"Je vais vous prendre quelques-unes de celles-là, et trois comme ça. Merci."

Drake pris le bouquet qu’il avait aidé à confectionner, le mit dans son sac à dos juste assez pour qu’elles ne tombent pas tout en préservant les fleurs, et enfourcha de nouveau son vélo pour rouler le plus vite possible jusqu’à l’hôpital. Sa mère ? Non. Ses amis ? Pas tout à fait. Non, la personne qu’il allait voir à l’hôpital aujourd’hui…Il n’était pas certain de comment il devait la décrire. Elle l’aidait pour s’en sortir un peu mieux dans sa vie et surtout ses relations humaines quant à lui il l’aidait avec ses devoirs, mais c’était tout. Elle était venue, une fois ou deux, assister à ses entraînements de Gym. De qui il parlait ? Harley Watson, qui d’autre ? Ils n’étaient pas…Amis, à proprement parler. Il l’aimait bien. Ils avaient…échangé un ou deux baisers et il avait dîné chez elle un soir. A part ça, au lycée, ou en dehors ils restaient civils, sans spécialement chercher à se voir plus que cela. Lui n’osait pas trop aller la voir, de peur de la déranger, d’être une de ces personnes que l’on a pas spécialement envie de présenter à ses amis. Ce que pensait Harley ? Excellente question.

Dans cette logique, on se demanderait presque pourquoi il allait à l’hôpital, alors qu’il était censé avoir cours aujourd’hui ? Parce que malgré tout, il tenait à elle. Il ne saurait trop dire à quel degré d’attachement, mais il tenait à elle. Il voulait s’assurer qu’elle allait bien. Les cours ? Au diable ! Il était dans les meilleurs de sa classe, il avait un dossier sans tâche et une journée sans voir les mêmes visages rieurs et abrutis de ses camarades lui ferait le plus grand bien. Même si c’était pour les remplacer par le visage probablement palot de Harley. Il ne savait pas les détails de ce qu’il s’était passé, juste qu’elle avait eu un accident. Grave. Ça avait suffi à Drake pour laisser tomber tous ses projets de la journée et se rendre à l’hôpital.

Il avait pris le temps d’acheter des fleurs, parce que venir sans rien pour rendre visite à une convalescente, ça ne le faisait pas. Bon…Les fleurs avaient vus de meilleurs jours, mais au moins, elles étaient entières. Il prit le temps d’arrang…Ouais bon, de tenter de dompter sa tignasse rebelle. Franchement, il ne manquait plus que la cicatrice bizarre sur le front et il se refaisait Harry Potter. Il finit par apprendre le numéro de chambre qui l’intéressait et le gymnaste traversa l’hôpital en trombe, se faisant réprimander car courant dans les couloirs. Honnêtement, il s’arrêtait juste le temps que l’infirmière disparaisse de vue et il reprenait sa course folle vers la chambre. Arrivé devant la porte, Drake prit une grande inspiration et allait toquer…Sauf que des voix venaient de l’autre côté, alors, curiosité oblige, il se rapprocha, tentant d’entendre ce qu’il se disait. On dit que la curiosité est un vilain défaut. Le jeune homme le découvrait à ses dépens ici. Un bébé. Sans trop savoir pourquoi, cette nouvelle, le fait qu’elle avait attendu un bébé et...L’avait perdu semble-t-il, lui porta un coup. Violent. Comme si cet évènement n’aurait pas dû se produire, comme si ça sonnait horriblement faux aux oreilles de Drake. Pendant un moment, il hésita à repartir. Après tout, il n’était presque personne pour la jeune femme…Le médecin sortit de la chambre et instinctivement, Drake faillit brandir les fleurs mais il ne fit que se relever, offrant un sourire un peu gêné et un signe de tête en guise de salutations. Il profita de la porte ouverte pour ne pas se dégonfler. Il toqua, pour annoncer sa présence et passa la tête par la porte, pour finalement entrer.

"Salut Harley…" il vit l’homme avec elle, Sven, et son regard se posa une seconde sur les mains jointes des deux. Il était loin d’être idiot. Il eut comme une impression de trahison, sans trop savoir pourquoi mais décida de ne rien dire, juste d’être…le type du lycée qui vient voir sa pauvre camarade convalescente. Il tendit d’ailleurs les fleurs, pas très sûr de ce qu’il devait faire "Elles…Étaient mieux avant le voyage, je le jure." Il offrit un sourire à la jeune femme et mis les fleurs dans un vase avant de se tourner à nouveau vers Harley "Comment tu te sens ?"

Non, il ne ferait pas allusion à ce qu’il avait appris de la manière la plus lâche qu’il soit.

Le réalisme froid d’Harley n’avait de cesse de surprendre Sven. Si elle avait des réactions plus qu’adorable à certains moments, quand il en venait à ce qui trainait dans son utérus, elle était plus mature que certaines filles de son âge. Ça aurait pu inquiéter un peu l’ébéniste, et il s’inquiétait, quelque part, au fond de lui. Mais si Harley allait bien avec l’idée – malgré la réponse brève et stricte qu’elle lui avait donnée- il n’irait pas chercher la petite bête. Puisque l’anecdote de l’avortement était terminée, il fallait mieux continuer d’avancer. Une fois qu’Harley irait mieux, il lui donnerait plus que l’occasion d’oublier cet écart dans le début de leur relation. Ce qui était sûr, à présent, c’est qu’il s’assurerait d’avoir un préservatif en tout temps, pour ne pas risquer que ce genre d’incident ne se reproduise. D’autant qu’il était préférable pour sa vie et ce qui pendait entre ses jambes que le père Watson n’apprenne jamais cette histoire, sinon Sven était persuadé qu’il pourrait dire adieu à ses atouts.

Harley ne retint pas Connor, retrouvant son énergie habituelle, ce qui réussit à arracher un sourire à Sven. Sa main, anciennement sur l’épaule de la brunette, quitta son support pour s’arrêter sur la nuque de sa belle, qu’il caressa distraitement, avant de jouer avec les mèches folles de la fille Watson. Il salua distraitement une dernière fois le docteur, qui donnait un dernier conseil à sa patiente. Et enfin, il avait Harley pour lui seul. Ça lui avait manqué. Sven avait besoin de la serrer dans ses bras et de passer des heures avec elle, d’être juste à ses côtés, en tuant le temps. A croire que l’égoïsme d’Harley dépeignait sur lui, mais il voulait la garder pour lui seul, la voler à ses parents, à ces docteurs, ces infirmières. « Oui, avec eux tu seras remise sur pied en un clin d’œil. » C’était tant mieux. Il ne pouvait qu’être jaloux de toutes ces personnes qui prenaient soin de la brunette. Sven aurait voulu être le seul à lui apporter tout ce dont elle pouvait rêver, ainsi elle n’aurait d’yeux que pour lui –ce qui était certainement le cas, mais il avait besoin de se rassurer. Et le manque de sommeil devait commencer à le peser, un peu-. Et je t’ai toi. Sven sourit, tendrement, une lueur amoureuse brilla dans son regard. « Toujours. » Que pouvait-il répondre d’autre ? Quoiqu’il eut en tête, il fut incapable de le prononcer, les lèvres d’Harley se posant sur les siennes. Il ne fallut pas longtemps à Sven pour qu’il cherche à approfondir le baiser, rapprochant sa partenaire, sa main pressa sur la nuque de la fille Watson.

Et la porte toqua, cette traitresse. Sven s’arrêta dans son élan, se reculant de Harley, à contrecœur, il devait l’avouer. Une tête passa dans l’entrebâillement de la porte, tête qui ne manqua pas d’étonner l’ébéniste. Drake. Qu’est-ce qu’il faisait là ? Hum. C’était certainement un ami d’Harley. C’est vrai qu’il n’y avait pas pensé, mais les camarades de classe de la fille Watson devaient avoir été mis au courant de l’accident de cette dernière. Super, Sven aurait droit au défilé des jeunots de Storybrooke. Ce n’était pas parce qu’il était avec Harley qu’il acceptait l’idée de trainer avec les lycéens. Surtout si d’autres devaient venir. Sven pensa qu’il serait bon de barricader cette porte à un moment où à un autre s’il voulait profiter pleinement de sa belle. Drake avait même pris la peine d’amener des fleurs. C’était adorable. –Tiens, d’où lui venait cette pointe de jalousie non expliquée ? -. « Tu ne me dis plus bonjour Drake ? » et Sven le gratifia de son sourire bienveillant, celui qu’il avait déjà servi à plusieurs reprises au jeune intello, quand celui-ci rechignait à le frapper pour lui apprendre à se défendre un minimum avec les brutes de son acabit. Il se releva, déliant ses doigts d’Harley, lui adressant un regard plein de tendresse. « Je vais me charger des fleurs. Avec de l’eau, elle aurait un peu plus de chance de survivre. » La remarque était taquine, sans être méchante. Il avait apprécié l’attention de Drake, mais s’il ne faisait pas attention à ce qu’il y avait dedans, les fleurs ne tarderaient pas à rendre l’âme.

Sven s’empara des fleurs, les détaillant vaguement avant de se rendre dans la salle-de-bain pour remplir le vase d’eau, comme il l’avait précédemment indiqué. Il avait laissé la porte ouverte, ce qui lui permettait d’entendre les paroles qui seraient échangées, sans qu’aucune réelle intention ne soit mise derrière le geste. Il revint peu de temps après, posant les fleurs sur la table de nuit, permettant ainsi à Harley de les apprécier à leur juste valeur avant de reprendre sa place près d’elle et de relier ses doigts au sien, en toute sérénité.

La main de Sven joua dans sa nuque puis dans ses cheveux, et Harley se surprit à fermer un instant les yeux. « Oui, avec eux tu seras remise sur pied en un clin d’œil. » La voix de l’ébéniste retrouvait la teinte plus chaude et confiante qu’elle lui connaissait. Harley se doutait qu’il ne serait pleinement rassuré que lorsqu’elle aurait quitté cet hôpital, mais Connor avait assez clairement expliqué qu’elle ne pourrait pas s’en aller aujourd’hui. Il fallait donc prendre son mal en patience. La jeune Watson était plutôt confiante pour sa part. Son médecin s’en était allé en lui conseillant bien d’appeler une infirmière si elle avait besoin de quoi que ce soit ou si elle ressentait la moindre gêne ou douleur. Il lui avait également fait savoir qu’il terminait sa garde dans deux heures. Si Harley n’avait pas eu Sven à ses côtés, sans doute aurait-elle poussé le vice jusqu'à lui proposer un café pour la fin de sa garde, ne serait-ce que pour plaisanter. Mais elle s’était contentée de sourire, gardant sa répartie pour elle-même afin d’éviter de froisser celui qui n’avait pas cessé de veiller sur elle depuis l’accident. Harley était ainsi, à aimer taquiner les hommes; pas encore tout à fait femme, mais plus totalement enfant. Et si elle n’était pas prête à changer son comportement pour son aîné, au moins tâchait-elle de respecter sa présence.

« Toujours. » Un sourire s’affirma sur les lèvres de la rouquine, qui venait déjà cueillir les lèvres de son amant. Il la serra davantage contre lui, une main résolument flanquée dans sa nuque. Harley se tendit, ignorant la blessure qui lui marquait le ventre et une partie du dos. Elle attrapa à son tour la nuque de Sven, son autre main demeurant satisfaite de sa place dans celle de l’homme. Puis on toqua à la porte, et il se recula afin de reprendre une position plus présentable. Harley avait encore le cœur au bord des lèvres lorsqu’un visage familier attira son attention. Drake. Un frisson lui lécha l’échine, et la rouquine se sentit étonnement mal à l’aise. « Salut Harley… » Elle tenta de se décrisper et s’arracha un sourire bienveillant. La morphine qu’on lui avait administrée commençait à se dissiper, et Harley se sentait de plus en plus cruellement reprendre pied dans la réalité. Elle remarqua le regard que Drake porta brièvement aux mains liées des deux amants, et elle sentit ses joues chauffer, rendue confuse par la lueur qu’elle perçue dans les yeux de son camarade. Lorsqu’il brandit les fleurs, Harley trouva l’occasion d’extirper sa main de celle de Sven, la portant à son cœur en signe de joie. « Elles…Étaient mieux avant le voyage, je le jure. » Elle eut un éclat de rire amusé, retrouvant dans l’embarras du jeune homme une expression familière. « Elles sont magnifiques. » Ses prunelles brillèrent, tandis que l’odeur du bouquet parvenait enfin à ses narines.

« Comment tu te sens ? » Harley inspira brièvement, prête à répondre, mais Sven la prit de vitesse. « Tu ne me dis plus bonjour Drake ? » Son visage obliqua instantanément sur son aîné, sur lequel elle écarquilla de grands yeux étonnés. Depuis quand ces deux-là se connaissaient ? Harley avait l’habitude de tout savoir avant tout le monde, elle détestait se faire surprendre par ce genre de nouvelle. Mais elle n’eut pas l’occasion de demander des explications, car Sven se levait déjà pour s’approcher de son cadet. « Je vais me charger des fleurs. Avec de l’eau, elles auraient un peu plus de chance de survivre. » Harley se contenta de sourire, et suivit l’homme des yeux jusqu’à ce qu’il ne quitte la chambre pour l’appendice que constituait la salle de bain. Harley réalisa alors la présence de cette salle, et songeait déjà à la difficulté qu’elle aurait à prendre une douche dans son état. Y’aurait-il une infirmière pour l’aider, ou Sven se collerait-il à la tâche ? Un sourire grisé avait pris la peine d’étirer les lèvres de la jeune Watson, avant qu’elle ne reporte toute son attention sur Drake.

« Ça va. C’est qu’une petite égratignure, il en faut plus pour me mettre K.O., tu le sais. » Ses lèvres se firent sauvages. Si Drake pensait que l’état d’Harley allait lui offrir un peu de répit, il se mettait le doigt dans l’œil, et jusqu’au coude. « Ne te crois pas dispensé. Dès que je pourrais quitter l’hôpital, je reviendrais m’occuper de ton cas. » Ses yeux s’étrécirent tandis qu’elle se voulait mordante. « Et je le ferais ton saut groupé arrière tendu, carpé, ou tout ce que tu veux ! » Elle se mit à rire, avant de croiser les bras et de soupirer d’un air las, en ne lâchant pas du regard son élève. « Je crois que mon goût du risque me perdra. » Un sourire complice passa sur ses traits, avant que Sven ne revienne avec les fleurs. Il les posa aux côtés d’Harley, sur la table de nuit, avant de reprendre lui-même sa place à ses côtés, nouant à nouveau ses doigts aux siens. « Merci. » lâcha t’elle en rivant sur Sven un regard reconnaissant. Ce n’était pas juste pour les fleurs, mais pour tout ce qu’il faisait pour elle. En se tournant à nouveau vers Drake, Harley songea qu’elle avait de la chance d’être si bien entourée. Puis, une réalité lui martela le crâne, et son ton trahissait la surprise qui l'avait saisie lorsqu’elle ajouta : « Tu loupes les cours pour moi ? » Ses cils s’agitèrent tandis que son cerveau assimilait lentement l’information. D’où méritait-elle autant d'attention et de bienveillance ?

Tellement obnubilé par le besoin de savoir qu'Harley allait bien - ou presque - Drake en avait totalement occulté la présence de Sven. Il était pourtant difficile de le rater, vu sa taille et son gabarit. Le pire, c'était que le jeune homme l'avait vu, lui et sa main dans celle de Harley. Ou peut-être était-ce justement parce qu'il avait vu ce contact qu'il avait décidé de l'occulter totalement de la pièce. Comme si ça n'était qu'un mauvais rêve, une partie où l'on se dit, non, ce n'est pas réel afin qu'elle disparaisse. Sauf que l'ébéniste était bien réel et il le fit savoir en lui adressant directement la parole. Pour toute réponse, à ses deux commentaires, Drake lui offrit un sourire contrit, sensé vouloir dire qu'il était désolé de l'avoir malencontreusement zappé. Alors qu'il ne l'était pas une once. Il préféra d'ailleurs reporter son attention sur la jeune femme alitée quand elle s'adressa à lui. Un immense sourire ravi s'inscrit sur le visage du brun. Il ne voulait rien de plus que l'aider et lui faire plaisir si possible. Le changement d'attitude chez la rouquine ne lui échappa pas, a force de le voir s'effectuer durant leurs "cours", il ne pouvait que le voir et avait apprit à l'apprécier. C'était souvent dans ces cas-là qu'il prenait de l'assurance, croyez-le ou non, et il avait fini par y prendre goût à ce sentiment d'assurance qui parcourait ses veines et qui le dirigeait totalement. Son propre sourire devint amusé aux paroles de Harley.

"Oh, mais je n'en attendais pas moins. Je ne pensais même pas être dispensé de quoi que ce soit." il réprima un sourire aigre lorsque la main de Sven retrouva finalement sa place dans celle de sa camarade. Il ne se démonta pas cependant et reprit "Un saut vrillé Harley, et je n'en doute pas une seule seconde. Tu es têtue et quand tu as décidé que tu ferais quelque chose, rien ou presque peu te faire changer d'avis. Mais prends le temps de te reposer quand même, tu sais que c'est quand même plus important que ça."

Il s'était efforcé de rester le plus discret possible sur cette histoire de numéro de gymnastique à cause de la présence de Sven. Drake n'en n'avait pas honte, loin de là, mais face à lui, le jeune homme ne voulait pas trop en révéler sur ce qu'il faisait avec la fille Watson. Il voulait conserver ce petit secret, cette part de leur relation, secrète, rien qu'à lui. C'était foutrement égoïste et, quelque part, cruel pour Sven; il le laissait se demander ce que ça pouvait bien être. En un sens, il aurait voulu que cela inquiète l'ébéniste sur les possibilité d'une relation avec Harley...Cet élan de cruauté envers son aîné venait d'endroits en lui qu'il ne pensait jamais avoir à utiliser; d'autant plus qu'il aimait bien Sven à la base, mais le voir là, avec Harley, sentir une certaine intimité entre les deux...Il ne pouvait pas franchement rester de marbre. Drake avait pourtant plusieurs fois pris des cours avec Sven pour apprendre à se défendre, il lui était redevable quelque part et en cet instant ça l'engageait sans trop savoir pourquoi. Ou plutôt sans y trouver de raisons logiques. Lorsque Harley lui demanda s'il était en train de rater les cours, il ferma un œil et plissa la bouche dans une mimique exagérée de réflexion avant de hocher la tête.

"Hum...Ouais on dirait bien. C'est pas comme si quelques heures de cours en moins allaient faire un énorme changement sur mon bulletin. Alors quitte à choisir, je préfère voir comment tu vas. En plus si j'avais attendu la fin des cours, je n'aurais pas pu passer te voir, les heures de visites auraient été terminée."

L'atmosphère changea légèrement et le gymnaste sentit que ça aurait du être le moment de d'éclipser pour laisser les deux autres occupants de la pièce. Sauf qu'il ne le fit pas. Il était sensé être un ignorant pour ce qui était des relation humaines, pas vrai? Alors agissons comme tel. Il prit la chausse qui se trouvait près du lit et s'y assit, le dos de la chaise contre son torse et ses bras posés sur le haut du dossier.

"Tu sais si tu vas avoir de la rééducation? C'est pas sûr du tout hein, mais ça arrive et si oui, sache que si tu as besoin je pourrais t'aider; j'ai déjà eu à en faire; je finis par savoir deux ou trois petites choses."

Et il offrit un nouveau sourire à Harley, plus tendre, plus compréhensif qu'il ne l'a jamais été.

Sven aurait voulu froncer les sourcils, ne le fit pas, se contenta à la place de plisser les yeux, ce qui lui donna une expression plus taquine encore, ce qui ne le changeait pas de l’habitude. Il était connu pour être un bon vivant, quelqu’un qui ne prenait pas la mouche facilement –même si son dernier échange avec O’Leary prouvait le contraire – ce qui le confondait souvent avec un caractère assez simple. Ce n’était pas le cas, d’autant que Sven, même s’il ne serait pas foutu de remarquer ce qu’il se passerait entre Andrew et Jamie, sentait bien qu’il avait droit à une petite froideur de la part du lycéen. Drake ne lui avait pas adressé directement la parole, s’intéressant purement et simplement à Harley. Il n’y avait rien de particulier là-dedans, Sven supposait plutôt bien que la brunette était la première raison de la visite du jeunot. Mais l’ébéniste commençait à avoir la légère impression d’être nié. Le gamin évitait son regard et n’était pas aussi ‘drake’ que d’habitude.

En écoutant leur discussion tandis qu’il remplissait le vase d’eau, il s’étonna d’apprendre qu’Harley apprenait la gymnastique avec le petit Drake. Oh, il ne vit pas cela comme une mauvaise chose, si vous saviez ce que pouvaient faire les gymnastes… Il n’y avait jamais trop de souplesse. Une fois la surprise passée de voir déboulé un lycéen dans la chambre, Sven ne pouvait pas juger la visite de Drake de mauvaise. Cela faisait plaisir à Harley, il l’entendait au son de sa voix. Je crois que mon goût du risque me perdra. Le reflet du miroir renvoya la sourire qui naquit sur les lèvres de Sven, une lueur amusée passant dans son regard. Il espérait bien qu’il la perdra. Sans ce dernier, il ne serait pas ici à prendre soin, à sa manière, de la jeune Watson. Oui, il n’y avait aucune raison de s’inquiéter du lien entre les deux adolescents. Jusqu’à l’observation du caractère d’Harley, de la part de Drake. Oh, il n’y avait pas de quoi se faire souci. Non, vraiment pas, puisque ce que disait le gamin à lunette, l’ébéniste l’avait aussi remarqué. C’est ça qui le chamboulait, un peu. Sven n’était arrivé à cette déduction que parce qu’il s’était intéressé à la fille Watson. La question venait donc à se poser : à quel point Drake Newlin s’intéressait-il à Harley ?

Sven n’était pas du genre jaloux – protecteur, oui- il trouvait même le comportement du brun assez divertissant, chassant même les dernières traces de souci qui titillait l’esprit du trentenaire. Mais il n’aimait pas le comportement du lycéen, pas envers lui. Cette impression d’être mis sur le côté, comme s’il n’était qu’un simple élément de décoration. Il n’en dit mot, cependant, se contentant d’écouter patiemment la discussion que Drake semblait vouloir mener seul avec Harley. ‘si je te dérange je peux sortir tu sais ?’ Il serra un peu plus fort la main de sa belle, retenant sa pensée. C’était même tellement adorable de voir que Drake séchait les cours pour voir comment allait Harley – à vous de déceler l’ironie-. Et Sven le regarda s’installer sur la chaise qu’il avait lui-même occupé pendant plusieurs heures. Des morceaux de copeaux étaient encore logés dans les coutures du siège. L’ébéniste haussa un sourcil, constatant que le petit Drake serait là encore pour un petit bout de temps.

Le sourire de Newlin fut presque de trop et l’envie de le lui faire avaler crispa Sven de l’intérieur. Il ne montra rien, si ce n’est par sa mâchoire qui se crispa en apparence et que seul Harley aurait été capable de remarquer. L’insolence en était de trop de la part de Drake et soudain l’ébéniste n’eut plus aucune difficulté de comprendre pourquoi il se faisait si souvent casser la gueule. D’ailleurs, c’était ce qu’il lui manquait, un bel œil au beurre noir pour lui rappeler sa place. Sa main libre passa dans ses cheveux et il saisit l’occasion de parole. S’il n’était pas inclus dans la discussion, il ne manquerait pas de s’y creuser sa place. « Ça ferait beaucoup de cours à sécher ça, Drake. » Sven eut ce même petit sourire sur le coin des lèvres, sa marque de fabrique. « Connor ne te l’as pas dit » il s’était tourné vers sa brunette « mais tu en auras, probablement. Même si tu cicatrises bien, tu as quand même pris un sacré choc. Ils ont estimé que ça sera nécessaire, ne serait-ce que par précaution. » Sven ne voulait pas mettre en avant la faiblesse d’Harley en avant, pas avec la présence de Drake. Mais avec la force avec laquelle la voiture lui était rentrée dedans, le fait qu’elle n’était toujours pas sortie de son lit pour fuir dans les couloirs d’hôpital, il était évident aux yeux de l’ébéniste qu’elle en aurait besoin.

« Oh, mais je n'en attendais pas moins. Je ne pensais même pas être dispensé de quoi que ce soit. » Harley appréciait de savoir que son élève n’oubliait rien de leur petit arrangement. Sven revint et coupa un instant Drake dans ses paroles. Elle se soucia peu de l’amertume qui trôna alors sur les lèvres de son condisciple, trop ravie d’être si bien épaulée. « Un saut vrillé Harley, et je n'en doute pas une seule seconde. Tu es têtue et quand tu as décidé que tu ferais quelque chose, rien ou presque peut te faire changer d'avis. » Un sourire carnassier dévoila les dents blanches de la jeune Watson. Effectivement, elle était têtue, et une mule faisait bien pâle figure en comparaison de la rouquine. Pourtant elle sentait venir le « mais » réprobateur, et grimaça légèrement lorsqu’il ajouta : « Mais prends le temps de te reposer quand même, tu sais que c'est quand même plus important que ça. » Se reposer. Ne venait-elle pas de passer plusieurs heures enfoncée dans un profond sommeil ? Et il n’y aurait pas grand-chose de mieux à faire à l’hôpital pour le temps que souhaitait la garder Connor, alors avait-elle la moindre option de toute façon? Harley ne répliqua finalement pas, se contentant de hausser les épaules et d’offrir un sourire bien vague à Drake. Puis finalement, l’évidence la saisit, et sa surprise se figea dans une question bien idiote. Il ne fallait pas avoir inventé l’eau chaude pour comprendre que, à cette heure, le lycéen aurait dû être en cours, mais qu’il n’y était pas, ayant de toute évidence préféré tenir compagnie à Harley et en profiter pour connaître l’étendue des dégâts. Harley sourit en y songeant. Dans d’autres circonstances, elle aurait certainement posé la question à dessein, afin de forcer Drake à cajoler son orgueil. Mais dans ce lit d’hôpital après une opération qu’elle continuait d’estimer bénigne, il lui était difficile de baigner ses phrases et ses interrogations dans le flot habituel de ses sous-entendus.

Drake plissa un œil et adopta une mimique qui tira à Harley un éclat de rire affable. Qu’il était mignon à faire semblant de réfléchir, comme s’il ne savait pas comment annoncer à la rouquine qu’il séchait en effet les cours pour ses beaux yeux. « Hum...Ouais on dirait bien. C'est pas comme si quelques heures de cours en moins allaient faire un énorme changement sur mon bulletin. Alors quitte à choisir, je préfère voir comment tu vas. En plus si j'avais attendu la fin des cours, je n'aurais pas pu passer te voir, les heures de visites auraient été terminée. » Elle se fendit d’un nouveau sourire. Si, effectivement, elle n’avait pas eu d’intentions cachées en posant la question, la réponse apportée par son camarade lui fit le plus grand bien. Elle sentit sa poitrine se soulever et son ego grandir, tandis qu’elle échappa avec une pointe d’arrogance : « Et puis avoue que j’en vaux largement la peine » La main de Sven serra davantage la sienne, et elle ne put s’empêcher de détourner son regard sournois de Drake pour s’intéresser à son aîné, le défi dans la voix : « Quoi, tu n’es pas d’accord, Sven ? » Le coin de ses lèvres se plissa, Harley goûtant avec délice le jeu futile auquel elle se livrait. Puis toute son attention fut de nouveau happée par son condisciple qui, s’étant saisi d’une chaise, s’installait déjà auprès du lit de la jeune Watson. Elle le regarda faire, un sourcil levé, vraisemblablement ravie de le voir s’éterniser. Elle n’imaginait pas un instant les remous qui pouvaient agiter son amant. Harley ne voyait pas avec la moindre animosité l’irruption de Drake dans leur duo amoureux. Elle était d’ailleurs suspendue à ses lèvres lorsqu’il questionna : « Tu sais si tu vas avoir de la rééducation? C'est pas sûr du tout hein, mais ça arrive et si oui, sache que si tu as besoin je pourrais t'aider; j'ai déjà eu à en faire; je finis par savoir deux ou trois petites choses. » Elle sourit, à nouveau, au point que ses zygomatiques menaçaient de la lâcher. La gentillesse de Drake ne l’étonnait pas, mais elle ne les pensait pas suffisamment proches pour qu’il lui propose son aide. Harley aurait été trop fière pour la lui demander, le cas échéant. Un coin de son regard capta la crispation de Sven, mais elle décida de l’ignorer, trop concentrée sur la proposition du lycéen.

La rouquine ouvrit finalement la bouche, prête à répondre, mais l’ébéniste à ses côtés fut plus rapide. « Ça ferait beaucoup de cours à sécher ça, Drake. » Harley se tourna, surprise, et ne manqua pas de remarquer le sourire qui souleva le coin des lèvres de son amant. Il se tourna à son tour vers elle, et elle attrapa son regard d’un œil interrogatif : « Connor ne te l’as pas dit, mais tu en auras, probablement. Même si tu cicatrises bien, tu as quand même pris un sacré choc. Ils ont estimé que ça sera nécessaire, ne serait-ce que par précaution. » Toute trace de joie avait disparu des traits de la jeune fille, qui se contenta de regarder Sven, clignant distraitement des yeux, tâchant de rassembler ses pensées. Puis elle fit feu, le ton sombre : « Et tu me le dis maintenant ? » Son regard était passablement désabusé. Elle en voulait subitement à l’ébéniste pour ne l’avoir pas prévenue plus tôt, alors même qu’il n’en avait pas vraiment eu le temps. « Je me fiche de leur précaution. » Et elle rabattit les couvertures d’un geste pressant, s’asseyant au bord du lit, tournant ainsi le dos aux deux hommes qui lui tenaient compagnie. Elle posa les pieds par terre, puis prit appui sur eux, se tournant brièvement afin d’accorder un sourire féroce à Sven. Qu’il aille dire qu’elle avait besoin de rééducation après ça ! Elle comptait bien lui faire ravaler sa remarque abaissante, et elle n’avait pas trouvé de meilleur moyen.

Fière de son petit effet, elle fit quelques pas, contournant le lit. D’abord prudente, elle perdit tout intérêt pour cette notion en arrivant à la hauteur de Drake et de sa chaise, et l’un de ses pieds se déroba sous elle. Elle se sentit tomber mais eut la bonne idée de se rattraper au cou de son camarade, et ses fesses trouvèrent directement le moyen de se caler sur ses cuisses. Ainsi accrochée à Drake, et installée sur lui au nez et à la barbe de Sven, auquel elle tournait le dos, Harley tâcha de faire passer sa folie pour une raisonnable audace. « C’était exactement là que je voulais aller ! » Un éclat de rire dépassa sa gorge et elle ne put empêcher ses yeux et son sourire de trahir son amusement. La gêne ne tarderait certainement pas à venir, mais pour l’heure, elle était trop contente de ne pas s’être étalée par terre pour s’encombrer d’un quelconque état d’âme ou du cœur de son aîné, impuissant, derrière elle.

Drake eut presque envie de tirer la langue à Sven quand il annonça qu’il aurait beaucoup de cours à sécher. Ca faisait très gamin une telle réaction, alors il évita. Il aurait pu, ne serait-ce que pour montrer que oui, il était peut-être plus proche d’Harley sur des niveaux que Sven ne pourrait jamais atteindre. L’âge, les centres d’intérêts…Bien d’autres choses plus subtiles qu’il ne pouvait pas comprendre, étant bien plus vieux qu’elle. Quelque part le gymnaste se réjouissait de sa jeunesse. La suite aurait donné envie de rire au jeune homme. La révélation de l’ébéniste ne sembla pas plaire une seconde à Harley. Les sourires qui s’étaient affichés les uns après les autres sur le visage de la rouquine n’étaient plus qu’un souvenir que Drake regrettait déjà. Il ne pouvait rien faire à part observer l’échange. Bon, s’il était honnête, il aurait pu tenter d’adoucir Harley afin qu’elle soit plus clémente avec ce pauvre Sven. Mais il n’en n’avait aucune envie et se garda donc bien de faire le moindre commentaire. Son visage affichait simplement une expression de petit gars redoutant que le courroux de la belle ne se retourne contre lui s’il faisait le moindre commentaire.

Pour tout dire, il s’était presque attendu à un éclat de colère digne de la fille Watson et s’en serait délecté avec une satisfaction malsaine, mais non. A la place, Harley fit quelque chose qui surprit fortement Drake. Elle se leva de son lit. Comme si sa blessure n’était rien de plus qu’une pauvre courbature qui avait nécessité un repos de quelques heures puis tout allait mieux. Il ouvrit de grands yeux à la fois médusés et admiratif. Il la savait déterminée, mais là ça relevait vraiment d’une volonté d’acier. Il ne la quittait pas des yeux, une lueur de pure fierté dans ses yeux alors qu’il la voyait avancer vers eux. L’inquiétude pour son état était là, présente, apportant une adrénaline supplémentaire à Drake. Il finit même par se retrouver assis correctement sur la chaise, le dos contre celui de la dite chaise. Tant mieux d’ailleurs, sinon il aurait eu du mal à rattraper Harley quand cette dernière faillit tomber. Il aurait sauté à son aide de toute façon, mais peut-être pas aussi efficacement qu’il le faisait maintenant. Elle atterrit presque avec grâce sur ses genoux et le gymnaste ne se fit pas prier pour passer un bras autour de la taille de la belle, afin d’être sûr qu’elle ne bascule pas. Il laissa un soupir de soulagement passer ses lèvres sous la forme d’un rire un peu essoufflé et résista à l’envie qui le prenait d’enfouir son visage dans les cheveux de la jeune femme. Non pas par considération pour Sven, il avait bien vite compris que malgré ce qu’il devait à son aîné il ne lui ferait aucun cadeau ici, mais parce qu’il n’osait pas par peur de la réaction de Harley.

"C’était déjà un excellent début. Mais il faut quand même que tu te reposes, sinon tu risques de te faire encore plus mal."

Alors autant Drake aurait eu peur de la réaction de la rousse pour un geste aussi intime que celui auquel il avait pensé, autant passer un bras sous ses genoux (avec la superbe tenue d’hôpital entre les deux, biens sûr) ne lui posait aucun problème. Alors il la souleva, prenant soin de ne pas trop la secouer et alla la reposer dans on lit rabattant les couvertures sur sa forme.

"Tu t’en fiche peut-être de leurs précautions, mais c’est pour ton propre bien. T’en fais pas, si tu te reposes bien, tu seras sur pieds en moins de deux."

C’était comme déclencher une bombe. Puisque Harley semblait vouloir tout nier en bloc, elle était bien partie pour le faire jusqu’au bout. Sven fronça légèrement les sourcils face à la réaction négative de la brunette, mais ne dit rien. Parce qu’il n’eut pas le temps, que déjà, Harley, en grande fille de sa chambre, se posait sur ses pieds et qu’elle s’apprêtait à marcher, pour faire ses premiers pas. Sven était là. S’il ne dit rien, s’il ne pouvait qu’être amusé, aussi en partie, par l’énergie dont faisait preuve la fille Watson, il était prêt à la rattraper si jamais ses pieds décidaient de l’abandonner en chemin. Alors il la regarda se lever, l’appréhension dans le creux de l’estomac, la suivant un temps puis s’arrêta, croyant presque qu’elle y arriverait. Presque. Elle trébucha et, grâce au doux hasard, Drake était sur le chemin, rattrapant la lycéenne sur ses jambes. Sven échappa un soupir, soulagé de voir qu’elle ne s’était pas blessée plus que ce qu’elle ne l’était déjà. Eh oui, s’il était trop soucieux, c’était parce qu’il tenait à elle et qu’il n’avait pas eu droit à la meilleure partie de l’histoire qui comprenait de la morphine et beaucoup d’inconscience.

Ca ne lui échappa pas, la main autour de la taille. Sven ne fit rien. Tout comme il ne réagit pas à Harley qui s’était accrochée au coup de l’adolescent, comme le rire qui franchit les lèvres des deux lycéens. Ils étaient adorables, ensemble. Il ne pouvait nier qu’elle était tombée là, comme ça, et que rien n’était orchestré. Mais l’image qu’ils donnaient ensemble, ces deux jeunes, pinça légèrement le cœur de l’ébéniste. Il se colla contre le mur, croisant les bras, prenant grand soin de garder un sourire amusé sur les lèvres, gardant l’illusion qu’il était aussi touché par l’euphorie de la chambre. Il n’en était rien. Si sa mâchoire s’était décrispée, une boule s’était formée, deux centimètres sous son cœur. Sven était jaloux, pas vraiment protecteur. C’était pour ça qu’il avait réagi aussi mal en apprenant les ébats de Harley et Finn. C’était pour ça qu’il avait envie de faire visiter les urgences au petit Drake, sans qu’il n’y ait de réelle raison.

Normalement l’ébéniste n’était pas comme ça. Normalement, l’ébéniste ne s’éprenait pas d’une fille de 18 ans. Normalement, il ne serait même pas ici. Peut-être serait-il occuper à travailler du bois, sous n’importe quelle forme. Mais il n’aurait pas cette envie cuisante d’écraser son poing sur l’œil du pauvre Newlin. Il se pinça l’arête du nez tandis que Drake, en bon chevalier voleur de vedette, replaçait princesse Harley sur son lit d’hôpital – bon, le dernier détail était moins charmant-. Sven n’aimait pas que le gamin soit aux petits soins avec la fille Watson, cependant, ils ne seraient pas trop de deux pour faire avaler la pilule ‘rester à l’hôpital jusqu’à la guérison’. « Drake a raison. » Il se décolla du mur, s’autorisant à s’approcher enfin de la parfaite petite scène à se faire vomir de guimauve. Ca le tuait de le reconnaitre, mais Drake avait raison. « Ce n’est pas en cavalant dans tout l’hôpital que tu guériras plus vite. » Il utilisait son ton doux et calme. Harley ne s’était pas vu perdre tout ce sang, elle n’avait pas attendu des heures devant le bloc opératoire, elle n’avait pas encore accepté qu’elle était passée à deux doigts d’une petite boite.

Sven, lui, avait eu l’occasion de penser à de nombreuses choses, durant ces heures d’inquiétude totale. Ce n’était pas l’arrivée d’un jeunot comme Drake qui le ferait flipper. Oui, il y avait de la jalousie. Oui, il avait envie de lui faire manger les briques de la chambre, une par une. Ce n’était pas pour autant qu’il le ferait. Ce n’était pas pour autant qu’il le repousserait. « Puis, si tu as peur de rater tes cours, je suis persuadé que Drake se fera un plaisir de t’apporter ses notes, pas vrai ? » Il leva son regard d’ambre vers le principal intéressé, une seconde, sans attendre l’accord de celui-ci. Vu comment il courrait après Harley, il ne serait pas difficile de deviner qu’il accoutrerait pour le moindre des besoins de la fille Watson. A deux, ils ne pouvaient qu’être plus efficaces – même si cette idée lui vrillait les neurones en une atroce douleur-.

Finalement, la main de Sven retrouva celle de sa belle, la serra légèrement. Il se pencha pour l’embrasser, faisant fi de la présence de Drake. L’ébéniste n’avait pas l’intention de se cacher, il avait rendu les choses assez claires à ce sujet, surtout si le jeunot avait deviné le pot-aux-roses. Le baiser fut chaste et délicat. « Tu peux bien faire ça, non ? » Et Sven lui adressa ce sourire, mi-taquin, mi-affectueux, qu’il ne réservait que pour Elle.

En se lançant, Harley avait vraiment pensé pouvoir aller au moins jusqu’à la porte sans problème. Son échec aurait été cuisant s’il n’y avait pas eu les bras de Drake pour la rattraper. Il la maintint solidement alors qu’elle riait pour dissimuler son amertume, sous l’éclat pétillant de ses prunelles. Elle aurait préféré avoir raison, et pouvoir prouver à ses détracteurs d’un instant qu’ils se trompaient lourdement sur ses facultés de récupération. Sven avait osé la suivre lorsqu’elle s’était levée, comme si elle n’était qu’un marmot faisant ses premiers pas. Si à son âge, il aurait pu avoir des enfants, ce n’était pas une raison pour compenser sa frustration sur Harley. La rouquine n’avait pas l’intention d’être sa gamine de substitution. Sa fureur subite contre l’ébéniste l’aida sans doute à ne pas trop se torturer les méninges sur la position dans laquelle elle se retrouva. Et ignorant royalement son aîné, elle concentra toute son attention sur son condisciple, et plongea un regard complice dans ses prunelles sombres.

« C’était déjà un excellent début. Mais il faut quand même que tu te reposes, sinon tu risques de te faire encore plus mal. » Son sourire se suspendit en un vague rictus sur ses lèvres. Harley n’appréciait pas que Drake s’obstine à lui conseiller le repos. Un adulte était bien assez dans cette pièce, elle ne voulait pas voir son élève devenir lui aussi une figure moralisatrice. Pour autant, elle ne se dégagea pas lorsqu’il passa un bras sous ses genoux et la souleva comme si elle n’était qu’un fétu de paille. Harley n’avait pas imaginé une telle force à son camarade, qu’elle continuait de voir, malgré les entraînements de gym, comme un garçon chétif. Il fallait qu’il la porte jusqu’à son lit d’hôpital et l’y replace sans lui laisser la possibilité de se débattre pour qu’elle réalise à quel point elle se fourvoyait à son sujet. Mais la force de Drake lui suffirait-il à se dresser face à Sven ? Un sourire fin recouvra rapidement les lèvres de la jeune Watson, alors qu’une idée retorse parvenait jusqu’à son crâne. « Tu t’en fiche peut-être de leurs précautions, mais c’est pour ton propre bien. T’en fais pas, si tu te reposes bien, tu seras sur pieds en moins de deux. » Un moue perplexe passa sur ses traits, mais elle ne répondit pas, résolument interdite.

« Drake a raison. » La déclaration tomba comme un couperet. Harley ferma un instant les yeux. Lorsqu’elle les rouvrit, Sven s’était approché. « Ce n’est pas en cavalant dans tout l’hôpital que tu guériras plus vite. » Elle tourna sur lui un regard piquant et si elle ne répliqua pas, l’idée était là : On pari ? Sven ferait mieux de ne pas s’obstiner à la contredire, car il ne faisait que la pousser à l’action. Harley ne pouvait pas s’empêcher de lui en vouloir. Elle aurait apprécié qu’il se taise et retourne au mur sur lequel il s’était précédemment appuyé. La lycéenne ne savait pas pourquoi, mais elle avait envie d’oublier jusqu’à sa présence. C’était sans doute en partie lié à l’arrivée de Drake, mais ce n’était pas que ça. Le calme de l’ébéniste l’agaçait, soit parce qu’elle ne le comprenait pas, soit parce qu’elle aurait apprécié qu’il soit plus dynamique. Une partie d’elle aurait aimé voir Sven délaisser son flegme pour le remplacer par une bonne répartie cinglante. Elle aurait préféré le voir défendre son territoire, plutôt que de rejoindre sagement les paroles de Drake. Elle aurait voulu qu’il soit un peu moins sage justement, pour une fois. Harley ne pouvait pas, et ne voulait pas, comprendre que la situation qu’il avait vécu la veille, et toute la nuit, ait pu le mettre dans cet état. « Puis, si tu as peur de rater tes cours, je suis persuadé que Drake se fera un plaisir de t’apporter ses notes, pas vrai ? » C’en était trop. La goutte qui fit déborder le vase, sans doute. Les deux hommes se regardèrent, comme si l’avis d’Harley ne comptait pas. Pour qui se prenait-il ? Ses lèvres se crispèrent, et ses poings se serrèrent sous les draps. L’un d’eux fut cependant rapidement obligé de se détendre pour accueillir la main de Sven. Harley n’accepta pas de bon cœur cette intrusion, pas plus qu’elle n’apprécia l’initiative de son aîné, qui vint plaquer sa bouche sur la sienne. C’était bien la première fois qu’elle ne se délectait pas d’un tel contact avec son amant. Elle fulminait intérieurement, sans arriver à comprendre la moitié des motifs qui la mettaient en rogne contre lui.

Sven avait définitivement décidé qu’Harley n’aurait pas voix au chapitre. « Tu peux bien faire ça, non ? » Non, justement, elle ne pouvait pas. La situation ne lui plaisait pas ainsi, les choses lui échappaient. Harley ne supportait pas de voir que tout se déroulait bien dans le meilleur des mondes possibles. Elle était excédée, et la morphine ne devait plus du tout faire effet, car la jeune Watson avait désormais les idées claires, et son pansement la démangeait désagréablement. D’un geste revêche, elle repoussa Sven afin de se redresser sur le lit, et elle délia ses doigts de la prison dans laquelle ils étaient enfermés. « Je n’ai pas besoin de repos, il faut vous le dire en quelle langue ?! » Elle regarda tour à tour les deux bougres qui ne souhaitaient que son rétablissement, incapable de comprendre leur insistance alors qu’elle-même se sentait tout à fait en forme. « Ce n’est pas ton cas Sven, depuis quand n’as-tu pas dormi ? » Elle ne lui laissa même pas l’occasion de répondre. Ainsi lancée, elle allait être difficile à stopper. « Il ne fallait vraiment pas te sentir obligé de me couver ! Je sais que tu en as l’âge, mais tu n’es pas mon père, alors rentre chez toi plutôt que de me dire ce que je dois faire ! » Elle montrait les crocs, mais Sven aurait été bien naïf de croire que c’était fini. Elle avait encore bien des flèches à son arc. Elle se tourna vers Drake, lui adressant un regard bien plus amène. « C’est gentil de m’aider pour les cours. » Elle attrapa sa main, faisant mine de se désintéresser complètement de l’homme à sa gauche. C’était en réalité loin d’être une façon de remercier le lycéen, il s’agissait plutôt qu’une nouvelle attaque à l’intention de son aîné. S’il ne voulait pas arrêter d’être sage de lui-même, elle était plus que disposée à l’y forcer.

Drake obtint un sourire gêné, puis Harley fixa de grands yeux hypnotisant sur lui. Caressant distraitement le dos de sa main, elle murmura comme si elle ne cherchait à se faire entendre que de lui, quand bien même Sven était assez près pour ne rien louper: « Je ne sais pas ce que je ferais sans toi. » Elle baissa les yeux, et sourit. En apparence, elle paraissait gênée, au mieux amusée de sa propre audace. Mais en réalité, elle était parfaitement ravie, ne pouvant qu’imaginer la réaction de Sven. Harley n’était pas bienveillante, l’ébéniste devrait finir par le réaliser. Et il lui faudrait marcher, ou crever. La rouquine était soudain trop excédée par cette affluence de calme et de bienveillance. Et à mesure que la morphine avait disparu, elle s’était sentie étranglée dans ce cocon que Sven lui avait construit. Il y avait sans doute d’autres raisons à son comportement actuel, bien moins avouables. Mais Harley était surtout, et avant tout, parfaitement odieuse. Elle resterait une gamine capricieuse malgré tous les soins et l’application de Sven, mêlés à la gentillesse de Drake.

L’énervement de Harley montait graduellement, comme par vague et ça se voyait bien. Même Drake, aussi inconscient puisse-t-il être parfois, l’avait compris et s’était juste contenté de son petit commentaire perso, ne pensant pas une seconde que Sven renchérirait. Si la jeune femme avait fait sa petite prouesse, c’était bien pour leur prouver qu’elle n’avait pas besoin de repos. Trop lui rappeler qu’en fait, si, elle en avait besoin, ne ferait que booster ses tentatives à leur prouver le contraire. Ce qui pourrait très vite tourner en des tentatives autodestructrices de la part de la Watson. Or, le gymnaste voudrait bien garder Harley en un seul morceau si possible. Drake croisa le regard de Sven quand ce dernier parla de lui apporter les cours. Sven…Es-tu masochiste à l’extrême ? Ou adepte du SM en général ? Parce que là c’est ce vers quoi tu te tournes en continuant sur cette voie. Visiblement oui, sinon il n’aurait pas tenter d’embrasser la jeune femme comme il venait de le faire – baiser que Drake n’a absolument pas regardé avec des yeux meurtriers pendant une seconde – il aurait gentiment acquiescé pour calmer la belle et serait parti sur un autre sujet.

Là…Là il venait de déchaîner Harley et l’explosion fut violente, elle s’en prenait même à lui. Merci Mr l’ébéniste, merci mille fois. Bon, à côté de cela, les principales attaques étaient contre Sven, donc il s’estimait heureux. Drake aurait pu tenter de venir en aide à son aîné pour qu’il ne subisse pas de plein fouet les remontrances de la fille Watson, mais non. Il s’amusait bien à le voir se prendre ses bêtises dans la tête. La remarque sur l’âge fut particulièrement vicieuse à son avis mais tellement bien placée…Et justifiée, à n’en pas douter dans l’esprit du lycéen. Ne s’attendant pas à ce que Harley ne lui adresse la parole avant un moment, il avait pris appuie sur le lit, attendant sagement que Sven se prenne le savon de sa vie par sa belle. Alors il releva des yeux un peu surpris quand elle s’adressa à lui.

"Pas de soucis Harley."

Il la laissa faire quand elle prit sa main, inconscient, encore du jeu qu’elle mettait en place, utilisant les pions à sa disposition pour faire le plus de mal possible à sa cible, ici, Sven. Il croyait que, quelque part, elle avait simplement décidé d’ignorer l’ébéniste pour continuer une discussion avec lui. Sauf qu’un détail lui mis la puce à l’oreille ; son sourire. La confusion dû se lire sur son visage. Un sourire gêné sur le visage d’Harley, alors qu’il n’y avait personne en témoin d’un tel jeu d’actrice ? Non, ça n’était pas normal. La jeune femme n’était pas du genre à être gênée par un geste aussi simple, pas alors qu’elle l’avait embrassée sans aucune gêne, qu’elle s’était même retrouvée sur ses genoux un instant plus tôt, sans la moindre trace de gêne, alors que là, elle aurait pu, venant de risquer une chute qui aurait été fort disgracieuse. Mais rien, rien du tout. Alors qu’elle feigne la gêne ici ne voulait dire qu’une chose : elle se servait de lui à des fins qu’il préférait ne pas imaginer. Son soupçon fut confirmé quand elle prononça quelques mots à son oreille. Une expression acide passa pendant une fraction de seconde avant de fuir face aux sourire presque candide qui s’afficha sur son visage. Elle voulait jouer ? Alors elle allait jouer, mais sans lui.

"Tu serais probablement perdue, chérie." Il accompagna ses mots d’un bisou, très chaste, plus chaste tiendrait de l’inexistant, sur la joue de la Watson avant de se relever, récupérant sa main "D’ailleurs, si je veux t’aider à t’y retrouver, je ferais mieux de retourner en cours, sinon je n’aurais rien à ne te rapporter et je ne compte pas sur nos camarades pour prendre des notes sérieusement." Sur ces quelques mots il enlaça doucement Harley, son visage caché de son aîné par le visage de la belle et il susurra juste à son oreille, bien assez bas pour que Sven n’entende pas "Je ne serais pas un pion dans ton jeu…"

Avant de la relâcher et de souhaiter une bonne journée à Sven et de quitter la chambre, récupérant son sac au passage. Il ne resterait pas une minute de plus si c’était pour recevoir le traitement de faveur fictif de Harley. Il y avait du progrès, il sentait qu’avec un peu de temps et beaucoup d’acharnement, peut-être qu’il arriverait à débarrasser Harley de cette manie de le prendre pour un simple pion sur un échiquier.