Skylar était un catalyseur, accélérant et amplifiant la réaction de destruction de Rachelle. Il y avait tant d’idées qui défilaient dans son esprit drogué. Tellement de possibilités que son esprit tordu voulu appliquer, qu’elle ne savait pas laquelle choisir. Elle se retenait, aussi, de peur de briser son jouet. C’est vrai, elle avait choisi la polémique. La sirène n’avait pas flanchée quand elle s’était faite étranglée. Elle avait suivi la brune en dehors du chapiteau et elle l’avait flanqué au sol. La starlette cherchait les problèmes, alors que Saqarh cherchait à les éviter – quoique-. Et il y avait, en plus, cet instinct bouillant dans le fond de son estomac, ce petit bruit, parmi les seize autres, qui lui disait de s’en aller. Qui s’exclamait à chaque fois que Skylar l’embrassait, et qu’elle se laissait embrasser. Qui criait à chaque fois qu’elle était caressée, et qu’elle répondait aux caresses. Qui vrillait les tempes de Rachelle, à chaque fois qu’elle se laisser aller à son amalgames de pulsions. Pour résultat, ça donnait un mélange étrange, entre cette partie d’elle-même qui l’encourageait à partir, son esprit qui divaguait à cause de ses pilules et cette sensation enivrante que lui procurait la starlette. Elle était à l’ouest, dans un putain d’ouest lointain. Finalement, l’oracle n’en avait que faire, de ce qui se passait dans sa tête. Elle ne ressentait que ce désir, dévastateur et lascif qui fourmillait dans son bas-ventre. Elle n’avait qu’envie de cette blonde, avec ces foutues jambes, de se la faire et de repartir. Alors oui, elle se foutait bien de sa peur de casser son jouet, ce n’était qu’un jouet à usage unique qui l’encourageait à le péter.

« Ca dépendra, si tu le mérites, ou non. » Le coin de mes lèvres se souleva, tandis que je vrillai un regard torve sur la brune qui me persécutait les sens. Ma main caressa la peau meurtrie de son corps. Malgré les plaies et les cicatrices, sa peau restait encore très satinée par endroit, et mes paupières se fermèrent alors que j’imaginais sous mes ongles les sévices qu’avait dû endurer la gamine. Quelque part, je me reconnaissais en elle. J’avais toujours été préservé des blessures physiques, mais mon âme avait rencontré sa part de malheurs. Avais-je toujours eu l’esprit si retors et pourri ? Sans doute, je n’étais pas devenue mauvaise du jour au lendemain, après avoir percé le réservoir du liquide de frein de la voiture de mes vieux et bloqué l’accélérateur dans une position meurtrière. D’où me venait toute cette haine et ce sang froid, en revanche, je l’ignorais. Je n’avais pas le souvenir d’un passage psychologiquement dévastateur dans ma vie. Il n’y avait pas eu de déclic à ma malice, aucun évènement traumatisant, seulement le cours tranquille d’une vie menant tout droit vers la cruauté et la froideur. Alors j’avais envoyé mes géniteurs à la mort, sans aucun état d’âme, ni la moindre culpabilité une fois le geste commis. Rachelle ne pouvait pas espérer obtenir ma clémence. D’ailleurs, mon touché ne fut pas délicat. L’idée n’était pas que la brune prenne son pied, mais que je prenne le mien, et à son détriment si nécessaire.

Ses doigts s’accrochèrent à l’herbe, se fichant dans la terre sous le travail de la sirène. Les bruits firent la fête dans un recoin de son cerveau malade et immanquablement, elle redevint la proie de Skylar et du plaisir. Elle se mordit la langue, à sang, une fois encore, sa main se détachant du sol pour se ficher sur la blessure, cette marque, qu’elle venait de faire sur la sirène, cherchant volontairement à raviver la douleur. Les positions s’échangèrent une fois encore, Rachelle retournant la starlette sur le dos par la prise qu’elle tenait encore, comme guidant un animal blessé vers là où il ne voulait pas aller. Ca s’embrouillait dans sa tête. C’était la foire. C’était l’horreur. C’était la transe. Un mauvais présage pour Skylar. Les yeux de Rachelle étaient troubles, alors qu’elle se relevait, les jambes encore engourdie pour l’excitation sexuelle qui parcourait son corps. Sans perdre une seconde, son pied s’écrasa sur la morsure encore fraiche, tirant sur la chair pour agrandir la blessure si possible. Elle croisa les bras sur son genou, regardant à travers la sirène, sans vraiment la voir, sans vraiment l’entendre. « On va jouer à un jeu. » Elle passa une main dans ses cheveux, les démêlant partiellement, faisant peu de cas de sa nudité, peu cas de l’échange enflammé qu’elle rompait. « Gage ou vérité. » Elle voulait dire ‘vrai ou faux’ Elle se racla la gorge, frissonnant à peine à l’air qui lui battait la peau. Elle passa son pousse entre ses seins, récupérant un peu de son propre sang et lécha son doigt. Ca avait le goût de terre et de métal. « Le réservoir. C’était toi. » Et son regard, finalement, parvint à s’arrêter sur la blonde, une lueur absente. Elle ne touchait plus vraiment la réalité. Ce qu’elle savait, c’est qu’elle venait de trouver quelqu’un de plus intéressant qu’elle.

La faible d’esprit semblait avoir une autre vision de la suite à apporter aux évènements. Elle m’obligea à accueillir à nouveau l’herbe fraiche contre mes omoplates. Je grimaçai sans pour autant échapper le moindre juron contestateur. Se laisser mener n’était pas à mon goût. Je laissais rarement mes partenaires mâles me diriger, et cette pauvre femelle faisait naître une boule compacte dans mes entrailles. Je détestais la facilité avec laquelle elle me mettait sur le dos, me soumettait, alors qu’elle n’était rien d’autre qu’une groupie perdue, suffoquée par les effets pervers de ses comprimés de fortune. Et alors que je la pensais parée pour d’autres plaisirs sadiques, la brune se détacha de moi et se releva. J’eus à peine le temps de me redresser sur les coudes que, déjà, Rachelle fondait sur moi. Son pied me plaqua au sol, faisant pression dans une malice obscène sur la plaie que ses dents avaient engendrée sur ma peau. De mes yeux plissés par la douleur, je perçus la gamine se pencher au-dessus de moi. Je tâchai de retenir les grognements que l’œuvre de son pied m’inspirait, mais je ne pus m’empêcher de grimacer, rivant péniblement un œil noir sur la brune psychotique.

« On va jouer à un jeu. » Mes yeux s’étrécirent autant qu’ils le pouvaient encore. Je ne supportais pas d’être ainsi à la merci d’une gamine névrosée, mais sa pression sur ma clavicule me coupait toute voie de retraite. Il fallait que je réussisse à passer outre la douleur. D’ordinaire, j’étais la tortionnaire, me retrouver dans la position de mes victimes était véritablement désagréable, je m’en étranglais d’horreur. « Gage ou vérité. » Crétine arrogante ! Comment osait-elle ? Mon sang bouillait contre Rachelle et sa folie qui se permettaient de me prendre de cours. Et tandis que je traçais un trait sur mes attentes pour cette soirée, prête à fuir le jeu inutile et diminuant de la gamine écervelée, elle attira mon regard en léchant son pouce piqué d’une encre carmine. « Le réservoir. C’était toi. » Un hoquet de surprise franchit mes lèvres, les étirant bientôt en un rictus mauvais. J’attrapais la cheville de la brune, et faisant fi de la douleur, je l’attirais davantage vers moi pour lui faire perdre l’équilibre.

Cette fois-ci, je ne pris pas la peine d’amortir sa chute. Rachelle ne méritait plus le moindre traitement de faveur. Elle avait perdu l’attrait sexuel en rompant la douce dynamique qui nous entraînait dans des ébats chaotiques. La gamine aux mots soudains sibyllins m’était soudainement devenue désagréable. M’attirant irrésistiblement l’instant d’avant, elle me repoussait désormais avec la plus parfaite réussite. Me redressant après l’avoir fait tomber sur le côté, je la surplombais et mes prunelles ne laissaient pas supposer la moindre indulgence. « Bien essayé.» Je n’eus guère à analyser la position de Rachelle ni la distance qui nous séparait, l’impulsion de mon sang au niveau de mon cerveau parla pour moi, et me fit renvoyer une droite exemplaire à la jeune « voyante ». « Que ça te remette les idées en place, pauvre folle. Est-ce que tu t’entend ou il y a des voix dans ta tête qui parle pour toi ?» On était loin désormais de l’intérêt qui m’avait étreint lorsque la brune avait tenté de m’étrangler. Je ne jouais plus. Rachelle s’attaquait à un sujet sensible, à des soupçons que j’avais survolé des années durant et que je n’étais pas prête à accepter aujourd’hui. J’attrapai le menton de l’ingénue, braquant des yeux accusateurs dans son regard lointain. Mes lèvres se crispèrent, et mes sourcils tremblèrent davantage que je ne le souhaitais. « D’où est-ce que tu tiens ça ? C’est une accusation très grave.»

Rachelle ne pouvait contenir son sourire sadique, quand, dans le coin de sa tête, perdue, un éclat de bruit avait attiré son attention, malgré les sévices que lui faisait subir la sirène. L’idée était dangereuse, suicidaire. Parfaitement dans ses cordes. Et la tentation était trop forte, parce que Saqarh n’était accrochée à rien dans ce moment de luxure avec Skylar, et qu’elle avait besoin de toucher quelque chose pour rester dans la réalité, au risque de ne divaguer plus que ce qu’elle ne l’était déjà. Elle ne savait pas à quoi cela se référait, ce réservoir. Elle avait eu l’intuition que c’était grave, un secret profondément ancré dans le tréfonds de la starlette, une part d’interdit, une part d’horreur. Rachelle, dans ses réflexions droguées, à mille kilomètres des conséquences, n’avait pu se détourner de ce que son esprit détraqué lui susurrait. D’autant plus qu’avoir la blonde sous ses pieds, en parfaite soumission était une vue agréable, ses pupilles se perdant sur la nudité de Skylar, accentuant la folie dans son regard. La brune tomba, grimaçant à la poigne qui l’avait attirée contre le sol, sa tête rebondissant sur l’herbe. Elle secoua son crâne, tentant de récupérer ce qui ressemblait à ses idées. Ca grondait, ça montait, cette excitation sauvage, d’avoir posé son regard là où il ne fallait pas. Les bruits s’agitaient, l’engueulant, lui disant qu’elle avait fait une erreur. Ne venait-elle pas d’avouer à un tueur qu’elle savait ? Ca n’avait pas d’importance. Ne comptait que l’attrait du moment, de retrouver cette sensation malsaine sous sa peau, une qu’elle n’avait plus connu depuis qu’elle avait quitté la prison.

Rachelle était redevenue la créature chassée. Elle cracha le goût de terre qui lui restait sur la langue, jetant un regard de braise sur son tortionnaire. « Bien essayé.» Elle ne put que sourire comme une gamine prise la main dans le sac, mais qui ne regrettait nullement son action. C’était parfaitement ça. Même si elle se ferait botter le cul par après, elle ne pouvait regretter. Déjà, la psychotique apprécierait surement les coups et puis, ça sortait tellement de cette soirée ennuyante. C’était encore plus le chaos dans sa tête, l’empêchant de penser clairement, la douleur s’immisçant, les bruits éclatant à tout coin de ses pensées. Et ça l’excitait. Lentement, elle se redressa, toisant Skylar, avant de se manger un poing dans la gueule. Rachelle ne tomba pas, même si elle tourna le visage sous le coup. Elle porta sa main à joue blessée. « Que ça te remette les idées en place, pauvre folle. Est-ce que tu t’entend ou il y a des voix dans ta tête qui parle pour toi ?» Elle eut un rire mauvais, la psychotique. Elle s’approcha de la sirène, tout en faisant craquer sa mâchoire, chassant toute potentielle douleur. « Nan, j’entends pas. Ça doit être parce que je suis folle. » Tout le monde le disait : son dossier médicale, Archie, les gens qui la regardaient. Ça devait être vrai. Saqarh était folle et incurable. Un cas perdu, fallait pas s’attarder sur elle. Sauf que, voilà, la starlette avait totalement changé de comportement à présent, elle ne présentait plus cette attitude mièvre et dragueuse qui avait séduite Rachelle, qui l’avait piégée dans une attraction perfide. Skylar prenait un comportement auquel la brune était accoutumée et qui, malgré les souffrances que ça apportait, était ce que la criminelle préférait.

Rachelle se laissa faire à la main qui se posait sur son menton, sans se départir de cette lueur maline dans son regard. « D’où est-ce que tu tiens ça ? C’est une accusation très grave.» Elle joua avec une de ses bagues, perdue, un moment, dans le capharnaüm de son être. Elle aurait pu avoir des doutes sur ce qu’elle avait dit, à propos de l’acte meurtrier de Skylar. Les voix n’étaient pas toujours justes. Mais ici, plus ça allait, plus la brune était confortée dans son idée. Ça lui donnait mal au ventre, lui faisant réaliser que ce qu’elle entendait, sans que personne ne le sache, était bien vrai. Putain, elle avait besoin d’une de ses pilules, pour oublier, jusque la prochaine réminiscence. « Hum. Source confidentielle. Tu dois connaitre l’importance d’un secret. » Rachelle lui décrocha un sourire mauvais, retrouvant la position qu’elle préférait : le prédateur. Elle porta sa main jusqu’au cou de la starlette, qu’elle avait déjà serré auparavant. Ici, elle ne t’étrangla pas - elle y avait pensé-. Elle s’assurait juste une prise, pour que la sirène ne fuie pas. Vivement, elle embrassa Skylar, sans lui laisser le temps de réagir. « Ca, c’était pour le bon temps. Et ça. » Il fallait s’y attendre, rien qu’au ton que pris sa voix. Son poing se sera, celui avec les bagues, et frappa, juste sur la pommette de la blonde. Rachelle relâcha sa proie, recula pour se rendre jusqu’à sa veste en cuir. « C’est parce que on ne me frappe pas gratuitement. » L’expression n’était pas exacte. Pour elle, c’était recevoir un coup qu’elle devait rendre. Obligatoirement. La starlette était chanceuse de n’avoir qu’un coup dans la gueule. La brune avait été moins galante avec d’autres. Elle s’empara de son paquet de médicament, en prit deux et les croqua.

Malgré la fébrilité de mes traits, et ces lèvres qui se tordaient dangereusement, mon timbre droit me rachetait un peu de contenance. Ma prise se resserra sur son menton alors qu’une lubie sourde montait en moi. La brune avait osé admettre qu’elle était folle. C’était vile et trop facile. Je n’allais pas la laisser s’en sortir en invoquant la démence. Il était trop tard pour elle, le mal était fait, et il fallait qu’elle paie pour son crime. Car moi, je n’étais pas prête à payer pour le mien. Il n’était pas question qu’une gamine évaporée me mette en danger. Tant que nous jouions, elle ne risquait rien de plus que quelques égratignures superficielles. Mais la partie était terminée, et les choses sérieuses débutaient. L’esprit de Rachelle était sûrement trop torturé pour qu’elle ait conscience du pavé qu’elle venait de jeter dans la marre. Mais rien ne m’assurait pour l’instant que sa folie n’était pas feinte, quelle psychotique pouvait réellement assumer le titre dont les gens stables l’affublaient ? Rachelle me paraissait louche, et si j’avais actuellement une envie grandissante de la faire souffrir et de l’envoyer six pieds sous terre, là où elle garderait ses soupçons pour elle, je devais également savoir. Comment pouvait-elle prétendre ça ?

« Hum. Source confidentielle. Tu dois connaitre l’importance d’un secret. » Mes prunelles brillèrent tandis que mes yeux se réduisirent à deux fentes funestes. Le sourire de la brune eut le don de m’exaspérer. J’avais envie de mordre, là, maintenant, sans perdre un instant. Mais elle ficha sa main dans ma nuque, m’attrapant tout en me gardant à distance raisonnable. Et elle écrasa ses lèvres immondes contre ma bouche qui se crispa en retour. La seule réaction sensée que je pus avoir fut de planter les dents dans le morceau de peau qui s’y frottait. J’enfonçai ainsi mes canines dans sa lèvre supérieure, mais le contact ne dura pas suffisamment pour que mon audace soit récompensée. « Ca, c’était pour le bon temps. Et ça. » Le poings crantés des bagues de la brune me déchirèrent la pommette. Un craquement sourd retentit au niveau de l’os, et ma peau me brûla lorsque la gamine impie se recula. Je ne crachai pas le sang qui montait dans ma gorge, ç’aurait été lui faire trop de plaisir. Je préférais de loin laisser son goût amer et métallique m’agresser le palais. « C’est parce que on ne me frappe pas gratuitement. » Le sang dans mes veines ne fit qu’un tour. La brune s’était presque précipitée sur sa veste pour en sortir ce que j’estimais être des comprimés qu’elle porta à sa bouche. Je n’avais aucune intention de les lui laisser avaler. Comblant la distance qui nous séparait, je l’attrapai par le bras, et forçai la barrière de sa bouche de mes doigts qui exhalaient encore son odeur. Je jetai les comprimés qu’elle avait commencé à croquer à terre, me fichant bien du désagrément provoqué. « Reste encore un peu avec moi, veux-tu ?» Son objection ne ferait pas la moindre différence. Je resserrai ma prise sur son bras, comprimant ses faibles muscles sous mes griffes acérées.

Le regard sévère, j’ajoutai avec aigreur : « Qu’est-ce que c’est que cette histoire de réservoir ?» Je grimaçai, mauvaise, avant de poursuivre : « Et ne me parle pas de secret si tu veux jouir encore un peu de ta vie d’aliénée.» Mes lèvres se soulevèrent, révélant une dentition parfaite sous un sourire carnassier. « A moins que ce ne soit ce que tu cherches… Mettre un terme à tes jours.» Après avoir nettoyé ma main de sa salive contre la peau nue de son ventre, je la plaçai sur sa joue, soulignant du bout des doigts la ligne de sa mâchoire. Ma caresse aérienne contrastait avec la poigne féroce dans laquelle j’emprisonnais son bras. « Je pourrais te rendre les choses si faciles.» Mon visage se radoucit. L’envie de meurtre était toujours bien présente, mais elle ne faisait qu’effleurer ma conscience, m’entraînant dans le vice superbe de la douceur. Comme le calme avant la tempête. Je procédais à l’hypnose de ma future victime, que j’entendais cajoler avant d'ôter sa misérable existence. « Plus besoin de pilule. Ce sera le calme, l’indolence, la félicité suprême.» Je tirai sur son bras pour attirer son corps chaud contre le mien, tandis que ma main capturait l’arrière de son crâne. Mes prunelles azur se fondirent dans les siennes, tandis que mes lèvres frôlèrent sa bouche. « Mais avant la fin, avant la délivrance…» Ma langue titilla sa lèvre supérieure, que j’avais mordu un instant auparavant. « Je te promet que ça fera mal.» Ma main descendit dans sa nuque, puis entre ses omoplates, le long de sa colonne jusqu’à sa chute de rein, et je la pressai contre moi. « Tu souffriras tellement que ça sera l’extase, un merveilleux climax avant le dénouement de ta pitoyable existence.» Et je l’embrassai, pleinement, vigoureusement, scellant la promesse que je venais de lui faire. Rachelle n’avait qu’un mot à prononcer, un geste peut-être, pour que je lui apporte enfin la paix. Il s’agissait là d’un service que je rendrais avec la plus grande application. Je mettrais fin à ses tourments tout en lui offrant les pires sévices, et en réduisant à néant les soupçons qu’elle portait en elle, dans son crâne de psychotique.

Les doigts rentrèrent dans la bouche de Rachelle, se mélangeant au goût de la médecine qu’elle s’apprêtait à avaler, mais qui lui fut volée. Son regard suivit la chute de ses pilules, qu’elle continue de fixer, toute réflexion mise en pause. Elle venait de faire quoi là, la sirène de merde ? Tch. La brune aurait dû lui mordre les doigts à sang, jusqu’à l’os, pour les lui arracher et les avaler, comme punition. Si seulement elle avait agi assez vite. Ses yeux restèrent fixés sur le reste de ses droguées, bousillées par l’herbe, par le geste de cette Skylar de merde qui n’appréciait pas de perdre. Un élan de profond désespoir s’empara de Rachelle, alors qu’elle restait concentrée sur ce point blanc qui jurait dans la noirceur, derrière le chapiteau. Le temps s’était arrêté, alors que dans sa tête, tout criait à la rébellion. Frappe-la. Mords-la. Bats-la. Tue-la. La migraine montait, alors que ses doigts parvenaient à sa tempe, la pinçant, dans l’espoir de pincer ses pensées, de les arrêter, avant que Saqarh ne commette un acte dangereux. Vraiment dangereux. « Reste encore un peu avec moi, veux-tu ?» Elle bougea à peine à la remarque de la sirène, perdue dans les méandres de son monde à elle, de ces murmures qu’elle était la seule à entendre, et qui lui paraissaient bien rassurant par rapport à l’acte irréparable que venait de commettre cette saloperie de starlette. Les larmes lui montèrent aux yeux, alors qu’elle tentait de se dégager de la prise de Skylar, pour lui en retourner une. Mais la blonde tint bon, gardant la psychotique entre ses griffes.

Reprends-toi, tu l’auras plus tard. Seize bruits en un qui la rassurait. Cherchez l’ironie. Si Rachelle venait de réveiller le dragon meurtrier qui logeait dans les entrailles de la sirène, Skylar venait de s’attirer les foudres d’une chose bien pire. La douleur s’intensifia, à son bras, dans sa tête. Elle ne sentait plus le vent froid, ni le picotement de ce ‘s’ fraichement gravé dans sa chaire. « Qu’est-ce que c’est que cette histoire de réservoir ? Et ne me parle pas de secret si tu veux jouir encore un peu de ta vie d’aliénée.» Le masque tombait enfin, se fissurant en une pluie de porcelaine. Finalement, Shell se détourna de la vue de ses médicaments volés, fixant Skylar, avec cet air absent si particulier. Elle tourna la tête sur le côté, comme si son oreille avait saisi un bruit derrière elles. Ce n’était que les sursauts de sa conscience, de sa psychose, qui lui susurrait à l’oreille, ce qu’elle seule pouvait entendre, ce qu’elle seule pouvait comprendre. Elle ment. Ils mentaient tous. « A moins que ce ne soit ce que tu cherches… Mettre un terme à tes jours.» Rachelle n’offrit aucune réaction, se contentant d’observer, l’œil mort, le manège de la sirène. Elle qui se rapprochait de la brune, mêlant ses caresses à la prise féroce sur le bras de l’oracle. A s’approcher dans un nouveau jeu pervers de Saqarh, qui se laisser charmer par la proposition – tout du moins, la partie de son cerveau qui prêtait attention à la starlette-. « Plus besoin de pilule. Ce sera le calme, l’indolence, la félicité suprême.» Skylar n’avait rien compris. Rien de rien. Rachelle ne cherchait pas le calme. Elle cherchait le chaos, l’horreur, la monstruosité. Ce qu’elle semait si bien à Storybrooke et qui avait eu le don de l’envoyer à loin d’ici. Ce qu’elle cherchait à faire revivre dans les vies insipides de ces gens. Ce que Skylar pourrait lui apporter, mais pas si elle mettait fin aux jours de la criminelle.

Les promesses de souffrance étaient attirantes. Très. Ca ne laissa pas Rachelle indifférente, qui répondit au baiser de Skylar, retrouvant le goût du sang et de la sirène. Elle aurait bien repris leur jeu pervers là où elle l’avait abandonné. Non. « Non. » Elle s’était détachée de la sirène, reculant sa tête, à défaut de pouvoir s’échapper comme elle l’entendait. Ses iris bleus, féroces, foncées par le désir que la starlette avait fait renaitre, et par quelque chose d’autre, se plantèrent dans les eaux de la blonde. Ses doigts montèrent sur le dos nu de la starlette en une crasse légère, retrouvant le toucher du sang poisseux qui s’échappait de l’épaule de la sirène. Elle regarda celui-ci un temps, une légère absence, avant de se reconcentrer sur la sirène. « J’ai la peau dure tu sais. » D’où pouvait provenir toutes ces marques ? Elles n’étaient pas apparues comme par magie. Elle aimait la bagarre, c’était sur son corps, partout, courant, des cicatrices, tatouages de ses conneries qu’elle continuait d’aimer. Parce que les gens avaient beau tenté de lui planter un couteau dans le dos, Rachelle voulait vivre, avec une force qui s’approchait du désespoir, sans qu’elle ne sache pourquoi. « Je n’en ai rien à faire de ton secret. Les rumeurs, c’pas mon truc. » Elle ne cherchait plus à s’échapper de la poigne de la sirène, ses doigts courant sur la jugulaire de Skylar, sur la marque qu’avait laissé son poing. « Si tu tiens tant que ça à te rassurer, tu ferais mieux de me couper la langue, ça ira plus vite. » & dans un geste de provocation pure, Rachelle passa la langue.

Ma langue se voulait âpre et tentatrice, comme un dernier éclat de douceur avant la tempête. J’avais rongé mon frein sans le moindre mal, devenant subitement d’une tendresse à l’article du désespoir en songeant aux sévices que je pourrais commettre sur le corps de la brune. Cette dernière ne bouda pas mon baiser, et je la sentis même affairée, jusqu’à ce qu’elle ne se braque. « Non. » Non ? Cette réponse ne me plaisait pas. Je lui offrais pourtant tout ce qu’une grue de son genre pouvait désirer. Comment pouvait-elle se permettre de me repousser ? Je décidai d’attendre, dans l’expectative, que Rachelle m’explique comment elle entendait s’extirper de cette situation autrement que par la mort. Ses doigts remontèrent dans mon dos, jusqu’à l’épaule puis à la plaie qu’elle avait engendrée. Fixée dans son regard pâle et translucide, mes lèvres se crispèrent alors qu’il s’attardait sur son œuvre. Elle eut raison de ne pas laisser passer la moindre arrogance dans ses yeux, sans quoi je les lui aurais instantanément arrachés. « J’ai la peau dure tu sais. » Elle réussit à me faire sourire. Si elle pensait pouvoir me faire fléchir avec ce genre de considérations, elle était bien naïve. A moins qu’elle ne soit définitivement folle ? Je n’étais cependant pas encore fixée sur le statut à lui donner. Pour l’heure, je réservais mon jugement.

« Je n’en ai rien à faire de ton secret. Les rumeurs, c’pas mon truc. » Encore une fois, elle ne pouvait pas espérer me faire changer d’avis par de simples mots, sans consistance. Mes yeux se plissèrent, tandis que je restai interdite, accrochée aux lèvres de la gamine, qui ne semblait pas en avoir fini. Ses doigts coururent dans mon cou, contre ma gorge, sur ma jugulaire, mais je ne tiquai pas. Tel un prédateur sur le point d'acculer sa proie, j’attendais calmement mon heure. « Si tu tiens tant que ça à te rassurer, tu ferais mieux de me couper la langue, ça ira plus vite. » Et sa langue vint me tenter, tandis que s’affinait sur mes lèvres le plus délicat des sourires que je lui aie jamais accordé. « Rachelle…» Ma voix se voulait réprobatrice, mais l’éclat qui dansait dans mes prunelles trahissait l’intérêt que je lui portai. Mon index frôla sa langue, avant de descendre contre son menton, puis le long de sa gorge. Mon ongle pénétra sa peau en glissant sur le « s » écarlate dont je l’avais affublé. Puis il glissa sur son ventre, survolant son nombril, jusqu’à atteindre une zone plus sensible de son corps.

Rachelle parut contempler un horizon lointain, sujette à un écart de songe, perdant le fil de ses pensées dans la noirceur de la nuit. A nouveau, dans le flou complet qu’était sa tête, les bruits s’activèrent, la rendant insensible à ce qu’il se passait devant elle, la poussant dans une pulsion retrouvée. Son pied remonta doucement la jambe de Skylar, se logeant dans le creux du genou de celle-ci, faisant pression pour la faire tomber au sol, retrouvant les bienfaits du sol et de l’herbe. Un sourire passa sur les lèvres de la brune avant de s’évaporer. «Je n’ai rien à t’offrir, hormis le doute et la déception. » Ça tombait bien, n’était-ce pas ce que cherchait la starlette, la déception ? Rachelle aurait été incapable de faire le lien, ce n’était que le fruit d’un hasard bien capricieux. La malade mentale, dans sa nouvelle position de supériorité, s’abaissa à son tour, les bras logés de chaque partie du visage de la sirène. Elle l’embrassa dans un nouvel élan de désir, ses doigts repartant déjà à la rechercher des courbes de la starlette. « Tu ne tireras rien de moi. » Saqarh n’apportait jamais rien. Tout du moins, jamais rien de bon. La constatation avait été mordante, dirigée vers sa propre personne plutôt que vers Skylar. La lueur féroce dans son regard se planta dans le reflet des yeux de la sirène. « Personne ne prendra la peine de m’écouter. » Tu aurais beau crié à l’aide et te mourir devant eux que ça ne changerait rien.

Rachelle était douée. Sans s’en rendre compte, elle venait de me faire passer par diverses phases la concernant. Et voilà que j’étais désormais suspendue à ses lèvres, curieuse et amusée de ce qu’elle pourrait bien répliquer. Si j’aurais apprécié l’entendre me proposer une garantie digne de ce nom, je ne pouvais m’attendre à rien venant de cette gamine inconstante. « Parce que tu penses que j’ai besoin d’une autorisation pour partir ? » Ses doigts jouèrent avec l’une de mes mèches, et le tout me tira un agréable sourire. Je songeais bien que ça ne pouvait pas être si facile, et son regard qui se perdait à l’horizon me fit assez bien réaliser à quel point il était difficile de toucher la psychotique et de l’accrocher à la réalité. En un sens, ses divagations pouvaient parfaitement faire mon affaire. « Tu peux partir, mais tu as plutôt intérêt à te trouver une bonne cachette, si tu ne veux pas me revoir.» Mes lèvres s’étirèrent, mais je n’eus pas le temps de savourer mon petit effet, que Rachelle me fit basculer. Son pied était remonté lentement, traitre, et je ne m’étais pas attendue à me retrouver à nouveau par terre. Je n’eus aucune chance de me rattraper à Rachelle, mes poings se refermant dans le vide le plus parfait, tandis que mes fesses tombèrent lourdement contre l’herbe froide. Un hoquet de stupeur me traversa la gorge, et sortit en un léger cri difforme. Le sourire qui étira un instant les lèvres de Rachelle me serra l’estomac. Elle était complètement folle pour jouer ainsi avec moi, c’était désormais clair et définitif.

«Je n’ai rien à t’offrir, hormis le doute et la déception. » Oubliant ma chute malheureuse dans l’herbe, un sourire amusé vint se dessiner sur mes lèvres. Rachelle retombait admirablement sur ses pieds, et sa remarque m’empêchait de lui en vouloir pour l’affreux blasphème qu’elle venait de réaliser. D’autant plus qu’elle se baissa, encadrant mon visage de ses bras. Elle ne pouvait décidément pas garder ses distances, et je ne pouvais pas le lui reprocher. Ses lèvres me revinrent à nouveau tandis que nos mains respectives recommençaient à caresser les courbes de l’autre. « Tu ne tireras rien de moi. » J’en tirais déjà tellement actuellement, que la brune se contredisait dans une naïveté coupable. Ma main glissa sur sa fesse et la pinça, tandis que son regard devenait féroce. « Personne ne prendra la peine de m’écouter. »



Je remarquai à peine la pointe d’agacement dans sa voix, tant l’étonnement, mêlé à la déception, me martelait les tempes. Je cessai de caresser la brune, me redressant sur les coudes, pour me tordre le coup et jeter un œil vers le chapiteau qu’elle fixait. Je reportai très vite des prunelles interrogatrices sur celle dont la compagnie allait bientôt m’être arrachée. « C’est plus que probable.» Je décidai de ne pas chercher à en savoir davantage. Rachelle était pleine de mystères, et il m’aurait fallu plus d’une soirée pour la percer à jour. Faute d’avoir la moindre perspective, je préférais ne pas me lancer dans cette entreprise sans intérêt.

D’un geste incisif, j’attrapai le menton de la furie qui me surplombait. « Mais ne crois pas t’en sortir avec ça.» Mes canines se découvrirent insidieusement, tandis que j’attirai son visage et écrasai mes lèvres contre les siennes. Je laissai à peine nos bouches se séparer avant de lui susurrer : « Je ne te laisserais en paix que lorsque j’aurais une garantie suffisante à ton silence.» Mes doigts glissèrent de son menton, et se posèrent sur le « s » marqué dans sa chair. Je forçai d’une pression rageuse la brune à se reculer, et je fus rapidement de nouveau sur mes pieds. Mon regard ne mit pas longtemps à faire le constat des vêtements qui me restaient. Le haut était en lambeaux, et le bas ne tiendrait sans doute en place que le temps de revenir jusqu’au chapiteau et à ma loge de fortune. Je l’enfilai néanmoins sans faire de manière, et mon regard tomba, victorieux, sur la veste de Rachelle. Je m’en saisis et l’agitai un instant sous les yeux de la terrible femelle. « Tu dois tenir à ceci. Je le garde en attendant de trouver de quelle manière te permettre d’acheter ma confiance.» Car oui, la confiance n’était pas quelque chose que l’on pouvait acquérir par la douceur et à force de patience, ce n’était qu’une garantie comme une autre, que l’on pouvait monnayer et dont il était aisé d’abuser.

J’enfilai déjà la veste de Rachelle, retrouvant un soupçon d’intimité, sans attendre qu’elle ne réagisse à ma proposition. Son accord m’était égal, pour moi l’affaire été réglée. Je revenais auprès d’elle, l’attrapant une dernière fois par la hanche, et ma paume se posa sans douceur sur sa joue glacée par la morsure de l’hiver. « Ce moment est un échec absolu : je n’ai pas été déçue. » Le coin de mes lèvres se souleva à peine, avant que je ne retrouve les lèvres puis la langue de la névrosée. Je la serrai davantage, mon avant-bras flanquant le bas de son dos, tandis que ma main contre sa joue la maintenait dans une pression farouche. Puis je lui rendis sa liberté, me détachant de ce corps qui transpirait le vice et la folie. Je lui offris un dernier sourire, sur lequel flottait une pointe de mépris et de satisfaction, avant de prendre la direction du chapiteau. Je ne courrai pas, me contenant de rejoindre le passage de fortune tracé par le brune d’un pas marqué par son assaut dans mon intimité.

Difficile de dire si nous nous reverrions. Cette considération n’avait pas sa place dans mon esprit. Portant les doigts à mes lèvres, je laissai notre ultime baiser électriser mon corps. Avant de mettre définitivement la gamine de côté, pour me concentrer sur la prestation qui allait suivre.