Encore un peu et Sven aurait appliqué sa main sur son visage en un profond geste de désespoir. Si c’était la logique ‘la majorité a toujours raison’ qu’on enseignait aux jeunes au lycée, Sven s’estimait plus qu’heureux de l’avoir quitté à ses 16 ans. Il leva les yeux au ciel, faisant parfaitement comprendre à Harley que ce n’était pas ce qu’il voulait dire. Bon, à l’avenir, il éviterait ce genre de discussion avec elle et Harley devrait se débrouiller avec les gens qui craignent. Ça lui retournait presque l’estomac, de se dire qu’elle pouvait ne pas avoir assez de considération pour elle-même que de supposer qu’elle craignait. Certes, les rares aspects d’incertitudes que la brunette échappait, c’était une partie de ce qui avait captivé Sven. Mais de là à ce qu’elle se laisse abattre par les bruits qui courent – surtout quand elle était à l’origine de bon nombres d’eux -. L’ébéniste ne trouvait rien d’une fille qui craint chez Harley. Il était tellement accro à sa présence, à ses regards qui se posaient sur lui, à ses sourires sous toutes leurs formes, à ses gaucheries. Sven ne passait pas un moment au restaurant parce qu’il avait été séduit par l’attrait de la jeunesse, mais bien parce qu’Harley l’avait charmé. Il devrait lui imprimer ça sur le crâne, un jour.

Sven hocha distraitement la tête à la formule de politesse, supposant que le sujet était clos. « Bon appétit à toi aussi. Attention, c’est chaud. » Il pouvait le dire rien qu’en étudiant la fumée qui s’échappait du plat de la brunette. Cependant, elle n’eut que faire du conseil de son comparse et Sven l’observa donc se bruler à grande peine la bouche. Il ne put retenir un petit sourire amusé, fichant son menton dans une de ses mains appuyée sur la table, observant le spectacle d’une Harley prise de court par sa lasagne. L’eau arriva juste à temps, en renfort pour contrer la souffrance de la fille Watson. Il ria franchement et brièvement, une fois que la fille Watson eu reconnu son erreur. L’impatience d’Harley était tout un art. Au début, pauvre sot, il avait cru qu’elle attribuait sa précipitation à des domaines bien précis, dans lesquels Sven s’était déjà retrouvé à deux reprises. C’était avec un amusement non dissimulé – mais non moquer, juste admiratif- qu’il remarquait combien il avait faux. Ici, encore, était un point où ils s’opposaient. Sven était le travail de la patience incarné. Peut-être serait-ce ce qui le sauverait de sa perte face à Harley. Justement, quand il était question de cette brunette si particulière, l’ébéniste oubliait une bonne partie de sa contenance habituelle. Il devenait un peu plus dynamique, brusque aussi. Ensemble, on ne sait jamais qu’ils arrivent à avoir un rythme correct.

Sven saisit le verre de vin qu’Harley lui avait remplis, répondant à la coutume de rencontrer les verres avant de les boire. Cela s’y prêtait mieux maintenant, puisqu’il y avait finalement de l’alcool dedans. Et comme le voulu la coutume, il ne quitta pas Harley des yeux quand il reconnut le tintement caractéristique. Il eut un mince sourire et bu une gorgée de sa boisson, laissant les effluves du vin capturer sa bouche et sa gorge. Il haussa un sourcil inquisiteur à la remarque de Harley, sur ses potentielles nombreuses prétendantes. Pourquoi est-ce que tout le monde pensait qu’il avait un harem à portée de main et qu’il lui suffisait de claquer des doigts pour avoir une conquête prête à se dévouer corps – l’âme il s’en moquait – à lui ? Andrew lui avait déjà fait la remarque, et à présent, Harley semblait croire la même chose. « C’est pas grave, elles resteront mécontentes longtemps. Je n’ai pas l’intention de te laisser filer. » Est-ce qu’une autre fille, seulement, pouvait compter plus à ses yeux que ne l’était Harley aujourd’hui ? Est-ce qu’une fille l’avait seulement été au même niveau ? C’était-il déjà fait violence pour ne pas plaquer une de ses conquêtes contre cette banquète et lui faire subir mille tourments ? Il but une nouvelle gorgée de son vin, ne trouvant pas de réponse.

Sous la table, son pied perdit son contact avec Harley et il se cogna contre le pied de la table. Il fronça les sourcils imperceptiblement, frustré d’avoir perdu le semblant de contact qu’il avait avec la fille Watson. Il lui ferait payer d’une manière ou d’une autre, surement. Un sourire fin, parfaitement pure, cependant, naquit sur ses lèvres à la confession de son amante. Si ce n’était pas un couple qu’ils formaient, il n’y avait aucun doute qu’ils s’enchainaient un peu plus l’un à l’autre, dans une danse frénétique, pour se perdre dans l’autre. Si tu tombes, je tombe. Si tu voles, je vole. Si tu m’aimes, je t’aime. Si tu m’embrasses, je t’embrasse. Si tu m’embrases, je t’embrase. Sven se gratta distraitement le menton, réfléchissant à peine à la réponse qu’il devait apporter. « Je ne te serai pas infidèle. » Il n’y avait pas plus loyal que Sven. Aussi bien pouvait-il se satisfaire d’un coup d’un soir, quand il avait une relation qui ressemblait à celle qu’il était en train de construire avec Harley, il restait. Sans aller voir ailleurs, sans se lamenter des liens qu’il se plaçait autour du cou. Sven ficha son regard dans celui de la fille Watson, une étincelle dans son ambre. « Je ferai tout pour que tu ne souffres pas. » Il ne pouvait pas lui promettre une vie sans douleur. C’était ce qui rapprochait le gens le plus vite. Il avait l’impression que leur relation serait tout sauf difficile, que dans leur rencontre fracassante, il y aurait des dégâts collatéraux. Ce ne comptait pas. Plus rien ne comptait, à l’exception de la jeune fille qui se trouvait devant lui.

Il aurait voulu l’embrasser tout de suite pour chasser ces craintes qu’elle lui montrait, cette fragilité qu’elle lui confiait. Il aurait voulu lui faire l’amour sur cette table, pour le remercier de cette confiance qu’elle lui accordait. Sven se contenta, à son grand damne, de serrer un peu plus la main d’Harley. Même s’il avait faim, il ne voulait pas la lâcher, ce qui, évidemment, risquait de fortement lui compliquer la tâche. « Et je le répèterai le nombre de fois que tu le désires. » Jusqu’à se faire saigner la gorge s’il le fallait. Sven lui adressa un clin d’œil. « Et je te le ferais comprendre le nombres de fois que tu le désires. » Harley était sa seule infidélité. Harley était son seul désir. Harley était la seule. Sven ne la recouvrait pas de promesses – les promesses étaient faites pour être brisées -. Il lui énonçait un fait, clair, limpide, inévitable. Sven attira la main d’Harley jusqu’à lui. Dans un geste qui n’était pas sans rappeler une chevalerie perdue, lui baisa délicatement celle-ci. Dans une dernière caresse, à contrecœur, la lâcha finalement.

Un frisson général l’avait pris, qu’il étouffa, quelque part dans l’interstice de son être. Il se saisit de ses couverts, qu’il n’avait toujours pas touché et découpa son morceau de viande. « Comment ça s’est passé avec ta mère ? » Sven faisait référence à ce qu’il s’était passé lundi. Il ne cherchait pas à rabaisser Harley, à la mettre dans une position difficile. D’ailleurs, le ton doux qu’il avait pris en était la preuve. Ce n’était pas dans un élan de défi – bon, si, peut-être – il était juste inquiet de la situation familiale des Watson, plus particulièrement pour la fille Watson.

« C’est pas grave, elles resteront mécontentes longtemps. Je n’ai pas l’intention de te laisser filer. » Harley esquissa un sourire, satisfaite. Elle ne pouvait pas nier avoir fais cette remarque pour entendre Sven la rassurer. C’était petit et immature, mais elle aimait l’entendre lui dire à quel point elle était importante à ses yeux et jusqu’où il se damnerait pour elle. C’était nouveau, de telles paroles, tout comme le sentiment fiévreux qui les accompagnait. Harley avait d’ores-et-déjà pris goût aux mots caressants de son aîné, elle était prête à se noyer avec lui dans cette ivresse inconnue et parfaite. Imitant son amant, la benjamine attrapa son verre de vin et en but une gorgée, ses prunelles olives enchaînées à ce regard ensorceleur. Elle ne fit guère d’autre mouvement, reposant son verre près de son assiette sans le lâcher complètement. Après l’assiette, ce fut au verre qu’elle prodigua une série de tintements, de ses ongles fins, recouverts d’une couche légère de vernis vert pâle scintillant.

« Je ne te serai pas infidèle. » Ses lèvres s’étirèrent avec ferveur. Ce n’étaient que des mots, et Harley savait qu’ils n’engageaient réellement à rien, tant qu’ils n’étaient pas portés sur le papier, et là encore, le mariage prouvait à quel point rien n’était jamais sacré entre un homme et une femme. Néanmoins, la jeune Watson avait envie de croire en Sven, pire, elle avait besoin de croire en lui. Et son regard soudain plus brillant que jamais la convainquit qu’il n’allait pas lui faire faux bond. « Je ferai tout pour que tu ne souffres pas. » Son sourire s’affina, mais son regard parla pour le reste de son corps. La reconnaissance qui plana dans ses prunelles lui permit de voir Sven avec une lucidité sans doute faussée, mais à laquelle elle s’accrocha comme à cette main qui s’entremêla avec plus de force à la sienne. Elle ne remettait pas ses paroles en doute, elle ne pourrait l’oser après tout ce qu’ils avaient fait et dit en si peu de temps. On pourrait taxer leur relation d’être trop brusque et emmêlée, de verser dans des extrémités insensées, mais Harley n’avait rien vécu d’aussi authentique de toute sa vie.

Rien dans ses souvenirs ne pouvait être rapproché un tant soit peu des émotions que Sven éveillait en elle. C’était sans doute soudain, mais Harley n’estimait pas avoir facilité les choses. Entêtée et désabusée, l’ébéniste s’était immiscé en elle, dans son corps puis dans son esprit, à force de ténacité et de douceur. Il ne mentait pas, ses gestes suintaient la franchise, et ses paroles n’étaient jamais dictées uniquement par ce qu’Harley voulait entendre. Ne l’avait-il pas critiqué dès leur première vraie soirée ensemble au Rabbit Hole ? Ne continuait-il pas à lui faire comprendre lorsque ce qu’elle faisait ou disait ne lui plaisait pas ? Harley voyait encore l’air désabusé qu’il avait affiché lorsqu’elle avait fait quelques raccourcis pour en déduire que Sven trouvait qu’elle craignait. En réalité, il ne lui disait pas toujours lorsque son comportement le chiffonnait, mais il y avait quelque chose dans ses yeux qui lui faisaient sentir qu’elle était allée trop loin. Il n’avait pas besoin de parler, c’était écrit sur son visage. Et Harley aimait ça, car elle n’était pas certaine d’apprécier qu’on la remette en cause de manière brutale. Sans s’en rendre compte, Sven l’incitait à faire plus attention à ce qu’elle échappait. Même si elle restait persuadée que toutes ses maladresses n’étaient pas à jeter, et que certaines faisaient craquer l’ébéniste. Harley avait beau être insouciante au-delà du possible, elle se rendait assez bien compte des points qu’elle marquait ou perdait avec les gens qui l’entouraient.

« Et je le répèterai le nombre de fois que tu le désires. » Un clin d’œil marqua le tempo entre ses deux phrases. « Et je te le ferais comprendre le nombres de fois que tu le désires. » Harley était aux anges. Son visage irradiait la satisfaction et la joie la plus pure. Elle laissa Sven attirer sa main et y poser des lèvres tendres. Le sourire qui marqua le coin des lèvres de la rouquine était conquis, néanmoins un voile assombrit son regard pâle lorsque la main de son amant délaissa la sienne dans une dernière caresse. Elle le laissa s’occuper de son assiette, sans l’imiter, avalant simplement une gorgée de vin, sans jamais le quitter des yeux.

« Comment ça s’est passé avec ta mère ? » Dans un même élan, Harley reposa son verre et échappa un éclat de rire sans enthousiasme. Il était légitime que Sven se pose la question, et elle ne voyait aucune raison de le lui cacher, alors qu’il l’avait gentiment arrachée à sa prison dorée. « Mal ? » Elle eut une moue désabusée, avant d’enchainer : « Je ne sais pas si elle aurait apprécier de me prendre sur le fait dans d’autres circonstances, mais le fait que tu ais une moins grande différence d’âge avec elle qu’avec moi l’a légèrement secouée. » Elle eut un sourire tendre assez peu crédible avant de continuer : « Je suis son bébé, tu comprends, je ne peux pas être ainsi pervertie par un homme de ton âge. » Cette fois-ci, son sourire prit une teinte espiègle, et elle marqua une légère pause, s’emparant à nouveau de sa fourchette. « Je crois que ce qui l’a le plus énervé, c’est que l’ange pour lequel elle me prenait s’est révélé suivre le même chemin de dépravation qu’elle. » Portant les lasagnes désormais moins chaudes à sa bouche, elle mâcha tranquillement, sans détourner son attention de Sven. Puis elle ajouta : « Le pire c’est que notre relation est bien plus saine que celle de mes parents, mais il faut qu’ils prouvent leur autorité. » Elle n’insista pas, estimant en avoir assez avoué à Sven. Malgré leur proximité, elle avait encore du mal à s’étaler sur sa vie et sur ce que lui inspiraient ses géniteurs au plus profond de son être. Elle préférait rester dans le superficiel, ne pas inciter Sven à creuser davantage. Sa vie n’avait rien d’idyllique au grand damne des apparences, mais elle ne souhaitait pas s’appesantir face à lui, qui avait traversé bien plus d’épreuves qu’elle et depuis bien plus jeune.

Elle continua son repas, ayant désormais mis de côté toute patience. Son estomac commençait à se tordre d’appétit, et Harley aurait tôt fait de le satisfaire au rythme où elle attaquait son assiette. Elle fit néanmoins une pause bien méritée pour avaler quelques gouttes de vin, et en profita pour reporter insidieusement la conversation sur Sven. « J’ai bien compris que tu te fichais des apparences et des risques que tu pouvais courir avec moi mais … » Elle fit danser le vin dans son verre, rivant le vert de ses yeux sur son aîné, curieuse. « Tu as déjà parlé de moi à quelqu’un ? Jusqu’à quel point es-tu prêt à assumer d’avoir une lycéenne à ton bras ? » Un brin cruelle, Harley n’entendait pas mâcher ses mots. Elle était trop avide de savoir jusqu’où elle pourrait emmener Sven dans leurs vicissitudes, quelle montagne il était prêt à soulever pour elle et quelle barrière se révélerait infranchissable. C’était plus fort qu’elle, il fallait qu’elle l’éprouve pleinement avant de se sentir en sécurité avec lui. Elle n’oserait cependant pas aller jusqu’à exiger une sécurité intégrale dans tous les aspects de leur relation, d’abord parce que ce serait pure folie, et ensuite parce qu’alors sa vie manquerait cruellement du piment qu’elle venait chercher au contact de Sven.

Sven se serait damné pour que les yeux d’Harley restent fixés sur lui, et était en train de se damner sur le moment même pour mériter un peu d’attention de la part de la brunette. En quelque sorte, ils avaient déjà passé cette étape de leur jeu de chasse, de l’un après l’autre, mais il ne se lassait pas, jamais, de ses reflets verts qui, dans l’élan d’un souffle, volait tout ce que Sven pouvait dire. Il serait des heures ainsi, des jours durant, jusqu’à la limite de sa peau, à détailler toutes les nuances de regard de la fille Watson. C’était idiot, et si l’occasion le lui donnait, peut-être se serait-il ennuyé d’un tel exercice. Les faits étaient là, pour le moment, installé face à Harley, sans aucun rapport physique directe, une crainte, infime, infondée, se tordait dans un espace de l’imaginaire de Sven. Comme si, s’il ne pouvait la toucher, Harley disparaitrait dans un nuage de fumée, comme le rêve dont elle semblait tout droit sortir.

Dans la liste des sujets à risques, Sven avait choisi de parler de la façon dont ils s’étaient quittés, lors de leur seconde réelle entrevue, ou plutôt, de ce qui avait suivi. Sven se souvenait encore à la perfection de la réaction de la mère Watson. Comme il se l’était douté, il n’avait pas touché son chèque non plus. Il s’en moquait. S’il ne recevait guère de pièces d’or, il avait ravi le trésor le plus précieux des parents Watson et cela valait bien toutes les prestations non touchées. Sven écouta donc, attentivement les explications que lui fournissait Harley, tout en piochant, de temps à autre, un peu de son repas. Il fronça légèrement les sourcils sur la différence d’âge, songeant vivement qu’il était hors de question qu’il se retourne sur la mère si la fille était trop jeune. Déjà, Harley n’était pas trop jeune à son goût, et la mère de cette dernière n’était, tout simplement pas son genre : Sven ne faisait pas dans les femmes mariées.

Pervertie par un homme de ton âge. Sven eut un léger rire et il se sentit obligé de couper Harley dans son élan de discussion. « Qui est le plus pervertie entre nous, hm ? » L’expression amusée trôna sur son visage, alors qu’il laissait son amante continuer son récit. Qui avait le plus de péchés enfuis en eux ? Harley n’était qu’une déchéance cachée derrière un visage d’ange. Les cornes de diables étaient un euphémisme pour elle. Harley était la pomme qu’il ne fallait pas croquer, et dans laquelle Sven avait planté ses dents, sans la moindre once d’hésitation. Et si c’était à refaire, il le referait, à se plonger dans une spirale intarissable de luxure, à faire fleurir les baisers sur sa peau, naitre des milliers de frissons dans son corps.

Sven hocha la tête. L’autorité parentale. Ça avait été sa bête noire à lui aussi. Bon, le domaine dans lequel elle s’appliquait n’était pas le même pour elle que pour lui. Mais lui-même s’était rebellé face à l’édifice que représentait son père. S’il avait eu dix ans de mois, il aurait dit à Harley de tout claquer, de les oublier et pourquoi pas, d’aller vivre avec lui. Mais ça n’aurait pas été le même Sven, et il doutait que, à 22 ans, il ait plu à la brunette assise en face de lui. L’ébéniste déchiffrait sans mal ce qui n’était pas dit. Tout enfant aspirait à l’amour de ses parents. Tout parent, cependant, ne savait pas donner d’amour. Là était le plus grand problème. Ce n’était pas dans l’idée de Sven d’alourdir la discussion, si bien qu’il décida d’alléger tout ceci d’un petit commentaire « Ils ne la prouvent pas beaucoup pour le moment, parce que je n’ai toujours pas sentis un coup de pied de la part de ton père. » Il eut un mince sourire. « Je ne sais pas si on peut dire que notre relation soit vraiment saine. » Une partie de lui ne voulait pas qu’ils restent sages, à discuter pendant des heures, s’intéresser du hobby de chacun et finir dans un ennui. Sven se déchirerait la peau pour Harley. Ca, ça n’était pas sain. Sven presserait ses lèvres sur celles d’Harley, jusqu’à mourir d’air. Ca, ça n’était pas sain. « Mais je te l’ai dis, que je ne te blesserai pas. Donc je suppose qu’on peut dire qu’elle est saine, oui. » & il pensera tes blessures, une à une.

Sven releva la tête, quand elle reprit la parole, en même temps que le droit de poser des questions. Il arrêta de couper son morceau de viande, toute son attention focalisée sur ces mots qui franchissaient la bouche de la fille Watson. Il eut un sourire serein sur les lèvres face à la curiosité de Harley, comprenant parfaitement l’intérêt qu’elle pouvait trouver là-dedans. Sven l’aurait crié au monde s’il le pouvait. Mais avant de la retrouver à son lycée, aujourd’hui, il avait craint que les paroles qui se soient échangées, plusieurs jours plus tôt aient été du vent. Il passa une main dans ses cheveux. « J’en ai parlé à Sam. » Il ferma les yeux trois secondes, le temps de se rappeler l’échange. « Elle m’en a voulu de t’avoir saoulé à la téquila, d’avoir profité de ta jeunesse. Je pense même qu’elle a fait une allusion à de l’abus sexuel. » Il plissa les yeux, pour tenter de se remémorer les mots exactes. « Bref, elle était un peu déçue de mon comportement. Après, elle s’est foutue de ma gueule. » Sam ne pouvait pas aller à l’encontre des sentiments de Sven. Rien ne le pourrait. Qu’importe les idiots qui se dresseraient entre lui et Harley, Sven franchirait tous les obstacles. « Je ne suis pas du genre à m’étendre sur mes relations. Si on me pose la question, je réponds. Mais je ne te cache pas. Sinon je ne t’aurais pas amené au restaurant et je ne t’aurais pas embrassé en public. » Sven ponctua sa phrase d’un regard pétillant et d’un mince sourire.

Il but un peu de son vin, détailla Harley, pour le plaisir des yeux. « J’étais surpris, en venant à ton lycée. Je ne savais pas s’il fallait m’attendre à ce que tu sois entourée d’un garde du corps, ou que tout le corps enseignant ait reçu l’ordre formel de m’écarter de toi. Tes parents ont gardé le secret ? » Question rhétorique. Bien évidemment qu’ils n’avaient pas ouvert la bouche. Cela deviendrait d’autant plus délectable quand la ville comprendra quel genre de relation unissait Harley et Sven. Est-ce que Storybrooke pourrait survivre à une telle révélation ? Sven eut une soudaine pensée pour madame le maire, une pointe de culpabilité, sans qu’il ne sache d’où elle vienne. Et bien vite, comme si rien n’était, il oublia tout de ce sentiment inopportun. Après tout, ici, il n’avait d’yeux que pour Harley, malédiction ou non.

« Qui est le plus perverti entre nous, hm ? » Harley eut un sourire coupable, flattée que son aînée puisse se sentir perverti par elle. La rouquine était du genre tenace, ne reculant devant rien jusqu’à recueillir le fruit de ses efforts, et en cela elle n’avait pas flanché jusqu’à mettre Sven dans son lit, le détournant alors outrageusement du travail qu’il était censé accomplir pour ses parents. Néanmoins, elle ne répliqua pas, elle aimait le ton de Sven et se contentait de l’amusement qui irradiait de ses prunelles ambrées. Elle continua sur sa lancée, trop enchantée par la remarque de l’ébéniste pour s’en formaliser. D’autant qu’il ne la coupa plus, respectueusement accroché à ses lèvres, et la laissa conclure sur la note de l’autorité parentale avant de réagir à nouveau. « Ils ne la prouvent pas beaucoup pour le moment, parce que je n’ai toujours pas sentis un coup de pied de la part de ton père. » Harley ne bouda pas son plaisir, alors qu’elle imaginait la scène de manière assez précise. Un tel évènement lui aurait permis de profiter du moindre instant d’inattention de son père pour se porter au secours de Sven en tenue d’infirmière, et obliger à nouveau l’homme à se mordre les doigts. « Je ne sais pas si on peut dire que notre relation soit vraiment saine. » La jeune Watson pencha la tête, surprise, mais ne suspendit pas ses gestes, continuant à avaler goulument ses lasagnes. « Mais je te l’ai dis, que je ne te blesserai pas. Donc je suppose qu’on peut dire qu’elle est saine, oui. » Voilà qui était mieux, et fit cesser l’instant d’excitation pendant lequel le cœur d’Harley s’était mis à battre à tout rompre dans sa poitrine.

Entamant largement son assiette, Harley n’oublia pour autant ni le verre de vin à ses côtés ni l’homme face à elle. Bien vite sa curiosité pointa à nouveau le bout de son nez. Mais Sven sembla l’accueillir d’un bon œil, son sourire était calme et fin, comme s’il s’accommodait des lubies d’Harley. Passant une main dans ses cheveux, technique qu’il utilisait à outrance pour se composer une attitude sereine, il finit par avouer : « J’en ai parlé à Sam. » Il ferma les yeux, et la jeune fille eut le temps de craindre le pire. S’il parlait bien de la Talbot, les deux femmes ne se tenaient guère en grande estime, et elle n’avait pas de mal à imaginer la conversation. Mais ce que pouvait en penser « Sam » ne l’intéressait pas, c’est plutôt le fait que Sven soit assez proche d’elle pour lui parler de ses aventures qui l’inquiétait. « Elle m’en a voulu de t’avoir saoulé à la téquila, d’avoir profité de ta jeunesse. Je pense même qu’elle a fait une allusion à de l’abus sexuel. » Harley ne bougea pas d’un centimètre, allant jusqu’à bouder son plat, accrochée aux lèvres de Sven, à l’affut du moindre indice sur la relation qu’entretenaient l’ébéniste et la prostituée. « Bref, elle était un peu déçue de mon comportement. Après, elle s’est foutue de ma gueule. » Quelle sale traînée pensa Harley. Elle était mal placée pour se moquer de Sven, et le juger, elle qui profitait outrageusement de son célibat retrouvé pour écumer les bars. Harley n’avait pas encore totalement digéré leur dernière entrevue, mais elle se demandait si Sven lui avait confié tout ça avant ou après le flop chez les Watson.

« Je ne suis pas du genre à m’étendre sur mes relations. Si on me pose la question, je réponds. Mais je ne te cache pas. Sinon je ne t’aurais pas amené au restaurant et je ne t’aurais pas embrassé en public. »

Les yeux pâles d’Harley s’illuminèrent pour faire écho à ceux de Sven, qui parvinrent à la réchauffer mieux qu’aucun contact physique. Néanmoins, Harley n’aurait pas craché sur l’idée de se rapprocher de Sven, de faire valser cette table et tout ce qui s’y trouvait pour enfin faire disparaître l’obstacle qui les séparait. Si jusque-là, elle s’était prise au jeu du déjeuner en tête à tête dans un lieu public, le manque d’intimité commençait à la frustrer. Elle continuait à faire un sort à ses lasagnes, et redoubla bientôt d’intensité, songeant à réduire le temps perdu. En même temps que son estomac se remplissait, son bas-ventre se retrouvait chatouillé par une envie de plus en plus pressante. Ses paupières se fermèrent un instant, alors que sa fourchette s’attardait dans sa bouche, et elle réussit assez bien à faire passer ça pour de la gourmandise. En réalité, le théâtre mental qui se jouait derrière ses paupières diffusait dans le détail le corps nu de Sven, et ses propres mains qui le parcouraient avec avidité.

. « J’étais surpris, en venant à ton lycée. Je ne savais pas s’il fallait m’attendre à ce que tu sois entourée d’un garde du corps, ou que tout le corps enseignant ait reçu l’ordre formel de m’écarter de toi. Tes parents ont gardé le secret ? » Harley rouvrit les yeux, et reporta sa fourchette jusqu'à son assiette, aux premières notes de la voix de Sven. Elle manqua plus ou moins sa première phrase mais se fit violence pour s’accrocher à l’instant présent et réussit à capturer assez finement l’essence de ses paroles. Elle finit même par décrocher un sourire sans joie à son aîné, hochant lentement la tête, dépitée par le comportement de ses géniteurs. « Tu pensais vraiment qu’ils allaient dire à qui que ce soit de me garder à l’œil parce que j’étais une vilaine fille ? » Elle eut un rire bref et amusé face au pathétique de la situation qu’elle s’apprêtait à révéler à son amant : « Ils ont déjà engagé une nanny pour s’occuper de moi lorsqu’ils ne sont pas là, autrement dit toujours, et ils m’ont offert un petit bracelet, tout mignon, avec une puce pour me pister. » Avant que Sven ne s’inquiète et au cas où il n’ait pas remarqué son manège lorsqu’ils avaient quitté le lycée ensemble, elle s’enquit de préciser : « Je l’ai mis dans le sac d’un mec avant qu’on parte, au moins ils me croiront toujours au lycée jusqu’à la fin des cours, si personne ne les appelle entre temps pour prévenir de mon absence. » Un sourire espiègle coiffa ses lèvres avant qu’elle n’ajoute : « Si jamais ils nous retrouvent avant la fin de l’après-midi, rassure-toi, je cours vite. » Ses lèvres s’étirèrent davantage, et ses prunelles se mirent à briller. « Si tu n’arrives pas à me suivre, ce sera avec plaisir que je regarderais de loin mon père te coller un coup de pied aux fesses. » Elle ne cacha pas son amusement, offrant son sourire le plus épanoui à Sven, avant de se re-concentrer sur son assiette. Quelques bouchées supplémentaires, ponctuées de gorgées de vin, et le plat de la rouquine eut disparu dans son estomac.

L’assiette et le verre vide, elle les repoussa plus avant sur la table, sur laquelle elle s’accouda, recueillant son visage en coupe entre ses mains. Rivant ses grands yeux verts sur Sven, elle le contempla un instant, passant d’une expression neutre à une teinte de plus en plus captivée, laissant un sourire tendre adoucir son visage. « Je crois que j’ai le syndrome de Stockholm. » Le coin de ses lèvres nota l’ironie avec délice. Seule Harley savait réellement ce qui se cachait sous cette constatation dérisoire. Elle n’était pas seulement prise d’affection pour son ravisseur, ça, il le savait très bien, même si Sven apprécierait sans doute le trait d’esprit. Au fond d’elle, Harley enfouissait bien plus qu’une simple affection, qu’un banal attrait pour un homme plus âgé et plus expérimenté. Sven n’occupait pas toutes ses pensées uniquement parce qu’il avait du cran et le don de divertir la jeune Watson. Il l’obsédait pour des raisons bien moins triviales, de nature moins sexuelles qu’elle ne pouvait l’admettre derrière son mur d’assurance. L’ébéniste en venait peu à peu à occuper une place inédite dans le corps d’Harley. Il avait mis la main sur le plus insoupçonné de ses trésors : son cœur.

Sven ne réussit pas à imaginer une véritable gardienne chez les Watson, pour veiller sur leur si jolie fille, si pervertie. Harley méritait mieux qu’un vulgaire gardien de prison pour s’assurer qu’elle ne parte pas à l’anglaise. Sans mettre un visage sur la nanny de la brunette, il hocha la tête et fronça les sourcils à la notion d’un bracelet. Pour lui, les parents de son amante la considéraient comme un chien. Qui serait assez saugrenu pour mettre une puce localisatrice sur son enfant – d’autant qu’à Storybrooke, il n’y avait pas beaucoup d’endroit où elle pouvait filler. Effectivement, les adultes Watson présentaient une certaine lacune dans leur devoir d’éducation familiale. Dès lors, ce n’était pas étonnant qu’ils aient recours à une autorité abusive, qui, une fois encore, ne servait pas à grand-chose. Qu’importe s’ils retrouvent les amants en tête-à-tête et que le père foute une raclée à Sven. D’ailleurs, il eut une grimace à cette possibilité. « Tu ne m’en veux pas si je me défends ? Je n’aime pas me laisser faire et franchement, je n’ai pas envie de le voir partir avec toi sous le bras. » Parce que ça voudrait dire que Sven aurait perdu beaucoup de choses avec cet affrontement. Il était hors de question qu’il se penche en avant pour faciliter la tâche de papa Watson.

Sven posa ses couverts dans son assiette dans un timing proche de celui d’Harley, qu’il ne nota pas, bien trop occupé à regarder Harley, juste comme ça, une expression tendre dans le fond de ses prunelles. La constatation qu’elle lui livra arracha un rire à l’ébéniste qui se rapprocha à nouveau de la table, sa main se faufilant sur le côté pour saisir celle de sa compagne. Il eut ce même sourire, joueur, un peu prédateur. « Pourtant, je ne t’ai pas encore fait subir tous mes supplices. » Le dernier mot se détacha des autres, une pointe de luxure placée volontairement, faisant bien comprendre le sens réel de sa phrase. Oh oui, il n’allait pas s’arrêter en si bon chemin. Si elle devait s’éprendre de son ravisseur, Sven lui donnerait une bonne raison de ne plus vouloir le quitter. Il y avait déjà les belles paroles qu’il lui avait servies, avec toute cette attention dont il était capable. Il ne manquait plus de les mettre en pratique, de décalquer chaque note de douceur sur la peau fébrile d’Harley, pour chaque caresse d’or qu’il mourait d’envie de lui faire subir, pour chaque baiser qu’il rêvait de lui ravir.

Puis s’en était trop. Sven avait trop attendu, et il considérait qu’Harley aussi. Le devoir de gentleman rempli, il pouvait s’adonner à des activités bien moins nobles, plus viles. « On y va ? » Le dessert attendrait, il n’était même pas nécessaire. L’ébéniste n’admettrait qu’une seule chose rencontre sa langue, et ça ne serait pas de la nourriture. Il se leva tranquillement, reculant sa chaise en un mouvement fluide, sans lâcher les doigts fins qu’il tenait en sa possession. Maintenant qu’il détenait Harley fermement, il ne la lâcherait pas de sitôt. Maintenant qu’il n’y avait plus d’objet ingrat pour les séparer, il garderait toujours un contact avec elle. Que ça soit un baiser fébrilement capturé, comme il le fit à l’instant qu’Harley se relevait, une main sur ses reines, un bras sur ses épaules. Sven ne voulait plus être coupé de ce frisson constant qui rimait avec la présence d’Harley à ses côtés, de sa peau contre la sienne. Fondamentalement, c’était à risque. Car chaque touché de cette fille accroissait la chaleur de son sang, brulant bientôt ses veines, entamant la bienséance qu’il tentait de garder.

Après avoir payé pour le service, donné un pourboire acceptable, Sven guida Harley jusqu’à la sortie. Tout du moins, avait l’intention de le faire. C’est là, qu’à ce moment, derrière la baie vitrée, il reconnut une figure paternelle tout sauf désirée. Un air malin passa dans les yeux de Sven. « Oups. » Et au lieu de prendre la porte d’entrée, Sven bifurqua soudainement, prenant la première zone d’échappée qui se présenta à lui. La main sur la poignée, il l’ouvrit à la volée, attirant Harley vers elle, en profita pour la coller sur son torse et referma aussitôt. Derrière le père Watson, il ne s’était pas trompé, l’ébéniste avait bien remarquée une autre femme que son épouse à son bras. Il n’avait jamais eu de preuve tangible de l’infidélité des parents de la brunette, mais à présent que la silhouette de cette femme s’infiltrait dans son cerveau, les engrenages se posaient les uns après les autres.

Mais ce n’était pas le moment d’élaborer une théorie sur la fidélité chez ses anciens clients. Il eut un coup d’œil pour la pièce, remarquant qu’il s’agissait d’un cagibi, relativement lumineux par une petite fenêtre en hauteur. L’idée de se faire prendre la main dans le sac n’était pas qui dérangeait le plus Sven – il en aurait été très fier même -. Seulement, il se doutait que si l’homme qui se trouvait de l’autre côté de cette porte découvrait Harley au bras de Sven, banni à vie de la luxueuse demeure, sa brunette serait vite retournée dans la case lycée, sans passée par celle ‘bras de Sven’. Et il n’aurait même pas le temps de lui apprendre à faire le mur pour qu’elle vienne le retrouver, la nuit. Et ça, Sven ne pouvait pas l’accepter. L’excuse du dentiste ne pourrait pas fonctionner indéfiniment. Ils devaient mettre un plan d’attaque à jour.

Mais, ici encore, ce n’était pas le moment pour ça. Car, Sven ne manquait pas de l’oublier, il avait sa délicieuse Harley contre son torse, et la sentir aussi proche depuis ces quatre derniers jours balayait toute tentative de réflexion. « Eh bien, il semblerait que nous soyons coincé ici pour une petit bout de temps. » L’idée qui fleurissait dans l’esprit de Sven le séduisait parfaitement et il ne voyait pas de raison –vraiment – pour bouder son plaisir dans cet espace restreint. Ainsi se pencha-t-il sur Harley pour l’embrasser, et plus encore.

Étonnement stoïque face à la répartie de Sven, Harley se contentait de rire intérieurement. Il était encore des choses qu’elle n’osait pas dévoiler à son amant, le plaisir que lui procurerait une telle scène en faisait partie. Elle avait beau avoir de l’affection pour son père, en quelques jours, leurs relations s’étaient particulièrement dégradées. Rien n’aurait pu lui faire plus plaisir que de voir l’homme attraper Sven par le col et récolter en retour une dérouillée monumentale. Elle aurait sans doute eu pitié pour lui, mais cet ersatz de sentiment aurait rapidement disparu devant l’affirmation de la suprématie de son amant, décidément capable de la protéger contre vents et marées. Harley était suffisamment déterminée et pugnace pour se défendre seule, néanmoins l’idée de voir Sven coller un poing à son père lui fila un frisson qui remonta lentement le long de sa colonne.

Fixant Sven sans la moindre dispersion, elle ne s’attendait pas réellement à une réponse de sa part. Elle se serait contentée de l’admirer ainsi des heures, même si très vite, les vêtements qu’il portait se seraient révélés un frein à son plaisir. « Pourtant, je ne t’ai pas encore fait subir tous mes supplices. » Le prédateur en Sven se réveillait, soulevant le coin des lèvres d’Harley dans une moue émerveillée et retorse. Il avait attrapé sa main presque sans qu’elle s’en aperçoive, tant le contact lui paraissait désormais naturel. Elle serra davantage ses doigts contre l’arête de la main de son amant, se délectant de ce contact prometteur. Son théâtre mental risquait à chaque instant d’étendre à nouveau son règne sur le cerveau de la jeune fille, qui continuait à river obstinément ses prunelles olives dans celles, plus sombres, de son amant. Mais Harley ne pouvait pas être plus faible qu’en présence de celui-ci, et son regard vrilla, durant une infime mais fatidique seconde, se perdant sur le torse de Sven, qu’elle imagina très vite délesté des vêtements qui le recouvraient. « On y va ? »

La jeune Watson ne se fit pas prier, et se leva avec bien moins de calme que son aîné. Mais il ne sembla pas s’en formaliser, et se serra bientôt contre elle, ses deux mains l’attrapant solidement, tandis que ses lèvres se posaient tendrement sur les siennes. Harley se tendit légèrement, le baiser faisant frissonner tout son être et galoper ses idées les plus scandaleuses. Électrisée par la caresse de ces lèvres, Harley mit quelques instants à se reprendre. Elle se fit doubler par Sven pour l’addition, et n’eut pas le cœur à le remercier. Ce n’était pas la première fois qu’on payait pour elle, sa famille s’en chargeait sans arrêt, mais Sven n’était en aucune manière l’un de ses proches. Harley découvrait ainsi un nouvel avantage à sortir avec un homme plus âgé. Mais elle n’arrivait pas à se satisfaire de la découverte. Ce n’était que troquer une soumission pour une autre. Le teint soucieux, elle se laissa néanmoins guider par Sven jusqu’à la sortie, son sac sur l’épaule, son manteau sous le bras, et le regard rivé sur ses pieds, tentant de rassembler ses pensées en un flot moins diffus pour les confier ensuite à son aîné.

« Oups. » Harley releva le menton et obliqua ses yeux verts sur Sven. Encore une fois, cependant, il allait trop vite pour lui laisser le temps de la moindre réaction. Harley se laissa entrainer vers une porte de maintenance, ne devant normalement pas être ouverte par un simple client. L’écriteau « privé » n’arrêta cependant pas l’ébéniste, qui ouvrit la porte à la volée et colla Harley contre lui avant de les précipiter à l'intérieur. Il referma derrière eux, permettant à l’obscurité de reprendre son règne sur le petit cagibi. Seule une mince fenêtre située en hauteur offrait un filet de clarté à l’espace que les deux amants occupaient. Se retrouver dans un endroit aussi sombre et exigu n’aurait normalement pas du réveiller les ardeurs d’Harley, mais la proximité de Sven était enivrante. « Eh bien, il semblerait que nous soyons coincé ici pour une petit bout de temps. » Il se pencha et captura les lèvres d’Harley. De toute évidence, il avait déjà une idée assez précise de la manière de les faire patienter. Mais la rouquine aimait avoir toutes les cartes en main, ce qui n’était manifestement pas le cas actuellement. Attrapant le visage de Sven entre ses mains, elle obligea leurs bouches à se séparer, tout en reculant dans le cagibi. Son talon buta contre quelque chose, mais elle ne s’en préoccupa pas, cherchant malgré la pénombre à accrocher le regard de l’ébéniste.

« Je voyais la suite de notre rendez-vous un peu différemment, qu’est-ce qui t’a perturbé ? » L’inquiétude planait sur les traits de la jeune fille, qui n’attendit pas que son amant réponde pour s’imaginer un tas d'explications à son étrange comportement. La première qui lui vint à l’esprit eut le mérite d’être simple mais cruelle. Harley imaginait en effet que Sven avait aperçu quelqu’un devant qui il n’osait pas s'afficher avec la lycéenne. Malgré toutes les fois où il lui avait assuré se moquer des apparences, c’était une idée fixe chez elle. Elle eut cependant le cran de garder cette idée pour elle, ne souhaitant pas froisser son aîné s’il avait une meilleure raison de les avoir coincé dans cette pièce étroite. Se rapprochant à nouveau de lui, jusqu’à le plaquer contre la porte, elle leva le menton vers lui et se hissa sur la pointe des pieds. « Tu n’avais pas à payer le repas tu sais. » Le concept de l’invitation continuait à la gêner. « Maintenant il va falloir que je trouve une autre manière de te dédommager pour le buffet. » Ses lèvres s’étirèrent dans une note sauvage, et ses mains glissèrent de ses joues contre sa gorge puis le long de son buste. Lentement, adroitement, elle fit sauter le bouton du jean de l’ébéniste. Elle ne le lâcha pas de ses pupilles étrécies par le plaisir et l’obscurité, alors que ses doigts faisaient céder la fermeture éclair. Ses mains glissèrent de chaque côté du pantalon puis l’agrippèrent pour le faire descendre. Son sac tomba alors de son épaule, et elle le jeta par terre sans s’y attarder, remarquant alors que son manteau avait également sombré au sol. C'était de toute évidence ce contre quoi son pied s’était pris en entrant. Elle s’accroupit pour le ramasser et le mettre sur son sac près de la porte, juste à côté de Sven. Elle riva alors son regard sur ce dernier, et remonta sensuellement contre lui, laissant sa main droite trainer contre la bosse de son pantalon. Dans la continuité de son mouvement ascendant, elle attrapa le haut de Sven pour le lui retirer. L’hiver était traitre, car Harley aperçut l’ombre d’un second vêtement sous le premier. Elle ponctua ses gestes sûrs par un baiser enflammé, durant lequel sa langue joua furieusement avec celle de son aîné. Puis elle quitta ses lèvres pour lui retirer son haut et dévoiler enfin son torse. Ses mains retrouvèrent avec délice le contact chaud de sa peau, ses lèvres se perdirent un instant dans son cou puis remontèrent contre sa mâchoire. Elle attrapa le lobe de son oreille entre ses dents et le mordilla avec volupté. Puis sa bouche caressa sa joue, pour se presser contre celle de son amant. Elle força la barrière de ses lèvres sans peine, et alors que sa langue se corrompait avec orgueil, ses mains parcoururent le torse de l’homme, le plantant davantage contre la porte de service.

Se trouver nez-à-nez avec le patriarche Watson n’était pas une option qui dérangeait Sven. Bien au contraire. Il ne ressentait aucune gêne d’être en compagnie d’Harley, c’était bien la raison pour laquelle il était revenu la voir aujourd’hui. Sven avait besoin de sa présence à ses côtés, d’une manière qui frôlait l’indécence. Les conventions avaient beau hurler à quelques lois sur la bonne conduite, le brun s’en moquait éperdument. Et s’il avait eu l’occasion, il n’aurait pas manqué de dévisager papa Watson avec un délicieux sourire sur les lèvres. Mais il y avait certaines choses que Sven ne pourrait pas empêcher d’arriver, malgré toute sa bonne volonté. Tomber immédiatement sur l’homme âgé, qui lui aurait botté le cul si l’envie lui disait, que Sven lui foute une rouste en retour, tout ça dans un espace public n’indisposait pas l’ébéniste. Mais il avait la mauvaise impression que si le père dictait à sa fille de le suivre, elle l’aurait fait. Après tout, Harley était restée chez elle, après avoir été prise en plein ébat avec l’amant qu’était Sven. Si l’autorité de la mère était suffisante pour que Sven n’ait pas de nouvelle de la brunette pendant quatre jours, il ne voulait pas savoir ce qu’il en ressortirait s’il croisait le père, justement maintenant.

Alors oui, s’éclipser avant que la confrontation n’eut lieu fut un mouvement raisonnable de la part de Sven, qui entrainait donc Harley dans un cagibi. S’il était fort peu agréable, il avait au moins le mérite d’être étroit, forçant ainsi les deux amants à se rapprocher, tout cela pour la plus grande satisfaction de l’ébéniste. Si, presque une heure durant, une table s’était infiltrée entre eux, à présent les murs faisaient pression dans leur dos pour qu’ils se rapprochent. Harley était contre lui, ses mains posées dans le dos de la jeune femme, l’empêchant de reculer, la proximité de la fille Watson réveillant en Sven toute cette attente qu’il s’était forcé de contenir. Il goutait ses lèvres avec une délectation non dissimulée, un sourire espiègle se glissant sur ses lèvres. Mimique qui se fana quand Harley recula. Ses sourcils se froncèrent d’eux-mêmes, une interrogation dans le regard, une expression presque adorable de s’être fait éloigner. Une fois qu’il eut l’explication à ce soudain mouvement, il pinça sa bouche. « Tu ne l’as pas vu ? » Bien sûr que non, Sven, sinon elle n’aurait pas posé cette question. C’est vrai que les quelques mètres dans lesquelles il avait entrainé Harley n’était pas dans la suite logique de ses plans, et il nota intérieurement que la brunette s’attendait aussi à un autre genre d’épilogue à leur déjeuner. « Ton père vient de rentrer dans le restaurant. J’ai pas trop envie qu’il mette un terme à notre rendez-vous si tôt. » Sven eut un moment de latence, attendant de voir si la révélation ferait fuir Harley, comme il lui arrivait si bien de le faire, et qu’il soit obligé de regarder son dos s’éloigner le plus de lui. Mais il fut plaqué contre la porte, la seule sortie possible de l’endroit exigu.

Immédiatement, un nouveau sourire sauvage se planta sur ses lèvres, alors qu’il saisissait les mains d’Harley. Il frissonna de la proximité, se penchant pour l’embrasser, s’arrêta de justesse quand elle lui fit une promesse que Sven ne pouvait attendre. « Il faudra que je sois galant avec toi plus souvent. » Ca, c’était le genre de dédommagement qu’il appréciait à recevoir. Plus rien ne les retenait, à présent. En un battement de cœur, son estomac se contracta, d’une faim nouvelle, les caresses de la brunette libérant de fines décharges de désirs, de luxure, d’envie. Tandis qu’elle s’attardait sur son jeans, il lui fit tomber son pull. Il retint le geste impulsif qu’il aurait eu, de l’empêcher de s’abaisser, mais finalement l’observa, une expression rieuse, ranger ses affaires correctement. Comment pouvait-elle espérer avoir un peu d’ordre, quand, bientôt, tout ne serait plus qu’un torrent de pure folie charnelle ? Sven se mordit la langue, répriment l’ardeur qu’il avait, à la moindre approche d’Harley. Il la voulait. Tout de suite. Maintenant. Pour lui seule. Ca allait être le cas. L’empressement qu’il ressentait, cependant, grouillait dans ses veines. Le besoin de se coller à elle, de gouter ses lèvres, de s’enchainer à elle, dans une union interdite, pourtant si désirable.

Sven perdit un autre vêtement, l’excitation dans les sens. Il captura la nuque d’Harley de ses doigts, fit pareil avec ses lèvres. Un frisson plus tard, et il était torse nu, souriant. Il aimait comment Harley prenait les devants, se tendit quand la main baladeuse de cette dernière se perdit entre son boxer. Il en perdait le souffle, faisant abstraction du lieu cocasse où ils se trouvaient. Que, de l’autre côté de cette malheureuse porte contre laquelle il était bloqué – qu’elle n’y prenne pas goût, parce que ça ne durerait pas- papa Watson s’adonnait à un jeu de drague adultère. Et qu’ici, dans cette petite pièce, Sven s’apprêtait à commettre une fois de plus l’acte irréparable de s’emparer de la fille Watson. Le vice tordu dans toute sa perversion.

« Tu ne l’as pas vu ? Ton père vient de rentrer dans le restaurant. J’ai pas trop envie qu’il mette un terme à notre rendez-vous si tôt. » L’estomac d’Harley se noua. Elle partageait bien l’avis de son amant, et n’avait aucune envie de se faire surprendre pas son géniteur. L’épouse Watson les avait déjà trouvé sur le fait, c’était largement suffisant pour qu’Harley fasse valoir son point de vue, elle n’avait aucun intérêt à renouveler l’opération. La première tentative n’avait pas été un franc succès, ses parents s’étant entêtés, ils n’avaient absolument pas cherché à comprendre la jeune fille. Elle n’était absolument pas certaine que son père se montre plus conciliant s’il la trouvait de lui-même dans les bras de l’ébéniste. Au fond, ils avaient eu de la chance d’avoir à faire à sa femme la première fois, car l’homme pouvait se révéler bien moins calme en pareilles circonstances.

Quoiqu’il en soit, savoir son père dans le même restaurant qu'eux, derrière cette porte qui les isolait du reste du monde, n’entamait absolument pas le désir d’Harley. Sa famille au grand complet pouvait bien être de l’autre côté du mur, ça n’enlevait pas leur attrait aux mains de Sven qui choisirent ce moment pour saisir les siennes, ni n’endigua l’élan d’excitation qui s’empara d’elle lorsque ses lèvres l’arrachèrent à l’instant présent. « Il faudra que je sois galant avec toi plus souvent. » Il n’en fallut pas plus pour faire naître un sourire de pure luxure sur les lèvres d’Harley. Elle s’évertua alors à faire tomber les vêtements de son amant en un temps record. Retrouver les doigts familiers de Sven contre sa nuque ne l’aida pas à canaliser ses pulsions, et ce fut avec un délice assumé qu’elle retrouva la peau qui l’enivrait et la transportait.

C’était ainsi, une attraction indéniable entre les deux amants, qu’ils entrent en collision, pour faire éclater le monde de faux semblant qui voilait Storybrooke. Les parents d’Harley avaient beau chercher à éviter qu’ils se retrouvent, cela ne les empêchait pas de s’adonner au plaisir de la chair dans la pièce juxtaposée à la salle de restaurant où se trouvait Watson père. A ce moment, cette même lucidité qui se présentait à Harley, se déposait sur Sven, lui faisant comprendre que rien au monde ne pourrait l’empêcher de se trouver près de sa brunette quand l’envie lui prenait – et dieu sait que l’envie lui prendrait souvent-. Il avait le besoin de la voir, sans qu’il y ait une raison valable derrière tout cela. C’était présent, dans son être, dans ses veines. Et cela lui allait très bien.

Ses paumes appuyèrent contre son torse et elle écrasa ses lèvres contre les siennes en le poussant en arrière pour le plaquer à nouveau contre la porte. Elle força la barrière de ses lèvres et retrouva avec tendresse la langue de son amant. Ses mains ne bougèrent pas, mais ses poignets tremblèrent sous la pression, tandis que son cœur battait à tout rompre. « Tu me fais ressentir des choses étranges. » Sa bouche s’était à peine écartée de celle de Sven, et ses yeux brillèrent dans la pénombre. Ses pensées s’emmêlaient, mais elle ne voulait pas laisser son amant dans l’incompréhension. Aussi nébuleuses soient-elles, Harley avait besoin de les éclaircir, autant pour elle-même que pour son aîné. « Je ne sais pas si c’est l’adrénaline ou ce cadre idyllique, mais je me sens faible. » Son regard ne manquait pas de force pourtant, et sa voix devenait de plus en plus assurée. Elle laissa une de ses mains caresser la joue de Sven, puis attraper son menton. Son touché était doux, même s’il ne manquait pas de fermeté. Elle ne souhaitait pas laisser à l’homme l’occasion de répliquer avant qu’elle ait terminé, alors elle enchaina dans une certaine précipitation. « Tu me rends faible, et je suis trop égoïste pour te laisser faire impunément. » Ses lèvres esquissèrent un sourire simple avant qu’elle n’ajoute : « Je veux que tu m’aimes, et que tu souffres quand je ne suis pas là. » Elle posa ses lèvres sur celles de son amant en un baiser chaste. « Parce que moi, je vais souffrir dès que tu me ramèneras au lycée. »