’agit de le maintenir à terre, et je ne me départis pas immédiatement de ma prise. Ma gueule se referma une dernière fois sur sa figure, et d’un mouvement sec, je pris soin de lui briser la nuque pour m’assurer de sa mort.

Je me redressai lentement, les naseaux frémissant, avant de mugir à l’intention des autres ogres potentiels qui croiseraient ma route. Nevadeth venait de terminer son échauffement, gare aux prochaines créatures qui auraient la malchance de croiser ma route. J’aurais sans doute pu conserver mon apparence de dragon, mais ça avait été un tel délice de pouvoir surprendre un humain et des ogres en me transformant, que je préférai réitérer l’expérience. M’écartant du cadavre, je repris forme humaine. Désormais totalement nue, ayant déchirée mes beaux vêtements dans ma précédente transformation, je rejoignis l’arbre où j’avais jeté mon baluchon, me penchant pour en extirper une tenue de combat plus descente. Je l’enfilai rapidement, songeant que celle-ci aurait le mérite de ne pas disparaître dans ma transformation. Elle possédait en effet des propriétés magiques qui lui permettait de survivre à de multiples métamorphoses, et me permettait ainsi de ne pas me retrouver complètement nue au moment où je reprendrais l’apparence fragile de Denitsa.

Je finissais d’attacher mes cheveux avec un ruban grossier, lorsque des pas derrière moi attirèrent mon attention. Je me retournai, à l’affut, et l’allure bien frêle d’un nouvel humain se dessina entre les arbres, au-delà des trois gigantesques cadavres qui jonchaient la clairière. Un sourire au coin des lèvres, je posai les mains sur les hanches, avant d’élever la voix à son attention. « Approchez, vous n’avez plus rien à craindre de ses trois-là. » Mon ton était étonnement cordial, bien différent de celui que j’avais servi au sorcier en le croisant précédemment. C’était qu’entre temps l’assaut des ogres m’avait particulièrement revigoré, et une idée avait fait son chemin dans mon esprit. Plaçant mon sac relativement modeste sur l’épaule, je fis quelques pas en direction du nouveau venu, prenant soin d’éviter les corps pour ne pas souiller les bottes que je venais à peine d’enfiler. « Je crois que je viens juste de rencontrer un sorcier. Je pense qu’il nous sera, à vous comme à moi, d’une aide inestimable cette nuit. » Sans perdre un instant, je tournai le dos à l’inconnu, revenant sur les pas que je venais à peine de faire pour le rejoindre. Tournant légèrement la tête, je lui glissai par-dessus mon épaule : « Allons-y ! » Je n’avais nulle intention de faire ami-ami avec ces humains pathétiques. Je songeais simplement à protéger la forêt, et à éradiquer les ogres qui la dévastaient. Ces misérables insectes pouvaient toujours me servir. Et si jamais ils me ralentissaient ou trainaient trop dans mes pattes et limitaient ainsi mes mouvements, je n’hésiterais pas à leur rompre la nuque, comme j'avais pu le faire avec l'ogre.

Alors qu'il se préparait déjà à utiliser sa branche d'arbre, il heurta brutalement une femme d'un âge avancé, selon lui, qui lui était totalement inconnue. Bon, il n'allait pas attaquer une dame avec une branche mais il la garda précieusement dans sa main. Malgré son respect pour la gente féminine, il savait qu'elles pouvaient être sournoises, terribles, manipulatrices. Keenan déglutit difficilement en s'agrippant à la branche, alors qu'il observait la femme en face de lui. Son calme le déstabilisait. Qui était-elle? Visiblement, ils se dirigeaient tous les deux vers la même direction : le château en ruine. Keenan aurait bien besoin d'un guide mais peut-être que cette femme allait le tuer. Elle n'avait pas l'air armée ni effrayée par les ogres. Fuyait-elle pour attendre que le calme revienne ou les apparences étaient-elles trompeuses? Toute personne sensée d'esprit serait en train de fuir le plus rapidement possible, ou alors armé. Ou bien... toute personne dotée de magie agirait comme cette inconnue. Bien sûr, Keenan était doté de magie mais il ignorait comment s'en servir et à présent qu'il se trouvait face à une sorcière potentielle, il avait peur. Il en avait marre d'avoir peur, il avait l'impression d'avoir eu peur toute sa vie. Il jeta un coup d'oeil à sa branche, il tremblait comme une feuille, il était en sueurs. Elle allait probablement lui rire au nez et le livrer aux ogres pour qu'ils la laissent en paix dans son coin sans s'encombrer d'un sorcier complètement perdu et effrayé jusqu'à l'os.

- Est-ce que... vous... vous êtes une sorcière? Ce n'était pas le moyen le plus prudent pour se présenter mais Keenan était désespéré. Il voulait retrouver Declan et fuir de cet endroit le plus rapidement possible mais pour cela, il lui fallait prendre son courage à deux mains. Il soupira avant de jeter la branche sur le sol et de lever les mains, comme s'il se livrait à elle. J'essaie encore de les repérer par moi-même... je ne sais même pas à quoi un sorcier est censé ressembler. Au moins, je sais qu'ils ne ressemblent pas à un ogre. Keenan tenta d'esquisser un sourire mais faire de l'humour dans un tel moment n'était probablement pas sa meilleure idée. Vous n'êtes pas armée après tout... vous n'avez pas peur de tout ça? Il fallait définitivement qu'il comprenne le calme de cette femme.

Spoiler:

L'atmosphère de la forêt m'importunait au plus haut point. Me retrouver face à des ogres ne me faisait, certes, aucunement peur ; mais cela allait me freiner dans mes recherches. Je voulais trouvais quelque chose me permettant de voyager entre les mondes. Comme le miroir que m'avait offert Regina, à cause de Rumpelstiltskin, le jour de son mariage. Celui qui m'a envoyée dans le Pays des Merveilles, terres où je suis devenue Reine de Coeur. Je devais donc ouvrir un portail. Et si mon cher et tendre Rumpelstiltskin, en avait été capable, il n'en était pas de même pour moi. J'avais beau posséder une immensité de pouvoirs, il y'avait deux ou trois choses que le Ténébreux s'était gardé de m'apprendre. Sa magie était plus sombre, et plus puissante que la mienne. Pourtant, je n'avais que peu de choses à lui envier. La puissance de mes pouvoirs était presque égale à la sienne. Presque..

Tout à coup, des bruits se firent entendre, et une silhouette se présenta à moi. Un homme tenant une branche. En me heurtant, sa tête me scruta de haut en bas, avec un air de peur dans les yeux. Il avait l'air de se poser bon nombre de questions me concernant, et sa frayeur se lisait dans son regard, et dans sa manière d'être. Je le regardais avec insistance ; il tremblait, et suait. Est-ce que... vous... vous êtes une sorcière ? Son regard se fit de plus en plus affolé. Ceci provoqua en mon fort intérieur, un rire diabolique. Voir que je pouvais inspirer la peur était jouissif. Me délectant de ce pouvoir que j'avais sur mon nouvel interlocuteur, mon regard se plongea dans le sien. Il lança sa branche au sol, et leva les mains, l'air de se rendre. Je me mis à rire, et cette fois-ci, à gorge déployée. Un rire froid et strident qui heurta le silence de la nuit. Un grognement d'ogre retentit, puis plus rien. Je devais me faire discrète pour ne pas attirer ces créatures. J'essaie encore de les repérer par moi-même... je ne sais même pas à quoi un sorcier est censé ressembler. Au moins, je sais qu'ils ne ressemblent pas à un ogre. Alors comme ça, le jeune homme savait de quoi s'agissait un sorcier. Je le dévisageai longuement, tentant de reconnaître le visage de ce cher inconnu ; jamais vu. Je ne savais pas qui il était, mais cela ne m'importait peu. Vous n'êtes pas armée après tout... vous n'avez pas peur de tout ça ?

Un nouveau sourire se dessina sur mon visage, mes traits se tirèrent doucement, et ma bouche froide comme de la glace, et rouge comme le sang forma un rictus. Il insinuait que j'étais capable d'avoir peur des ogres. Quelle impolitesse destinée à une sorcière de mon acabit ! “ Avoir peur de ces.. ogres ? Sérieusement, pensez-vous qu'une sorcière de mon rang peut éprouver un tel sentiment face à ces créatures si.. pitoyables ? ” Mon arrogance se fit sentir. Oui, il était possible d'avoir peur de ces créatures, mais pas pour moi. Même si je devais prendre toute me précautions face aux ogres, je ne préférais rien montrer. Je devais faire preuve de courage, et de puissance. Mes pouvoirs me permettaient aisément d'anéantir les ogres, mais je devais rester vigilante. Être prise par surprise pouvait me coûter cher. “ A qui ai-je l'honneur ? ” Je ne comptais pas me présenter. Enfin, sauf si mon interlocuteur me le demandait, bien sur. Toutefois, je souhaitais connaître son identité. J'aimais savoir à qui j'avais affaire, même si cela ne m'inquiétait pas plus que ça. Après tout, un sorcier digne de ce nom se devait de cacher son identité aux autres.. Mais, qui me disait que ce jeune homme était un sorcier ? Et non pas un simple humain dénué de tout pouvoirs.. ?

Spoiler:

Si cette sorcière pensait que les ogres étaient des créatures pitoyables, son opinion de Keenan était probablement encore plus mauvaise. Son rictus et son rire si froid effrayaient le sorcier. Tout compte fait, il se sentait prêt à repartir dans la direction opposée, pour provoquer les ogres et espérer une mort rapide. Il se sentirait certainement moins stupide et moins pathétique. Keenan ignorait l'identité de cette sorcière, mais il devinait sans peine qu'elle était puissante, capable de le tuer en un clin d'oeil ou de le torturer de diverses façons, jusqu'à le rendre complètement fou. Il regretta soudainement les ronchonnements de Declan, au moins il ne se moquait pas de lui et il était habitué à son étrangeté. Keenan s'apprêta à répondre mais sa gorge était étonnamment sèche. Les mots semblaient être coincés, la peur le paralysait totalement. C'était une situation entièrement nouvelle pour lui, et il gérait très mal cette situation. Il n'était qu'un enfant terrorisé, inconscient, qui ne connaissait rien à la magie et ignorait à quel point le danger s'était emparé des contrées dont il avait à peine pris connaissance à cause de sa situation d'esclave. Alors qu'il se disait que les choses ne pouvaient vraiment pas - mais loin de là - empirer, une nouvelle voix retentit. Une autre voix de femme. Keenan n'osa même pas se retourner, mais au son de sa voix et en comprenant ses paroles, il sut qu'elle n'allait définitivement pas l'adopter. Où était Declan quand il avait besoin de lui?!

Visiblement, les deux femmes se connaissaient, c'étair bien sa veine ! Allaient-elle le rôtir ou bien le livrer avec joie aux ogres et rigoler en entendant ses cris aigus? Keenan trouva un arbre de la forêt qui avait survécu absolument fascinant et l'observa attentivement alors que la nouvelle inconnue parlait à la sorcière. Il n'était pas un marmot, et il se retint de crier cela en tapant du pied, mais cela ne ferait que donner raison à cette femme. Un vrai cas désespéré. Keenan se demandait comment il allait se sortir d'affaire, tentant de trouver un moyen efficace dans son esprit embué par la peur mais les deux femmes le fixèrent, attendant une réponse à la question précédente de la sorcière. De toute façon, après cinq minutes, elles allaient oublier son nom et le tuer ou le laisser là comme un idiot, à quoi bon? Keenan prit son courage à deux mains pour leur répondre, tout son corps tremblant comme une feuille ou comme un arbre secoué par un ogre bien trop idiot pour reconnaître ce qu'il tenait. Je... je m'appelle Keenan Rodhlann, madame... je suis.. hm... l'apprenti de Declan Weathers. Au moins, il pourrait mourir avec un peu de fierté en évoquant l'homme qui l'avait sauvé. Ou bien, il allait l'emporter dans la même galère. Il espéra brutalement que ces deux femmes n'avaient pas une dent contre m'sieur Declan et les dévisagea. Pardonnez-moi si... si je vous offense mais... vous m'êtes totalement inconnues. Que pourrait savoir un ancien esclave à votre sujet, de toute façon? Keenan se gratta le cou, comme s'il sentait encore cette maudite corde autour de sa peau. Mais une question lui échappa des lèvres, il voulait connaître le sort que lui réservaient les deux femmes. Vous allez me livrer aux ogres ou me tuer? Keenan se disait que personne n'irait le chercher, Declan était peut-être content de l'avoir perdu, en fin de compte. Il soupira, ce qu'il pouvait être pessimiste par moments. Un arbre, qui tenait encore debout, fut brutalement arraché non loin d'eux, et il eut le réflexe de se cacher derrière la sorcière et le capitaine, tel un enfant. Oui, elles avaient raison : il était un simple gosse.

Declan n'était pas le genre d'homme à vouloir faire équipe avec d'autres, sauf en cas de force majeure. Son alliance avec Cora, par exemple, en était un. Il avait donc abandonné la femme dragon, jugeant qu'elle pourrait très bien se débrouiller seule, sans son aide. Désormais, sa priorité était de retrouver sa sœur et ses frères. Et... le jeune apprenti sorcier, Keenan. Alors, puisque ce dernier était l'un des plus proches qu'il pouvait rejoindre, Declan fit marche arrière. Qui sait ce qu'il était arrivé au jeune garçon pendant la première attaque des ogres ? S'il ne savait pas se servir de sa magie, il courrait un très grand risque. Declan avait beau essayer de ne pas s'attacher aux gens, lorsque une personne entrait dans sa vie, elle restait dans un coin de sa tête et il ne pouvait l'oublier. L'apprenti n'avait pourtant rien d'exceptionnel, mais un lien s'était tissé entre lui et le sorcier. Un lien étrange, certes, mais bien présent.

À force de marcher à contre-sens, Declan se retrouva à l'endroit même où il avait quitté la femme-dragon, qui était toujours là. Et celle-ci n'était plus seule. En effet, elle avait à présent une compagnie et cette personne n'était autre que le neveu du sorcier, Elwyn. Et leurs retrouvailles, après quelques semaines, ne se fit pas dans la joie, avec des accolades et des tapes amicales. Non. Declan reçut un bon coup de poing dans la mâchoire, ce qui eut le don de le faire tituber en arrière un instant. Lorsqu'il reprit l'équilibre, il porta une main à sa joue et à ses lèvres, instinctivement. Il ne saigna pas, cette fois-ci. En revanche, la douleur était vive. Le sorcier dut attendre un bon moment avant de pouvoir faire craquer sa mâchoire, tout en observant son jeune neveu qui lui demandait de ne pas manipuler son esprit. Declan porta un bref regard à la femme-dragon, puis à Elwyn, en levant les deux mains en évidence. « Je ne ferai rien, c'est promis. » Le sorcier était sérieux. Il ne voulait pas forcer un membre de sa famille à le suivre. Elwyn devait apprendre à lui faire confiance par lui-même. Et puis, Declan n'était pas ici pour ramener son neveu à sa cause. S'ils étaient tombés dessus l'un sur l'autre, ce n'était que pure coïncidence.

Declan ne ressentait presque plus de douleur à sa mâchoire et observa les deux personnes face à lui. De nouveaux ogres semblaient se rapprocher en lançant des troncs un peu partout aux alentours. « Personnellement, je ne compte pas rester ici bien longtemps. » Le sorcier fit quelques pas en arrière en voyant la silhouettes des troncs passer aux dessus de leurs têtes. « Je connais une personne qui peut aider à arrêter les ogres. » Ses yeux se posèrent sur la femme-dragon. « Bien que vous ne semblez avoir aucun mal à vous en débarrasser. » Sur ces mots, Declan partit en direction du château de Blanche-Neige. Il savait que Elwyn avait pris refuge à cet endroit mais se fichait bien de savoir ce qu'il penserait de la destination vers laquelle son oncle se dirigeait. En réunissant les personnes les plus à même de combattre les ogres, une partie de la forêt enchantée pourrait finir par être sauvée.

Être princesse peut se révéler être une malédiction. Elles étaient trop habituées au luxe, à leurs serviteurs, à leur immense château, bref au confort royal. Les princesses ne se rendaient pas compte de la chance qu'elles avaient contrairement aux sujets de leurs royaumes qui devaient travailler dur pour vivre. Mais, ils devaient aussi affronter les nombreux dangers de la forêt enchanté qui étaient inconnus aux filles des rois et reines protégées par toute une armée. Cependant, si le royaume d'une princesse s'effondre, disparaît, elle redevient une simple humaine qui est confronté à la réalité. C'était en quelque sorte le cas pour Aurore qui, même après son réveil et l'invasion des ogres, était toujours protégée par les braves du camp et par l'élu de son coeur : le prince Philippe. Malheureusement, elle était désormais toute seule, assise, dos à un arbre, les mains posées avec force sur ses lèvres pour les aider à retenir leurs cris de détresses éveillées par la présence des ogres non loin d'elle.

La belle au bois dormant se concentrait sur chaque craquement, grognement et tremblement que son ouïe percevait tout en priant intérieurement pour que les monstrueuses créatures ne viennent pas dans sa direction. Par chance, ce n'était pas le cas. Par malchance, ils ne bougeaient. Aurore n'osait pas bouger, de peur d'attirer leur attention car sa discrétion n'était pas son point fort, tout comme son endurance physique qui lui permettait de courir sur plusieurs mètres ou encore sa force physique qui frôlait le néant. En fait, elle n'avait pas de qualité physique. Et c'est en pensant à cela qu'elle en conclut qu'être une princesse l'avait empêchée d'avoir une bonne condition physique.

La princesse avait d'autre force, notamment l'amour véritable qui la liait à Philippe. Il avait pu trouver une solution contre la malédiction que lui avait lancée Maléfique pour l'empêcher de retrouver sa bien-aimée, de parcourir la forêt enchanté pour la retrouver tout en réunissant leur peuple pour les protéger de la menace des ogres. S'il avait pu réaliser autant d'exploits, elle pouvait en faire de même. Cette pensée la réconforta sur ses faiblesses. Aurore pris son courage à deux mains, regarde à sa droite pour voir si la voie était libre, se redressa et couru dans cette direction.

Au même moment, les branches sous ses pieds craquèrent et les branches et mauvaises plantes qu'elle écartait d'une main firent un brouhaha qui se fit entendre des ogres. Ces derniers, utilisant leurs ouïe coururent après la princesse qui devait une nouvelle fois fuir. Mais, cette fois-ci c'était différent, elle n'espérait pas qu'elle allait fuir. Elle savait qu'elle allait fuir. La princesse zigzaguait entre les arbres pour fuir les ogres tout en évitant les arbres qu'ils envoyèrent pour l'écrabouiller et l'arrêter dans sa course. Elle profitait de sa petite taille, si on la comparée à celle des créatures, pour prendre des voies que les ogres devaient contourner. Aurore se fiait à son ouïe pour savoir où était ses poursuivants, et quand enfin leurs grognements se firent entendre au loin, tout comme les dernières arbres lancés, elle compris qu'elle était hors de danger.

La princesse posait l'une de ses mains au niveau de son coeur qui battait la chamade tout en reprenant rapidement sa respiration à cause de l'épuisement provoqué par sa dernière activité sportive et intense. Elle continuait de marcher durant quelques minutes, sans savoir qu'elle se dirigeait vers le château qui fut jadis celui de Blanche-Neige et de son prince Charmant. Soudain, elle entendit des voix humaines non loin d'elle sans pour autant comprendre ce qu'elles disaient. Tout comme le bruit d'un arbre que l'on déracina. La joie de trouver un être humain et la peur de penser qu'un ogre était non loin d'elle l'encouragèrent à marcher d'un pas rapide jusqu'à la source des voix. Au fond d'elle, Aurore espérait retrouver quelqu'un de son camp ou mieux, son amoureux, afin de se reposer sur les épaules de quelqu'un car, c'était trop dur pour elle d'affronter et d'être confrontée au danger et à la peur de mourir.

Aurore était apparue au détour d'un arbre, dos au garçon et aux deux femmes. Son prince, malheureusement, n'était pas présent. A cause de l'obscurité, elle ne reconnut pas la silhouette de Davy Jones qu'elle avait rencontré dans le passé. Et en réalité, elle ne s'attarda pas à connaître l'identité des humains qu'elle venait de retrouver. Elle agissait comme une souris qui trouvait un bout de fromage et se précipitait vers ce dernier sous le coup de la joie, sans se poser la question si c'était un appât posé sur une tapette à souris.

" Oh dieu merci, je rencontre enfin des humains ! " dit-elle en s'approchant d'eux, la main sur le coeur tout en lâchant un soulagement de joie : " J'ai dû fuir des ogres plusieurs fois, vous ne pouvez pas imaginer à quel point je suis heureuse de vous rencontrer. ". Elle ne s'interrogeait même pas sur les trois personnes qui lui tournaient le dos, trop heureuse de ne plus être seule, et trop inconsciente au point de ne pas cacher son identité : " Je me prénomme Aurore. " Au moins, elle n'avait pas évoqué son statut de princesse.