Galaad se retint de faire une moue d’enfant, sa curiosité n’ayant pas été comblée. Il n’y avait rien d’étonnant à tout ceci, il s’était attendu à cette possibilité, qu’elle ne lui réponde pas. Mais le jeu d’actrice de Mahélia était terriblement mauvais et s’il ne rougit pas de honte, il ne put empêcher ses sourcils de se plisser, manquant de se rejoindre à la base de son front. « Il va falloir reprendre tes manières. » Il resta silencieux à cette remarque, sentant qu’il s’était fait prendre la main dans le sac et il n’aimait pas les remontrances du génie, aussi malicieuses soient-elles. Il ne pouvait qu’imaginer le plaisir que la blonde tirait de cette situation et il ne voulait pas lui offrir plus d’amusement que ce qu’elle obtenait maintenant. C’était sans compter sur le revirement de discussion, qui bascula sur les oreillers. Oui, il avait gardé ceux de Mia, et alors ? Il n’y avait rien de si étonnant à cela, en connaissant l’homme organisé qu’il était. La rupture n’avait pas été pénible au point qu’il brûle les affaires de l’organisatrice - même si, présentement, il regrettait de ne pas l’avoir fait, cela lui aurait évité bien des tourments. Galaad n’aimait vraiment pas la lueur qui tournoyait dans les beaux yeux de Mahélia et il prit une gorgée de vin pour l’aider dans ce moment difficile.

« Je ne savais pas que tu avais autant gâté Mia. » Il prit une mine presque offensée, se penchant vers Mahélia qui s’installait un peu plus confortablement sur la chaise. Il passa outre la moquerie présente, le ton sérieux tuant le jeu où il se trouvait. « Ce n’est pas parce que tu étais insupportable que tu ne méritais pas ce qu’il y avait de mieux. » Le moment n’eut jamais l’occasion d’exister, les souvenirs créés de toute pièce étaient caduque, et cela n’échappait à aucun des deux. « Et puis, techniquement, tu n'as rien dépensé. » Il leva les yeux au ciel, ajoutant à ce commentaire. « Techniquement, ce ne sont pas tes oreillers, alors arrête de jouer sur les mots, sinon tu n’auras rien. » Cela avait été avec tout le calme dont il était possible, conscient de la menace qu’il tenait entre ses mains. Sur cette belle parole, il se leva, pour débarrasser la table et s’occuper à nettoyer les divers éléments de la vaisselle qu’il avait utilisée ce soir. Ce qui pouvait être considéré comme un acte de galanterie de sa part, n’en fut rien. Même s’il devait avouer qu’il n’avait pas à cœur de bousculer une Mahélia qui avait l’air d’être relativement bien – elle lui paraissait minable, combien elle s’efforçait de le cacher – c’était avant tout parce qu’il savait que Mahélia n’était pas une plongeuse de première et il était extrêmement avenant, quand il était question de ses instruments de cuisine.

« C'était bon. » Galaad haussa les épaules, les mains plongées dans l’eau chaude et le liquide vaisselle. Bien entendu, que c’était bon. C’était son métier. C’était la passion de l’homme qu’il avait été. Même si ça n’avait été qu’un mirage, il en gardait un savoir-faire, qu’il jugeait bon de ne pas oublier. Surtout qu’il aimait ça, l’art culinaire. Autant le préserver. Il vivrait plus longtemps en maniant la spatule que l’épée, Galaad en était bien conscient. Le silence s’installa et c’est à la fin de sa vaisselle qu’il se retourna, essuyant ses mains avec l’essuie. « T’es crevée. Je vais faire ton lit. » Et sur ce, il se rendit jusque dans son bureau, s’arrêtant devant une armoire, pour y sortir des draps propres, et les fameux oreillers.

Le sérieux soudain dont fit preuve Galaad la prit par surprise. Etrange, vu tout les sujets qu'ils avaient abordé lors de leur jeu de piques et de remarques sarcastiques, qu'il choisisse celui-ci comme hors limite. Ce n'était qu'une illusion, cette relation gravée dans leurs souvenirs, que de la poudre aux yeux. Il devrait être capable de faire la différence, après tout, il n'y avait rien de cette passion bizarre que se portait les deux storybrookiens entre eux. S'ils se plaisaient à jouer, ça s'arrêtait là. Certes, le brun avait un physique agréable et était plus qu'amusant à taquiner. Seulement il n'était qu'un gosse pour elle. Elle l'avait vu grandir à chacune de ses visites et si elle lui portait une quelconque affection, c'était uniquement parce qu'il avait été un gamin bien plus intéressant que l'adulte qu'il était devenu. Alors pourquoi faisait-il preuve d'une telle sensibilité à son sujet ? Peut être avait-ce à voir avec le fait qu'il lui doive la vie. Dieu savait qu'il se prenait suffisamment la tête sur ce sujet, depuis qu'il savait la vérité. Un peu désorientée par ce changement de ton qu'elle n'avait pas vu venir, Mahélia se retrancha derrière une réplique sur les dépenses qui n'en était pas vraiment, histoire de reprendre contenance. Ses esprits retrouvés, elle s'apprêtait à commenter si elle méritait vraiment ce qu'il y avait de mieux, c'était illogique qu'il lui attribue le lit d'appoint. Seulement il fut plus rapide. Et de toute évidence, il avait fini de jouer. Elle laissa tomber, trop fatiguée pour que ça vaille le coup.

Le génie resta assise à table alors que son hôte faisait la vaisselle en silence. Elle jouait distraitement avec une bague dont Mia avait fait l'acquisition. Si d'ordinaire elle refusait d'en porter une autre que celle qu'elle cherchait avec tant d'énergie depuis le lever de la malédiction, elle avait fini par adopter ce substitut. Au moins n'avait-elle pas à remarquer avec mauvaise humeur qu'elle n'avait rien au doigt à chaque fois que son habitude de tourner et retourner la bague faisait son apparition. Elle laissa ses pensées vagabonder, sur rien en particulier. « T’es crevée. Je vais faire ton lit. » Pour seule réaction, elle hocha distraitement la tête. Qu'elle ne proteste pas à l'affirmation prouvait bien à quel point elle était épuisée. C'est que la blonde ne s'accordait pas assez de temps pour se reposer. Mais comment le pouvait-elle ? Il y avait quelqu'un qui avait son anneau et pouvait l'appeler et la lier à lui aussi simplement que ça. Elle ne pouvait pas le risquer, elle devait récupérer le bijou dès que possible. La douleur, elle pouvait la gérer pour le moment. Ce n'était pas agréable, mais elle pouvait vivre avec. L'idée de pouvoir perdre sa liberté d'un moment à l'autre, voilà qui était beaucoup plus préoccupant. Elle s'écarta fermement de cette course de pensée et rejoignit plutôt la salle de bain pour se brosser les dents et appliquer de la crème hydratante sur son visage, histoire de pouvoir se mettre au lit dès que possible. Elle ne demandait qu'à dormir.

Un 'merci' marmonné à travers un bâillement, un 'bonne nuit' souhaité mécaniquement et elle se glissait sous les couvertures. Elle se tourna, se retourna, réarrangea les oreillers et s'endormit presque aussitôt. Malheureusement, ce ne devait pas durer. Mahélia se réveilla au milieu de la nuit, pas beaucoup plus reposée. Pour sa défense, elle essaya d'ignorer son mal de dos et de retomber dans le sommeil. Elle essaya même longuement. Cependant, pas moyen de trouver une position confortable sur ce foutu matelas. Autant pour la bonne qualité de la chose. Elle abandonna dans un grognement de frustration. La blonde se saisit de ses deux oreillers et traversa l'appartement pour rejoindre la chambre de Galaad. Si elle ne fit pas plus de bruit que nécessaire, elle ne s'embarrassa pas non plus de discrétion. Le but n'était pas de réveiller son hôte, mais une part mesquine de son esprit estimait que ce serait une bonne vengeance pour la douleur sourde qui pulsait le long de sa colonne vertébrale. Elle n'hésita pas une seconde avant d'investir le lit du grincheux et poussa même un petit soupir d'aise une fois correctement installée. Niveau confort, c'était quand même tout autre chose. Elle savait qu'elle aurait droit à une bonne dose de reproches quand Galaad ouvrirait les yeux, mais elle ne pouvait pas trouver en elle la force de s'en soucier.

Galaad lui adressa un regard suspect quand Mahélia ne répondit rien à sa proposition. En véritable sale gosse qu’elle était, elle aurait râlé un minimum, pour donner le change. Mais elle resta simplement silencieuse et s’en alla dans la salle de bain, tandis qu’il s’occupait de mettre des draps propres sur le lit d’appoint. Normalement, il aurait dû savourer la coopération dont faisait preuve le génie. Mais quelque chose clochait et même si elle avait probablement passé une mauvaise journée avec cette histoire de dégâts des eaux, le génie qui l’avait traumatisé depuis sa plus tendre enfance avait toujours une réplique à offrir. Là, rien. Galaad plissa un peu plus les sourcils, mais rejeta ces pensées dans un coin de sa tête, en observant Mahélia lui passer sous le lit pour se glisser dans les draps propres. « C’est ça, bonne nuit. » Moins revêche que d’habitude, il ferma la porte et laissa au génie son coin privé. Il fit quelques pas dans son couloir minuscule avant de s’arrêter, posant son regard gris vers la pièce qu’il venait de quitter. Ce n’était qu’un mauvais pressentiment, et parfois, ceux-ci étaient loin d’être juste. Il haussa, finalement, les épaules, avant de finir de ranger un peu l’espace cuisine, pour aller se poser dans son canapé, pour regarder la télévision, pendant une petite heure.

Quelques maugréassions intérieures sur son épisode de Kitchen Nightmare plus tard, il se retira dans sa chambre et tomba comme une masse sur son oreiller. Il s’interdit de songer à Mahélia, ce qui ne lui aurait apporté qu’une nuit blanche. Et en quelques minutes, il plongea dans un profond sommeil, sans rêves. Il ne sait pas très bien quand, dans le cour de la nuit, mais il sentit le froid s’immiscer sous sa couette accompagné d’une présence. Il se retourna et ouvrit lentement les yeux, s’extirpant à moitié du sommeil dans lequel il était plongé. Sa respiration se bloqua dans sa gorge, quand il reconnut les cheveux blonds qui s’étaient installés sur des oreillers. Il crut, un moment, que ce n’était qu’un rêve, comme ceux qu’il avait eu, une fois qu’il avait retrouvé sa véritable identité. Mais tout ceci était terminé et il reconnut cette boule d’ennui, s’installer dans son ventre. Mahélia venait, bel et bien, de s’installer dans son lit. Il poussa un soupir, agacé, et gigota un peu, pour extirper son propre bras callé sous son oreiller. Il tendit sa main et caressa la joue du génie. Cela aurait pu être confondu avec de la tendresse, mais ceux qui connaissaient assez Galaad savaient qu’il était trop rustre pour un semblant de douceur. D’ailleurs, il ne tarda pas de le prouver. « Qu’est-ce que tu fais là ? » Voilà, ce n’était pas une marque de tendresse. C’était pour s’assurer que Mahélia était bien réveillée. Et si le ton n’était pas assez agressif – pour sa défense, il était à moitié endormi - il se contentait de chuchoter. Cela donnait une impression de confidentialité qu’il n’appréciait pas. Alors, il surenchéri, sentant le besoin de poser les limites à cette cohabitation, là où Mahélia prenait ses aises. « J’suis d’accord pour partager mon logement, pas mon lit. »

Mahélia avait enfin réussi à trouver une position confortable, recroquevillée sous la couverture. Ses muscles se détendaient finalement, lui accordant le repos. Et évidemment, ces oreillers étaient parfaitement à son goût. Vraiment, elle était juste à deux doigts de s'endormir de nouveau. Si proche, si proche... Elle aurait pu crier de frustration quand des doigts frôlèrent sa joue. Seulement, elle ne pouvait pas prétendre ne pas s'y attendre. Forcément, Galaad ne pouvait pas continuer à dormir et la laisser faire de même. Cela aurait été bien trop simple. Bien que la caresse en elle-même soit une surprise. Il donnait difficilement dans la tendresse, le bougre, et elle n'était pas trop sure de ce que le geste signifiait. Pas que ça ait une quelconque importance, pas quand son corps criait pour un peu de sommeil. « Qu’est-ce que tu fais là ? » Il devait être fatigué, lui aussi. Le ton manquait cruellement de reproche voilé. Elle se tourna pour lui faire face, n'appréciant pas spécialement de parler au mur. Ses paupières papillonnèrent un court instant, lourdes. « J'essaie de dormir. » Un murmure délivré avec une bonne dose de lassitude et une pincée de consternation face à l'évidence. Franchement : que pensait-il qu'elle faisait dans son lit ? Bon. La question pouvait sembler tendancieuse, mais elle avait l'esprit embrumée. Et puis, honnêtement, pour eux il n'y avait aucune chance d'en venir à autre chose.

Le génie ferma les yeux, estimant que la discussion était close et qu'elle pouvait tranquillement finir sa nuit. Comme elle était naïve, parfois. Et qu'est-ce que le brun pouvait se montrer têtu quand il le décidait. « J’suis d’accord pour partager mon logement, pas mon lit. »  Elle se fichait bien de ce qu'il acceptait de partager ou pas. Il était hors de question qu'elle retourne sur ce qu'il osait nommer 'lit'. S'il voulait vraiment avoir son espace, qu'il y aille ou qu'il investisse dans quelque chose de décent. Elle rouvrit lentement les yeux, son regard plus froid et dur qu'à l'ordinaire. Il n'y avait plus trace de la dérision habituelle avec laquelle Mahélia prenait les choses. C'était là sa limite : son confort ne serait pas négocié. Encore moins par un gosse qu'elle avait contribué à amener dans son monde. Une moitié de lit semblait bien peu de chose pour repayer une vie. « Dans ce cas là, il y a un lit qui t'attend dans le bureau. Et je te préviens, tu n'achète pas que de la bonne qualité, loin s'en faut. » Ce n'était pas très diplomatique. Et dans ce genre de cas, elle ne savait vraiment pas comment Galaad pouvait réagir. D'habitude elle y faisait attention, c'est qu'elle avait acquis un brin d'expérience dans le domaine de la manipulation. Seulement, ce soir, elle n'en avait rien à faire. Elle ne bougerait pas de ce lit tant qu'elle ne serait pas reposée, et bon courage à lui s'il pensait pouvoir y faire quoi que ce soit.

La sensation revint au galop et cette fois-ci, Galaad eut du mal à la repousser dans l’arrière de son crâne. Il essaya, vraiment. En vain. Mahélia n’allait pas bien, pour une raison qui lui était inconnue. Il remercia l’obscurité de la pièce, qui fit qu’il était relativement difficile de lire les expressions de son vis-à-vis, même si celui-ci se trouvait à une trentaine de centimètres de lui. La blonde lui offrit une réponse vague et il se retint de soupirer, devant la vacuité de sa remarque. Pourtant la fatigue de Mahélia ne lui échappa pas. Il était vrai qu’ils étaient en plein milieu de la nuit, donc il n’y avait rien d’étonnant là-dessus. Mais il ne pouvait empêcher ce pressentiment, le chasseur de créature. Il pouvait placer ça sur son instinct. Il avait traqué assez de monstres magiques pour reconnaitre les faiblesses chez certains. Et s’il était dommage de réfléchir de cette manière, Galaad était persuadé qu’il ne se trompait pas. Il pinça ses lèvres en une moue et se contenta de remettre correctement la couverture au niveau de ses pieds. « Dans ce cas là, il y a un lit qui t'attend dans le bureau. » Sous le regard de Mahélia – il percevait la sévérité dans celui-ci – il se tient droit et plus calme, retrouvant les souvenirs d’enfance, ou il se faisait gronder par ses parents, qui lui rappelaient que cette femme avait les pouvoirs de changer beaucoup de chose. Le génie pouvait le faire disparaitre en un claquement de doigt et elle l’aurait vite fait, si elle avait encore sa bague…

« Et je te préviens, tu n'achète pas que de la bonne qualité, loin s'en faut. » Il afficha une mine outrée et marmonna une pauvre réponse, qui sortit, instinctive. « Normal, je fous les gens que j’aime pas là-dessus. » Pas qu’il n’appréciait pas Mahélia… mais il la préférait sur le lit d’appoint que dans son propre lit. C’était sa chambre, son espace à lui. Comme si elle n’était pas assez intrusive comme ça. Ah, s’il avait eu son domaine, il l’aurait foutu dans l’aile opposée de la sienne. Ca aurait été tellement plus simple pour lui. Manque de chance, il s’était pris d’affection pour un petit appartement, où il pensait avoir la vie tranquille. Lui qui ne croyait pas au karma, il commençait à sentir son poids sur ses épaules. Il poussa un long soupir. « T’es chiante. » Pour tout conclusion. Oui, elle venait de gagner cette bataille, et ça lui faisait mal de l’admettre. Mais si elle se tenait tranquille pendant la nuit, au moins ne risquait-il pas de finir à l’état qu’il aurait normalement dû être : inexistant.

Normalement, il lui aurait tourné le dos. C’était ce qu’il prévoyait de faire. Ca aurait été lui éviter beaucoup de problèmes. A la place, il attrapa les mains de Mahélia, se moquant bien qu’elle cherche à lui éviter. Et puis, il ne bougea plus, jonchant entre un sommeil léger et des phrases d’éveil approximatif. C’était fini, à présent qu’il avait Mahélia à moins d’un mètre de lui, il était impossible pour lui de l’ignorer. Car après tout… elle n’avait plus sa bague. Elle en avait d’autres, mais il les sentait vides… comme elle.